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REVUE
ARCHÉOLOGIQUE
ou RECUEIL
DE DOCUMENTS ET DE MÉMOIRES
BELATirS
A L'ÉTUDE DES MONUMENTS; A LA NUMISMATIQUE ET A LA PHIL0L06IE
DE L'ANTIQUITÉ ET DU MOYEN AGE
Publléfl par les principaux Archéologues
rRXMÇAU BT KTHANOKM
et aecompagnéi
DE PLANCHES GRAVÉES D'APRÈS LES HONUMRNTS ORIGINAUX
GARGANTUA
ESSAI DE MYTHOLOGIE CELTIQUE
Par M. H. GAIDOZ
Tirage à part.
PARIS
AUX BUREAUX DE LA REVUE ARCHÉOLOGIQUE
UBBAIIME ACADÉMIQUE — DIDIER et C*
QUAI DES AUGDSTINS, 35
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FRANCK, LIBRAIRE, I AoG. DURAND, libuaibe,
Rne Richelien, 67. | Rne des Grè».
Droits ae traanction et reprodaction réservés.
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( Mémoire lu devant la Société de Lit,
des 6 et 20 juin
Extrait de la REVUE ARC
La civilisation gauloise a été arrêtée!
la conquête romaine, et nos ancêtres i
nument de leur littérature, presque au»
est donc grand quand on veut connaîtij
n'est pas là pour en exprimer les symi
conter les mythes. Nous serions réduits
les auteurs anciens, ou conservés dans
si nous ne pouvions puiser à la source
ditions populaires. Chassés des tempL
réfugiés dans nos campagnes; ils y sont
Il est difficile de les reconnaître, avoj
vent perdu cette grandeur poétique, cel(
térise les dieux primitifs de la race indo
l'ombre, tanlôt on en a fait des saints d/
on les a Iransformés en hôtes invisit
CclAMM UAACA
dées, ses passions, et il y incarne les rôves de son imagination
laive. Quand une ortliodoxie sévère ne met pas l'objet du culie hors
le son atteinte, il s'en empai-e pour le recréer. Mille traits nouveaux
-tiennent s'ajouter au type divin ot en cacher le caractère piiraitif.
Dans les religions qui nous sont connues à la fois par le culte, par
'art, par la poésie et par l.i légende populaire, chacun de ces élé-
ments nous sert à contrôler l'autre et nou> parvenons à retrouver les
nembres dispersés du dieu. Avec la religion gauloise, il en est tout
lutrement. Son côté hiératique, son côié poétique ont disparu; seul,
e côté populaire a subsisté. Cela veut dire que nous ne la connais-
sons que sous sa forme vulgaire et que nous ne l'entrevoyons qu'à
ravers l'imagination enfantine du peuple. N'allons pas non plus
)ublier que celte mythologie des bois et des campagnes a, depuis lors,
îUbi mille transformations dans ^imagination populaire, et qu'elle a
Jù se greffer sur une religion nouvelle d'un génie tout différent. Un
îimple trait mythologique conservé dans une tradition qui court la
:ampagne, voilà le plus souvent ce qui nous reste pour reconstruire
an personnage de TOlympe gaulois.
Mais avant de recréer un dieu gaulois avec les traits que nous a
conservés la légende de Gargantua, montrons, par l'exemple d'une
?ivinité qui nous est connue dans presque toutes les phases de son
éveloppement, combien de dieux différents peuvent se cacher dans
un seul et même type. Que ne trouvons-nous pas dans la légende
d'Héraclès? A l'origine c'est « la gloire de l'air, » le soleil vainqueur
et glorieux, qui détruit les créations monstrueuses des marécages,
le dieu purifiant et bienfaisant. Mais peu à peu le sens du mythe
primitif s'oublie; le nom et les exploits d'Héraclès deviennent un
thème que la fantaisie populaire arrange et développe à son gré.
Entre les mains des philosophes, il arrive jusqu'à c;re l'idéal de la
vertu et de la sagesse : on a dans la mémoire l'Héraclès de Prodicos.
Est-ce ainsi que le comprend le peuple grec? Nullement; Héraclès
est pour lui la personnification de la force physique. Enfant d'une
force prodigieuse, il tue d'un coup de sa llùte Linos, son maître de
musique, qui l'ennuyait. Devenu homme, c'est à la fois un rude et
un joyeux compagnon, qui mange et boit d'autant, c'est l"HpaxX9îç
pou-focYo;, c'est l'Héraclès que le peuple connaît et aime, que le
théâtre met en scène. Le type en est tellement fixé que, dans sa
tragique Alceste, Euripide n'ose le changer (1). C'est, en un mot, le
(1) Sur le mythe d'Héraclès et ses transformations diverses, voir Preller, Grî'e-
chische Mythologie^ 2* éd., t. II, p. 157 -28/1.
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9f/è k
GARGANTUA. 3
géant mangeur que nous retrouvons dans les traditions de presque
tous les pays, et où le peuple personnifie les aspirations infinies d'un
estomac borné comme tout ce qui est humain. Le mythe héracléen
ne nous serait parvenu que sous la forme de celte légende populaire,
pourrions-nous en reconstituer l'histoire? Avec un peu de pénétra-
lion et beaucoup de bonne volonté, je crois que cela ne serait pas
impossible. Je vais du moins tenter une expérience de ce genre sur
un mythe analogue à celui d'Hôraclés, sur un mylhe « de haulte
gresse, » celui de Gargantua. Je vais lâcher d'en découvrir « la
doctrine absconse laquelle nous révélera de très haults sacrements et
mystères horrificques. »
Gargantua est-il une création de Rabelais, ou bien notre Homère
boutïon a-t-il emprunté le nom de ce géant à une légende anté-
rieure, de même que Gœthe a transformé dans son immortel Faust
l'obscur sorcier de la tradition populaire? Eloi Johanneau est, à
ma connaissance, le premier qui ait reconnu dans le Gargantua de
Rabelais un reste de mythologie oubliée : il l'assimilait à l'Hercule
Pamphagos des Grecs (1). Plus tard, en 1829, un critique ingénieux,
M. Philarète Chastes, disait : « Il y avait en Touraine un Gargan-
tua, personnage obscur et chimérique, qui avait une grossière lé-
gende. Rabelais emprunta au peuple ce héros fabuleux (2). » Le
savant Jacques Grimm (3) et M. Bourquelot (4) sont d'accord pour y
voir une tradition qui remonte à l'époque celtique. En effet, quel
que fût le succès du roman de Rabelais, on ne peut y voir Torigine
de ces nombreuses appellations oîi entre le nom de Gargantua.
M. Bourquelot en a dressé la liste avec beaucoup de soin. Nous ne
pouvons mieux faire que de la reproduire ici :
« La popularité de Gargantua est grande, surtout dans les campagnes,
au fond des villages et des hameaux. Sur tous les points de la France, les
paysans ont à conter des prodiges incroyables de sa force, des miracles
de son appétit; on dit encore dans la Beauce : manger comme un Gar-
gantua. Son nom est resté attaché à une foule de monuments, et particu-
(1) Dans l'édition dite Variorum de Rabelais, t. I, p. 37 et p. 166, n. 3, et aussi
dans une note ajoutée à un travail de M. de Saint-Mars [Mémoires de l'Académie
celtique, t. V, p. 395) dont nous parlerons plus loin.
(2) Ph. Chastes, Tableau de la littérature française au XVI" siècle.
(3) J. Grimm, Deutsche Mythologie, V éd., p. 509.
(/i) F. Bourquelot, Notice sur Gargantua, dans le XVII' volume des Mémoires de
la Société royale des antiquaires de France.
4 ESSAI DE MYTHOLOGIE CELTIQUE.
lièrement A ceux que l'on appelle monuments celtiques ou druidiques (i).
— Dans la chaîne de montagne de Sassenage (Isère) s'élève un rocher
dont le sommet est composé de trois éminences en forme de dénis ca-
nines : on les désigne sous le nom de Dents de Gargantua ou de Roche
prou-pena (de beaucoup de peine). — Les monts Jumeaux, aux environs
de Châlillon-sur-Seine, sont appelés Bottes de Gargantua. — A Verdes (Loir-
et-Cher) on voit la soupière de Gargantua. C'est une grande excavation
évidemment faite de main d'homme, et près de laquelle se trouvent un
tumulus et des pierres posées qui contribuent à lui donner une physionomie
druidique. — Sur le méive territoire se trouve une pierre longue d'en-
viron dix pieds et échancrée dans le milieu, que les gens du pays pren-
nent pour les lunettes de Gargantua. — Le géant a laissé dans divers en-
droits des monuments de ses jeux : un palet et une drue à Tripleville
(Lnir-et-Cher); un palet et une drue à Saint-Sigismond (Loiret); des pnlets
a Changé, près Maintenon ((Eure-et-Loir). Ces derniers sont un groupe
de peulvens et de menhirs dont un seul reste encore debout. Suivant la
tradition, Gargantua s'amusait à lancer vers un but des pierres en guise
de disques : le but est le menhir qui a conservé sa position perpendicu-
laire; les palets sont les rochers épars, lancés par le géant contre le but.
— On montre à Néaulles (Eure) la pierre à affiler de Gargantua. — Sur la
crête d'une falaise, proche du château de Tancarville (Seine-Inférieure)
s'élève, à deux cents pieds au-det^sus du niveau de la Seine, une roche de
craie semblable à un immense toit qui surplombe, elle paraît prête à se
détacher et à se précipiter dans le fleuve. Elle est connue sous le nom de
Pierre Gante, et sous celui de Chaise ou Fauteuil de Gargantua. Suivant la
tradition, Gargantua avait coutume de s'y asseoir lorsqu'il se lavait les
pieds dans la Seine, et il y faisait entendre de sourds rugissements qui
retentissaient dans les nuages chassés par le vent de mer et amoncelés
autour du rocher (2). — Il y a aussi, près de Péronne (Somme), un menhir
dit la Pierre fiche de Gargantua; à Membralle (Loir-et-Cher, une pierre de
Gargantua; à Vic-sur-Aisne, une pierre ou pieire à pisser de Gargantua. —
Près de l'abbaye de Saint-Seine (Côle-d'Or), est une ferme à laquelle on
donne le nom de Ferme de Garganl ; aux environs de Kambouillel (Seine-
(1) [Depuis l'époque où M. Bourquelot a écrit ces lignes, on a généralement adopté
l'opinion que les monuments mégalithiques sont prœ-celtigues. Les lecteurs de la
Revue u'ont pas oublié les travaux de M. Alex. Bertrand sur cette matière. |
(2) [M. F. Baudry, qui connaît fort bien la Normandie, a dit, à propos de cette
description de la chaise de Gargnulua : « M. Bourquelot commet à cet égard deux
petites inexactitudes : 1° Il place la chaise de Gnrgnntua près de Tancarville,
lorsqu'elle est à une vingtaine de kilomètres, à Declair; 2° il la décrit comme une
pierre qui surplombe : ce n'est rien de semblable. La Chaise de Gargantua est un
vallon creusé dans les falaises qui bordent la Seine, et borné de chaque côté par des
relevés de roche qui lui font comme deux bras de fauteuil. » {Rei'ue de Flnstruclion
pu/ilif/ue du 19 mai 1859.)]
GAHGAiNTUA. O
el-Oise), uu cimetière où l'on a découvert des restes de poterie romaine et
des lombes mérovingiennes, est appelé les Gargants (1).
« Aux courtes et aux voyages du géant se rattachent divers souvenirs-.
C'est à lui qu'on attribue la formation de la montagne sur laquelle est
établie la ville de Laon. 11 portait un jour de la terre dans une hotte; se
trouvant trop chargé, il jeta dans la plaine une partie de son fardeau, et
la vallée fut changée en montagne. — Près de Chalautre-la-Grande (Seine-
et-Marne) est une butte naturelle, dans l'intérieur de laquelle on atrouvé
des ossements humains, des armes et des instruments. On prétend que
cette bulte a été formée par la boue des sabots de Gargantua, qui vint
jadis les décrotter en cet endroit. Le diable hante encore de nuit la mon-
tagne de Chalautre-la-Grande, qui est elle-même peu éloignée des monu-
ments druidiques de Liours. — A Dormont, près de Vernon, deux tumuli
sont appelés la floiée rfe Gacgrtniua. Dans une plaine de Hurepoix, entre
Dùurdan, Étampes et Arpajon, s'élève un grand rocher isolé que l'on
nomme le Gravier de Gargantua. Au dire des conteurs du pays, Gargantua
jeta dans la prairie ce gravier qui se trouvait dans son soulier et lui blessait
le pied. — On montre près de Portmort (Eure), sur les bords de la Seine,
une pierre levée qui porte le nom de Caillou de Gargantua. — 11 existe
aussi près du bourg de Toury (Loiret), sur la grande route de Paris à
Orléans, un dolmen dont l'origine est semblable à celle du gravier. Le
géant s'y débarrassa, en passant, d'un petit caillou qu'il retira de son sou-
lier, et ce caillou est l'énorme pierre qui a pris le nom de Picire de Gar-
gantua.
« Gargantua paraît avoir fréquenté particulièrement la Bt-auci', le Berry,
la Franche-Comlé. Un jour, il voyageait en Beauce portant sur le dos un
fardeau de bois; pris par la faim, il pria une vieille qu'il rencontra, et
qui menait un troupeau de bœufs, de lui donner à manger. La vieille lui
offrit de se rassasier sur le troupeau, et il le dévora tout entier; en ré-
compense il laissa à la bergère sa charge de bois avec laquelle elle se
chauffa tout l'hiver. — Les Francs-Comtois racontent qu'en se désaltérant
dans les rivières du Doubs et de la Drouenne, Gargantua les mettait à sec :
c'est à lui qu'on attribue l'origine de la Pierre qui vire, près de Poligny.
(1) [Dans une autre partie de la France, nous retrouvons cette appellation de
Gargans, mais attachée à un autre souvenir. J'apprends eu effet, de M. François Le-
normaot, qu'à Rouen, le jour de la fête de Saint-Romain (23 octobre), on vendait de
petites figures (de deux ou trois centimètres de liauteur) représentant des hommes
grotesques pourvus de l'insigne de Priape. On appelait ces figures des G'irgans, et les
jeunes filles en achetaient qu'elles mettaient dans leur corsage d.ns l'espoir de
trouver plus facilement un mari. Il y a une quinzaine d'années, la vente de ces
objets indécents a été interdite par la police. Dans le louable désir de conserver aux
archéologues le souvenir de cette coutume, M. Fr. Lenormant a donné un exemplaire
de ces Gargans au Musée de Saint-Germain. — Je ferai remarquer, en outre, que
l'exemplaire qu'il a eu l'obligeance de me communiquer était, outre l'appendice
priapique, muni d'une double paire d'yeux.;
6 ESSAI DK MYTHOLOGIE CELTIQUE.
— D'après une tradition répandue dans le pays des Grisons, Gargantua a
été vu à Ilanz dans l'attitude du colosse de Rhodes, debout sur deux ro-
chers, et se penchant pour boire d'un trait la rivière qui coule à leur
base. — Il s'est trouvé dans la même position près de Beaugency, et l'on
prétend qu'il posait jadis l'un de ses pieds sur la Pierre tournante et l'autre
sur la Pierre cVOurcière, qui en est distante d'environ trois lieues. — On
dit aussi que Gargantua, se désaltérant au bord de la mer, avala par
niégarde un gros navire qui voguait à pleines voiles. Celle masse tenait à
l'aise dans la vaste capacité de son estomac, mais le géant ne pouvait digérer
le bois du navire. 11 manda donc le médecin et lui déclara qu'en buvant
il avait avalé une egriesnasse (grenasse, petite graine), qui le gênait beau-
coup. Tous les vomitifs ayant été employés sans succès, le médecin prit
le parti d'aller reconnaître sur les lieux, la cause du mal; il trouva le na-
vire dans l'estomac de Gargantua, le coupa en morceaux^ retira les frag-
ments, et le malade fut guéri
« Suivant quelques histoires locales, le tombeau de Gargantua existe
près de la grotte de Miremont (Dordogne), entre Sarlat et Périgueux. C'est
une grosse pierre que les habitants considèrent comme recouvrant les
restes du géant. Il y a aussi une Tomba del géant à Saint-Cirq, près de
Caussade (Tarn-et-Garonne). Le dolmen qui porte ce nom paraît avoir eu
des dimensions colossales : il a été brisé et fouillé, et l'on a trouvé sous
ses fragments des ossements humains. »
A celte nomenclature ajoutons un Palet de Gargantua mentionné
par la Commission de la topograpliie des Gaules dans son Diction-
naire archéologique de la Gaule {époque celtique), au mot: « Allyes,
canton de Bonneval, arrondissement de Châteaudun (Eure-et-Loir).
— A deux cents mètres au sud des premières maisons du village,
rive gauche du Loir, au lieu dit la Plaine d'Ambré, existe un demi-
dolmen. Il est connu sous le nom Pierre-Coupe o\i Palet de Gargan-
tua, et se compose d'une grande table enfoncée dans la terre du côté
nord et soutenue, soixante-dix et quatre-vingts centimètres au-des-
sus du sol, du côté sud, par un pilier médian: longueur de la table,
cinq mètres; largeur, trois mètres quarante-cinq centimètres; épais-
seur, quatre-vingts centimètres. Ce dolmen, dit-on, n'a pas été
fouillé. » M. A. JoanneCl) signale aussi un dolmen appelé le
Tombeau de Gargantua sur le territoire de Corlay (Gôtes-du-Nord).
Il existe encore une légemie populaire sur Gargantua, si nous
croyons le récit que M. Thomas de Saint-Mars a donné, au com-
mencement de ce siècle, dans les Mémoires de l'Académie celtique
(tome Y, pp. 392-5).
(1) Bretayne (dan? 1;. colleciioQ des Guides-Joanue), p. 481.
GAUGANTUA. 7
« Gargantua est Irès-connu dans l'ancien duché de Retz, qu'il a par-
couru il y a bien longtemps. C'est un géant énorme, dont la taille égale
en hauteur celle des plus grands arbres de la forêt. Ce géant venait de
très-loin; il voyage toujours. Il n'est pas méchant pour\u qu'il trouve de
quoi satisfaire son immense appétit. Il porte dans ses poches tous les gens
nécessaires à son service. Un drôle (i) qui le suit, a le dos chargé de la
j farine et du vin, qu'il doit dévorer dans son prochain repas. Lorsqu'il
arrive dans un endroit qui lui semble propre à établir sa cuisine, il s'ar-
rê;e; son drôle décharge son fardeau et s'occupe de suite à construire un
four assez grand pour faire cuire cent pains de dix-huit livres pesant.
Cette opération lui coûte tout au plus dix minutes; le bois pour chauffer
ce four est apporté sans qu'on sache comment; les flammes consument
des arbres entiers.
« Pendant ce temps les gens du géant sont sortis de ses poches; chacun
s'est occupé de son travail, et en moin? d'une demi-heure la table est
servie. Cette table, dont on ne donne pas les dimensions, est ordinaire-
ment chargée d'un bœuf rôli, de quelques veaux, moutons et cochon*,
pris dans le voisinage. Un des gens de Gargantua, monté sur cette table,
remplit à coups de hache les fonctions d'écuyer tranchant; les autres,
par le moyen d'échelles qui posent sur la table et sont appuyées sur les
épaules de sa seigneurie, introduisent dans son énorme bouche, par le
moyen de fourches, et la viande et le pain. Le drôle est chargé de verser
dans le gosier du géant le vin qui lui est nécessaire pour faire passer les
aliments.
Le vase dans lequel il boit est le tonneau lui-même. Il en vide ordinai-
rement douze à. chaque repas. Un de ces tonneaux s'échappa un jour des
mains de l'échanson, et passa avec la liqueur qu'il contenait, dans les
entrailles de Gargantua; il en fut quitte pour un \iûlent accès de colique;
les cris qu'il poussa alors furent si etlVayants qu'ils firent déserter tous les
habitants des environs, qui depuis n'ont point osé revenir : voilà pourquoi
le pays où se passa cet événement (entre Rennes et Nantes) n'est plus
maintenant qu'une lande sans habitants et sans culture.
« Après son diné, Gargantua s'endort pendant trente ou quarante heures.
Son drôle le veille. Le reste de ses gens profite de son sonmieil pour
faire disparaître les débris du repas et chercher les nouvelles provisions
dont doit se charger le drôle avant de se remettre en route.
« C'est au résultat d'une de ses digestions que les villageois de ce pays
attribuent la formation du Moiit Gargant, situé à quelque distance de
Nantes. Il y a près de Rouen un endroit qui porte le môme nom, et qui,
probablement, a la même origine.
« Us racontent aussi comment il éteignit l'incendie qui consumait le
'1) Probablement le tiôll de la niytliologie germanique, dout le àouvenir s'tst
môle à celui de notre celtique Gargantua.
8 ESSAI DE MYTHOLOGIE CELTIQUE.
château d'une fée de ses amies, auquel un méchant enchanteur avait mis
le feu. »
Une œuvre littéraire ne pénétre pas assez avant dans les croyances
populaires pour que le nom de ses héros s'attache aux monuments
des anciens âges et en remplace les noms anciens. Dans ces dénomi-
nations gargantuines d'un grand nombre de nos monuments méga-
lithiques, on ne peut voir que l'importance et l'universalité de ce
mythe encore inexpliqué. —Mais, dit un éruditdontje regrette
d'avoir contre moi l'opinion, M. Baudry (1), Irouve-t-on écrit
quelque part avant le xvi« siècle le nom de Gargantua? La chaise de
Gargantua, que l'on montre dans les environs de Rouen, s'appelle
cathedra gygantis dans les chartes du xiir siècle. — Ce silence ne
prouve rien, car la pensée de coucher par écrit le nom d'une super-
stition populaire eût fait sourire de dédain un scribe du moyen âge,
comme il ferait aujourd'hui sourire le bourgeois voltairien et demi-
lettré de nos campagnes.
Si, sur le continent, nous ne pouvons trouver avant le xvi* siècle
aucun document écrit sur Gargantua, il s'en présente en Grande-
Bretagne, dès le xiie siècle. Nous savons, par les témoignages des
anciens, que la Grande-Bretagne ditïérait peu de la Gaule. C'était la
même population, c'était la même langue. Il ne se présentait guère
qu'une différence, c'est que les Celtes du continent avaient atteint
un certain degré de civilisation, tandis que les Celles bretons
restaient plongés dans une barbarie profonde. Or, je ne puis m'em-
pêcher de reconnaître le dieu celtique qui, sur le continent, est de-
venu le géant Gargantua, dans ce « Gurguntius, lilius nobilis illius
Beleni (2), » que Giraud de Birry, dit Giraud le Gallois (écrivain du
XII* siècle), assure avoir régné sur la Grande-Bretagne bien long-
temps avant l'arrivée de Jules César. D'autres chroniqueurs de la
Grande-Bretagne nous entretiennent de ce Gurguntius. Geoffroy de
Monmouth, écrivain gallois du xii* siècle, dans son Historia regum
Britanniœ, après avoir longuement pailé de Bélinus, consacre deux
chapitres à son fils et successeur Gurgiunt Brabtruc (3). Le Brut
Tysylio, chronique en langue galloise qui est très-probablement anté-
rieure à VHistoria de Monmoutb (4), en parle sous le nom de Gurgant
(1) Dans la Revue de l'instruction puljlique du 19 mai 1859.
(2) Giraldi Cambrensis Tnpographia Hibemirr'^ II, 8.
(3) Chap. XI et xii du liv. III. — Je cite d'après l'édition de San-Marte, Halle,
1854, in- 8.
[k) Voir San-Marte : Gottfried von Monmouth' s Historia regum Bri'anniœ. In-
troduction, p. Lxxii et &q(|.
GARGANTUA. 9
Varf druch. En présence de celle forme, nous n'hésilons pas à re-
garder comme une fausse leçon le Brabiruc que donne l'édilion de
Geoffroy de Monmouth par San-Marte,et nous sommes d'autant plus
autorisé à lire firtri^rwc, que PonlicusYirnnnius, qui publia un extrait
de Gotlfried et de Gildas (1), écrit Gunjuint Barb trucli. Le v cl le b
sont ici équivalents, et les formes diverses correspondent parfaite-
ment. Peler Roberts, dans la traduction anglaise qu'il a donnée en
1811 du Brut Tysylio, rend Varf druch par Grimbeard : San-Marle,
;idoptanl cette traduction, dit Grimmbart. Cela signifie donc en
français Gurgant ou Gurguint à la barbe effrayante. Cette « barbe
efl'iayante » dont la légende fait un attribut de Gurgant, doit être
considérée comme un signe de force, et nous retrouverons un attri-
but analogue dans la légende de Gargantua.
Plus d'une ancienne chronique de la Grande-Bret;igne fait men-
tion du Gurguntius, et il s'est à son sujet élevé plus d'une polémique
entre l'Irlande et la Grande-Bretagne. Des chroniques de la Grande-
Bretagne (5/ wf T?/.s///«o, r/fùfor*V< de Geoffroy de Monmouth, etc.)
assuraient que Partholan, le chef mythique de la première colonisa-
tion en Irlande,, avait reçu l'Irlande encore inhabitée comme présent
de Gurguntius, roi de la Grande-Bretagne. De là on concluait que
l'Irlande relevait de tout iemps de la Grande-Bretagne. Les écrivains
irlandais n'acceptaient point ce raisonnement, et pour le détruire,
s'efforçaient de démontrer que Partholan et Gurguntius n'étaient
point contemporains (2). Ces discussions, qui nous semblent ridicules,
n'étaient pas inutiles, puisque, dans un acte du Parlement passé à
Dublin en lo()l) contre Shane O'Neill, on étayait sur cette légende
(où l'on confondait môme les noms de Gurguntius et de Garmondus)
les droits de la reine Elisabeth sur le trône d'Irlande (3) !
Le souvenir de Gurguntius s'était même conservé dans quelques
villes de la Grande-Bretagne, à Norwich, par exemple. Lorsque, le
16 août 1378, la reine Elisabeth alla visiter Norwich, une procession
sortie de la ville alla au-devant d'elle, et le roi fabuleux de la Giande-
Bretagne, Gurgunt, y était représenté (4). C'est ainsi qu'à certain
(1) Pontici Virunnii Ilistoriœ Britannicœ libri VI.
(2) Voir V Histoire d'Irlande de Keating, p. 193, dans la traduction anglaise de.
John 0' Mahony (iu-8, New-York), et Cambrensis Eversus, auctore Gratiam Lucio,
Hiberno (pseudonyme de John Lynch), chap. xxvi.
(3) Voir le Cambrensis Eversm (loc. cit.), et Haverty, History of Ireland, p. 398,
HOle, où sont indiquées les sources.
(4) D'après Nath. Drake, Shakspeare und his times, se chantait à Norwich un
noël où se rencontre le couplet suivant :
Nel hatii left lier wool at home.
10 ESSAI DE MYTHOLOGIE CELTIQUE.
jour la ville de Douai promène son géant Gayant, que la ville de
Paris promenait autrefois un grand mannequin qu'on appelait (e
Suisse de la rue aux Oues.
Si la légende de Gargantua n'est pas l'invention de Rabelais, elle
devra se retrouver ailleurs que dans cet écrivain. A-l-elle élé, avant
Rabelais, racontée dans des chroniques populaires? Malheureuse-
ment, si répandus qu'ils puissent être, les livres populaires dispa-
raissent rapidement. Il ne se trouve guère de colporteur qui ne les
ait dans sa balle el ne les vende de village en village; mais ces
livres, misérablement imprimés, ont bientôt disparu entre les mains
de lecteurs curieux et négligents. Les bibliothèques publiques les
ignorent, et les bibliophiles se désespèrent de leur rareté. Que nous
reste-t-il de ces Chronicques gargantuines dont « il a esté plus
vendu par les imprimeurs en deux mois, dit Rabelais, qu'il ne sera
acheté de Bibles en neuf ans? » On n'en connaît que deux ou trois
exemplaires. Il ne faut donc pas faire de la rareté de ces chroniques
antérieures au Gargantua de Rabelais un argument contre l'ancien-
neté de notre légende.
On n'a pas assez remarqué, à mon sens, que le premier livre
publié par Rabelais est le « Pantagruel, » qui vient le second dans nos
éditions. Ce n'est que plus tard que, encouragé par le succès,
Rabelais donna le premier livre contenant « la vie très-horrificque
du grand Gargantua. » Je sais bien qu'on attribue quelquefois à
Rabelais les Chroniques de 1532 et de ia33; mais je ne puis recon-
ïhe Flanderkin hath stayed his loom;
No beame doth swinge nor wheel go round
Upon Gurguntum's walled ground;
et Drake remarque : «Gerguntuin (sic) was a fabulous king of Britain who is sup-
posed to hâve builtNorwich Castle. In the procession which went out of Norwich to
meet the queen (Elisabeth) on the lO'h of August 1578 was « one whiche repre-
sented king Gorgunt, soraetiire king of Englande whiche buylded the castle of
Norwich, called Blanche Flowre, and layde the foundation of the citie. He was
mounted upon a brave courser, and was thus furnishcd : his body armed, his bases
of Tvhite and green silke; on his head a black velvet hat, with a plume of whije
feathers. There attended upon him three henchmen in white and greene : one of
them did beare his helmet, the seconde his target, the ihirde his staffe. » Nicfiol's
Progresses, vol. II, p. 5-6. »
J'emprunte cette citation à l'excellent commentaire qui suit la traduction alle-
mande de Rabelais par Régis. Leipzig, 1839, in-8, seconde partie, p. lxxxii.
Quant aux allusions à Gargantua dans la littérature anglaise moderne, c'est bien
certainement à Rabelais qu'il faut les rapporter, celle-ci par exemple qui se trouve
dans le Comme il vous plaira de Sliakspeare : « Pri*tez-moi d'abord la bouche de
Gargantua! » (.4s you like if, acte III, se. ii.)
GARGANTUA. { I
naître, dans ces compilations, ni l'esprit ni le style de Rabelais.
Remarquons en outre que l'histoire de Gargantua y est entièrement
différente de celle que donne Rabelais. Il me semble bien plus na-
turel de penser que Rabelais, excité par la vogue que rencontraient
ces histoires de géants, voulut donner une de ces légendes pour
cadre aux brillantes fantaisies de son imagination railleuse. Il ne
choisit pas Gargantua, parce que la légende de Gargantua courait
déjà la campagne et qu'un nouveau récit de la vie de ce géant se
perdrait, malgré son mérite, dans la foule des compilations gargan-
tuines. Il prit pour héros un lils de Gargantua, Pantagruel, dont !a
légende ne disait presque rien. Là, sa fantaisie ne rencontrait au-
cune légende convenue, et le livre qu'il méditait avait chance de
réussir comme suite à ces Chroniques gargantuines qui avaient tant
de succès. On sait quel accueil favorable rencontra le Pantagruel de
maître Alcofribas Nasier. Mais alors Rabelais rougit de voir son
t spirituel » Pantagruel continuer un insipide Gargantua. La célé-
brité qu'avait proraptement acquise maître Alcofribas Nasier lui
permettait de reprendre le thème vulgaire et de le frapper à son
empreinte, proprie communia. Alors il écrivit ce Gargantua signé du
nom d'Alcofribas Nasier, ce « livre seigneurial » dont le succès re-
jeta bientôt dans l'ombre le Gargantua populaire. Rabelais avait
endigué le flot courant de la tradition, mais en même temps il pré-
parait des tortures aux mythologies de l'avenir.
Dans les Chroniques gargantuines de 1532 et de 1633, non-seule-
ment la légende est autre que dans Rabelais, mais Gargantua ne se
détache pas bien nettement du fond de nos vieilles légendes. Il y
apparaît comme serviteur du roi Arthur de la Grande-Bretagne.
Dans la môme histoire se rencontrent Merlin, la fée Morgane, Oger,
Gallimassue, Obéron, et sous la plume de l'écrivain populaire se
confondent et s'entremêlent les histoires de ces héros légendaires.
Le père de Gargantua s'appelle ici, comme dans Rabelais, Grand-
gousier, mais sa mère s'appelle Galemelle; elle s'appellera Garga-
raelle dans Rabelais.
Mais un texte plus précis va nous montrer Gargantua antérieur à
l'œuvre de Rabelais. Charles Bourdigné, publiant en 1526 (c'est-à-
dire huit ans avant la première chronique gargantuine connue) sa
légende de Maistre Pierre Faifeu, s'écriait dans une Ballades aux
lysans :
De Patheltn n'oyez plus les canticques,
De Jehan de Meun la grant jolyveté,
Ne de Villon les subtilles trafficques,
Car pour tout vray ils n'ont que nacquetté.
12 ESSAI DE MYTHOLOGIE CELTIQUE.
Robert le Dyable a la tête abolie,
Bacchus s'endort et ronfle sur la lyc;
Laissez ester Caillette la folastre.
Les quatre filz Aymon vestuz de bleu,
G(0'gantuu qui a chepveulx de piastre :
Oyez les faits Maistre Pierre Faifeu.
Ainsi, en 1526, l'histoire de Gargantua était connue el populaire,
Uue sont ces <i clieveux de plâtre?» M. Gaston Paris, à qui je dois
de connaître ce texte, pense que c'est peut-être une allusion à une
enseigne célèbre de celte époque, de même sans doute que l'épi-
thète « vestuz de bleu » appliquée aux quatre fils Aymon. On n'a
pas encore, à ma connaissance, trouvé Gargantua dans ce rôle; mais
le fait n'en est pas moins possible, puisqu'il est certain pour les
quatre fils Aymon. L'épithéte « de piastre » peut donc s'expliquer
par la couleur donnée à ses cheveux sur une enseigne. Quant à sa
chevelure, qui ne serait pas mentionnée si elle n'était assez abon-
dante pour être caractéristique, elle nous semble correspondre à
merveille à la « barbe horrible » de Gurgant. Le poil a toujours été
un signe de force, et c'est parce qu'on s'imaginait Gargantua ou
Gurgant avec cette qualité, qu'on l'a représenté comme un individu
« à poil. » J'emploie à dessein cette expression vulgaire parce qu'elle
exprime la façon dont le peuple comprend la force.
Revenons aux Chroniques garganluines.
Différente à la fois de la légende que contiennent les Chroniques
de 1532 et 1533, et de la création de Rabelais, est la Vie du très-
fameux Gargantuas (sic) le plus terrible r/éantqui ait jamais paru sur
laterre, dont un gi-and nombre d'exemplaires furent publiés à Troyes
pendant le siècle dernier et au commencement de celui-ci (I). Cette
histoire, rédigée en style moderne, est très-vulgaire et se borne à des
exploits de force physique et de gloutonnerie. Les tiails qu'on y
rencontre sont communs à presque toutes les histoires de géants.
(1) Je dois à l'obligeance de M. Paul Meyer d'en avoir eu un exemplaire entre les
mains. En voici le titre exact : la Vie du [(mieux Gargantuas, le plus terrible géant
r/ui ait jamais paru sur la terre; traduction nouvelle, dressée sur un ancien ma-
uuscrit, qui s'est trouvé dans la bibliothèque du Grand Mogol. A Troyes, chez André,
imprimeur-libraire, près THôtel de Ville, n" 20^. An M.DCCCVII, 68 p. in-18 (y com-
pris la feuille du titre). — IM. Régis [op. cit., 2^' part., p. cxlix, note) signale un
exemplaire de cette chronique publiée « à Troyes, chez Garnier, » sans date, avec
un privilège du 12 juillet 1728. Cet exemplaire, qui se trouve à la Biblidlièque
royale de Berlin, comprend 40 pages et une feuille pour le privilège. Par les frag-
ments que cite M. Régis, je me suis convaincu que le texte est le môme que dans
l'édition de 1807.
GARGANTUA. 13
Il tue ses maîtres comme Héraclès a tué Linos; il avale une de ses
nourrices, ainsi que font quelques géants des légendes germaniques,
si ma mémoire ne me trompa. Son père est Briarée et sa mère
Garganline. Nous verrons plus loin que le mot français gourgandine
n'est qu'une variation dialectale de ce nom.
Examinons maintenant les traditions diverses que nous avons
énumérées. Il faut d'abord laisser de côté Grandgousier, Galemelle,
Gargaraelle, Briarée et Gargantine. Quand le sens d'un mythe est
perdu, quand on n'a plus conscience du phénomène naturel qu'il
exprime, quand la transformation anthropomorphique est accomplie,
l'esprit populaire sent le besoin de rattacher le dieu à d'autres dieux,
de lui trouver une famille : ou bien on le rattache à des dieux déjà
existants, ou bien on lui invente une famille nouvelle. C'est ainsi que,
dans plus d'une de nos traditions populaires, on donne une mère au
Diable, bien que la mère du Diable soit inconnue à la théologie
chrétienne. C'est à un besoin de ce genre que j'attribue la création
de Grandgousier et de Gargamelle, noms dont le sens est parfaite-
ment clair; de Gargantine, diminutif féminin formé sur le thème
Gargant; quant au nom de Galemelle, je ne saurais l'expliquer.
Reste le nom de Gargantua. Nous négligeons l'explication de Ra-
belais : « Que grand tu as! {supple le gousier), » et aussi celle que
donne l'auteur inconnu des Chroniques de 1533 : v Adonc (Gale-
melle) le nomma Gargantua (lequel est ung verbe grec), qui vault
aultant à dire, comme tu as ung beau filz. Adonc la mère distque
elle vouloit que il eust ainsi nom, et le père fut daccord. » La
chronique qui s'imprimait encore au commencement de ce siècle à
Troyei nous a conservé de ce nom une forme que je considère
comme plus archaïque, Gargantuas.
Gargantua me semble en effet venir d'une forme Gargantiias-atis,
comme Nantua (Ain) est venu d'une forme Nnntuas-atis (1), comme
Cruas (Ardèche) est venu de Crudatus (2), etc. A mon sens, Gargan-
tua est formé avec le suffixe uas-atis (3) d'un thème Gargant, parti-
(1) M. J. Quiclierat (De la formation française des noms de lieu, p. 41) donne
Nanloacurn comme l'ancienne forme de Nantua; mais je trouve Nantuadis dans Dom
Bouquet, VIII, p. 388.
(2^ Quicherat, op. cit., p. 42.
(3) Je n'ignore pas que la plupart des noms gaulois en -uas sont formés du suffixe at
joint à dus substantifs en u (voir Gluck : Die bei C. Julius Cœsar vorkommenden
Keltischen Namen, p. 8 et 110). Mais l'existence du nom breton Gurgont nous semble
répugner à cette explication. Nous croyons plutôt que les noms eu -uas, -uatis,
étant devenus fréquents, on a fini par considérer uas comme un suffixe, et qu'on l'a
14 ESSAI DE MYTHOLOGIE CELTIQUE.
cipe présent de garg, forme intensive formée par redoublement de
la racine Gar « avaler, dévorer. » Du môme thème participial, mais
avec un autre suffixe, est formé le nom de Gurgunlius, el le Brut
Tysylioa gardé la forme primitive en affaiblissant le premier a en u,
Gurgant.
Le redoublement de cette racine Gar doit être un fait très-ancien,
car nous le retrouvons dans la forme sanscrite ni-galgal, « dévorer
avec avidité (1), n dans les formes grecques pi-êpcoaxo), Y°PPP-'^'
7apYap-(Cw. C'est la même racine qui a fourni en sanscrit gargara,
« abîme, » en grec yépY^po-ç, yapYap-ewv, en latin giirgula, gurgulio,
plus tard ciirculio, en ancien haut-allemand querechda, d'où le
moderne allemand Gurgel. La racine redoublée se retrouve sous la
forme abrégée garg dans le latin gurges, g'tir^îïis, dans l'ancien
norrois Kverk, et dans l'ancien haut-allemand querc-a,d'o\i (soit dit
en passant) notre mot français carcan (2). C'est à cette racine que je
rapporte l'espagnol et le languedocien garganta, « gorge, » littéra-
lement « l'avaleuse, » et aussi l'ancien anglais gargate et le breton
gargaden, qui ont le môme sens. Gourgandine n'est évidemment qu'une
variation dialectale de Gargantine, le nom de la mère de Gargantua
dans la Chronique de Troyes (3). /«e étant un suffixe de diminution,
Gargantine et Gourgandine signitieraient donc étyniologiquement
« petite mangeuse. » Le masculin correspondant à Gourgandine se
retrouve dans le provincial Gargandin, « garnement, » que donne
M. le comte Jaubert dans son Glossaire du Centre de la France
(2^ éd.). Ajoutons les mots provençaux Gargantuan, « homme, bote
vorace;» gargaou, « gavion, gosier, » et l'espagnol gargantoti,
« glouton. » Je rapporte à la même racine les mots français gargote
etgargouille. Ce dernier, qui signifie, comme on sait, un objet par
où l'eau s'échippe, est sans doute le diminutif d'un nom signifiant
« gorge, » et ce nom aujourd'hui perdu, venu du radical ^or^/, signi-
fiait à peu prés « l'avaleuse.» J'explique donc le thème Gargant, que
nous a conservé le nom de Gargantua, comme signifiant « le dévo-
rant. » Cette observation est conlorme aux lois de la phonétique
joint à ce titre au thème Gargant dont on oubliait la signification participiale et
qu'on voulait renforcer d'un suffixe.
(1) Dans cette phrase du Jajur-véda, par exemple : â hanti gale pasô nigalgaliti
dhânikâ.
(2) Pour tous ces rapprochements, voyez Ficlc : Wœrterbuch der Indogermanischen
Grundsprache, p. 57 et 58.
(3) C'est ainsi que dans son Glossaire du Centre de la France M. le comte Jau-
bert donne à cô..é l'un de l'autre, comme signifiant « gorge, larynx, » Gurganet et
Gourganet,
GARGANTUA. 15
celtique ; car, d'une part nous savons que le Ginitial indo-européen se
conserve tel en gaulois; par exemple garanos, « grue(l),)) qui vient
d'une racine Gar, « crier, » d'où les noms grecs et germaniques de
la grue : grec, yspavo;, anglo-saxon, cran (angl. mod. crâne), et
ancien haul-allemand, cran-uh (2). Quant au sulTixe ant^ ou plus
exactement nt, il était fréquent en gaulois (3) et probablement il y
était originairement, comme en latin, la syllabe formative du parti-
cipe présent.
Gargantuas est donc une épithète ajoutée au nom d'un dieu,
épiLhéte qui, séparée deson sul)stantif, est devenue une divinité par
elle-même. Celte même racine Gar a fourni à la mythologie indoue le
nom d'un dieu que Ton regarde comme une personnification de la
lumière, le dieu Garuda, le vainqueur des serpents Nagas (4).
Ce nom de Gargantua, « le Dévorant, » convient bien à un géant.
Les géants de l'Allemagne portaient autrefois une dénomination
analogue. En effet, pour désigner les géants, nous rencontrons en
norrois iotunn, en anglo-saxon eoten (d'où l'ancien anglais etiîiy
l'ancien écossais ettyn), en ancien saxon etan. Ce nom, identique
sous des formes diverses, vient en effet de la racine ad, « manger » (en
gothique itan), et signifie manducus, -KoXu'^a'Yoç. Ce nom a disparu
aujourd'hui de la langue et ne s'est maintenu que dans une appella-
tion géographique, le Jutland, « le pays des Géants, » qui a conservé
son nom des êtres fabuleux dont le peuplait autrefois l'imagination
des Germains. De même l'ancien norrois thurs, « géant, » signifie
« l'altéré (5). »
Il nous reste à chercher l'origine du mythe de Gargantua, à déter-
miner l'époque où il s'est formé, les phases qu'il a traversées. La
question est d'autant plus délicatequ'avant le xii* siècle nous n'avons
aucun document écrit qui fasse mention de Gargantua. Aucune ins-
cription ne renferme ce nom.
Gargantua nous semble être un dieu gaulois transformé en géant;
car nous avons peine à croire qu'il ait pris naissance au moyen âge.
Ce mythe, en effet, ne rentre pas dans l'histoire comme les légendes
où Charlemagne a remplacé d'anciennes divinités germaniques. Il
ne rentre pao non plus dans les traditions chrétiennes; il viten
dehors d'elles et n'a avec elles aucun point de contact. On peut attri-
(1) Dans l'inscription des autels de Notre-Dame : TAnvos trigaranos.
(2) Voyez Fick, o/j. cit., p, 58.
(3) Voir les exemples qu'en donne Zeuss, p. 759 et sqq. de sa Grammatica celiica.
(4) Voir Bœthlinck et Roili: Sanskrii-Wœrterbuc/i, sub verbo Garuda.
(5) Voyez J. Grimm, Deutsche Mythologie, 2« éd , p. 485 et sqq.
16 ESSAI DE MYTHOLOGIE CELTIQUE.
buer au moyen âge la créalion de quelques personnages légendaires
du christianisme, tels que saint Christophe ou sainte Véronique;
des légendes comme celle du Trou de Saint-Patrice, ou comme celles
qui en maint endroit se sont attachées au nom de la Vierge Marie,
peuvent être considérées comme créées de toutes pièces au moyen âge.
Mais dans Gargantua nous avons un type préchrélien. Il nous semble
que l'imagination populaire d'une race devenue chrétienne n'aurait
pu créer un type qui ne tient au christianisme par aucun côté.
Ce qui plaide aussi en faveur de lantiquiié de la tradition gargan-
tuine, c'est son universalité. Elle se rencontre dans les provinces
les plus diverses de notre France, elle se retrouve en Grande-Bre-
tagne. Ce n'est pas une légende locale, c'est un souvenir qui appar-
tient à toute une race. En Grande-Bretagne même, nous trouvons
son nom associé à un nom qui est bien évidemment celui d'une divi-
nité celtique, « Gurguntius, filius nobilis illius Beleni. » Comment ne
pas reconnaître dans ce prétendu roi de la Grande-Bretagne qui, sui-
vant les naïfs chroniqueurs, aurait régné plusieurs siècles avant
Jésus-Christ, l'Apollo Bélénus des Gaulois, dont le culte était si
répandu? C'est l'opinion de M. San-Marte (1), et nous la partageons
complètement.
Mais quelle divinité était Gargantua, ou, pour parler plus exacte-
ment, à quelle divinité s'était attachée cette appellation de Gargantua,
qui, comme nous l'avons vu, signifie le « Dévorant? » Ici, avouons-le,
nous ne pouvons que présenter des hypothèses.
L'idée maîtresse du type de Gargantua est la force : de là décou-
lent ses différentes qualités. Le dieu qui représente principalement la
force étant Hercule, nous regardons Gargantua comme un développe-
ment de l'Hercule gaulois. Hercule était honoré chez les Gaulois : de
nombreuses inscriptions l'attestent. Elles ne nous le font connaître,
il est vrai, que sous le nom latin d'Hercules. Mais peut-être, les noms
celtique et latin étant à peu prés homophones, y a-t-il eu confusion
entre eux, de môme qu'à Rome il y eut confusion entre l'ancien
Herculus italique et l'Héraclès grec. Si, en Gaule, le nom latin
Hercules a supplanté le nom gaulois, de nombreuses épithètes
celtiques (pour la plupart encore inexpliquées) accompagnent ce
nom dans les inscriptions votives et montrent bien clairement qu'il
s'agit là d'une divinité nationale de la Gaule. Les exploits que quel-
ques écrivains grecs attribuent en Gaule à l'Hercule grecou tyrien.
(IJ Dans son édition de Gottfried de Monmoulli, p. 238 et sqq.
«vARGANTL'A. 17
l'explication mythologique tie la Cran, de ses campi lapidei {{), sont
peut-être des légendes gauloises adaptées par les colons de Marseille
aux légendes de leur pays. Quant au prétendu Hercule gaulois de
Lucien, l'Hercule Ogmios, il n'a rien à faire ici. Des personnes com-
pétentes s'accordent à croire que Lucien s'était trompé et que pour
un Hercule il avait pris un Mercure, sans doute quelque Mercure
correspondant à l'Epu-YJ; >.oftoç des Grecs (2).
Mais d'où Hercule aura-t-il reçu cette épilhèle de Dévorant? Pro-
bablement des sacrifices humains qu'on lui offrait. Les sacrifices
humains étaient chose commune chez les Gaulois : de nombreux
témoignages nous l'attestent (3). Le plus souvent on brûlait les vic-
times; on pouvait donc dire que la divinité les dévorait, et si un
dieu recevait plus qu'un autre Thoramage de victimes humaines
offertes de cette façon, la terrible épithète de dévorant devait s'appli-
quer d'elle-même à ce Moloch celtique. Rappelons-nous ce sacrifice
que raconte César. Dans le chapitre où il nous dit que les Gaulois
étaient adonnés aux pratiques et aux croyances religieuses (Natio
est omnis Gallorum adinodum dedita religionibus), ilajoute : « Immani
magniludine simulacra habent, quorum contexla viminibus membra
vivis hominibus comptent : quibus succensis circumventi flamma
exanimantur homines (4). » César ne nous dit malheureusement ni
à quelle époque de l'année, ni à quelle divinité s'offrait ce sacrifice.
D'accord avec M. Liebrecht(5),nous voyons un reste de ces sauvages
offrandes de nos ancêtres dans la coutume de brûler à Paris un
mannequin qu'on appelait au moyen âge le Suisse de la rue aux Oues.
(1) Sur les prétendus voyages et exploits de l'Hercule tyrien en Gaule, voir
Araédée Thierry, Histoire des Gaulois, liv. I, cli. i.
(2) C'est l'avis de Dom Martin {Religion des Gaulois, t. I, p. 397), et un des
hommes de notre temps les plus compétents en matière gauloise, M. J. Becker,
émet la même opinion {Jahrbûcher des Vereins von Alterthumsfreunden im
Rheinlandey 1867, 42 hft.). — Dom Martin {loc. cit.) dit à tort que déjà, dans l'anti-
quité, Eunapios de Sardes avait reconnu l'erreur de Lucien. Cet écrivain parle, il
est vrai, des chaînes de Mercure, mais sans allusion à Ogmios. Au reste, voici ses
paroles : To os Tlopçupioy xXso; eî; n>.tDTÏvov uàaa [làv àyopà, Tràcra Se 7t>,T|6ùc àvé-
(pepEv. '0 [AÈv yàp IDiotïvo; tw t£ vf\^ 'l'^X^' oùpavîw xai tô) \ol.îa xai atviyjjiaTwôêi
TÔJv ),6Ya)v papùç èooxsi xal ôuffVixoo;. '0 oi Ilop^Opio; woTtep io^.an%r\ tu; aeipà xai
Ttpo? àv6pu)uo\j; ÈitiveOoucra 6ià TtocxOiri; Ttatosta; nàna ei; tô euYvaiffTOv xac xaôapôv
è?TiYY£X).£v ^Eunapios de Sardes, édition Boissonade, Amsterdam, 1822, 2 vol. in-8,
t. I, p. 9).
(3) M. Diefenbach les a réunis à la page 183 de ses Origines Europeœ. — C'est
l'autorité des Romains qui a supprimé en Gaule les sacrifices humains.
{Il) Strabon fait le même récit, liv. IV, iv, 5.
(5) Dans son édition des Otui imperialin de Gervasius de Tilbury, p. 213.
18 ESSAI DE MYTHOLOGIE CELTIQUE.
e Au milieu de celte rue (I) et au coin de la rue Salle-au-Comte, est
une statue de la sainte Vierge, mal à propos nommée 'Notre-Dame de la
Carole. Il n'est aucun de nos historiens qui n'ait parlé d'un attentat sacri-
lège commis sur cette statue, par un soldat, le 3 juillet UJ8; on rapporte
que cet impie, désespéré d'avoir perdu son argent au jeu, frappa cette
figure d'un couteau et qu'il en sortit du sang; que ce malheureux ayant
été conduit devant le chancelier de Marie, son procès lui fut fait et qu'il
subit le dernier supplice : toutes ces circonstances sont représentées dans
un tableau qu'on voit à Saint-Martin-des-Champs, dans la chapelle de la
Sainte-Vierge qui est derrière le chœur. Les uns ajoutent que cette statue
fut portée à Saint-Martin-des-Champs, où elle est révérée sous le nom de
Notre-Dame de la Carole, parce que cet événement arriva, disent-ils, sous
le règne de Charles VI; d'autres prétendent que c'est la môme qu'on voit
aujourd'hui dans cette rue. Je n'ai point de preuves décisives pour ap-
puyer ce fait, ni pour le cortlester, mais j'avoue que la variété des rap-
ports et des circonstances me paraît un motif assez plausible pour ne pas
les adopter sur la foi d'une tradition bien incertaine. En premier lieu, le
Journal de Charles VI, l'Histoire de ce prince par Jean Juvénal des Ur-
sins, la continuation de celle de Le Laboureur par Jean Lefévre, de même
que nos meilleurs historiens ne parlent point de ce fait. 2' En le suppo-
sant vrai, on ne peut pas dire que le coupable ait été traduit devant le
chancelier de Marie, puisque ce magistrat, victime de la faction de Bour-
gogne, avait été massacré le 12 juin précédent. 3° Les registres du parle-
ment portent que le 29 mai, avant l'aurore, le duc de Bourgogne étant
entré dans Paris, le parlement suspendit ses fonctions, et ne les reprit que
le 23 juillet suivant. 4° La chapelle de Notre-Dame-de-la-Carole qui est
au rond-point ou chevet de l'église de Saint-Martin-des-Champs, et la
statue qu'on y voit, existaient sous ce nom longtemps avant le règne de
Charles VI ; ce n'est que sur la tradition de l'événement dont il s'agit qu'on
a placé à l'entrée de cette chapelle un tableau qui en représente les dif-
férentes circonstances. Je dois cependant observer que dans la nef de cette
église, à gauche, près du chœur, est un autel sur lequel est posée une
petite statue de la Vierge, qu'on croit, avec assez de vraisemblance, être
la même que celle qui était dans la rue aux Oues. Quoi qu'il en soit, il y
a un grand concours de peuple dans celte rue le 3 juillet de chaque
année. Personne n'ignore que ce même jour on faisait en ce lieu un feu
d'artifice, et qu'on y brûlait une figure habillée comme les Suisses : cette
nation a réclamé contre un usage qui lui était injurieux, et dont elle
avait d'autant plus sujet de se plaindre qu'il n'y avait point alors de
Suisses en France. La sagesse et la vigilance des magistrats, qui veillent
au bon ordre et à la sûreté publique, ont fait cesser les plaintes des
Suisses, et prévenu les incendies que le feu d'artifice pouvait occasionner
en cet endroit si resserré. Il serait à souhaiter qu'on supprimât aussi
(l) La rue aux Oue9 (via ad Aucas), par corruption rue aux Ours.
GARGANTUA. 19
l'usage, qui subsiste encore (1), de promener à ce sujet dans les rues de
Paris une figure gigantesque et ridicule, qui n'est propre qu'à effrayer
les enfants et à frapper désagréablement l'imagination des femmes en-
ceintes, au>:quelles il est souvent dangereux de présenter des objets dif-
formes : de fâcheuses expériences ne font que trop sentir les conséquences
funestes qui en peuvent résulter (2). »
On voit qu'ici rimaginalion populaire a cherché l'origine de celte
fête dans un fait historique. Les anachronismes signalés par Jaillot
montrent bien que ces explications sont venues se raccorder posté-
rieurement à une ancienne coutume. Cet évhémérisme ne peut donc
nous satisfaire, et il est bien évident que nous avons ici les restes
d'une cérémonie religieuse antérieure au christianisme.
Remarquons en effet la date de cette fête : le 3 juillet, c'est-à-dire
à peu de distance du solstice d'été. C'était, chez les anciens peuples
indo-européens, une date à laquelle on rendait un culte tout particu-
lier au soleil (3). Ces fêtes du solstice avaient tant d'empire sur la
foule, qu'au vii^ siècle saint Eloi disait au peuple : « Nullus in
festivitate sancti Jokannis, vel quibuslibet sanctorum solemnitatibus
solstitia aut vallaliones, vel sailationes, aut casaulas aut cantica
diabolica exerceat (4). » Quant au culte direct du soleil, il avait
certainement laissé des traces, puisque le même prélat disait dans le
même discours : « Nullus dominos solem aut lunam vocel, neque
per eos jurel. j
Dans le Suisse de la rue aux Oues que l'on brûle en grande pompe,
nous avons un dédoublement du feu delà Saint-Jean. On sait en
effet qu'en beaucoup d'endroits l'usage était de jeter dans le feu de
la Saint-Jean des mannes ou des paniers en osier contenant des ani-
maux, chats, chiens, loups, renards (ijj; contexta viminibus membra,
comme dit César. Sachant par d'anciens témoignages que brûler des
(1) Jaillot écrirait en 1782.
(2) Jaillot, Recherches sur la ville de Paris, t. II, quartier Saint-Denis, p. 83-85.
(3) Voy. J. Grimm, Deutsche Mythologie, 2« éd., p. 583 et sq.
(i) S. Eligii episcopi Noviomensis Vita a S. Audoeno Rothomagensi episcopo
scripta, lib. Il, cap. xv. — Migne, Patrologie, t. LXXXVIl, p. 528.
(5) Voici un témoignage de 1778 : « Il y a encore quelques villes dans le royaume
où le maire et les échevins font mettre dans un panier une ou deux douzaines de
chats, et les brûlent dans le feu de joie de la veille de la Saint-Jean. Cette barbare
coutume, dont j'ignore l'origine, subsistait même dans Paris et n'y a été abolie qu'au
commencement du règne de Louis XIV.
On lit dans un des exécrables libelles (a) du temps de la Ligue, que les ecclésiasti-
ques qui avoient assisté à la prétendue couversion d'Henri IV, méritoient d'être
{a) Le banquet d'Arété. par Louis d'Orléans.
20 ESSAI DE MYTHOLOGIE CELTIQUE.
victimes humaines était chose fréquente chez les Gaulois, nous som-
mes autorisés à penser que, dans le feu de la Saint-Jean, les animaux
ont, à une époque plus civilisée, remplacé des créatures humaines.
Le sacrifice que mentionne César sans en donner la date, devait donc
se faire au solstice d'été, et le dieu auquel on donnait l'épilhéte de
Dévorant était celui qu'on adorait au solstice d'été, c'est-à-dire un
dieu solaire. Il se pourrait donc que Gargantua fût originairement
une personnification du Soleil. La distance est longue entre l'être
glorieux qui anime la nature, et le géant qui boit et mange d'autant ;
mais le mythe d'Héraclès nous a montré, plus haut, la possibilité de
cette transformation.
Disons donc pour conclure :
1° Que Gargantua est certainement un type antérieur à Rabelais,
et que ce mythe est celtique, puisqu'on le trouve répandu en France
et en Grande-Bretagne, et non ailleurs;
2° Que Gargantua est probablement le développement populaire
d'un Hercule gaulois;
3° Que Gargantua est peut-être un mythe solaire.
H. Gaidoz.
P. S. — Dans le travail qu'on vient de lire, nous avons voulu seulement
remonter à l'origine du mythe de Gargantua, et nous avons volontaire-
ment laissé de côté toute une série de légendes, bien qu'elles nous sem-
blent rentrer dans la même famille, (elles que le Croque-mitaines dont on
fait encore peur aux enfants, le Maschecroutte qu'au moyen âge on prome-
nait à Lyon pendant le carnaval (1), etc. Peut-être pourrait-on y rattacher
le Gayant de Douai, le GrauUide Metz, la Gargouille de Rouen, la Chair
Salée de Troyes, etc. Mais pour entreprendre des travaux fructueux
sur ces matières, il faudrait que nous eussions des recueils, faits avec soin,
des croyances populaires de nos provinces. On commence dans les dépar-
tements à s'occuper des patois : ne donnera-t-on pas quelque attention
aux traditions locales?
attachés en Grève comme fagots, depuis le pied jusqu'au haut de l'arbre de la saint
Jean; que ce prince devait être mis dans le panier oit l'on met les chats; et que cela
serait un sacrifice agréable au ciel et délectable à la terre. » (Saint-Foix, historio-
graphe des ordres du roi. Œuvres complètes, t. V, p. 427.)
'L'Histoire de Metz., publiée par les Bénédictins, nous atteste qu'à Metz on brûlait
des chats la veille de la Saint-Jean ; et quelques-uns faisaient remonter cette coutume
à saint Clément, le légendaire vainqueur du Graulli.
(1) Voy. Rabelais, liv. IV, ch. Lix, et le Commentaire de Le Duchat.
.,\HJS. — IMPniMKniE ni.I.KT FILS aINÉ, rue nES CnANDS-AUGUSTINS,
ii
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i.dumiuisirdiion ei les Dureaux d'dbonnenfent de la MWE ARCHÉOLOGIQUE son
-a Librame académique Didier et C», quai desTugustins, 35. j
MODE ET CONDITIONS DE L'ABONNEMENT
A ï/?.Tf ^^<^^^^^°9ique paraît le ^» de chaque mois, à partir de janvier 1860, par cahi,
de 64 à 80 pages grand m-8% qui formeront à la fin de chaque année deux volumes on
de 24 planches gravéea sur acier et de graviïres sur bois intercalées dans le texte. La li
des bouscripteuis sera publiée et indépendamment de la table alphabétique des matiè
du semestre, une table alphabétique, destinée à faciliter les recherches, terminera chaq
PRIH. t
PourParis j^.°^"-. 25 fr.
I Six mois 1 4 fr.
Pour rétranger,
OIV 6 ABOniIVE ÉGALEMENT
Pour les départements {
27 f!
15 C
AGEN
AIX
ALGER
AMIENS
ANGERS
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AUTUN
AVIGNON
BEAUVAIS
BESANÇON....
BLOIS
BORDEAUX....
BOULOGNE...,
BOURGES
CAEN
CHALON
CHAMBERY...
DIEPPE
DIJON
DOQAI
DUNKERQUE.,
GRAY
GRENOBLE....
LE HAVRE....
LA ROCHELLE.
LILLE
LIMOGES ,
LYON ,
MARSEILLE....
Bertrand; Chairou et C*.
Makaire; Remondet.
Bastide; Tissier.
A. Caron; Prévost-Allo.
Barasse; Cosnier ei Lachêsb.
TOPINO.
Eenault.
Clément Saint-Just.
V. Pineau.
Mme Baudin.
Rousseau; Marchand.
Chaumas; Fkrbt.
Mme Deligny.
Vermeil.
Bouchard; Lecost-Clérissb,
MULCET.
Perrin.
Marais.
Lamarchb; Hbmeht.
Madoux.
Maillard.
Caussade.
Maisonville et Jourdan; Merlk.
Mme Buys ; Cochard.
Gout.
BiiGiiiN; QUARRÉ.
MaRMIGNON ; DUCOURTIEUX.
Brun; Bohaire.
Camoin frères; Mme Dotertrb;
AlBESSARD et BÉRARD.
Un an. . . .
Six mois. .
, le port en nu.
DANS LES DÉPARTEMENTS i
MEAUX Leblondel.
METZ... Rousseau.
MONTPELLIER. , . Virenque ; SÉGUIN.
MOULINS Mal Place.
NANTES GuÉRAUD; ForksT; Fbtitpas..
NEVERS MiCHOT; MOREL.
NICE ViscoNTi.
NIMES Peyrot-Tinel; Giraud.
ORLEANS Blanchard.
PAU Lafon.
PERIGUEUX Bounet; Lenteionb.
PERPIGNAN Alzine.
POITIERS LÉTANc; BoNAMT.
QUIMPER
REIMS
RENNES ,
ROCHEFORT .
Jacob.
Bris?art-Binet.
Deniel; Verdier.
Giraud.
Lebrument; Herpin.
SAINT-QUENTIN. Doloy.
SAINT-OMER Tumerel-Bertram.
SAINT-BRIEUC... Guyon frères.
SOISSONS Cervaux.
STRASBOURG Treuttel etWuRTZ; PiTON;
Salomon.
TOULON MoNGE.
TOULOUSE Armaing; Gimet; Privât.
TOURS Delpire; Guil^and-Vercer.
TROYES Bouquot; Dufey-Robkrt.
VALENCE CoMBiER.
VALENC1ENNES.. Lemaitre; Giard.
A L'ETRANCiEB
ALLEMAGNE.
FRANCFORT Baer, Jugel.
BERLIN Schneider et Ce.
LEIPZIG Brockhaus; Dorr: Mierisch
VIENNE Gerold fils.
HEIDELBERG Groos.
ANGLETERRE.
LONDRES BARTHESet Ce;DULAU; JeFFS;
— Williams et NoRGATEjCuRT.
OXFORD Parker.
EDIMBOURG Mackenzie.
BELGIQUE.
BRUXELLES Decq; MuquardT; Brouwkt.
GAND Hoste.
LIEGE Dbsoer; Gnusé.
LOUVAIN Fontevn.
DANEMARK.
COPENHAGUE Gyldendalu
EGYPTE.
ALEXANDRIE Schutz.
GRÈCE.
ATHENES Wilbero.
ESPAGNE.
MADRID Bailly-Baillièrb; DuRak.
ÉTATS-UNIS.
NEW- YORK...... H. Baillièbb; Christkhn.
NOUVELLE-ORLÉANS. Hébert.
HOLLANDE.
AMSTERDAM..., Van Bakkenes; Caahiîlse»
LA HAYE , DOORHAN; Bblinfantb.
LEYDli Brill.
ROTTERDAM Kramers.
ITALIE.
ROME Mbrle.
FLORENCE Ricordi; Ducci; Vieussei:
MILAN Dumolard frères.
NAPLES Marghieri; Pedone Laur
TURIN Bocca: MariettI; Gianin
GENES Bedf.
VENISE Alla Fenick.
PORTUGAL.
LISBONNE SiLVA.
PORTO MoBis.
RUSSIE.
ST-PETERSBOURG., ,. J.Issakoff: Dufour; Cluj
MOSCOU ,,j... Gautier; Krooh.
ODESSA Camoin.
RIGA.. Kymmkl.
VARSOVIE Sknsewald; Natansom.
SUÈDE,
STOCKHOLM Fritzé; Bonnisr.
SUISSR.
GENEVE Desroois; Cherbulikz.
BALR Georg.
BERNE Dalp.
NFUCH\T"L Gerster.
LAUSANNE Delafontainb ; Martini
TURQUIE.
CONSTANTINOPLE.... Kohlkr.
hprim£b;s de PiLLKr ra:> aL^, huë o^t. uhancs AU(.ubiuva>i
Les Numéros ne se vendent pas séparément.
/^ PUBLIÉE V"^ ^
iQ^ AVEC LE CONCOURS DES PRINCIPAUX SAVANTS >^\\
DES ILES BRITANNIQUES ET DU CONTINENT
H. GAIDOZ
Membre de la Camhnan Archaological Association
et de la Royal Archaological Association of Ireland, etc.
N» 1 — Mai 1870
LIBRAIRIE A. FRANCK (f. vieweg propriétaire)
67, rue de Richelieu, PARIS
TRUBNER AND C»
8 and 60, Paternoster Row, E. C, LONDON
Nurnbers are not sold separately .
SOMMAIRE DU PRÉSENT NUMÉRO :
I. De la Divinité gauloise assimilée à Dis Pater à l'époque gallo-romaine,
par M. Anatole de Barthélémy, ancien président de la Société des Antiquaires
de France (deux gravures).
II. La miniature irlandaise, son origine et son développement, par M. F. W.
Unger, professeur à l'Université de Gœttingue.
III. Un Évangéliaire à miniatures d'origine irlandaise, dans la Bibliothèque
princière d'Œttingen-Wallerstein, par M. W. Wattenbach, professeur à l'Uni-
versité d'Heidelberg (deux gravures).
IV. The ancient Irish Goddess of War, by W. M. Hennessy, Esq. member
of the Royal Irish Academy ; with a postcript by D' G. Lottner (One
efigraving).
V. Un manuscrit irlandais de Vienne, par M. G. Nigra, ministre d'Italie à
Paris.
VI. Les Gloses irlandaises de Milan, par le même.
VII. Etude phonétique sur le breton de Vannes (premier article), par
M. H. d'Arbois de Jubainville, Gorrespondant de l'Institut.
VIII. Koadalan, conte populaire breton, recueilli et traduit par M. F. M.
Luzel.
IX. Observations sur le conte précédent, par M. Reinhold Kœhler, conser-
vateur de la Bibliothèque Grand-Ducale, à Weimar.
X. Mélanges : The name of the Danube, by Prof. Max MùHer, professer of
Comparative Philology at the University of Oxford, associé étranger de l'Institut
de France; — Le vrai nom de Gargantua, par M. F. Liebrecht, professeur à
l'Athénée de Liège.
Bibliographie : La Table de Peutinger, publiée par E. Desjardins (H. G.).
— G. Perrot : De Galatia provincia romana (H. G.). — A. Georgievski :
Gally V epochu K. J. Cesaria (*•*). — J. E. Wocel : Pravek Zeme Czeske
(L. Léger). — Zeuss : Grammatica Celtica, 2' éd. p. p. Ebel (G. Nigra). —
P. W. Joyce : The origin and history of Irish names of places (H. G.). —
Merlin p. p. Wheatley ; Glennie : Arthurian Localities (H. G.). — Hingant :
Eléments de la Grammaire Bretonne (H. d'Arbois de Jubainville).
Chronique, par M. H. Gaidoz (Mort de M. Todd. — Souscription de la 7oJ</
Professorship. — L'Université galloise d'Aberystwyth. — Procès « Pike versus
Nicholas ». — Deux conférences de M. Huxley. — Annonce d'un Corpus Ins-
criptionum Hibernicarum. — Création d'une chaire de langue irlandaise à Notre-
Dame).
Supplément : Dosparth byrr ar y rhan gyntaf i ramadcg cymracg [gan Gruffydd
Roberts, 1 567.] A fac-similé reprint. (This will be continued in regular instai-
ments, with a separate pagination, in al! subséquent numbers until the work is
completed).
Bulletin d'Annonces n* i .
Voir à la dernière page de la livraison les Errata et à l'avant-
derniére la liste des Abréviations.
(^<^/i^^.^^ ^ ^r^^J
lipreuves cl copie de la Retue Ceitique,
CircuIatloD autorisée en date du <8 Janvier 4870.
7. f. Ca^lciJt ^.^
ong.naI gaehc Many of the ballads can be seen throug
Os ,an uself has not been found in any ancient wri|
^odern trad.t,on. Because of the language it seenJ
Ossun ,s more modem than the Ossian.c ballads and t|
longtothen,,Th.sisasamp!eofa prose taie with tl
ched ,, F.onn m the house of the yellow face unable toi
was wntten by Donald Mac Pherson, a Lochaber ma
volume Jo popular poetry and gaelic ;ongs and h
grandmother long ago. The translation ,s dose an hi
«me to me m )une 1S70. '
FIONN IK THE HOUSE OF THE YELLoi
^ . ^ "'^ABLE TO RlSE OR TO SIT.
On a day when Fionn Mac Chumhail -, and the r
m he mountams of the chace, there came on sno^v^
rired and weaned as they were, they took to thei
' ^ 7'" ^° ^"^e the drinking horns and to te
"nquered the whole W^'d "^f" '''''^'^/'' ''^^ commander i
/ 6/ wnicn seem more appropnate but on them 1
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jonn
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Iside
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> .._ ..aiiic 01 the Danube, by Prof. Max Mûl'.er, professer of
Comparative Philology at the University of Oxford, associé étranger de l'Institut
de France; — Le vrai nom de Gargantua, par M. F. Liebrecht, professeur à
l'Athénée de Liège.
Bibliographie : La Table de Peutinger, publiée par E. Desjardins (H. G.).
— G. Perrot : De Galatia provincia romana (H. G.). — A. Georgievski :
Gally v epochu K. J. Cesaria ("**). — J. E. Wocel : Pravek Zeme Czeske
(L. Léger). — Zeuss : Grammatica Celtica, 2' éd. p. p. Ebel (G. Nigra). —
P. W. Joyce : The origin and history of Irish names of places (H. G.). —
Merlin p. p. Wheatley ; Glennie : Arthurian Localities (H. G.). — Hingant :
Eléments de la Grammaire Bretonne (H. d'Arbois de Jubainville).
Chronique, par M. H. Gaidoz (Mort de M. Todd. — Souscription de la Todd
Professorship. — L'Université galloise d'Aberystwyth. — Procès « Pike versus
Nicholas ». — Deux conférences de M. Huxley. — Annonce d'un Corpus Ins-
criptionum Hibernicarum. — Création d'une chaire de langue irlandaise à Notre-
Dame).
Supplément : Dosparth byrr ar y rhan gyntaf i ramadeg cymracg [gan Gruffydd
Roberts, 1567.] A fac-similé reprint. (This will be continued in regular instal-
ments, with a separate pagination, in ail subséquent numbers until the work is
completed).
Bulletin d'Annonces n' 1 .
Voir à la dernière page de la livraison les Errata et à l'avant-
derniére la liste des Abréviations.
FIONN'S ENCHANTMENT
The foISowing sfiort story is part or the so called history of the Feinn <
.alled Fenians in Ireland and elsewhere). As the history now ext ts n o t "h"
t.on m the H.ghiands of Scotland, wild rnythical adventuTes toM f
over the f.e to chi.dren and they partage oJthe nature 7 h po, t^eT
Havmg set a man above ail the world the next step is to get wTl
t::Tf:tr''^ ''''--''- p-essorafioU:
form the Scotch heroes seem to he related to Norse den„gods Lik th m
Welsh worth,es who appcar . the Mab.og.n share ,n adve tures wh, Tn
ib Edda are attnbuted to Thorr, and probably the whole northern oa heô
*nclud.ng Thorr, Arthur and F.onn had so.e conia,on orig.n m Aryan . t ho
try of wh,ch a great deal has appeared ,n the publications of th 0 '
^ W ep,c Oss.an was probably founded. But when or by whom t s los
nONN IN THE HOUSE OF THE YELLOW FACE,
UNABLE TO RISE OR TO SIT.
■ - f " " '^'y ^^^" ^'°"" Mac Chumhail ., and the rest of the Feinn were
tX w^^^^^^^^ ''""' gathered the evening came upon 'hem.
fS^ T e^d. tir ' °'' ^''" '"' ^^^>^ "^"^ ^° ^-^ '" 't They made
th y bel n o / : ^"°^'^ "°°' ^"'^ ^"' ''' bird stew was ready
I Thte ' '"^'"^ ^''"^ '"'^ ^° ^^" ^^^^^ °f ^he olden
^fSubiectp,Lrtîlt^;;'ea;S«'S^ "^'"^- ," ^^^nis to mean « Pair Son
"nquered the whole ZrldZ^Zl V ^^^ ""^mander in chief of the Feinn vho
Ksraes in Mythology which sel L?r. °"^'"? ^° ,™^"y '^S^^ti^ 3"^ Poems. There are
ëX wnicti seem more appropnate but ou them I will not venture.
>
uompj
de Fr;
l'Athé
Bibl
- G.
Gally
(L. L(
P. W
Merlin
Eléme
Chr
Profes
Nicho
criptio
Dame
Suf
Rober
ments
compl
Bul
Voir
times. The memory of the prowess of their ancesiors made them exalt
themselves as is usual and they a!l said together that the man or beast
was tobe pitiedthat should corne to trouble the Feinn that night or that
would offer to ir.sult Fionn. In the very middle of this talk in cornes a
slender brown hare and without care or fear turns a turn or two on the
embers and tossed up the ashes to the rafters and out she goes ^.
But if she did so, thaï did not make them less valiant. They made a
dark leap ont after her ; but they went into a mist so great withthedark-
ness that came upon them that they could not see each other. Fionn
and his twelve lads followed the hare over stump and stone over the
shoulder of the glen and they never losl sight of her till she sprang in at
the window of a rickely house that came in their way at the side of a
green knoll. And what house should this be but the house of the Yellow
Face, a giant that lived upon enchanted lojrs and ih.c fies}] of men.
In they go to take the news but they found no trace of the hare.
There was within a woman baking, for the Yellow Face had not corne
home from the mountain chase. She gave them méat and drink and
said that now they had best begone , before the Yellow Face came.
Fionn said that he never had fled from man and that they would not
begin v/ith the Yellow Face and they came farther into the house.
« Stop till the end, » said the wife. If it be true they had hardly
settled themselves when they heard clitter clatter at the door and who
was there but the Yellow Face and his lads with a great big deadly
toothy boar on his back? He gave himself a great big bittle shake to
drive off the snow and he made the threshold and foundations of the
house tremble. « I smell the smell of the stranger before me, wife !
"Whom. hâve you hère t » said the Phiz. The wife told him of the guests
that had come to visit her since he went. « Out with yourlads, Fionn,
to take off our burdens, » said the Face. Fionn never gave a refusai to
man, so six of them were sent out to the Face. But scarce had they
passed the threshold when the Phiz struck them with his rod of magie '
and they were pillars of stone and he set them at the north side of the
door to stop the sleety wind. There he left them and he and his lads
took in the boar 4. They did but wait to give a rough scraping over him
and the wife put him on in the great kettle, the carcase as it was.
Before it got a boil and a simmer the Face stuck the flesh stake into it
and there he had it out on the floor and without more delay he and his
lads sat about it. Each bone as they picked it, that they threw to Fionn
2. It is cojnmon to suppose that witchcs take the shape cf hares but in this case the
intention is to rebuke boasting. A hare might really come into a turf hut on a hill side
and run out and a party of drunken lads might chase her in a snow storm.
}. Hereis another word whiçh may set Celtic scholars to work. It looks like Druids
rod but (he giant is exceedingly like a frost giant or a hell ogre from Scandinavia.
and his men. It was bad feeding but thcre was no help for it. Fionn
was silent and pondering and no wonder. When the tearing was donc
and that was not long, Yellow Face bade his wife bring out the golden
apple se that Fionn might pass the long winternight. She brought down
the apple and gave it to him î They began at each other with the apple
and if they did is not long before the Face put an end to ail Fionn's
lads. Then the Face perceived that he could not manage Fionn with the
apple and he said that thuy must wresile. To grips they go but though
they should be wrestling till now he could notshake Fionn ^.
When the Face saw that his match had corne he bade his wife put
on the griddle 7 so that Fionn's feet might be warmed, for surely he was
cold in this cold frosty night. The griddle was put on till it was a glo-
wing red blaze and they ail got about Fionn. That was the time when
he said, « A man is no man alone » and they set him on the griddle til
his legs were burnttothe hips. Now washeunabletositor rise. The Face
gave a hoarse laugh and he stuck the flesh stake through both his hands
and then he could neither rise nor sit.The Face thought that he had not a
gasp of breath in him and cast him aside in a corner. Fionn never was in a
greater straitthan this, but on the time he was betweenWant and Déniai 8,
and he remembered that he had the horn'' of the worthies and that it could
be heard in the five fifths of Erin.When the house took a rest he crawled
out dark dumbly and still to the top of a hill and he blew the horn three
times. AU this time the other set of the Feinn were tearful and sad in
search of Fionn. They left neither corner nor thought unsought seeking
him for dead. At last when they had given yielding and black yeilding
Brown Diarmaid 'o, his sisters'son, heard the horn and if he did it was
not unanswered. He knew that deadly need made Fionn sound the
horn. He understood that the matter was ill and he gave a word and a
vow upon his sword that méat nor drink should go over his breath till
he should aid the brother of his mother. He took up his burden he and
his lads each straight was bent for them over hill and plain and though
4. Is this the boar on which heroes feasted in Walhalla or is it some other ? In any
case he is very cominon in gaelic stories.
j. This is another bit of machinery which greatly needs explanation, for it constantly
appears in this dass of stories. If thèse be solar Aryan heroes the golden bal! may be the
sun according to modem authors or lightning ; but it seems more probable that some
earthly projectile was meant.
6. So Thorr wrestles with old âge in the houf-e of Ulgaard Loki.
7. An iron plate for baking oat cakes.
8. This story I do not know.
9- This is another article that needs explanation. The ordinary meaning is a bugle
enlarged, but some narrators call it the Hammer of Fionn which could be heard over ail
Ireland. That looks like thunder.
10. In ail Fenian stories Diarmaid plays the pan of Launcelot to Fionn's Arthur.
il was far nwav thev were not long going tlierc. Fionn tliey found in a
sad case unable to sit or rise in the lee of a bush.
Diarmaid asked what had befallen him. « No matter, » said Fionn
and l:e told him each turn as it happened. How the Yellow P'acehad slain
his lads and the ill treatment that he had got from him and he counselled
him 10 turn home before the same should happen to him. He was as he
was at ail events. Diarmaid vowed and said that he would not turn til'
he took out the shame and without saying more he betook him to the
house of the Face. In the house was but the woman baking and she
gave them méat and drink and took their taie. She told them that ihe
Yellow Face was in the mountain chase and that they had better begone
before he came home or that it might happen to them as it happened to
Fionn. '< Be that as it may, said Diarmaid, we will not go till we hâve
take out the shame " and they sat within. « Stay till the end then »
said she.
They were but a short time thus till they heard clitier clatter at the
door. Who was there but the Face and his lads with a great venomous
toothy boar on his back, He gave himself a little big lift to shake off
the snow and he shook the threshold and foundations and cried : « I
smell the smell of the stranger before me. Wife, whom hâve you hère to
night ?» She told him Diarmaid and his set of lads. )> Out with your lads,
Diarmaid, to take ofïour wads,» said the Yellow Face. Diarmaid himself
went out and before the Face had looked hither orthitherheslewthe half
of his lads and set their heap on top at the south side of the door opposite
to Fionn's lads. « You're an ill guest, » said the Face. <( If you see no
worse from me before day cornes, you need not complain,» said Diarmaid
and without more speech he took in the boar. They dressed it well and
right well and he and his lads took enough of it : each bone that they
picked bare they cast to the Face and to his lads, « You're an evil guest »
said the Face. << If you see no worse than that from me before the day
comes, dont complain, «said Diarmaid, and he asked for the appleto pass
the long winter night for the Yellow Face. The wife brought down the
apple and the game began. At the cast that Diarmaid made he slew two
that were on the right hand of the Face. « You are an ill guest n said the
Face. « If you see no worse than that from me before the day comes,
dont complain, » said Diarmaid. The Face cast the apple back but he did
no harm to Diarmaid's lads. But Diarmaid made the next cast with the
apple and slew two on the left hand of the Face. And so it went on
till he had slain the last of them while the Face kept continually saying,
«You are a bad guest » and Diarmaid as constantly answered as before.
When they were tired ofthe game of the golden apple, Diarmaid said
to the Face that they had better wrestle a turu, and if they did the fight
did not hold long before the Face was on the ridge of his back on the
bare flags of the floor. « You're an ill guest » said the Face as he gave
a tortured grunt. « If you see no worse from me before day, dont com-
plain » said Diarmaid and he bade the wife put on the griddle for him
to warm up the Face, for surely he was cold newly corne from the moun-
tain chase. The griddle was made red-hot and Diarmaid gave the Face
, a lift and there he was at the next turn upon the griddle. « Oiteag, oit,
oit, » said the Face « Take it easy said Diarmaid your yellow bones
would burn unless I helped you » and he held him on the griddle till his
legs burned to the hips. Now the Face was unable to sit and swif t
Diarmaid stuck the spit through both his hands and then he was without
power to sit or rise and he cast him on his side in the corner. When
he was seven times tired of hearkening to the groanings of the Face,
Diarmaid seized him by the hands and said « Death is upon you, old
man ! What's your eric ?
Death is upon you, old man and what's your eric ? and take ofF from
me the worth of your game. y> « Oh! Oh! alas! said the Face, I bave
no ransom but a cup of balsam that is at the foot of yonder rock and i^-
will heal Fionn. » When Diarmaid heard of the cup he staid to seek no
other ransom. It seemed to be too long for his uncle to be crouched at
the lee of the bush and so he went to the cave. He laid his first hand
upon the cup and off he strikes with it to Fionn. He washed his wounds
from it three times. The first time his legs grew to the knees; the second
time they grew to the ankles; and the third time Fionn was unhurt,
unharmed whole and alive as he ever was. One palmful ofthe water of
the cup was enough to break the spells of the lads. Then he went to
the Face: « Misérable wretch, said he, swear that you willnever play your
tricks or lay spells on the Feinn. » That îhe Face swore and many
things more and Diarmaid generously gave him and his lads their fill of
water from the cup, and then they took leave of each other. To make a
long story short, the cup staid with the Feinn and I left it with them.
In ail the Fenian stories mention is made of Fionn's healing cup with which
he cured ail ills and wounds. It is the same as the Holy Graal of course, and
ail that bas been said about the origin of that Myth applies to Fionn's cup.
According to other stories, Fionn's cup was the hollow of his joined palms held;
is they are used for drinking in the wilds. Whosoever drank from Fionn's joined
jalms was healed. According to Highland traditions, the Campbell Clan arer
lescended from Brown Diarmaid and from him take their old names of Clann
Diarmaid and Clann 0' Duibhne. Many historic.il personnages bore the name of
Diarmaid in Ireland and elsewhere, but this legend is enough tn prove that.
■"ionn, Diarmaid and the rest of the family are as mythica! as king Arthur and'
is knights. They are Celtic heroes and belong to comparative mythologists. Sa-,
hère I leave them.
J. F. CAMPBELL.
a.-'
FIONN 'AN TAIGH 4' BHAIIR-BHUIDHE GUN CHOMAS
ÈIRIGH NO SilIDHE.
là dh'an rohh Fionn mac Chumhail 's a'chuid cile de V; Fhéinn anns a'
inn-sheilg , dh' 'eirich cur 'us cathadh; 's mu 'n d' fliuair iad an
Ig a chai cruinn, thàinig an t-anmoch orra. Sgith, airtealuch mar a bhà
îhog iad orra gu téarnadh gu baile. Mar a bha iad a' gabhail air an
art gu tram, athaiseach, thàinig iad air bothan fàs 'am bràighe glinne ;
s ghabh iad gu tàmh ann. Dli' jhadaidh iad teirie, 's chaidh nagillean air
l gréidheidh; 's gus am biodh an t-eunbhruich ullamh thoisich iad air
ùrt nan corn, 's air seanchus mu'n 'am bho sliean. Cliuir cuimhn' air
an sinnsire togail fôpa mar a b'àbhaist ; 's thuirt iad uile cruinn-a-
hluath gu'm b' e mothruaighe duine no beatliach a thigeadh a chur dragb
an Fhéinn an oidhche sin ; no, a theannadh ritàif a thoirt do dh-Fhionn.
teis-meadhoin na bruidhue seo, îhigear maigheach chaol, ruadh a's taigh;
, gun fhiamh gum umhail, cuirear car no dhà dh'i air a' chagailt, 's
r an luath mu na sparran ; agus thugar a mach oirre ! Ma thug cha
haidli sin air mhïthapadli dhaibhsam-thug iad daoidh-léum a mach 'as'
oghaidh; ach, chaidh iad 'n am bràth-cheô cho mor le dorchadas a
lig orra, 's nach bu leur dhaibh a chéile. Lean Fionn 's a dhà ghille
gi a bhun 's a lorgthar guallainn a' ghlinne; 's cha do chaill iad sealladh
î gus 'na léum i 's thaigh air sgùid de thaigh ùdlaidh a thachair orra aig
sïthein. De'n taigh a bha 'n seo, ach taigh a' Bhlàir-Bhuidhe, famhair a
'tighinn beà air tuirc-nimhe 's air feoil dhaoine! Rachar a's taigh, 'us
\ar sgial; ach cha d' fhuaras forfhais air a' mhaighich. Cha robh 's
i ach a' bhean 's i fuineadh. Cha d' thàinig am Blar-Buidhe dhachaigh
i' bhcim-sheilg. Tugh i biadh 'as deoch dhaibh; 'sthuirti gu'm b' flièan
\bha nis a bluîh 'jalbh, mu'n tigeadh am Blàr-Buidhe dhachaigh. Thuirt
n nach do theich iad romh dhuine riahh, agus nach deanadh iad toiseach
Bhlàr ; 's theann iad na b' fhaide 's taigh. Teith ri dheircadh, os a'
. Mar a b' fhior; cha d' fhuairiad iad fhéin a shocruchadh ach gann,
dh' fhairich iad stùirn-stàirn, aig an dorus! Co 'bha 'n siod ach am
Buidhe 's a ghillean, 's torc-nimhe mor,fiaclach aig air a mhuin. Thug
thadh beag mor air fhém a chur an t-meachda dheih, 's chuir e crith fo
sainn 'sfo shuidheachan an taighe ! Tha mi 'faireachduinn fàilidh fhar-
ich romham, a bhean, cà seo th' agad a nochd, os' am Hàr? Dh'
a bhean na h-aoidhean a thàinig air choimheadachd oirre bhonu dh'
he. A mach do ghillean, 'Fhlnn, a thoirt na h-eallaiche dhiam, os' am
Cha d' thug Fionn an t-euradh do dhuine riabh, agus cuirear siathnar
ch dhiubh, far an robh 'm Blàr. Mu'n gann a bha iad seach an stairs-
•■ bhuail am Blàr slat-na-drao: Vieachd orra, 's bha iad '« an colbh-
le; 's chuir e air taobh-tuath an doruis iad a chur stad air a' ghaoth-
Iheathaich ! Dh' fhùg e 'n sin iad; 's îhug e fhéin 's a ghillean a's taigh an
orc. Cha d' fhuirich iad ach ri rohladh lomaidh a îhoirt air, 's chuir a'
heanair e 's a ' choire-mh'or — 'n a chloraich mar a bhàe! Mu'n d'
luair e ac:: goil 'us leth-goit, spàrr am Blar bior na feàl' ann,
bha siod aig air au ùrlar; 's gun tuille dàlach, shuidh e fhéin 's
'gkillean mu'n cuairt da. Gach cnàimh mar a Ghreidhmeadh iad thilgeadh
id siod gu Fionn 'sgu 'ghillean ! B' olc a' bhiatachd è, ach cha robh comas
r. Bha Fionn 'na thosd 's 'n a chuimhne 's b' ion dà sin. An uair a bha 'n
lie t'iairis, '5 cha b' fhada h-uige, dh' iarr am Blàr-Buidhe air a mhnaoi an
ubh.il-oir a îiwirt a nuas gus an oidhch' fhada. Gheamhraidh a chur seachad
ir Fionn. Thug i nuas an t-ubhal, 's thug i dhà e. Thàisich iad air a
héile, leis an ubhal, 's ma toisich, cha b' fhada gus 'na chuir am Blar'as
o'n iomlan de ghillean Fhinn! Thuig am Blàr nach deanadh e 'n gnoîhuch
ir Fionn leis au uhhal, 's thuirt e gu'm feinnadh iad dol aghleachd.'Andro-
lannan a chéile gabhar iad; ach, ged a bhiodh iad fhathasî a' gleachd, cha
igad'i e îlideaciûdh air Fionn. Tra a chunnaic am Blar gu'n do îhachair a
hel^c ris, dh' iarr e air a mhnaoi a' ghreideal a chur air gus an rachadh
asan Fhinn a gharadh, gu'r cinnte gu'n robh efuar, 's an oidhche chruaidh,
cèd.d a .'•':' ann. Chaidh a' ghreideal a chur air gus an robh i 'n a caoir
iheirg; 's dh' iadh iad uile mu Fhionn (^sin tra a thuirt e : Cha duine,
uine 'n aonarj, agus spcrr iad air a ghreidil e gus 'n loisg a chasan gu ruig
m iltisdean ! bha e m:ie gun chômas suidhe. Leig am Blàr rochd gàif 'as,
gus s'àrr e siol-na-feàla tromh chorn a dhà mhàis ; 's bhà e 'n sin gun
ornas 'eiri^ii no suidhe! Shaoil leis a' Blàr gun robh e gun phlosg analach,
îhilg e seachad 's a chàil e!
Cha robn Fionn riabh roimhe 'an gaile na bu mhutha na seo, ach an uair
bha e eadar an t-euradh 's aimbeairt., agus cuimhnichear e gu'n robh càrn-
vn-fiàth aige, 's gu'n cluinnteadh e 'an côig choigean na h-Eireann. 'Nuair
g'.ab'i an taigh gufois, mhàgair e mach gu dubhbalbh-sàmhach gu mullach
u'v 'us shéid e 'n corn tri uairean ! Fad an ama seo bha 'chuid elle de'n
hcinn L;u dubhach, dèurach air toir Fhinn. Cha d' fhàg iad cùil no cial
m sircada, 's iarraidh-mhairbh aca air. Mu dheireadh thall, 'nuair a thug
'.d :'eill 'us dubh-ghéill, chuala Diarmad donn mac a pheathar an corn ; 's
la diuald c abu rabhadh gun fhreagant. Bha fios aige gur h-'eiginn-bhàis
bheireadfi air Fionn a shéideadh. Thuige gu'n robh an gnotuch gu h-olc; 's
ug e bûid 'us briathar air a chlaidheamh nach rachadh biadh no deoch thar
mail gus mi coibhreadh e air bràthair a mhàîhar. Thog e air e fhéin 's a
hiiican, ': hu cham gach direach leôtha thar chnoc us shloc; 's ge b' fhada
huap' c. c/kî b' fhada ga ruighinn iad. Fiiu.ur iad Fionn 'na dheoiridh
'uag'.i gaii chômas 'eirigh no suidhe 'am fasgath tuim ! Dh' fharraid Diarmad
heti c'.od a dh' fhairich e. Is coma sin, osa Fionn; 's dh' innis e dha gach
ar mar a thachair. Mar a mharbh am Blàr Buidhe na gillean, agus an droch
hiullachd a fhualr e fhéin bhuaiîhe; '5 chomhairlich e dhàsan îilleadh dha-
haigh mu'n 'eireadh an cleas ciadna dha-gu'n robli esan mar a bhitheadh e
ia-dhiàbh. Bhôidich 'us bhriathraich Diarmad nach îilleadh e gus an d' thu-
fidh e macti an aichsamhail ; 's gun tuillead a ràdli tliug e taigh a' Bhlàir
ihaidhe air.
Cha robh s taigh ach a' bhean 's i 'fuineadh. Thug i biadh us deoch
haihh ; agus ghabh i an sgial. Dlï innis i dhaibh gu'n robh am Blàr Buidhe
' bhéinn-sheilg 's gum fhèarr dhaibh a bhith 'falbh mu'n tigeadh e dha-
haigh, no gun 'eireadh dhaibh mar a dli éirich do dh-Fionn. A roghainn
iodh dhà, asa Diarmad, ach cha 'nfiialbh sinn gus an loir sinn a mach an
icheamhail ; 's shuidh iad as taigh. Feith ri dheireadh, ma ta, os ise. Cha
obh iad ach goirid mas sin tra a dh' fhairich iad stuirn-stairn aigan dorus.
0 bha siod ach am Blàr 's a' ghillean, 's torc-nimhe màr fiaclach aig air a
huin ! Thug e togail bheag mhôr air fhéin a chrathradh an t-sneachda
heth, 's chuir e crithfôn ursainn 's forshuidheachan an taighe! Chlaodh e :
""ha mi ' faireachduinn jàilidh fharbhalach romham, a bhean; Co seo 'th'
gad a nochda? Dh' innis a bhean gu'n robh Diarmad 's a chuid gillean. A
mch do ghillean, a Dhiarmaid, a îhoirt d'hiam na h-eallaiche, os am Blàr.
.éum Diarmad e fhéin a mach; agus, mu'n d' fhairich am Blàr thall no hhos
, mharbh e 'n dama leth dhe ghillean, s chuir e turrach iad air iao' h-deas
n doruis mu chainneamh gillean Fiùnnl Is olc an î-aoidh thu, os am Blàr.
lur faic thu nas miosa na siod dhiam mu'n lig an latha, na bith 'gearan,
sa Diarmad; s gun luilleadh bruidhne, thug e 's taigh an tore. Ghréidh
:d an tore gu math ga romhath, 's ghabh e fhéin s a ghillean an leor dheth.
ach cnàimh mar a lomadh iad, thilgeadh iad siod do'n Hhlàr 's dh'a ghil-
•an ! Is olc an t-aoidh thu, os am Blàr. Mur faic thu nas miosa na siod
hiam mu'n tig an latha na bith 'gearan, osa Diarmad ; 's dh' iarr e an t-
bhala thoirt a nuas gus an oidhch'fhada gheamhraidh a chur seachad a
hlàr-Bhuidhe. Thug a' bean a nuas an t-ubhal, agus thoisich an cleas. Air
chiad tilgeadh a thug Diarmad do'n ubhal, mharbh e dithis de na bli air
imh-dheis a Bhlàir! Is olc an t-aoidh thu, os am Blàr. Mur faic thu nas
iosa na siod dhiam mu'n tig an latha, na bith 'gearan, osa Diarmad. Thilg
m Blàr air ais an t-ubhal, ach cha d' rinn e dochunn 's a bith air gillean
'hiarmaid. Thug Diarmad an î-ath-tliilgeadh do'n ubhal 's mharbh e dithis
îna bh' air làimbii-chlith a' Blàir agus mar sin gus 'na mharbh e am fear
u dheireadh dhiubh; 's am Blàr gun aon tàmh ag ràdh : 's olc an t-aoidh
u ; agus amhuil sin Diarmad 'ga 'ga fhreagairt : Mar 'n uair a bha iad sgith
'. chluith an ubhail oir thuirt Diarmad ris a Blàr gum b' fhéar, dhaibh
J/ a chur car gleachd. Chaidh na fir a ghleachd ; 's ma chaidh, cha robh an
yleachd fad air chumaily tra a bha 'm Blàr air daisneach a dhroma air
eacan loma n ùrlair! Is olc an t-aoidli thu, os am Blàr s ihug e cnead
hoinï as! Mur feic thunas miosa na siod dheam mu'n tig an latha, na bi
jearan, osa Diarmad, 's dli' iarr e air a' mhnaoi a' ghreideal a chur air gus
h rachadh casan a Bhlàir a a gharadh gur cinnte gu'n robh e fuar 'an deigh
ghin dachaidh 'as a' bheinn-sheilg. Chaidh a ghreideal a dheanamh dearg;
■ thug Diarmad togail don Bhlàr, 's bha siod 'n a sgug buidhe air a' ghrei-
il! Oiteag, oit, oit, os am Blàr! Cabh air do shocair e, osa Diarmad, crea-
xidh do chnaimhean buidhe air mu'n cobhair mis ort, 'schàm e air a ghreida
gus 'na loisg a chasan gu hun nan sléisdean ! Bha 'm Blàr a nise gun
lomas suidhe, agus ghrad-spàrr Diarmad stobna-feàla îromh chorn a dhà
hais, 's bha e 'aj sin gun chômas 'erigh no suidhe ; 's thilg e air shlunich
chùib e!
Tra bhaiad seachd sgith ag 'eisdeachd oiîe agail a' Bhlàir rug Diarmad air
rogan air, 's thuirt e : Am bas air do mhuin, a bhoduicti, ciod è d'
rie?
n bas air do mhuin, a bhoduich, ciod è d'éiric, 'us tog dhinn brigh do
luith? Oiteag, oit oit ! as am Blàr,cha'n 'eil a dh' éiric agams ,ach cuach
shlaint a tha 'm bun na creig ud thall, agus leighisidh i Fionn !
'Nuair a chualu Diarmad mun chuaich, cha d' fhuirich e ri tuille chumhlaid
raidhbu ro-fhada Icis a bha bràthair omhàthar 'ga chuaradh aig bun an
's chaidh e do'n uamha. Thugar a' cinad làmh air a'chuaich, 's buai-
r leatha gu Fionn. lonnlaidead a chréuchdan aisde tri uairean. A' chiad
r dh' fhàs a chasan gu ruig nan glàn ; an dàrna h-uair dh'fhàs iad gu
% nan aobrunn ; 's an treas uair bha Fionn gun chron, gun chiothrom cho
slàn 's a bhà e riabh !
Rum aon bhoiseag dd dh-uisge na cuaiche geasan nan gillean a bhristeadh,
hug e am Blàr air. A chulaidh-thruais, osa Diarmad ris, bôidich nach
is thu tuille de gheasan no 'chleasan air an Feinn. Bhàidich am Blàr siod
ioma rud elle bharrachd, 's thug Diarmad gu suairce dha fhéin 's dha
'lean an diol dh-uisge na cuaiche 's ghabh iad an cead dheth chéile. A
■xnamh sgiala goirid dheth, lean a chuach ris an Fhéirtn 'us dh' fhàg
Donald MACPHRRSON,
Instinlees Cottage,
Dalkeith.
April 27, 1S70.
REVUE CELTIQUE
TOME I
-L /^«^<>n>t^-^ /PLCCi^U.*Â. ,
iQ^ AVEC LE CONCOURS DES PRINCIPAUX SAVANTS "^^V
DES ILES BRITANNIQUES ET DU CONTINENT
DIRIGEE PAR
H. GAIDOZ
Professeur de géographie et d'ethnographie à VÉcole des Sciences Politiques de Paris,
Membre de la Cambrian Arch<£ological Association et de la Royal Arch<eological
Association of Ireland, etc.
Tome I
LIBRAIRIE A. FRANCK, (f. vieweg propriétaire)
67, rue de Richelieu, PARIS
TRUBNER AND C"
8 and 60, Paternoster Row, E. C, LONDON
1870-1872
AU LECTEUR.
Il y a trois ans, lorsque nous appelions sur notre entreprise l'attention
du public savant, nous nous exprimions en ces termes sur le but que
nous nous proposions d'atteindre :
« L'étude des langues, des littératures et des antiquités celtiques appelle
l'attention du philologue, du lettré et de l'historien par l'importance du
rôle que les Celtes ont joué dans l'ancienne histoire d'Europe et aussi
par les richesses des littératures néo-celtiques. La période gauloise de
notre histoire n'est pas la moins importante pour être la moins connue;
Arthur et les Romans de la Table-Ronde défrayent une bonne partie de
la littérature du moyen-àge; le Purgatoire de saint Patrice et le Voyage
de saint Brendan ont été racontés dans presque toutes les langues de
l'Europe; on sait quelle vogue, au commencement de ce siècle, s'attacha
pour un temps au nom d'Ossian. La vive et charmante imagination des
races Celtiques a laissé dans leur littérature des trésors inappréciés de
poésie. Des écrivains de talent ont levé en partie le voile qui dérobait à
nos regards la Bretagne Française ; mais par la date récente et par le
petit nombre de ses monuments, la littérature Bretonne est de beaucoup
inférieure en importance aux littératures Irlandaise et Galloise. Les
langues Celtiques n'ont pas une moindre valeur pour la Grammaire
Com.parée; il suffit de citer les grands travaux que leur consacrent les
philologues de la savante Allemagne.
» Il existe pourtant un grand obstacle au progrès des Études Celtiques,
c'est l'absence d'union entre les savants qui les cultivent. On travaille
isolément et comme dans l'obscurité. Pour les savants du continent, les
Iles Britanniques, ce principal refuge des races celtiques, sont presque
en dehors du monde. Le vers de Virgile est encore vrai :
Et penitus toto divisas orbe Britannos.
Sur le continent on ne peut que difficilement savoir quels textes se
publient, quels travaux se poursuivent là-bas. De leur côté, les savants
des pays celtiques qui ont à leur disposition les monuments, les manus-
crits, les traditions et la langue de leurs pays, cherchent souvent en vain
des points de repère et de comparaison; les travaux les plus importants
de l'Europe savante n'arrivent qu'à grand'peine jusqu'à eux. Vienne
une alliance entre les celtistes de tous les pays, et le jour se fera peu à
peu sur l'histoire et la littérature d'une grande race. Cette alliance, nous
espérons la réaliser. »
— VI —
Grâce au concours bienveillant des érudits dont les travaux remplis-
sent ce volume, cette alliance a pu se réaliser. A eux le mérite et l'hon-
neur de cette entreprise! Nous croyons interpréter fidèlement les senti-
ments des lecteurs de la Revue en les remerciant de leur collaboration
active et dévouée. Nous devons également des remerciements aux revues
et journaux qui, en Europe et en Amérique, ont fait un accueil favorable
à notre publication.
Par suite de circonstances indépendantes de notre volonté, la Revue
Celtique a paru à de très-longs intervalles, et de revue trimestrielle qu'elle
devait être, s'est trouvée transformée en annuaire. Nous avons la ferme
intention d'activer la publication de ses fascicules et de la rendre désor-
mais plus régulière. Mais en même temps nous réclamons l'indulgence
pour les difficultés que rencontre l'impression d'un recueil semblable :
Aucun article ne paraît sans que les épreuves en aient été envoyées une
ou deux ou même trois fois aux auteurs ; en outre l'impression d'articles
polyglottes se fait plus lentement que toute autre. D'autre part, l'exécu-
tion typographique, due aux soins d'un excellent imprimeur, est au-dessus
de toute critique. Il nous semble qu'un recueil scientifique comme la
Revue Celtique, desùné à réunir les matériaux d'une science désintéressée,
ne doit pas être astreint à une publicité aussi périodique que les recueils
littéraires ou politiques : le principal est qu'il apporte à son heure des
travaux originaux et instructifs, et qu'il tienne le lecteur au courant du
progrès des études celtiques. Nous consacrons tous nos efforts à cette
ambition.
H. G.
Paris, le i"'' août 1872.
TABLE DES MATIÈRES.
Au lecteur v
Liste des collaborateurs x
Liste des souscripteurs xi
De la Divinité gauloise assimilée à Dis Pater à l'époque gallo-romaine,
par M. Anatole de Barthélémy i
La miniature irlandaise, son origine et son développement, par M. F.
W. Unger 9
Un Évangéliaire à miniatures d'origine irlandaise, dans la Bibliothèque
princière d'Œttingen-Wallerstein, par M. W. Wattenbach ... 27
The ancient Irish Goddess of War, by W. M. Hennessy, Esq.; with
a postcript by D' C. Lottner 32
Un manuscrit irlandais de Vienne, par M. C. Nigra 58
Les Gloses irlandaises de Milan, par le même 60
Etude phonétique sur le breton de Vannes, par M. d'Arbois de Jubain-
ville 8$, 211
Koadalan, conte populaire breton, recueilli et traduit par M. F. M.
Luzel 106
Observations sur le conte précédent, par M. Reinhold Kœhler . . . 132
The name of the Danube, by Prof. Max Mûller 135
Le vrai nom de Gargantua, par M. F. Liebrecht 136
De la disparition de la langue gauloise en Galatie, par M. G. Perrot. 179
Fionn's Enchantement : a popular taie of the Highlands of Scotland,
with a translation by J. F. Campbell. Esq 193
Welsh Phonology, by the Rev. John Peter 203
Sainte Tryphine et Hirlande, par M. R. Kœhler 222
Traditions et superstitions de la Basse-Bretagne, par M. R. F. Le
Men 226, 414
Proverbes et dictons de la Basse-Bretagne, recueillis et traduits par
M. L. Sauvé 243, 400
Mythologica! Notes, by Wh. Stokes, Esq . ........ 256
Un autographe de Marianus Scottus, par M. Wattenbach .... 262
Un opuscule grammatical de Sedulius, par ^L Ch. Thurot .... 264
Le nom d'Abélard, par M. E. Renan 265
Zeuss et le manuscrit de Cambrai de l'Histoire Ecclésiastique des Francs,
par M. H. d'Arbois de Jubainville 269
Note à l'article de M. Hennessy (H. Gj 269
Légendes des monnaies gauloises, par M. A. de Barthélémy ... 291
La Racine Dru dans les noms celtiques des rivières, par M. A. Pictet 299
L'Ex-voto de la Dea Bibracte, par M. J. G. Bulliot 306
Influence de la déclinaison gauloise sur la déclinaison latine, dans les
documents latins de l'époque mérovingienne, par M. d'Arbois de
Jubainville 520
The manumissions in the Bodmin Gospels, by Wh. Stokes, Esq. . . 532
The Luxembourg Folio, by John Rhys, Esq 346
— See Corrigenda et Addenda 50^
Attodiad i Lyfryddiaeth y Cymry, gan y Parch, D. Silvan Evans. . 376
Le Catholicon de J. Lagadeuc, par M. Wh. Stokes 395
La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau, par M. P.
Levot 436
Chronique, par M. H. Gaidoz 167, 284, 494
Corrigenda et Addenda ^01
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Rennes (H. d'A. de J.) ■ . . 272
Nigra, Reliquie Celtiche (H. d'A. de J.i 477
Ossian, the poems of, éd. by Clark (H. G.) 479
Paliiser, Brittany and its Byways (H. G.) 285
Perrot, de Galatia provincia Romana (H. G.) 145
Peutinger, la table de, Ed. Desjardins (H. G.) 143
Revon, Inscriptions antiques de la Haute-Savoie (H. G. j .... 271
Richey, Lectures on the history of Ireland 493
Rowlands, Llyfryddiaeth y Cymry (H. G.) 281
Saulcy (F. de). Lettres à M. de Longpérier sur la numismatique gau-
loise (H. d'A. de J.) 465
Saxton, vide Terrien 999
Spurrell, Gramadeg 0 laith y Cymry (H. G.) 280
Stokes, l'Archéologie Irlandaise et M"" (H. G.) 274
Stokes (Whitleyi, The life of St Meriasek, éd. by (H. G.) . . . . " 486
— Goidelica^ éd. by (C. N.; 504
Terrien and Saxton, Liherieu hag Avieleu (H. d'A. de J.) ■ ■ • • 278
Thomas (R. D.), Hanes Cymry America (H. G.) 490
Wocei, Pravek ZemeCeske (L. Léger) 147
Zeuss, Grammatica Celtica, éd. altéra, I (C. Nigra) 148
— — — II (H. d'A. de J.) . . . . 468
LISTE DES COLLABORATEURS
AU PRÉSENT VOLUME.
MM.
H. d'Arbois de JuBAiNviLLE, Correspondant de l'Institut, à Troyes
(Aube) .
Anatole de Barthélémy, membre de la Société des Antiquaires de
France, à Paris.
J. G. BuLLiOT, président de la Société Éduenne, à Autun (Saône-et-
Loire).
J. F. Campbell, Esq., (of Islay), London.
The Rev D. Silvan Evans, B. D., Editer of xhe Arclidcologia Cambrcnsis,
Llanymawddwy, Merionethshire, North Wales.
Henri Gaidoz, professeur à l'École des Sciences Politiques, à Paris.
W. M.* Hennessy, Esq., Member of the Royal Irish Academy, Dublin.
Reinhold Kœhler, conservateur de la Bibliothèque Grand-Ducale, à
Weimar.
Louis Léger, docteur ès-lettres, à Paris.
R. F. Le Men, archiviste du Finistère, à Quimper (Finistère).
P. Levot* bibliothécaire de la Marine, à Brest (Finistère),
F. Liebrecht, professeur à l'Athénée, à Liège (Belgique).
D'' C. LoTTNER, à Dublin.
F, M. LuzEL, à Plouaret (Côtes-du-Nord).
Max MùLLER, associé étranger de l'Institut de France, professer of
Comparative Philology at Oxford.
C. NiGRA, ministre d'Italie, à Paris.
Gaston Paris, professeur au Collège de F'rance, à Paris.
G. Perrot, un des directeurs de la Revue Archéologique, à Paris.
The Rev. John Peter, Bala, North Wales.
Adolphe PiCTET, â Genève (Suisse).
Ernest Renan, membre de l'Institut, professeur au Collège de France, à
Paris.
John Rhys, Esq., Fellow of Merton Collège (Oxford), Rhyl, North
Wales.
L. Sauvé, à l^'^bervrac'h (Finistère).
Whitley Stokes, Esq., Secretary to the Government of India in the
Législative Department, Simla (India).
Charles Thurot, membre de l'Institut, à Paris.
F, W. Unger, professeur à l'Université de Gœttingue.
W. Wattenbach, professeur à l'Université d'Heidelberg.
LISTE DES SOUSCRIPTEURS
AU PRÉSENT VOLUME.
Us noms des souscripteurs décédés pendant Li publication du présent volume ont été
conservés, mais sont précédés du signe j.
ÉDITION SUR PAPIER DE HOLLANDE.
MM.
W. Evving, Esq., Glasgow, Scotland.
The Rev. R. Jenkin Jones, M. A., Aberdare, South Wales.
Lemoigne, libraire, à Paris.
C. Nigra, ministre d'Italie, à Paris.
The Rev. C. W. Saxton, D. D., Newport, Shropshire.
ÉDITION ORDINAIRE.
MM.
C. Appleton, Esq., London.
H. d'Arbois de Jubainville, correspondant de l'institut, à Trêves (Aubei.
Asher et C*, libraires, à Berlin (3 ex.).
Audran, notaire, à Quimperlé (Finistère).
Baer, libraire, à Paris.
J. Bahaux, à Paris.
L. Bamberger, à Paris
The Rev. John Bannister, LL. D., St Day's Vicarage, Scorrier, Cornwall.
Bardonnet, à La Crèche (Deux-Sèvres).
The Rev. E. Barnwell, M. A., Melksham, Wiltshire.
Anatole de Barthélémy, à Paris.
Barthès et Lowell, libraires, à Londres (2 ex.).
Belamy, lieutenant au 1" régiment de Tirailleurs Algériens.
Le baron de Belloguet, à Nice (Alpes-Maritimes).
Eug. Benoist, professeur à la Faculté des Lettres, .\ Aix (Bouches-du-
Rhône).
Bibliothèque de l'Institut de France, à Paris.
Bibliothèque de l'École Sainte-Geneviève, à Paris.
Bibliothèque de l'Université, à Paris.
— Xll —
Bibliothèque municipale de Moulins.
Bibliothèque municipale de Rennes.
Bibliothèque municipale de Strasbourg.
Bibliothèque de la ville de Francfort-sur-le-Mam.
Bibliothèque royale de Munich.
Bibliothèque de l'Université de Tubingue (Wurtemberg).
A. de Blois, à Quimper (Finistère).
Borrani, libraire, à Paris.
Bossange, libraire, à Paris (2 ex.).
Boucherie, professeur au Lycée, à Montpellier (Hérault).
The very Rev. Ulick J. Bourke, président of St Jarlath's Collège, Tuam,
Ireland.
M. Bréal, professeur au Collège de France, à Paris.
The Rev. W. K. B. Briscoe, Fellow and Tutor of Jésus Collège, Oxford.
H. L. L. Brown, Esq., Fellow of Queen's Collège, Oxford.
J. G. Bulliot, à Autun (Saône-et-Loire).
J. F. Campbell, Esq., London.
The Rev. T. L. Carey, 0. S. F., Dublm.
P. du Cassel, à Lassay (Mayenne).
The Hon. Mrs Henry Caulfield, Hockley^ Armagh, Ireland.
A. Chassaing, juge au tribunal civil, au Puy (Haute-Loire).
Le comte Arthur de Circourt, à Paris.
E. Claverie, à Tarbes f Hautes-Pyrénées).
Lord Clermont, Newry, Ireland.
M. Cohen et fils, libraires, à Bonn (Prusse Rhénane).
G. Comont, curé de St Pierre-le-Viger, par Fontaine-le-Dun (Seine-lnlérieurc).
Le Comptoir de Londres, chez MM. Hachette, libraires, à F^aris.
H. Courel-Groult, à Lisieux (Calvados).
Mrs Eliz. Kerr Coulson, Cors y Gedol, Dyffryn, Merionethshire.
Alex. J. Cranston, Esq., Schloss Gayen, Meran, Tirol (Autriche).
The Rev. F. Crawford, Cookstown, Ireland.
Mgr A. David, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, à Saint-Brieuc (Cùtcs-du-
Nord).
The Rev. A. Davies, London.
A. Debrie, libraire, au Havre.
Delaitre, sous-lieutenant au i"' régiment de Tirailleurs Algériens.
G. Stirling Home Drummond, Esq., Ardoch, Braco, Scotland.
Earl of Dunraven, Adare, Limerick, Ireland.
A. Dùrr, libraire, à Leipzig (Saxe).
D' H. Ebel, à Schneidemùhl (Prusse).
Messrs S. and O. Edwards, Liverpool.
E. Ernault, à Arcueil, près Paris.
The Rev. I). Silvan Evans, B.D., Llaiiyiiiawddwy , Diua.s Mawddwy,
Merionethshire.
— XIII —
s. Ferguson, Esq., Keeper of the Public Record'; of Ireland, Dublin.
The colonel A. Lane Fox, London.
D. A. Freeman, Esq., London.
Frommann, libraire à léna fSa.xe).
Galette, libraire, à Paris.
The Rev. Richard Calvin, P.P., Rathdrum, Co Galway, Ireland.
Gariel, conservateur de la Bibliothèque, à Grenoble (Isère;
Ch. de Gaulle, à Paris.
Mr Thomas Gee, Publisher, Denbigh, North Wales.
The Rev. G. G. Geldart, London.
H. Georg, libraire, à Genève (? ex.).
Gerold et C", libraire, à Vienne (Autriche), (2 ex.).
E. Goumy, professeur au Collège Rollin, à Paris.
The Rev. James Graves, Stoneytord, Co Kilkenny, Ireland.
R. Griffith, Esq., principal of the Benares Collège, Benares, India.
D'Edw. Guest, Master of Caius Collège, Cambridge.
Guilmet, libraire.
Le D' Halléguen, à Chateaulin (Finistère).
Hauvette-Besnault, à Paris.
W. M. Hennessy, Esq., M.R.I.A., Dublin.
Le vicomte Hersart de la Villemarqué, membre libre de l'Institut, à C)uimperlé
(Finistère).
Hucher, au Mans (Sarthe).
G. Hudson, Esq., librarian to the Liverpool Free Public Library, Liverpool.
Rev. Joseph Hughes, B.D., professer of Welsh at St David's Collège, Lam-
peter, North Wales.
The Rev. A. Hume, Liverpool.
Husson, à Paris.
The Library of the Royal Irish Academy, Dublin.
M' V' Jacquin et ses fils, à Paris.
Rev. T. James, F.S.A., F. G. H., F. G. H. S., Huddersfield.
Yves Jégou, vicaire de Callac-en- Bretagne (Côtes-du-Nord-.
Walter D. Jeremy, Esq., Barrister-at-Law, London.
The Ven. W. Basil Jones, M. A., Archdeacon of York, York.
Miss Marianna Jones, Penmaen Dovey, Machynlleth.
John William Jones, Esq., Jésus Collège, Oxford.
A. Jourdain, à Paris.
P. W. Joyce, Esq. Dublin.
B. Jullien, à Paris.
Jung-Treuttel, libraires, à Paris (2 ex.).
M. J. C. Juta, Bookseller, Cape Town, Cape of Good Hope.
D. H. Kelly. Esq., Dublin.
Carie de Kerret, à Braspartz (Finistère).
Le vicomte René de Kerret, à Thoissey (Ain).
— XIV —
Kramers, libraire, à Rotterdam (Pays-Bas}.
Kymmel, libraire, à Kiev (Russie).
De La Saussaye, à Paris.
Lecoz, ingénieur civil, à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord).
André Lefèvre, à Paris.
Rév. Père Marc Le Gall, S. J., à Paris.
L. Léger, à Paris.
R. F. Le Men, archiviste du département, à Ouimper (Finistère).
Mgr Le Nouvel, évêque de Quimper et de Léon, à Quimper (Finistère).
Loescher, libraire, à Florence.
A. de Longpérier, membre de l'Institut, à Paris.
Lorenz, libraire, à Paris.
Louriou, avocat, à Bourges.
F. M. Luzel, à Plouaret (Côtes-du-Nord).
Robert Mac Adam, Esq., Belfast, Ireland.
Henry Mac Cormac, Esq., Belfast, Ireland.
The Rev. Edw. Mac Coy, Raford, Kiltulla, Athenry, Ireland.
J. Macdonald, Esq., London.
James Mac Knight, Esq. L.L. D. Londonderry, Ireland.
The Rev. D' Th. Mac Lauchlan, Edinburgh.
The Manchester Free Public Libraries, Manchester.
Henri Martin, à Paris.
The Rev. Williams Mason, Llantrisant Rectory, LIangefni, Anglesey.
The Rev. Donald Tolmie Masson M.A., M.D., minister of the Gaelic Church,
Edinburgh.
John Meredith, Esq., M. D., Calcutta.
Messrs Mohun and Bestor, booksellers , Washington , United States ot
America.
Gabriel Monod, à Paris.
L. A. de Montluc, à Paris.
J. Muir, Esq., LL.D., Ph. D., Edinburgh.
Prof. Max Mùller, Oxford.
The Rev. Eug. Murphy, Kenmare, Co Kcrry, Ireland .
Lord Charles Neaves, Edinburgh.
C. Nigra, ministre d'Italie, à Paris.
Noiriel, libraire, à Strasbourg [2 ex.).
Henri Norton, Esq., Norwich.
Nutt, libraire, à Londres (^ ex.).
Odobesco, con.seiller d'Etat, à Bukarest (Roumanie).
The Very Rev. D-" O'Rorke, P.P., Callooney, Co Sligo, Ireland.
Gaston Paris, à Paris.
Parker etC", libraires, à Oxford (2 ex.).
Penlou, chez MM. Schulz et Thuillié, libraires, à Paris.
Pernolet, ingénieur, à Paris.
The Rev. John Peter, Bala, North Wales.
A. Peyrot, professeur au Lycée, i. Nantes.
G. Philipps, chez M. Baer, libraire, ;\ Pans.
f Sir Thomas Philipps, Cheltenham.
Messrs Philip, son and nephew, booksellers, Liverpool.
B. M. Pickering, Esq., London.
A. Pictet, à Genève (Suisse).
G. Piquenard, à Quimper (Finistère).
Le D' Plicot, à la Fère-Champenoise (Marne).
Ch. Ploix, ingénieur hydrographe, à Paris.
Thomas Powell, Esq., Jésus Collège, Oxford.
f Rajat, capitaine au 32° de ligne.
Le général J. Meredith Read, consul-général des Etats-Unis d'Amérique, à
Paris.
Reinwald, libraire, à Paris (5 ex.).
E. Renan, membre de l'Institut, à Paris.
Llywarch Reynolds, Esq., Jésus Collège, Oxford.
Owen Richards, Esq., M. D., Bala, North Wales.
Rivett-Carnac, Esq., Allahabad, India.
The Rev. John Roberts, Conway, North Wales.
E. William Robertson, Esq., London.
Ronarc'h, avocat, à (^imper (Finistère).
L. Sauvé, à l'Aber Vrac'h (Finistère).
Sayvé, à Versailles.
E. Schuré, à Paris.
f Mgr Sergent, évêque de (^imper et de Léon, à C^imper ' (Finistère).
T. G. Shairp, Esq., Principal of the United Collège, St Andrew's University,
Scotland.
Sidot, libraire, à Metz (2 ex.).
W. F. Skene, Esq., Edinburgh.
Messrs Smith and Son, booksellers, Glasgow.
John Stuart, Esq., for the Society of Antiquaires of Scotland, Edinburgh.
Miss Stokes, Dublin.
Whitley Stokes, Esq., Simia, India.
F. Szarvardy, à Paris.
Tavernier, à Taninges (Haute-Savoie).
Le comte de Tertu, à Tertu, par Trun ^Oise).
The Right Rev. D' Gonnop Thirlwall, Bishop of St David's, Carmarthen.
E. Thomas, à Marseille.
Thonnelier, à Paris.
Treuttel et Wurtz, libraires, à Strasbourg (2 ex.).
Le colonel Troude, à Brest (Finistère).
I . L'abonnement de Mgr Sergent a été continué par son successeur, Mgr Le Nouvel.
— XVI —
Nie. Trûbner, Esq., London.
Turettini, chez M. Delondre, à Paris.
Van der Kindere, à Uccle (Belgique).
Vuillemin, lieutenant au i" régiment de Tirailleurs Algériens.
His Excellency M. Van de Weyer, London.
Wattenbach, professeur à l'Université d'Heidelberg (Grand Duché de Bade
Messrs Wiley and son, Booksellers, New York.
Messrs Willis and Sotheran, booksellers, London.
Williams et Norgate, libraires, à Londres (9 ex.).
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REVUE CELTIQUE
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LIBRAIRIE A. FRANCK
^■. VifWEG, PROPRIÉTAIRE
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PARIS.
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CONTINENTAL AND
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TllÛBNER & CO.
60, PATEIiNOSTER ROW, LONDON,
isieurs archéologues en qui j'ai grande confiance, et aussi pai ce lan
e le Musée de Saint-Germain, dans ses vitrines, a adopté mon
stème d'interprétation. Je me décide donc à en parler, me réservant
publier ultérieurement une monographie qui comprendra les nom-
eux monuments relatifs à ce personnage mythologique.
I
La statuette dont je donne ici la gravure est la seule qui révèle l'objet
\x lequel le dieu s'appuie; c'est ce bronze qui m'a permis de déter-
liner l'attribution de toute une série de monuments sur lesquels je
rois que mes devanciers n'avaient proposé que des assimilations forcé-
ment erronnées. Si j'ai eu la bonne fortune de trouver la solution du
)roblème, il me reste cependant un regret, c'est de ne pouvoir dire
naintenant le nom gaulois du dieu. Le hasard fera peut-être retrouver
jn jour, dans quelque inscription inédite, ce vocable mystérieux.
Le bronze en question, trouvé à Prémeaux (Côte-d'Or), dans des
fouilles dirigées par M. Ch. Aubertin, a figuré à l'Exposition universelle,
et fait partie du Musée de la ville de Beaune. Il représente un homme
barbu, vêtu d'une tunique serrée à la taille par une ceinture, les jambes
couvertes d'un vêtement collant; les dessins figurés au simple trait sur
la tunique et les braies dénotent l'intention d'indiquer des étoffes
brodées ou enrichies d'ornements en métal appliqué ' ; de la main droite
I . Ces statuettes me serviront utilement, dans un autre travail, à étudier le costume
des Gaulois et à établir que la forme de leurs vêtements se conserva traditionnellement
pendant un long espace de temps.
\
DE
LA DIVINITÉ GAULOISE
ASSIMILÉE A DIS PATER
A l'époque gallo-romaine.
Les lecteurs de la Revue Celtique me permettront de célébrer l'appa-
rition de ce recueil en leur faisant connaître un bronze qui représente le
dieu considéré par les Gaulois comme le père de leur race. J'hésitais
depuis longtemps à publier les notes recueillies sur ce sujet, tant je
crains, en fait de mythologie celtique, de me laisser séduire par quelque
illusion; mais j'y suis aujourd'hui encouragé par l'assentiment de
plusieurs archéologues en qui j'ai grande confiance, et aussi par ce fait
que le Musée de Saint-Germain, dans ses vitrines, a adopté mon
système d'interprétation. Je me décide donc à en parler, me réservant
de publier ultérieurement une monographie qui comprendra les nom-
breux monuments relatifs à ce personnage mythologique.
I
La statuette dont je donne ici la gravure est la seule qui révèle l'objet
sur lequel le dieu s'appuie; c'est ce bronze qui m'a permis de déter-
miner l'attribution de toute une série de monuments sur lesquels je
crois que mes devanciers n'avaient proposé que des assimilations forcé-
ment erronnées. Si j'ai eu la bonne fortune de trouver la solution du
problème, il me reste cependant un regret, c'est de ne pouvoir dire
maintenant le nom gaulois du dieu. Le hasard fera peut-être retrouver
un jour, dans quelque inscription inédite, ce vocable mystérieux.
Le bronze en question, trouvé à Prémeaux (Côte-d'Or), dans des
fouilles dirigées par M. Ch. Aubertin, a figuré à l'Exposition universelle,
et fait partie du Musée de la ville de Beaune. Il représente un homme
barbu, vêtu d'une tunique serrée à la taille par une ceinture, les jambes
couvertes d'un vêtement collant; les dessins figurés au simple trait sur
la tunique et les braies dénotent l'intention d'indiquer des étoffes
brodées ou enrichies d'ornements en métal appliqué ' ; de la main droite
I. Ces statuettes me serviront utilement, dans un autre travail, à étudier le costume
des Gaulois et à établir que la forme de leurs vêtements se conserva traditionnellement
pendant un long espace de temps.
2 De la divinité gauloise assimilée à Dis Pater.
il tient un vase; de la main gauche il s'appuie sur une masse pourvue
d'un long manche.
De la divinité gauloise assimilée à Dis Pater. 5
Le même personnage est gravé d'une manière identique sur une
pierre formant le chaton d'une bague d'argent massif, trouvée, au
siècle dernier, à Vendeuil-Caply (Oise), dans des fouilles entreprises au
siècle dernier par ordre du duc de Luynes'.
Des statuettes de bronze de différentes grandeurs, mais analogues à
celle de Prémeaux , ont été découvertes à Besançon , à Vienne, en
Suisse, près de Saint-Paul-trois-Châteaux, dans la Bresse, à Mâcon, à
Metz, etc. On en conserve plusieurs exemplaires dans les musées de
Saint-Germain, de Lyon, de Nimes, d'Avignon, de Lausanne. Seule-
ment, aucune de ces nombreuses statuettes n'a conservé le long
marteau qui en est l'attribut spécial ; cet instrument, simplement passé
dans la main gauche, et jamais fixé, a été facilement égaré, ou rongé par
l'oxide.
Ce dieu n'a pas été seulement représenté en statuettes de bronze :
on le voit aussi sculpté sur des autels de pierre, au Musée de Strasbourg,
à Sulzbach, dans le grand-duché de Bade et à Lyon. Si les bronzes
nous le montrent avec une perfection d'art plus ou moins complète, les
sculptures le représentent presque toujours grossièrement ; mais elles
nous apprennent positivement qu'à l'époque gallo-romaine ce dieu était
assimilé à Pluton.
Sur l'autel du Musée de Strasbourg, provenant d'Ober-Seebach
(Bas-Rhin), le dieu, appuyé sur son long marteau, est à côté d'une
femme qui est ^Erecura ou Proserpine ; à ses pieds on voit Cerbère,
reconnaissable à ses trois têtes*. L'autel de Sulzbach est analogue?.
Sur les autels du Musée de Lyon, le dieu, toujours isolé, est, une fois,
accompagné d'un chien 4; quelquefois le marteau paraît tantôt seul,
1. cf. Grivaud de la Vincelle, pi. XVII, n" 3.
2. Cf. Revue archéologique, 18(4, pp. 309 et seq. art. de M. F. Chardin.
3. Brambach, Baden unter rœmischer Hcrrschaft. — Revue crit., 1867, 2^ sem., p. 387.
4. [Si, dans l'autel du musée de Lyon, la présence du chien n'est pas comme dans
l'autel d'Oberseebach une réminiscence du Cerbère grec, et s'il est bien l'expression indi-
gène du symbolisme gaulois, ce serait une raison de plus de reconnaître à la divinité qu'il
accompagne la signification proposée par M. A. de Barthélémy. Le plus souvent, en
effet, le chien est, en mythologie, le compagnon des dieux sombres de la nuit. En Grèce,
à côté du mythe bien connu de Cerbère, qui garde les portes du owiia 'Aîoao, nous
voyons le chien consacré à Hécate (Preller : Criechische Mythologk-, tome 1, p. 248).
Au moyen-âge, le démon revêtait souvent la forme d'un chien (A. Maury ; Essai sur les
légendes pieuses du moyen-âge, Paris, 1843, in-80, pp. 165-7, cf. J. Grimm, Deutsche
Mythologie^, p. 948). C'est aussi sous cette forme, comme on sait, que dans le Faust
de Goethe, Méphistophélès apparaît pour la première fois. Dans les traditions populaires
des Highlands d'Ecosse, le chien semble avoir quelque chose de diabolique, comme le
remarque M. J.-F. Campbell {Popular Taies of the West Highlands, vol. I, p. LXXXIX)
et, d'après Pennant, cité par Brand (Popular Antiquities, Bohn's Ed. vol. II, p. 170),
les Highlanders prennent bien garde, dans la célébration d'un mariage, qu'un chien ne
passe entre les deux fiancés. De même, en Irlande, la rencontre d'un chien, dans des
circonstances que je ne me rappelle malheureusement pas d'une façon précise, est regardée
4 De la divinité gauloise assimilée à Dis Pater,
tantôt accompagné du vase que le dieu tient ordinairement de la main
droite.
La représentation la plus curieuse que je connaisse de cette divinité
est une statuette de 22 centimètres 1/2 de hauteur, faisant partie d'un
laraire trouvé à Vienne en 1866. Le dieu, avec ses attributs habituels,
a les pieds posés sur un piédestal ; derrière lui était fixée une tige
aujourd'hui détachée, mais dont on peut reconnaître la place; cette
tige était terminée par un véritable maillet d'assez grande dimension, et
dans la masse étaient fixés sept autres maillets, plus petits, disposés en
rayons, et qui formaient une sorte d'auréole derrière la tète du dieu '.
Dans ces statuettes, Montfaucon voit tantôt Esculape, tantôt un
druide, tantôt un victimaire; d'autres archéologues, anciens et modernes,
tiennent pour Jupiter, Neptune et Hercule. Grivaud de la Vincelle et
M. F. Chardin ont proposé Dis paler ou Taranis : ils ont entrevu la
vérité, mais ils n'ont pas approfondi la question.
Nous devons remarquer que les statuettes dont nous nous occupons
n'ont pas toutes la tête nue : quelques unes, — ce sont celles qui ont
fait penser à Hercule, — ont une peau de bête fauve sur les épaules ;
la tête sert de coiffure, et les pattes sont croisées sur la poitrine. Mais
il ne s'agit pas ici de la dépouille du lion de Némée; le museau pointu
et les oreilles indiquent plutôt l'hyène ou le loup.
Après avoir décrit sommairement la caractéristique de ce dieu
gaulois, que dès à présent nous pouvons considérer comme ayant été
confondu avec Dis Pater ou Pluton à l'époque gallo-romaine, je vais
essayer de coordonner les notes que j'ai recueillies jusqu'ici pour aider à
fixer sa personnalité et la valeur de ses attributs.
« Les Gaulois se prétendent tous issus de Pluton (Dis Pater); c'est,
disent-ils, une tradition des druides. En vertu de cette croyance, ils
mesurent le temps écoulé, non par le nombre des jours, mais par celui
comme un signe de mauvais augure. Dans l'île de Man, le château de Peel a longtemps
été hanté par un fantastique chien noir, Moddey Dhoo (J. G. Cumming, The IskofMan,
Londres, 1848, pp. 197 et suiv.). Le hurlement nocturne des chiens a généralement été
considéré comme un présage de mort (Brand, Pop. Aiit. Bohn's Ed., vol. III, pp. 1S4 et
suiv.); Virgile témoigne de la tradition romaine à cet égard : « obscenxque canes
signa dabant. » {Georg. I, 470). Il est aussi curieux de remarquer que les chiens ont
souvent été réputés voir des « esprits » que les yeux des hommes ne devinaient pas, et
cette croyance se trouve déjà dans Homère (Odyssée, XVI, r6o, cf. Crimm, Dcut. Myth. '^,
p. 632). — H. Ci
I. Bull, de la Soc. imp. des antiquaires de France, 1866, pp. 99 et seq., et 109, notes
de MM. Allmer et de Witte.
De la divinité gauloise assimilée à Dis Pater. 5
des nuits; et de même, pour compter la date des naissances ou les
commencements de mois ou d'années, c'est toujours la nuit qu'ils
prennent pour point de départ. »
Ainsi parle César qui fait allusion à une ancienne légende druidique '.
Dans le paragraphe précédent, il rappelle le culte dont les Gaulois
honoraient Mercure, Apollon, Mars, Jupiter et Minerve, donnant ainsi
les noms de divinités romaines, à cause de l'analogie des attributs, à
des dieux et à des génies gaulois : Jupiter et Mercure sont donc bien
distincts de Dis Pater; or, nous venons de voir que la statuette de
Prémeaux, par suite de la comparaison des monuments, devait être
assimilée à Dis Pater ; il faut donc renoncer, à l'avenir, à lui donner un
autre nom. Ce fait me semble acquis, et aussi que la divinité principale
des Gaulois avait, pour les Romains, quelque analogie avec Pluton et
les dieux infernaux.
Il nous est donc permis d'affirmer que dans la Gaule romaine, alors
que l'ancien culte était proscrit, on garda encore le souvenir et le
culte de l'ancienne divinité, d'une manière plus ou moins déguisée.
Pendant que dans des laraires, conservés dans les maisons, des Celtes
attachés à l'ancienne croyance glissaient des statuettes qui, à la rigueur,
pouvaient rappeler Jupiter, Hercule ou Vulcain, d'autres, sur des autels
de pierre, faisaient en sorte que le chef de la race gauloise pût être pris
pour Pluton; ils se contentaient même quelquefois de graver ses attri-
buts isolés.
M. A. de Longpérier a rapproché les statuettes qui nous occupent en
ce moment du Zeùç çOaoç, honoré à Mégalopolis d'Arcadie, et qui,
suivant Pausanias, était chaussé de cothurnes, tenait d'une main un
vase à boire et de l'autre un thyrse^. Mais, du moment où il est établi
que notre dieu gaulois tient un marteau à long manche, nous ne pouvons
le comparer au Jupiter auquel Polyclète d'Argos avait donné les attri-
buts de Bacchus. Je ne retrouve guères le marteau, comme symbole
d'une divinité infernale, que chez les Etrusques et dans le nord de
l'Italie; or, notre dieu avait un caractère infernal puisque les Gallo-
Romains eux-mêmes l'assimilèrent à Pluton 5.
1. césar, Bell, gall., VI, 17 et 18.
2. Notice des bronzes antiques exposés dans les galeries du Louvre, p. j.
3. [J. Grimm nous apprend dans sa Deutsche Mythologie* (p. 951) que le démon est
quelquefois comparé à un marteau dans les traditions germaniques, et qu'il est même
désigné chez saint Jérôme sous le nom de Malleus. — Le marteau (parfois remplacé par
une massue) est aussi un des attributs du dieu Scandinave Thôrr; mais ce marteau mer-
veilleux qui, lorsque le dieu l'a lancé contre un ennemi, revient dans sa main après avoir
porté coup, n'est autre chose que la foudre et doit originairement n'avoir été qu'une
arme de jet. En effet hamar, nous dit Grimm, a primitivement signifié « pierre » avant
6 De la divinité gauloise assimilée à Dis Pater.
Le marteau est porté par Cham, dont les Romains ont fait leur
Charon. Cham est représenté, tantôt habillé et chaussé, tantôt nu; il a
quelquefois sur les épaules une peau de bête dont la tête lui sert de
coiffure: lorsqu'il est habillé, on aperçoit parfois sur ses vêtements des
ornements qui ne sont pas sans analogie avec ceux que j'ai signalés
sur le sagum du dieu gaulois. En Etrurie, le gardien des portes de
l'enfer, accompagné de Cerbère sur quelques monuments, tient toujours
un marteau ou une masse, dont il se sert pour assommer ceux qui sont
voués à la mort. La grande différence qui existe entre le Charon étrusque
et le dieu gaulois, c'est que le premier est représenté sous des traits
hideux qui rappellent les diableries du moyen-âge, tandis que le Dis
pater des Celtes a un type noble et majestueux.'
Cette idée du marteau, en Etrurie, se retrouve dans une légende
conservée dans les Parallèles de Plutarque ; j'emprunte la traduction de
ce passage à Ch. Lenormant qui voulait que ce marteau fût assimilé à
Vascia. Cette hypothèse ne peut se soutenir puisque Vascia, ayant la
forme d'un pic, carré d'un côté, pointu de l'autre, n'a aucun rapport avec
le marteau. Voici la légende : « La peste ayant frappé les habitants de
Paieries, l'oracle annonça que le mal prendrait fin si l'on sacrifiait tous
les ans une vierge à Junon; la superstition avait maintenu ce sacrifice
barbare, lorsque le sort tomba sur une jeune fille nommée Valeria
Luperca. Celle-ci ayant tiré le glaive allait s'en frapper, quand un
aigle se précipitant dans son vol, enleva l'instrument du sacrifice, et,
en même temps qu'il déposait sur les offrandes un marteau emmanché
dans un bâton court, il jeta l'épée sur une génisse qui paissait dans le
voisinage du temple. La vierge s'en étant aperçue, sacrifia la génisse,
et ayant pris le marteau, elle s'en alla de maison en maison, réveillant
les malades en les frappant avec douceur, et disant à chacun de se bien
porter. Cette cérémonie mystérieuse se pratique encore à Paieries^. »
de s'appliquer à des instruments faits de pierre. Chez les Romains, le silex, Jovis lapis,
était également considéré comme un symbole de la foudre et recevait les serments :
« Lapident silicem tenebant juraturi per Jovem lise verba dicentes : « si sciens fallo, tum
me Dispiter salva urbe arceque bonis ejiciat, uti ego hune lapidem ! » Pauli Epitome, p.
115, dans l'édition de Festus donnée par G. 0. Millier (Leipzig, 1839), cf. Polybe, III,
26, et Tite-Live, I, 24 et IX, $. Voyez Grimm, Dctit. Mytlir, pp. 164-166 et 1171,
et Preller, Rœmisciie Mythologie*, pp. 218-223. Remarquons à ce propos qu'on croit
encore aujourd'hui en Cornwall à la présence réelle du tonnerre dans des objets de même
nature : « Rheumatism is attempted to be cured by a « boiled thunderbolt », in other
words, a boiled celt, supposed to be a thunderbolt. This is boiled for hours and the water
then dispensed to rheumatic patients. » J. O. Halliwell : Rambles in Western Cornwall
(Londres, 1861, in-8", p. 205). Des superstitions analogues se rencontrent aussi en
France; voir Cochet : La Seine-Inférieure (Paris, 1864, in-4), p. 15, n. 4. — H. G.|
1. J. Ath. Ambrosch, de Charontc Etnisco comm. antiq. (Breslau, 1837).
2. Nouv. Ann. de l'Institut archéol., t. II, p. 143, Mém. de Gh. Lenormant sur les
deniers romains portant le nom de L. Valerius Acisculus.
De Li divinité gauloise assimilée à Dis Pater. 7
Cette légende paraît indiquer la fin de l'ancien culte étrusque et des
sacrifices humains : le marteau de Charu devient un instrument de
guérison après avoir été un instrument léthifère. Chez les Romains, le
souvenir du dieu étrusque se conserva longtemps. C'était un person-
nage muni d'un marteau qui était chargé d'enlever les cadavres des
gladiateurs tombés dans les combats du cirque, et ce personnage, au
dire de Tertullien, était appelé Dis Pater : « Risimus et meridiani ludi
de deis lusum, quo Dis Pater, Jovis frater, gladiatorum exequias cum
malleo deducit'. » A la rigueur on pourrait croire que Tertullien a
pensé au dieu gaulois, car il parle de Dis pater et non pas de Charon,
et ce texte est en quelque sorte expliqué par le bas-relief d'Ober-See-
bach qui nous a donné le sens de toute la série de statuettes dont je
m'occupe en ce moment.
La numismatique gauloise vient aussi nous fournir la preuve que le
marteau jouait un certain rôle dans les croyances de nos ancêtres.
Voici deux statères d'or de très-bon style, par conséquent d'une date
reculée, que l'on a retrouvés sur le territoire jadis occupé par les
Baiocasses. Sur le premier, le marteau est gravé devant le cheval attelé;
le personnage qui guide ce dernier tient un de ces petits navires ana-
logues à celui qui a fait partie de la collection de feu M. Houbigant, et
qui est aujourd'hui au Musée de Beauvais ; sous le cheval est une épée.
Le second statère représente Vauriga tenant de la droite une épée et de
la gauche une lanière au bout de laquelle est le marteau qu'il semble
avoir lancé; sous les pieds du cheval est une sorte de vase ou de
lampe.
Je crois que nous avons ici une représentation vraiment gauloise du
dieu au marteau; je dis vraiment gauloise, parce que les statères sont
antérieurs à la conquête, tandis que les autels et les statuettes sont
postérieurs à l'époque où cessa l'indépendance gauloise.
I. Tertullien, Ad Nationes, I, 10.
8 De la divinité gauloise assimilée à Dis Pater.
Les Etrusques ont-ils emprunté leur Charu aux Gaulois ? je ne veux
pas aujourd'hui aborder ce côté de la question. Je me borne, après
avoir constaté des faits qui me semblent certains, à faire remarquer que
des découvertes archéologiques récentes permettront de constater les
rapports internationaux qui, à une époque où la tradition historique fait
défaut, existaient entre la Gaule et l'Étrurie.
Je note aussi que la rareté, sur notre sol, des inscriptions portant le
nom de DIS PATER semble indiquer que les Gallo-Romains ne cher-
chaient pas à nommer le dieu mystérieux que les Romains appelaient
Pluton.
Anatole de Barthélémy.
LA
MINIATURE IRLANDAISE,
SON ORIGINE ET SON DÉVELOPPEMENT.
Les initiales ornées dont les enlumineurs du moyen-âge ont embelli
nombre de manuscrits n'attirent pas seulement l'attention par la variété
de l'invention, la délicatesse de l'exécution et le goût qui se montre
dans le dessin aussi bien que dans le coloris ; elles sont aussi instructives
pour ceux qui s'intéressent au développement historique de l'art. Elles
ont même pour ces études d'autant plus d'importance qu'elles réunissent
deux avantages déjà rares par eux-mêmes : remarquable conservation et
date certaine. Aussi bien garanties de l'influence de la lumière, de l'air
et de l'humidité que des accidents, elles ont souvent gardé une fraîcheur
qu'on ne retrouve dans aucune peinture d'une époque aussi reculée.
Elles sont en outre généralement accompagnées de renseignements
exacts sur l'âge de leur composition, et, lorsque par hasard ces rensei-
gnements nous manquent, la diplomatique nous fournit sur cet âge des
renseignements exacts par l'examen des caractères de l'écriture.
L'importance de ces miniatures, pour les époques antérieures au onzième
siècle, est d'autant plus grande que ce sont presque les seuls monuments
qui nous restent de la peinture d'alors.
Les manuscrits irlandais, je veux dire les manuscrits, soit rédigés en
langue irlandaise, soit copiés par des moines irlandais ou dans des
couvents irlandais, appellent d'une façon spéciale l'attention par
le style tout particulier de leurs initiales , et même ce style se
distingue à tel point des autres styles que l'on connaît au moyen-âge,
que quelques personnes ont été amenées à lui supposer un rapport étroit
avec les formes artistiques les plus éloignées. On a cru lui trouver des
ressemblances avec les productions de l'ancien art égyptien. La vague
assertion que des moines égyptiens avaient paru dans les Iles Britan-
10 La Miniature Irlandaise.
niques arrivait pour confirmer l'hypothèse que des relations de ce genre
avaient introduit l'influence de l'art égyptien dans les monastères de
Pirlande. Mais, d'autre part, la comparaison des miniatures anglo-
saxonnes, françaises et allemandes, montre entre celles-ci et les minia-
tures irlandaises une certaine parenté, et jusqu'au xii*-' siècle et même
au-delà, on peut suivre un développement continu du style de ces
miniatures auquel les initiales irlandaises servent de point de départ.
Les initiales irlandaises ont donc, pour l'histoire du développement
de la peinture un double intérêt : d'abord leur origine, et ensuite, leurs
rapports avec ce qu'on appelle l'ornementation byzantino-romane. C'est
pour ces motifs que je leur ai consacré quelque attention, et j'accède
volontiers au désir que m'a exprimé le Directeur de la Revue Celtique en
consignant ici mes observations et mes réflexions sur ce sujet. Sans avoir
la prétention d'élucider complètement cette intéressante question, je
voudrais du moins en provoquer l'étude.
I
L'usage d'orner de miniatures les livres d'Église régnait déjà dans
les lies Britanniques au vii^ et peut-être même au vie siècle de notre
ère. Moines et ecclésiastiques pratiquaient cet art avec une infatigable
patience et avec un goût tout particulier. Ils donnaient une atten-
tion toute spéciale aux initiales qu'ils dessinaient à la plume, avec
un soin merveilleux et d'une façon tout-à-fait artistique, et ils les
enluminaient de couleurs bigarrées et éclatantes. Ils composaient ces
lettres de rubans plus ou moins larges; ils les ornaient de lignes artiste-
ment entrelacées et y introduisaient des figures d'hommes ou, plus
souvent, d'animaux.
Ces entrelacs forment ordinairement l'extrémité des rubans, mais ils
servent aussi à en orner la surface comme des fils de couleur fixés sur
un fond noir; tantôt ils s'étendent sur toute la superficie des rubans,
tantôt ils remplissent des parties isolées des lettres. Les spirales, ou
volutes, aux enroulements pressés caractérisent surtout ce genre d'ini-
tiales où l'élégance du dessin suppose une longue pratique et une grande
habileté. Ces mêmes ornements s'ajoutent comme fioritures aux traits
qui forment les lettres ou bien remplissent l'espace entre eux. Un grand
nombre d'initiales n'ont que ces lignes en spirale pour tout ornement.
Les figures d'hommes et d'animaux sont autrement employées. Le plus
souvent, les extrémités des rubans sont ornées de têtes d'hommes ou
d'animaux. Il arrive aussi qu'un semblable ruban se termine en haut par
La Miniature Irlandaise. 1 1
une tête et en bas par un pied, qu'il reçoit même quelquefois des
mains ou des ailes, de sorte que les lignes et les lettres même se trans-
forment en hommes, dragons, oiseaux, de formes fantastiques, avec un
corps atrophié et souvent singulièrement contourné. Ils donnent surtout
aux figures un aspect grimaçant. Des figures isolées se rencontrent
rarement, surtout dans les plus anciens manuscrits. Mais là où elles se
rencontrent, elles ont également un aspect grotesque. Mais ce ne sont,
en aucune façon, des essais grossiers et naïfs de représenter des êtres
réels; ces figures sont exécutées dans un style traditionnel et, en quelque
sorte, d'après un type donné. Quelques unes mêmes sont formées par
des fioritures calligraphiques qui ont évidemment pour but de montrer
l'habileté du dessinateur et de prêter au dessin un attrait tout parti-
cuher.
On a appelé les miniatures de cette espèce tantôt irlandaises, tantôt
anglo-saxonnes. Les plus anciennes proviennent en partie d'Irlande,
en partie de la Grande-Bretagne septentrionale, et il n'est pas douteux
qu'elles sortent d'une école irlandaise ou, tout au moins, celtique. On sait
qu'en $96 le pape Grégoire le Grand envoya saint Augustin en Grande-
Bretagne pour prêcher l'Évangile aux Anglo-Saxons, et l'on sait aussi
à quelle circonstance la légende rapporte cette mission. Le Pape, tra-
versant à Rome le marché consacré à la vente des esclaves, y avait
remarqué quelques beaux jeunes gens et, apprenant leur nationalité,
s'était écrié : « Anglisunt; angell forent, si christiani essent. »
Augustin vint donc en Grande-Bretagne, mais dans une réunion
d'ecclésiastiques, il rencontra grande résistance; on ne reconnut pas
les livres sacrés qu'il avait apportés, et on ne voulut pas se soumettre à
quelques unes des prescriptions de l'Eglise de Rome ; car il existait
déjà une Église Britannique ' qui s'était conservée du temps de la domi-
nation des Romains. Déjà vers 4^0, peu après le départ des Romains de
Grande-Bretagne, saint Patrice avait apporté le christianisme en Irlande;
et des cloîtres irlandais qui, isolés comme ils étaient, voyaient fleurir
en paix les études théologiques, sortirent, au vi'' siècle, de nombreux
apôtres qui parcoururent le continent. Bien avant même le voyage de
saint Augustin en Angleterre, saint Columba avait, en 565, quitté
l'Irlande pour la Grande-Bretagne septentrionale, dans le but de prêcher
I. [Pour éviter la confusion qui existe en français lorsqu'on parle de Bretons ou de
choses bretonnes, à moins qu'on ne dise si l'on a en vue la Grande-Bretagne ou la Bretagne
armoricaine, nous réserverons dans cette Revue le nom de Bretons aux Bretons de France.
Nous désignerons par le nom de Britannes (forme francisée du latin Britannï) les Bretons
d'outre-Manche, et nous emploierons Britannique comme adjectif de Britanne. Que les
puristes nous pardonnent ce néologisme pour l'amour de la clarté! — H. G.]
12 La Miniature Irlandaise.
l'Évangile aux Pietés, et il avait fondé dans l'île d'Hy' un monastère plus
tard fameux. On attribuait à saint Columba un évangéliaire qui venait
de la cathédrale de Kells, en Irlande, mais dont on perd la trace en
1632. Ce qu'on appelle aujourd'hui « Manuscrit de Kells » ou de saint
Columba* est un Évangéliaire qui possède les plus splendides initiales
que l'on connaisse en ce genre. Elles sont d'un art si riche que
M. Digby Wyatt a, de désespoir, renoncé à les dessiner. Pour-
tant M. Westwood, dans sa récente publication', a rempli quatre pages
de reproductions de ce manuscrit. Il est fort douteux que le « Manu-
scrit de Kells » remonte au temps de saint Columba, et probablement
il n'est pas plus ancien que le célèbre « Manuscrit de saint Cuthbert^, »
appelé aussi « Manuscrit de Durham » parce que, dans le transfert du
siège épiscopal de Lindisfarne à Durham, il a été transporté dans la
cathédrale de cette dernière ville. Après le « Ms. de Kells, » c'est ici
que nous trouvons les plus belles et les plus riches initiales de cette
espèce J. Ce manuscrit provient de l'école qu'avait fondée l'irlandais
Aidanj premier évêque de Lindisfarne. Saint Cuthbert fut le sixième
évêque de Lindisfarne (684-688) et, d'après d'anciens témoignages,
était aussi un Irlandais*^. Mais le ms. a reçu le nom d'évangile de saint
Cuthbert parce qu'il a été copié en l'honneur de Dieu, de saint Cuthbert
et de tous les saints de l'île Lindisfarne. C'est ce qui résulte d'une note
ajoutée par le prêtre Aeldred qui a, entre les lignes de ce texte latin des
Évangiles, écrit une traduction anglo-saxonne. D'après le même témoi-
gnage, ce ms. est de la main de l'évêque Eadfrith ou Egbert (698-721)
et c'est aussi celui-ci qui, sans nul doute, a exécuté les miniatures, car
Aeldred ne nomme comme s'étant occupé aussi du ms. que l'évêque
Aethiiwald qui en fabriqua la reliure, et l'anachorète Billfrith qui l'orna
1. [Cette île est plus connue sous le nom d'Iona, mais lona est une forme relativement
moderne et sortie d'une erreur paléographique. Voyez : W. Reeves : Adamnan's Life 0/
St Columba (Dublin, 1857, in-4'', publ. par Vlrish Archteological Society), pp. 258-262 et
413.— H. G.]
2. Ce ms. se trouve dans la bibliothèque de Trinity Collège, à Dublin.
5. Miniatures and Ornaments of Anglo-Saxon and trish Manuscripts, Oxford, 1868,
fol.
4. Ce ms. se trouve au British Muséum de Londres {Cotton. mss., Nero, D, IV).
$. On en trouvera des fac-similé dans Westwood : P ald-ographia sacra pictoria (Londres,
1843), pl- ' ; psr le même auteur : Miniatures and Ornaments of Anglo-Saxon and Irish
Manuscripts, pl. 12; Humphreys, llluminated Books, pl. 2; Digby Wyatt, The art of lllu-
minating (Londres, 1860), pl. 5 et 4; The Lindisfarne and Rushworth Gospels (Publica-
tions of the Surtees Society).
6. [Le savant Lanigan {Ecclesiastical History of Ireland, vol, III, pp. 88 et suiv.) ne
considère pas Cuthbert comme un Irlandais. Mais la nationalité de Cuthbert importe peu
dans la question présente puisqu'il avait été élevé dans des couvents irlandais du Northum-
berland,etqu'àcetteépoquele Northumberland subissait dans une certaine mesure l'influence
delà civilisation irlandaise. — H. Cl
La Miniature Irlandaise. 1 3
d'or, d'argent et de pierres précieuses'. La Bibliothèque impériale de
Paris possède un semblable évangéliaire que l'apôtre anglo-saxon des
Frisons, saint Willibrod (-|- 730), apporta d'outre-Manche ^
Des miniatures de même style se rencontrent aussi dans les mss. des
couvents qui ont été fondés sur le continent par des Irlandais dans
les VI" et vue siècles. Mais ces miniatures sont, d'une part, exécutées
avec moins de soin et ont^ en quelque sorte, dégénéré (citons celles
du cloître de St-Gall publiées par M. Keller 5); d'autre part elles trahissent
déjà une influence franque (on le voit par exemple dans l'évangéliaire
plus récent de la bibliothèque de WolfenbûtteU, qui vient du cloître de
Kronweissenburg, en Alsace). Mais la parenté de ces miniatures avec
les miniatures anglo-saxonnes, qui sont plus anciennes, nous permet de
désigner comme irlandais, ou au moins comme celtique, le style qui s'y
rencontre.
Quand on se demande quelle est l'origine de cette ornementation,
rien ne semble plus invraisemblable au premier coup-d'œil que la pensée
d'un rapprochement avec l'art des Romains, et, en fait, des connaisseurs
anglais jugent qu'il n'y a ici aucun élément dont l'origine soit dans
l'antiquité classique. Et pourtant, on ne peut entièrement nier que cet
art n'ait quelques points de contact avec l'art romain. Des rubans entre-
lacés auxquels se mêlent des figures d'hommes et d'animaux forment
aussi partie intégrante de la décoration antique, et pouvaient se com-
biner d'une manière fort variée ; et parmi les rubans et les entrelacs
des mss. irlandais quelquefois se rencontre une ressemblance frappante
avec les formes antiques du méandre. L'histoire des lies Britanniques
justifie la supposition que le goût des Romains peut avoir laissé quelques
traces chez les Britannes. L'écriture que saint Patrice introduisit en
Irlande était, dans ses caractères essentiels, l'écriture romaine du temps,
et la coutume d'orner de dessins les livres d'Eglise a dû probablement
être adoptée de bonne heure par les Romains. On attache aussi de
l'importance à ce fait que saint Augustin apporta avec lui en Angleterre
des livres qui peut-être étaient ornés de miniatures, et on dit que, plus
1. Voyez Tht Lindisfarnt and Rushmrth Gospels, dans les Publications of tke Surtees
Society, vol. 48, i86j, p. XLIV. — Dugdale s'est trompé lorsqu'il a dit qu'Aethilwald
avait chargé Billfrith de l'exécution des miniatures, et cette erreur a été répétée par
MM. Westwood et Wyatt.
2. Suppl. lat., n» 693. — [Il n'est pas inutile d'observer que saint Willibrod venait
directement d'Irlande, où il avait passé douze ans, quand il se rendit chez les Frisons.
— H. G.]
; . Ferd. Keller : Bilder und Schriftzùge der Irischen Manuscripten, dans les Mittheilun-
gen der antiquarischen Gesellschaft zu Zurich, Band VII.
4. Mss. Weissenb., n° 6i. De toutes les initiales qu'on a publiées, je n'en connais pas
qui soient aussi caractéristiques que celles-ci.
14 La Miniature Irlandaise.
tard, un évêque de Canterbury, le savant grec Théodore de Tarse (668-
692) peut avoir, au moyen de mss. byzantins, répandu en Angleterre
la connaissance de l'ornementation antique. Nous trouvons en effet dans les
mss. byzantins comme un souvenir de l'ornementation des mss. irlan-
dais. Le fameux ms. de Dioscorides conservé à Vienne, qui a été écrit
vers l'an 500 pour une parente de l'empereur Justinien, présente quel-
ques ornements assez simples et en soi insignifiants dont la méthode est
aussi mise à profit dans les initiales irlandaises; elle consiste à former
les lettres avec des lignes de points et à terminer les traits de l'écriture
par des paraphes en forme de spirales. On trouve des rubans entortillés
qui se terminent en têtes d'animaux dans un ms, grec qui contient en
outre des Lectiones evangeliorum ' et que l'écriture nous fait rapporter
au vii^ ou au viiie siècle. Ce ms. a généralement dans !'£ le trait hori-
zontal en forme de main; et, dans le T, le trait perpendiculaire est
entouré d'un serpent, ou se termine en haut par une main qui saisit et
tient le trait horizontal. Sans doute ce ne sont que de faibles ressemblances
qui indiquent tout au plus une source commune et ce n'est que dans des
mss. byzantins d'une époque beaucoup plus récente que s'est développée
davantage la composition artistique d'initiales où entrent des figures
d'hommes et d'animaux. Mais le ms, de saint Cuthbert renferme aussi
une preuve irréfutable que des prototypes byzantins ont été mis en usage.
Non-seulement les images des Evangélistes sont dans le style byzantin,
mais, avant leurs noms, se rencontre trois fois « 0 agios « et une fois
« 0 agius, « transcription du grec 0 y.'(ioq.
Les plus anciens mss. d'une partie du continent occidental, les mss, des
Wisigoths, des Burgondes et des Francs, méritent de fixer notre atten-
tion. Tous emploient, aussi bien que les mss. irlandais, des lignes entre-
lacées et des rubans avec des formes d'animaux; ils emploient en outre des
ornements empruntés au règne végétal, ce qui manque aux mss, irlan-
dais. Mais, d'un autre côté, nous ne retrouvons pas ici les spirales
irlandaises, et les figures d'animaux se bornent presque exclusivement
aux oiseaux et aux poissons, ce qui peut s'expliquer par une allusion à
l'Esprit-Saint et au symbole bien connu de l'r/ôuç. Mais chaque peuple
a développé cette ornementation d'une façon différente, bien que tous
emploient les mêmes éléments antiques. Les initiales des Wisigoths
que le comte Bastard et après lui Wyatt (pi. 8) ont publiées d'après
un Ms. qui se trouve à la Bibliothèque Impériale de Paris, se
distinguent par un puissant feuillage et, par là, se rapprochent le plus
I Bibliothèque de Munich.
La Miniature Irlandaise. 1 5
de la décoration antique. Particulièrement remarquables sont les initiales
Burgondes dont nous ne connaissons qu'un petit nombre. Des spécimens
en ont été publiés récemment à Genève'^ et de plus remarquables encore
se rencontrent à Wolfenbuttel dans un des mss. de Kronweissenburg.
Ces initiales ne renferment ni entrelacs ni rubans, mais retiennent les
poissons et les oiseaux au moyen de couronnes et de guirlandes. Le
dessin et le coloris en sont exécutés à la légère et superficiellement; et
elles ne peuvent se comparer aux initiales irlandaises, tandis qu'elles
rappellent davantage et d'une façon plus directe les éléments de la
décoration antique. Enfin, les plus anciennes initiales franques sont plus
simples et se rapprochent davantage de celles des Wisigoths, mais ont
peut-être aussi subi l'influence de l'art des cloîtres irlandais.
Si donc nous reconnaissons partout un fonds commun d'art antique,
nous observons pourtant un caractère particulier dans l'ornementation
irlandaise. Ce qui distingue cette dernière, c'est d'abord l'absence de
plantes, puis une façon de traiter les figures qui témoigne d'un penchant
particulier à l'extraordinaire, au grotesque et au baroque, et enfin deux
éléments dont ailleurs on ne rencontre (et bien rarement encore)
que de faibles traces, à savoir la spirale, et sinon une imitation grossière,
du moins l'indication de l'entrelacement tressé d'une corbeille ou d'une
natte, que les scribes emploient quelquefois pour remplir le fonds. Cet
entrelacement sai generis se rencontre assez souvent en Irlande sur des
croix de pierre 2 avec d'autres décorations qui ressemblent à celles des
mss.
Les spirales et l'entrelacement tressé forment donc l'élément national
dans Pornementation irlandaise : elles remontent jusqu'à l'époque payenne
où elles étaient en usage chez les Celtes et aussi chez les Germains, et
formaient presque les seuls ornements des ustensiles que nous trouvons
dans les tombes païennes de l'époque de bronze. Là, cet entrelacement
revêt tout particulièrement les urnes funéraires, accompagné aussi de
spirales et de cercles concentriques. Mais la spirale domine dans les
agrafes, les boucles d'oreilles et autres objets de parure, formés de fils
de bronze, et surtout dans un ornement à deux spirales bien connu, qui
était sans doute attaché sur la cuirasse et servait en même temps à
protéger la poitrine. Les deux spirales de cet ornement sont quelquefois
disposées en forme de lunettes ou de pince-nez, quelquefois en forme
1 . Études paliographigues et historiques sur des papyrus du VI" siècle, en partie inédits,
renfermant des homélies de saint Avit et des écrits de saint Augustin. Genève, 1866.
2. [Il se rencontre souvent aussi sur des monuments de pierre de l'Ecosse, de l'île de
Man et quelquefois du pays de Galles. — H. G.]
i6 La Miniature Irlandaise.
d'S'. On trouve quelquefois ces doubles spirales dans les initiales
du ms. de saint Cuthbert. Le fac-similé du signe XP dans l'édition
de la Surtees Society en donne l'exemple le plus intéressant. Un
semblable usage de ces spirales se comprend parfaitement quand on pense
qu'elles constituaient depuis les temps les plus anciens jusqu'à l'époque
d'Eadfrith l'ornement favori sur les ustensiles et les vêtements des
Britannes et des Irlandais. Il faut aussi remarquer les énigmatiques
cercles concentriques qu'on rencontre sculptés sur des rochers dans
l'Irlande du Sud, dans l'Angleterre du Nord, en Ecosse et dans les Iles
Orkneys. Dans le Northumberland seul, on a, sur $3 rochers et
pierres, compté environ 550 de ces figures*. Leur signification est
entièrement inconnue, mais il est permis de supposer qu'elles ont pu
avoir un sens religieux. Elles offrent une certaine ressemblance avec les
spirales, et si elles avaient eu autrefois une signification mystique, on s'ex-
pliquerait par là comment elles ont pu être admises dans les livres sacrés
des chrétiens d'Irlande.
A cette hypothèse on peut pourtant objecter que les spirales, comme
élément décoratif, ne sont nullement étrangères à l'art grec et romain.
Mais la spirale irlandaise peut tout au plus se comparer à la volute des
chapiteaux ioniques, et il est impossible que celle-ci ait donné l'idée
d'introduire dans le système de l'ornementation irlandaise une forme
aussi difficile à manier, tandis qu'aucun des peuples qui s'établirent sur
le sol romain ne pensa à en faire usage. D'autre part, on ne peut nier
un certain rapport entre la volute ionique et la spirale irlandaise. On
sait en effet que la décoration propre aux temples ioniques vient d'Asie
et qu'on en trouve des traces dans les anciens monuments de l'Assyrie
et de la Perse. Bien plus, on a souvent fait remarquer la ressemblance
frappante qui existe entre les spirales des tombeaux pa'iens du nord et
l'ornementation que W. Gell a découverte sur les fragments d'une demi-
colonne, près de ce qu'on appelle « la chambre du trésor d'Atrée » à
Mycènes3, Ce monument est, au plus tard, de l'époque héroïque grecque;
peut-être même appartient-il à l'antique peuple des Pélasges, et la
même ornementation se retrouve sur quelques monuments d'un âge aussi
reculé, dans les musées de Paris et de Leyde4. On pourrait donc croire
que la décoration qui a pour principe la spirale a été portée aux popula-
1. On trouvera un exemple de la combinaison de spirales en forme d'S dans le second
fac-similé qui accompagne plus loin l'article de M. Wattenbach.
2. Anthropological Review, vol. III (Londres, 1865), p. 295. j
3. W. Gell : Argolis i Londres, iSio).
4. Je dois la communication de ce fait à mon savant ami M. Fr. Wieseler.
La Miniature Irlandaise. 17
tions germaniques et celtiques, avec des objets de toutes sortes en
argile et en métal, par des marchands phéniciens, et cette opinion
trouvera faveur auprès des personnes qui donnent une origine asiatique
aux travaux métallurgiques chez ces populations. Ce serait pourtant un
sujet d'étonnement que justement sur les côtes de la Méditerranée la
spirale joue un rôle si secondaire. De plus, les produits de l'industrie
étrusque qu'on a découverts sur plusieurs points de l'Allemagne four-
nissent une preuve que Germains et Celtes n'ont point dessiné et orné
leurs ustensiles d'après des modèles étrangers.
Il faut bien plutôt admettre que la spirale est un ornement propre à la
race indo-celtique et spécialement aux Celtes, aux Germains, aux Pélasges
et aux Perses; que cet ornement s'est, après la séparation des races, sur-
tout conservé chez les peuples dont la civilisation ne s'est guère élevée
au-dessus de l'état primitif, tandis que son emploi s'est restreint aussitôt
que chez ces peuples en particulier se développait une culture plus
élevée.
Il est vrai que les Assyriens, chez qui nous trouvons des traces de la
volute ionique, paraissent appartenir à la race sémitique et non à la race
indo-celtique. Mais la race sémitique semble avoir manqué d'originalité
plastique, et les monuments de Ninive décèlent partout l'influence des
idées religieuses et de l'art des Perses. Chez d'autres peuples, tels que
les Égyptiens, les Mexicains et les Péruviens, la spirale ne semble jouer
aucun rôle notable dans la décoration.
L'emploi prédominant de l'entrelacement et de la spirale est tout ce
qu'on peut rattacher à un art indigène plus ancien. Car si étrangement
dessinées que soient les figures dans les mss. irlandais, on cherche en
vain, sur les monuments païens des Celtes et des Germains, une figure
d'homme ou d'animal, à plus forte raison, quelque chose qui annonce
ces miniatures. Au contraire, la chute complète de l'art antique et l'état
primitif de la civilisation des Britannes et des Irlandais eurent pour
résultat que les enlumineurs en furent réduits à une méthode de dessin
qui ne reposait que sur une tradition artistique très-imparfaite. Mais là
cii Britannes et Iriandais ont inventé, la tendance nationale de leur
fantaisie a gardé la haute main et imprimé aux dessins et aux ornements
ce caractère original qui distingue le style irlandais de tout autre. Mais,
à un sens très-décidé pour des formes régulières et précises, la race cel-
tique joint une fantaisie débordante et qui incline au baroque, tandis que
la race germanique dédaigne trop facilement la forme pour la poésie et
la profondeur du fonds. Cette originalité des Celtes se rencontre dans
leurs plus anciennes créations poétiques, dans la forme presque archi-
2
1 8 La Miniature Irlandaise.
tecturale des triades galloises, et dans l'imagination luxuriante des contes
irlandais. L'esprit celtique a également imprimé sa marque aux minia-
tures irlandaises ; son imagination exubérante et primesautière y a
répandu ses trésors à pleins flots, et il a réussi à transformer les élé-
ments les plus étrangement combinés en un style d'une merveilleuse ré-
gularité, comme à leur donner, à force de soins, la forme la plus
gracieuse.
II.
On peut à peine croire qu'un art de cette nature ait pu servir de
point de départ au développement si haut d'un système d'ornemen-
tation, tel que fut le système roman qui régna aux xie xiie siècles,
non-seulement dans les miniatures, mais aussi dans les autres décora-
tions de l'architecture et de la peinture. Il en a pourtant été ainsi et il
ne sera pas sans intérêt de considérer dans un court aperçu les différentes
phases que les miniatures ont parcourues avant d'arriver au sommet de
l'art roman.
Ce qui donna l'impulsion à ce développement, ce fut la fusion du
style irlandais avec le style franc. Nous avons remarqué plus haut que
les initiales franques du viii* siècle trahissent déjà en partie une influence
de la calligraphie irlandaise, influence sortie, sans aucun doute, des
cloîtres qu'avaient fondés, surtout dans l'empire des Burgondes, des
missionnaires tels que saint Columban. A cette époque, comme on sait,
les traits de l'écriture ont, sur le continent, pris quelque chose de la
forme des lettres irlandaises et anglo-saxonnes. Mais ce n'est qu'au
temps de Charlemagne qu'on saisit d'une manière certaine la fusion des
styles irlandais et franc. G.-F. Waagen, qui était peut-être de son
temps le meilleur connaisseur des miniatures répandues dans toutes
les bibliothèques d'Europe ', remarque que dans les miniatures des mss.
qui furent exécutés pour Charlemagne, l'élément antique a été fondu
avec l'art irlandais en un système d'ornementation manié avec une
admirable perfection technique; que dans ce système la plus grande
magnificence se réunit à un goût aussi original qu'attrayant et que
déjà s'y fait remarquer le sentiment du style architectural qui, plus
I. Il les a décrites dans ses livres : Kuntswerke und Kïmstler in Deutschland (Leipzig,
1843-j); Kunstwerkc und Kùnstkr in England und Paris (Berlin, 1837-9); Treasures of
Art in Créât Britain (Londres, 1854). Il a résumé ses travaux sur cette matière dans son
livre : Handbuch der Geschichte dcr Makrei dont il existe une traduction française : Manuel
de l'histoire de la Peinture, trad. par MM. Hymans et J. Petit (Bruxelles, 1863). Dans ce
dernier ouvrage, voir tome I, pp. 1-20.
La Miniature Irlandaise. 1 9
tard, s'est développé d'une façon si brillante dans les constructions du
Moyen-âge. On peut admettre que ce style s'est surtout formé dans
l'école de l'anglo-saxon Alcuin. Alcuin était élève de l'archevêque
Ecbert d'York et d'Aelbert, parent d'Ecbert. Lui-même devint, en 766,
directeur de l'école d'York, en remplacement d'Aelbert, quand celui-ci
s'assit dans la chaire épiscopale. Charlemagne fit connaissance avec lui à
Parme, commeAlcuinrevenait d'un voyage à Rome, et l'appela à sa cour
pour développer une culture intellectuelle plus élevée dans l'empire des
Francs. A partir de 782, non-seulement il créa l'École du Palais {schola pa-
latina), bien plus, il fonda ou réorganisa des écoles monastiques par toute la
France et, après qu'il eut quitté le service de la cour, en 801 , il enseigna
dans l'école de l'abbaye de Saint-Martin, à Tours, qu'il avait organisée
en 796 sur le modèle de celle d'York. La pratique des arts, — et la
miniature comptait parmi les premiers, — était dans ces écoles un
objet d'importance, auquel on exerçait particulièrement les jeunes
ecclésiastiques. Il ne fallait pas s'attendre à ce qu'on y adoptât sim-
plement la manière irlando-anglo-saxonne ; car l'enseignement d'Alcuin
ne tombait pas sur un sol sans préparation, et il y avait dans le peuple
des Francs une force vive qui laissait son empreinte à ce qu'elle
touchait. Le fonds indigène et l'élément étranger se mêlèrent, et de ce
mélange sortit un style franc particulier qui, à la cour des souverains
francs, prit des formes non moins grandioses qu'élégantes, et nous
paraît particulièrement imposant dans les mss. écrits pour Charles le
Chauve, par exemple, la fameuse bible qu'il donna à l'église de
Saint-Paul, à Rome, et qui, depuis l'incendie de cette dernière,
est conservée dans une autre église de Rome, celle de Saint-Callisto ' .
Là se montrait déjà cet amour des formes arrêtées et précises qui
devait se faire jour dans la littérature française, comme dans les
triades galloises. Les initiales carolingiennes en ont même acquis une
certaine sévérité qui les distingue aussi bien des miniatures irlandaises
que de celles des âges postérieurs. Cette sévérité se montre tout parti-
culièrement dans l'alphabet que Jorand^ a publié d'après une bible de
Charles le Chauve, conservée à la Bibliothèque impériale de Paris. Mais
ce style n'est pas défiguré par la tendance au baroque et au grotesque
qui règne à un si haut degré dans les créations irlandaises, et il est
adouci par l'influence de l'art antique qui se montre, dans l'imitation du
règne végétal, à côté des rubans entrelacés. Les enlumineurs ont plus
1. Une magnifique initiale tirée de ce ms. se trouve dans Seroux d'Agincourt : L'Histoire
de l'art par tes monuments. — Peinture 'table 4s).
2. B. J. Jorand : Grammatograpliie du neuvième siècle, Paris, 1837.
20 La Miniature Irlandaise.
de goût pour un arrangement vraiment pittoresque de l'ensemble que
pour cette exécution patiente et laborieuse des détails qui fait notre admira-
tion dans les initiales irlandaises. Aussi, ce qu'il y avait de baroque et de
grotesque dans le dessin des hommes et des animaux tombe en grande
partie; la spirale même devient rare et on ne l'emploie plus que sim-
plifiée à l'extrême.
Ce style carolingien, à son tour, a lui-même exercé une influence
favorable sur l'art anglo-saxon et l'art irlandais. Nous avons déjà cité
un ms. de Kronweissenburg, aujourd'hui à Wolfenbuttel, où le style
irlandais apparaît comme ennobli. Dans ce ms., nous n'avons pas
l'élément tiré du règne végétal, le feuillage, et l'on n'a pas encore
réussi à se défaire de l'élément baroque; néanmoins, ces initiales sont
d'une forme élégante et sévère qu'on peut comparer aux initiales caro-
lingiennes. L'influence carolingienne se montre avec plus de bonheur
encore dans les mss. anglo-saxons depuis le temps d'Alfred le Grand.
On le reconnaît tout d'abord dans le Coronation Book ' qui, par l'exubé-
rance de la fantaisie et le fini du travail se rapproche des anciens mss.
britanniques, tels que l'évangile de saint Cuthbert, mais par l'élégance
de la forme rivalise avec les mss. carolingiens. Ici a déjà pénétré
l'élément emprunté au règne végétal, et, dans les mss. anglo-saxons
d'une époque postérieure, cet élément prend tellement le dessus que les
autres éléments de l'ancien fonds national sont mis au second plan.
Cependant les mss. anglo-saxons conservent encore, dans le dessin des
figures, quelque chose de poncif, de telle sorte qu'ils ne s'élèvent pas à
une véritable représentation de la nature humaine. Ils dessinent les
hommes, les animaux, les arbres, d'une manière qui sent l'école; les
doigts ont souvent une longueur démesurée ; les plis sont rangés sans
goût et peints d'une tout autre couleur que les vêtements. Beaucoup de
détails ne sont qu'indiqués et, dans l'ensemble on reconnaît un essai
gauche et mal réussi de représenter la réalité plutôt que l'intention
d'obtenir par les fioritures calligraphiques un ornement contraire à la
nature. Le style baroque irlandais se retira en quelque sorte de l'Angle-
terre. Nous retrouvons ses traces sur des croix de pierre et d'autres
débris d'ornementation architecturale en Irlande, et nous verrons qu'il
a produit comme une arrière-saison en Scandinavie et sur les côtes
septentrionales de la France.
I . Ce ms. se trouve au British Muséum de Londres. Voir Humphreys : llluminated BooKs
(pi. 4). Humphreys pense que ce ms. a été exécuté en Allemagne. C'est sur ce ms. que,
jusqu'à Henri VI, paraît-il, les rois anglo-saxons ont prêté serment dans la cérémonie du
sacre.
La Miniature Irlandaise. 21
Le développement que prit par la suite le style carolingien se laisse
surtout étudier en Allemagne, tandis qu'en France il se dégrade après
la disparition des Carolingiens. Les éléments qui servaient à former les
initiales restent encore à peu près les mêmes en Allemagne, mais
l'exécution perd en finesse, en élégance et en grandeur, en même temps
qu'en raideur et en sévérité, et gagne au contraire en richesse et en
variété. Les formes sont plus grossières, mais développées avec plus
d'ampleur. L'antique élément emprunté au règne végétal regagne du
terrain ; les rubans entrelacés se terminent souvent en feuilles et en
fleurs, ou bien serpentent dans des feuilles ou dans des fleurs. Dans
l'arrangement des entrelacements se développe sans limites une fantaisie
luxuriante qui ne paraît presque jamais reproduire un patron ou un
modèle donné, mais toujours inventer à nouveau. La bibliothèque de
l'Université de Gœttingue possède un missel ', écrit vers l'an 900; cette
date résulte de la forme des lettres et de la date de la fête de Pâques qui se
trouve dans le calendrier ajouté au ms. Ce ms. abonde en initiales dont
quelques unes sont parmi les plus belles qu'on puisse voir. Comme preuve
de l'inépuisable force d'invention de l'enlumineur, disons que l'initiale D,
qui se rencontre plus de j 50 fois, est variée à l'infini et ne se reproduit
jamais deux fois de la même façon. Çà et là, on voit lignes et rubans se
terminer en feuilles et en fleurs, et on se sert de petites fleurs pour
remplir les espaces vides.
A mesure que ce style se développe, les initiales gagnent de plus en
plus en aisance, en richesse et en goût. L'élément végétal règne aussi
davantage : les feuilles et les fleurs se rattachent d'une manière plus orga-
nique aux lignes des lettres; les rubans, artistement entrelacés, forment
un ornement qui peut se comparer à un cep de vigne dont le branchage
s'enroule en enlacements gracieux et variés. L'élément animal ne
manque pas non plus. Des animaux de toute sorte font leur apparition :
serpents et dragons se tordent entre les branches et se combinent même
d'une façon fantastique avec des animaux à quatre pieds dont la queue
se termine par une sorte d'ornement végétal. Il semble que deux élé-
ments nouveaux et étrangers exercent une influence heureuse. D'abord
les modèles que fournissaient les tissus orientaux. Ces tissus furent de
bonne heure connus dans l'occident par le commerce de Venise, puis
par les Croisades et aussi par les Arabes d'Espagne et de Sicile ; et sur
ces tissus on voyait très-souvent des animaux et des plantes dont
l'union produit les arabesques les plus originales. Puis, il faut, sans
I. MissaU EccksU S. Salvatoris Fuldensis. — Cod. Theol. 251.
21 La. Miniature Irlandaise.
aucun doute, faire une certaine part d'influence aux antiques modèles d'ara-
besques que conservaient maintes ruines antiques d'Italie et de France,
et auxquelles on recommençait peu à peu à donner quelque attention.
Ces deux éléments se mêlèrent de différentes façons avec les éléments
anciens, et le génie de la race germanique se plaisait à prêter un sens
symbolique aux figures employées dans la décoration. On va pourtant
trop loin quand on croit, malgré tout, devoir trouver une signification
symbolique à ces combinaisons fantastiques; car on a bien certainement
assez souvent employé des figures d'animaux dans l'ornementation sans
avoir d'autre intention que de les faire servir à une simple décoration.
Les anciens et les nouveaux éléments ne sont pas toujours mêlés.
Naturellement, l'élément antique avait gardé la prédominance dans
les pays où le souvenir de la vie de l'antiquité était conservé par
des monuments et des ruines, tandis que dans d'autres contrées le retour
à l'art antique ne trouvait pas facilement accès. Même, la connaissance
de modèles byzantins n'a pas pénétré également partout. On peut donc
distinguer deux courants qui, sortis de sources différentes, coulent l'un
près de l'autre sans se mêler. Ici, ils semblent s'unir, là se séparer,
comme deux fleuves dont les ondes, de nature diverse, si elles
se réunissent pour un temps dans un même lit, restent plus loin diffé-
rentes les unes des autres. Ce n'est que dans l'art gothique du xiii'' siècle
que les deux courants sont tellement mêlés qu'on ne peut plus les distin-
guer. Bien plus, il s'est alors formé quelque chose de nouveau où on
ne peut plus reconnaître les sources génératrices.
Le premier courant qui se rattache à l'art irlandais, anglo-saxon et
carolingien l'emporte dans le nord de l'Europe ; le courant byzantino-
roman dans le sud et dans l'ouest de l'Europe, L'ancienne ornementa-
tion irlandaise pénètre en effet jusqu'en Scandinavie où les rubans entre-
lacés et les figures grotesques d'animaux sont très-répandus dans les
sculptures en bois destinées à l'ornementation des vieilles églises (égale-
ment construites en bois) et dans les ornements des pierres tombales.
Les inscriptions runiques de ces dernières sont généralement gravées
sur de semblables rubans, et, d'ordinaire, cette ornementation Scandi-
nave ne présente pas un caractère moins baroque que les mss. irlandais
et anglo-saxons; elle est même exécutée avec moins de soin et avec un
moindre sens de la régularité des formes. L'art irlandais atteint ici quel-
quefois le dernier degré de l'abâtardissement. Ce courant se fait aussi
sentir dans le nord de l'Allemagne et en France, et dans les miniatures
et les autres monuments d'art dominent les formes régulières des mss.
anglo-saxons d'une période plus récente.
La Miniature Irlandaise. 2 3
Il faut encore considérer le fameux « tapis de Bayeux' « comme un
ouvrage anglo-saxon, car c'est le travail d'une princesse anglaise de la
maison de Normandie. La bataille d'Hastings y est représentée tout à
fait dans le style de l'art anglo-saxon. Dans le même style sont aussi
traitées les miniatures de quelques mss. qui appartiennent à la France
du nord =. Dans le nord de l'Allemagne, je signalerai particulièrement
deux remarquables monuments dessinés avec un égal goût, à savoir :
le grand relief taillé dans un rocher connu sous le nom de « pierre
d'Eggester » ou « d'Egster?, » près de la petite ville de Horn, en
Westphalie, et les portes de bronze, dans la cathédrale d'Hildesheim,
fondues par l'évêque Bernward. Le bas-relief en pierre représente une
descente de croix, et la figure qui soulève de la croix le corps du
Seigneur ne repose pas, comme c'est ordinairement le cas, sur une
échelle, mais sur un siège tout ornementé qui ressemble presque à un
palmier courbé à terre. Sous la descente de croix, se trouve un dragon
qui est plus encore dans le caractère de l'art irlando-anglo-saxon ; il
enlace un couple agenouillé et levant les regards au ciel. Sa langue et sa
queue offrent une forme assez bizarre et tout à fait ornementale. Dans
les portes de l'évêque Bernward, le style anglo-saxon se montre en
partie dans la façon dont les figures sont traitées et encore plus évidem-
ment dans les formes réguhères des accessoires, surtout des arbres qui
ressemblent beaucoup à ceux du tapis de Bayeux. On a conservé aussi
à Hildesheim deux candélabres, fabriqués de la main de Bernward, dont
le pied est formé d'artistiques entrelacs avec des figures fantastiques.
Je rappellerai en outre le candélabre de la cathédrale de Prague qui passe
pour le candélabre du temple de Jérusalem, et celui de la cathédrale de
Milan. Des formes de ce genre bizarre et fantastique se rencontrent çà
et là dans la décoration des monuments dont on peut prouver les rapports
avec les Iles Britanniques ou qui du moins ont subi l'influence du voisinage
de cloîtres irlandais ou anglo-saxons. A cette classe appartiennent le
« Schottenkloster )> de Ratisbonne4^et le « Grossmùnster » de Zurich s.
1 . Ce tapis se trouve dans le trésor de la cathédrale de Bayeux et a été publié par
Montfaucon, Lancelot, Seroux d'Agincourt et Achille Jubinal. Voir principalement l'ouvrage
de ce dernier : Les anciennes tapisseries historiées; gravures d'après les dessins de Victor
Sansonetti, Paris, 183S.
2. Quelques spécimens tirés de la bibliothèque de Rouen ont été publiés dans Langlois:
Calligraphie du moyen-âge.
5. On en trouvera une représentation dans H. F. Massmann : Der Egstertein in IVest-
falen, 1846.
4. Sur ce couvent de Ratisbonne, qui est de fondation irlandaise, voir un travail de
M. Wattenbach : Z)/e Schottenklœster in Deaîschland dans la Zeitschrift fur christliche
Archceologie und Kunsi de MM. von Quast et Otte, tome 1 (traduit en Anglais dans
VUlster Journal of Archaology}. — Le remarquable portail septentrional de ce cloître a
été représenté dans; Gailhabaud : l'Architecture du V au XVl" siècle, tome II,
j. Sur le « Grossmùnster » de Zurich, voir surtout un travail de M. Vœgelin dans les
24 La Miniature Irlandaise.
Ce courant gagne même l'Italie. En Lombardie, à côté du candélabre
de Milan, la porte de bronze de S. Zenone maggiore, à Vérone, mérite
d'être particulièrement citée; nous trouvons jusqu'en Sicile, dans la
cathédrale de Monreale, une porte de bronze dont le style a la plus
grande ressemblance avec celui des portes de Bernward à Hildesheim.
Elle a été fondue en 1 186 par le pisan Bonano. La grande porte de la
cathédrale de Pise, qui provenait du même Bonano, a malheureusement
été détruite dans un incendie en i $96. D'autre part, dans l'aile méri-
dionale de la même cathédrale, on voit une petite porte de bronze,
généralement appelée la porte de Saint-Rainerio, qui a été évidemment
fondue à l'aide des mêmes moules que celle de Monreale. Nous rencontrons
un ruban runique sur le lion que les Vénitiens ont enlevé du port du
Pirée et qui a été placé devant la Darsena à Venise. Le ruban s'étend
sur le dos du lion et se termine sur l'omoplate et la cuisse postérieure
en enlacements gracieux et assez mêlés. Il semble qu'un Varègue, qui
servait dans l'armée byzantine, a gravé ce ruban sur l'antique monument
comme il décorait encore l'entrée du port d'Athènes.
Le courant byzantino-antique se montre bien moins en Italie que ne
l'aurait fait supposer l'introduction de nombreux monuments byzantins.
Les sculptures de l'époque romane que nous rencontrons en Italie sont
pour la plupart encore si grossières qu'on ne peut les attribuer à aucun
style en particulier. Plus tard seulement, la peinture prit dans ce pays
quelque importance ; alors s'était déjà développé en France et en Alle-
magne ce style gothique qui n'apparut que plus tard en Italie. En Alle-
magne le courant byzantin se fait surtout remarquer dans les pays rhé-
nans où les traditions antiques avaient conservé quelque vitalité. Ce
courant se reconnaît également dans d'autres parties de l'Allemagne.
Même dans le relief d'Eggesterstein, sa trace est indiquée par la
façon dont les vêtements sont traités. On est surtout frappé par la
valeur de quelques sculptures du nord de l'Allemagne, particulièrement
la porte dorée de la cathédrale de Freiberg, dans le Erzgebirge, le
rétable de l'autel dans l'église de Wechselburg, près de Chemnitz, et la
tombe d'Henri le Lion et de son épouse, dans la cathédrale de Bruns-
wick. Ces monuments décèlent une connaissance de travaux antiques
ou byzantins de la meilleure époque. Nous ignorons comment cette
connaissance est arrivée aux artistes. Les relations qui existaient alors
entre les différentes parties de l'Europe offraient des circonstances
favorables. On peut supposer que les artistes voyageaient, et nous
savons que des chefs-d'œuvre de l'art étranger ont été apportés
Mittheilungen der Antiquarischcn Gesdlschaft zu Zurich, Baiid 1.
1
La Miniature Irlandaise. 25 *
en Allemagne, surtout sous le règne des empereurs saxons'.
L'effet simultané des deux courants irlando- anglo-saxon et byzantino-
antique se présente d'une façon remarquable dans la cathédrale de
Monréale, où, à côté de la porte de bronze de Bonano que nous avons
déjà signalée, se trouve une plus petite, dans le portail latéral, qui a
entièrement le caractère d'une imitation de modèles antiques ou byzantins.
Elle offre les mêmes caractères que deux portes analogues à Trani et à
RavellO;, dans l'Italie méridionale. Une inscription sur l'une de ces
dernières nous apprend qu'elle a été fondue par un certain Borisanus de
Trani, et il semble établi que celui-ci florissait à peu près à la même
époque que Bonano. Deux photographies, dans le magnifique ouvrage de
Gravina^sur la cathédrale de Monréale, montrent très-bien la différence
dans le style des deux portes, et fournissent un tableau frappant des
différences des deux courants.
Du mélange de ces deux courants provient la richesse de l'ornemen-
tation romane. Le style roman se rapproche, à un certain point de vue,
du système de la décoration antique ; mais s'il n'atteint pas la beauté du
dessin que la feuille d'acanthe avait atteinte dans l'art grec et romain,
il a pourtant, sur l'ornementation antique, l'avantage d'une plus grande
variété, et nous rencontrons quelques exemples isolés où il s'est déve-
loppé avec une beauté et un éclat surprenants. Parmi les initiales des
mss., on peut citer comme une des plus riches et des plus délicates le
fameux A de la Mater Verboram, dans la bibliothèque du musée Bohème,
à Prague. Cette lettre a été plusieurs fois publiée?. Mais ces diverses
imitations n'en donnent pas une idée exacte, parce qu'on a employé, en
la copiant, des contours tranchés et élégants, tandis que l'original est
esquissé avec abandon et laisser-aller. Sur l'âge de cette œuvre remar-
quable plane une étrange incertitude. Dans une des initiales les moins
importantes sont représentés deux moines agenouillés qui sont désignés,
l'un, Waceradus, comme le scribe, l'autre Mirozlaus, comme ^enlumi-
neur du ms. A côté de ce dernier nom a été ajoutée la date MCII, et la
beauté des miniatures donne à penser que le trait au dessus du C, dans
cette date, équivaut à la répétition de cette lettre, et que Mirozlaus a
1. C'est ainsi qu'il existe dans l'église de Saint-Géréon, à Cologne, un chapiteau d'une
composition analogue aux chapiteaux du vi= siècle qui se trouvent à Ravenne, et lors de
la construction de l'ancienne salie du chapitre à Magdebourg, de semblables chapiteaux
ont été employés pour servir de base aux colonnes de granit qui supportent les voûtes.
2. Dom Bened. Gravina : // duomo di Monréale, Palerme, 18(9.
). Cette lettre a été publiée, dans des proportions réduites, dans la Zeitschriftfiir Christ-
liche Arch£ologie und Kunst de MM. von Quast et Otte (Band I). Elle a été publiée dans
les dimensions de l'original par la Société archéologique de Saint-Pétersbourg, dans ses
comptes-rendus de iSjy.
26 La Miniature Irlandaise.
exécuté son travail en l'an 1202. Une pareille abréviation n'est pas
ordinaire, et, si on n'avait d'autres raisons pour adopter une date
aussi récente, on pourrait dans le trait voir seulement un signe pour
indiquer que les lettres sont employées comme chiffres. Du reste, les
traits de 1'^ majuscule trahissent déjà certain caractère anguleux dans
les lignes et montrent un penchant pour ce goût qui, au xiii'= siècle, a
donné à l'art gothique son caractère tout à fait nouveau.
A ce monument remarquable, qui se place comme à la limite entre
l'époque romane et l'époque gothique, nous arrêterons ces observations.
Dans le développement postérieur de la décoration, il n'y a plus rien
qui se rapporte au style particulier des initiales irlando-anglo-saxonnes.
Ce qui règne encore, c'est ce sentiment du style architectural qui s'est
déjà fait jour dans les initiales carolingiennes et qui atteint sa perfection
dans le style gothique, style que la France peut être fière d'avoir
inventé, et l'Allemagne de l'avoir porté à sa dernière conséquence
dans la cathédrale de Cologne, tandis que l'Angleterre, en s'appropriant
ce style, a montré de nouveau qu'elle savait mieux en exploiter, avec sa
fantaisie luxuriante et exubérante, le côté décoratif qu'en pénétrer
l'esprit.
F.-W. Unger.
ÉVANGÉLIAIRE A MINIATURES
d'origine irlandaise,
DANS LA BIBLIOTHÈQUE PRINCIÈRE d'OETTINGEN-WALLERSTEIN ',
Aux manuscrits d'origine irlandaise, si remarquables par leurs minia-
tures, que l'on connaît déjà, il faut ajouter un magnifique évangéliaire
qui appartient à la bibliothèque des princes d'Oettingen-Wallerstein, à
Maihingen, et qui a été déposé pour quelque temps au Musée Germa-
nique de Nuremberg où j'en ai pris connaissance. Aux initiales Q_et I
que nous reproduisons et qui commencent les Évangiles de saint Luc et
de saint Jean, on reconnaît immédiatement les caractères particuliers de
la miniature irlandaise : les spirales, les têtes d'oiseaux et l'entourage de
points rouges. Le texte montre cette belle écriture ronde qui se rapproche
encore de l'écriture onciale, mais s'en distingue en ce que les lettres
sont plus petites et liées davantage. Les lettres sont même liées au point
que la clarté en souffre, bien que l'œil se plaise à une écriture uniforme
par tout le ms. La lecture est surtout rendue difficile par l'extrême
ressemblance des lettres n et r. Le parchemin est excellent et fort, sans
être trop blanc, l'écriture brillante et d'un noir admirable. Les initiales
présentent les couleurs ordinaires : violet, vert, jaune et rouge qui, en
quelques endroits, ont gardé leur fraîcheur première. Un détail pour-
tant ne s'accorde pas avec les autres caractères de l'écriture, c'est
I. ["Nous nous proposons de ne publier dans cette revue que des travaux inédits: nous
avons pourtant cru pouvoir reproduire la présente notice de M. Wattenbach, parce que le
recueil où elle a paru, VAnzeiger fur Kundc dcr Deutschen Vorzcit (n" d'Octobre 1869),
qui s'occupe spécialement d'antiquités germaniques, est peu répandu hors d'Allemagne.
Nous espérons que nos abonnés nous pardonneront cette infraction à la règle que nous
nous sommes posée. — Nous saisissons cette occasion pour remercier le directeur de la
revue allemande, M. Essenwein, qui a bien voulu mettre à notre disposition les bois dont
cet article est accompagné. — H. G.]
28 Un Évangéliaire à Miniatures.
l'emploi, étranger aux Irlandais, d'or et d'argent dans une écriture qui
appartient à l'époque carolingienne, je veux dire une sorte de capitales
ornées très-aimées au ix" siècle. Mais cette énigme se résout à un exa-
men plus approfondi. Entre les lignes qui terminaient l'évangile de
C(niden[i mnlricDwan 8t^r~
saint Luc : Expl. evang. secundum Lucam Deo grat. fdic, on a, en écri-
ture d'argent, intercalé la répétition : ExpUcit liber Sci. Evangelii secun-
dum Lucam Deo gratias. Le titre, en écriture d'or : Evangelium secundum
Lucam, doit aussi être une addition d'une époque postérieure, et nous
Un Évangéliaire à Miniatures. 29
pouvons conclure que l'or qui, contrairement à l'usage, orne les initiales,
est un prétendu embellissement de l'époque carolingienne. Nous pouvons
dès lors attribuer le ms. à une époque ante-carolingienne, disons au
vue, sinon au vr siècle.
>0c orvoirrMpnTncipio
apudtiïh
D'où provient ce ms. ? Une feuille qu'on y a collée nous renvoie au
couvent de Saint-Arnoul de Metz. En voici le texte : Lapidibus con-
îexti codicis scriptura est uncialis Merovingica de sœculo sexto desinente; alter
de eodem circiter tempore scriptus scriptura Anglo-Saxonica ad uncialem
30 Un Ëvangéliaire à Miniatures,
accedente; uterque codex ingentis raritatisac valons numerarii si venderentur.
qui valor deberet excedere 125 Ludovicos aureos pro uno quoque. Doni
Maugerard in Mon. S. Arnulphi Magni Francis Ekemosinarii bibllothecarius,
régis academis Met. socius, in caméra Episcopali Regularium commissarius.
L'auteur de cette note a, par une confusion assez fréquente, appelé
« anglo-saxonne » l'écriture irlandaise du ms., mais il en a exactement
donné l'âge. La reliure était sans doute un objet de prix, si même elle
n'était pas, comme c'est le cas pour l'autre ms., ornée de pierres
précieuses. Quoi qu'il en soit, elle a disparu, et le précieux ms. est
aujourd'hui recouvert d'une simple demi-reliure. La mention : Ex libris
A. (ou H.) Gaeriler a. 1809, nous mène à un plus récent possesseur du
ms.
Le copiste du ms. s'est nommé. A la dernière page, nous voyons un
lion grossièrement peint au-dessus duquel est écrit, en caractères plus
récents peut-être : Ecce leo stat super euangelium. Au dessous du lion,
dans un encadrement de lignes vertes, se trouvent des vers ; car le
second est bien un hexamètre, et les autres doivent être considérés
comme tels :
Lux mundi laeta deus, hœc tibi céleri curs U
A\me potens scribsi soli famulatus et un /
Ul te vita fruar teque casto inveniam cuit U
Rectaque per te ad te ducente te gradiar ui A
Excelse cernis deus quœ me plurima cingun T
iVota et ignota tuis maie nata zezania sati S
Tu. sed mihi certa salus spesque unica uita E
/mmeritum licet lucis facias adtingere lime N
t/erba nam tua ualida imis me tolluat avern /
Sola haec misero mihi te vitam dabunt seruul 0
Les lettres du commencement et de la fin des vers, écrites en rouge
dans le ms., donnent : Laurentius vivat senio. C'est vraisemblablement
le nom du scribe, nom qui n'est pas irlandais : c'est probablement un
nom pris en entrant dans le cloître ' .
Je laisse aux théologiens le soin d'examiner la valeur critique de ce
texte des Évangiles, et je continue la description extérieure du ms. Au
I. [Laurentius se rencontre comme forme latinisée du nom de Lorcan, archevêque de
Dublin, au xii° siècle, et généralement connu sous le nom de Laurence O'Toole. Dans la
Martyrology of Donegal [Printed for the Irish Arch<£ulogical Society, Dublin, 1864), p. 202,
il est fait mention d'un « Diacre Laurentius» probablement un Irlandais. — H. G.]
Un Évangéliaire à Mini.Uures. 51
verso de la première feuille, sous le titre : Kanon euangeliomm, se
trouvent des vers sur ce canon qui commencent ainsi :
Quam in primo speciosa quadriga
Homo leo vitulus et aquila
LXX unum per capitula
De domino conloquntar paria
In secundo subséquente protinus, etc.
La page suivante nous représente deux oiseaux merveilleux sur une
table qui renferme les lettres Euangelia veritatis dans un arrangement plein
d'art. Le verso contient les mots : Prologvs qvattvor euangeliorum bono
lect. felicit. en grands caractères d'une écriture onciale très-pure ; les
lignes sont alternativement rouges et noires; çà et là on les a ornées de
jaune. Tous les titres sont également écrits dans cette antique manière.
Le prologue commence par une ligne (flures fuisse) ornée d'une façon
tout à fait irlandaise. Le texte est écrit sur deux colonnes, le format est
grand in-quarto. Dans tout le ms. chaque paragraphe est désigné par
une initiale ornée. D'abord vient une lettre de saint Jérôme à saint
Damase, puis les Canones evangeliorum, par colonnes, comme c'est
l'usage, et enfin les évangiles précédés de leur sommaire. Les évangiles
eux-mêmes commencent par des initiales richement ornées. Avant
l'évangile de saint Jean se trouve une page de figures pour ainsi dire
mathématiques', comme il s'en rencontre souvent dans les mss. irlan-
dais, mais celles-ci ne se font pas remarquer par la beauté. Le texte est
écrit a per cola et commata, » c'est-à-dire qu'au lieu de ponctuation
chaque membre de phrase remplit une ligne. S'il reste quelque part un
espace vide de quelque étendue, il est rempli à l'aide de groupes de
points rouges qui vont trois par trois. Les passages cités ont devant
chacune de leurs lignes une sorte de guillemet avec un point au milieu,
le tout en rouge. A la fin du quatrième évangile se trouvent les mots :
Expl. Evang. Sec. Johann. Uiae etfruere. C'est également par ce souhait
que je terminerai.
W. Wattenbach.
I . J'entends par là ces ornements qui remplissent des pages entières et qui se com-
posent de spirales et d'autres lignes de diflFérentes couleurs, diversement entrelacées, mais
ne représentant aucun objet déterminé.
THE ANCIEN!
IRISH GODDESS OF WAR.
The discovery of a Gallo-Roman inscription, figured in the Revue
Savoisienne oî } ')Û\ November, 1867, and republished by M. Adolphe
Pictet in the Revue Archéologique for July, 1 868, forms the subject of one
of those essays from the pen of the vétéran philologist for which the
students of Celtic languages and archseology cannot be sufficiently
thankful ».
1. The substance of this paper was read before the Royal Irish Academy on the 2jth
of January, 1869. il
2. I Nous devons à la bienveillance de la Revue Archéologique de pouvoir reproduire ici
la représentation du monument original qui accompagnait l'article de M. Pictet. Cette
copie est une réduction au dixième, obtenue par le pantographe sur un estampage. — H. Cl
The ancient Irish Goddcss oj War. 3 j
The inscription, the initial letter of which has been destroyed by an
injury to the stone on which it is eut, reads : athubodu£ Aug[usU] Ser-
vilia Terentia [votum] s[oh'it] l[ibens] ni[er'ito].
M. Pictet's essay is entitled " Sur une Déesse Gauloise de la Guerre ";
and if he is right in his suggestion ^(which is very probable) that the
letter destroyed was a c, and that athvbodv^ should be read cathv-
BODV.E, the title is not inappropriate ; and in the cathvbodv^ of the
inscription we may recognise the badb-catha of Irish mythology.
The etymology of the name aîhubodua, or cathubodua, as we may
venture to read it, has been examined with great industry by M. Pictet,
who has managed to compress within the narrow limits of his essay a
great mass of illustrative facts and évidences drawn from ail the sources
accessible to him. The first member ofthe name {caîhu, = Irish cath,
«pugna») présents but little difficulty to a Celtic scholar like M. Pictet,
who would however prefer fmding it writtenaz/u, without aspiration, as
more nearly approaching the rigid orthography of Gaulish names, in
which it is very frequently found as the first élément; but the second
member, bodua, although entering largely into the composition of names
amongst ail the nations of Celtic origiii from the Danube to the islands
of Aran, is confessedly capable of explanation only through the médium
ofthe Irish, with its corresponding forms of bodb or badb, aspirated
bodhbh, badhbh (pron. bov or bav), originally signifying rage, fury, or
violence, and ultimately implying a witch, fairy, or goddess, represented
by the bird known as the scare-crow, scald-crow, or royston-crow, not
the raven, as M. Pictet seems to think.
The etymology of the name being examined, M. Pictet proceeds to
illustrate the character of the Badb, and her position in Irish fairy
mythology, by the help of a few brief and scarcely intelligible références
from printed books, the only materials accessible to him, but fmds him-
self unable to complète his task, " for want of sufficient détails, " as he
observes more than once. The printed références, not one of which has
escaped M. Pictet's industry, are no doubt few, but the ancient tracts,
romances, and battle pièces preserved in our Irish MSS. teem with détails
respecting this Badb-catha and her so-called sisters, Neman, Mâcha, and
Morrigan or Morrigu (for the name is written in a double form), who are
generally depicted as furies, witches, or sorceresses, able to confound
whole armies, even in the assumed form of a bird.
Popular tradition also bears testimony to the former widespread belief
in the magical powers ofthe Badb. In most parts of Ireland the royston-
crow, or fennèg liath na gragarnaith (" the chattering grey fennôg "),
3
54 The ancient Irish Goddess of War.
assheis called by the Irish-speaking people, is regarded at the présent
day with feelings of mingled dislike and curiosity by the peasantry, who
remember the many taies of déprédation and slaughter in which the
cunning bird is represented as exercising a sinister influence. Nor is this
superstition confined to Ireland alone. The popular taies of Scotland and
Wales, which are simply the écho of similar stories once current and
still not quite extinct in Ireland, contain fréquent allusion to this
mystic bird. The readers of the Mabinogion will call to mind, amongst
other instances, the wonderful crow of Owain, prince of Rheged, a
contemporary of Arthur, which always secured victory by the aid of the
three hundred crows under its command ' : and in Campbell's Popular
Taies of the West Highlands we hâve a large stock of legends, in most
of which the principal fairy agency is exercised by the hoody or scare-
crow.
It may be observed, by the way, that the name hoody, formerly
applied by the Scotch to the hooded crow, or scare-crow, from its
appearance, is now generally applied to its less intelligent relative the
common carrion crow. But the hoody of Highland fairy mythology is,
nevertheless, the same as the badb or royston crow.
I hâve referred to Neman, Mâcha, and Monigu, as the so called sisters
of the Badb. Properly speaking, however, the name Badb seems to hâve
been the distinctive title of the mythological beings supposed to rule
over battle and carnage. M. Pictet feels a difficulty in deciding whether
there were three such beings, or whether Neman, Mâcha, and Morriga
are only différent names for the same goddess ; but after a careful exa-
mination of the subject I am inclined to believe that thèse names repre-
sent three différent characters, the attributes of Neman being like those
of a being who confounded her victims with madness, whilst Monigu
incited to deeds of valour, or planned strife and battle, and Mâcha
revelled amidst the bodies of theslain.
The popular notions regardingtheidentity ofthe battle furies with the
royston-crow are accurately given in the Irish Dictionary compiled by
the late Peter O'Connell, an excellent Irish scholar, who died some
60 years ago, and the original of whose excellent vocabulary ispreserved
in the British Muséum. Thus :
Badb-catha is explained by " Fionôg, a royston crow, a squall
crow".
" Badb, i. e. bean sidhc, a female fairy, phantom, or spectre, sup-
1. See the Dream 0/ Rlionabwy, in the Mabinogion, part. V, pp. 385 and 410.
The ancienî Irisli Goddess of War. ? 5
posed to be attached to certain familles, and to appear sometimes in the
form of squall crows, or royston crows ".
" Mâcha; i. e. a royston crow ".
" Monighain; i. e. the great fairy ".
" Neamhan; i. e. Badb catha nô feannôg; a badb catha, or a royston
crow ".
Similar explanations are also given by the other modem glossarists.
The task of elucidating the mythological character of thèse fairy
queens has not been rendered easier by the labours of the etymologists,
from Cormac to O'Davoren. Thus, in Cormac's glossary Nemain is said
to hâve been the wife of Neit, " the god ofbattle with the pagan
Gaeidhel ". In the Battit of Magh-Rath (O'Donovan's éd. p. 241) she is
called Be nith guhhach Neid, " the battle terrifie Be-NeUi", or " wife of
Neid". In an Irish MS. in Trin. Coll., Dublin (class. H, 3, 18, p. 75,
col. 1), Neit is explained ^' guin duine À. gaisced; dia catha. Nemon a
ben, ut est Be Neid; " i. e. " man wounding; valour; god of battle.
Nemon [was] his wife; ut est Be Neid ". A poem in the Book of Leinster
(fol. 6, 32), couples Badb and Neinan as the wives of Neid or Neit : —
Neit mac Indui sa di mnai,
Badb ocus Nemaind cen gai,
Ko marbtha in Ailiuch cen ail,
La Neptuir d'Fliomorchaibh.
" Neit son of Indu, and his two wives,
Badb and Nemain, truly,
Were slain in Ailech, without blemish,
By Neptur of the Fomorians ".
At folio 5, 32, of the same MS., Fea and Nemain are said to hâve
been Neiî's two wives; and if Fea represents Badb, we hâve a good
notion of the idea entertained of her character, for Cormac st3tes that
Fea meant " everything most hateful ",
But in the poem on Ailech printed from the Dinnsenchus in the
" Ordnance Memoir of Templemore " (p. 226), Neman only is mentioned
as the wife of Neit, from whom Ailech was called Ailech-Neit; 3nd it is
added thst she was brought from Bregia, or Meath.
In the Irish books of genealogy, Fea and Neman are S3id to hâve
been the two daughters of Elcmar of the Brugh (Newgrange, near the
Boyne), who was the son of Delbaeth, son of Ogma, son of Elatan,
3nd the wives of Neid son of Indae, from whom Ailech-Neid is named.
36 The ancient Irish Goddess of War.
Badb, Mâcha, and Morrigan (who is also called Ana, are described
as the three daughters of Delbaeth son of Neid. And it is stated that
Ernmas, daughter of Ettarlamh, son of Nuada Airged-lamh (king of
the Tuatha-de-Danann), was the mother of the five ladies '.
In other authorities, however, Morrigan is said to hâve been Neit's
wife. For instance, in the very ancient taie called Tochmarc Emhire,
or Courtship of Emir, fragments of which are preserved in the Lebor na
hUidhre and the Book of Fermoy, Morrigan is described as " an badb
catha, ocus isfria idberiur Bee Neid, i. e. bandea in cathae, uair is inan Neid
ocus dia catha; " i. e. " the badb of battle; and of her is said Bee Neid,
i. e. goddess of battle, for Neid is the same as god of battle ". A gloss
in the Lebor Buidhe Lecain explains Machae thus: " badb, no asi an très
Morrigan; mesrad machs, .i. cends doine iar na nairlech; " i. e. " a
scald crow ; or she is the third Morrigan (great queen) ; Macha's fruit
crop, /. e. the heads of men that hâve been slaughtered ". The same
explanation, a little amplified, is also given in the MS. H. 3, 18. Trin.
Coll., Dublin(p. 82, col. 2) where the name Badb is written Bodb, as it
is elsewhere, and it is added that Bodb, Mâcha, and Morrigan were the
three Morrigna. In the same glossary, under the word beneit, we hâve
the further explanation : — " Neit nomen viri, Nemhon a ben; ba neim-
nech in lanomuin ; be béni. e. in badhb, ocus net cath, ocus olca diblinuib;
inde dicitur beneit fort ". /. e. "• Neit nomen viri; Nemhon was his woman
(wife); venemous were the pair; be a woman, /. e. the badhb, and net
is battle; and both were evil; inde àichur beneit fort Q' evil upon thee").
Another gloss in the same collection, on the word gudomain, bears on
the subject under considération. It is as foUows : — Gudomain, .i. fennoga
no bansigaidhe ; ut est glaidhomuin goa, .i. na demuin goacha, na morrigna;
no go conach demain iat na bansigaide go connach demain iffrinn iat acht
demain aeoir na fendoga; no eamnait anglaedha na sinnaigh, ocus eamnait
a ngotha na fendoga; " i. e. " gudomain, i. e. scald-crows, or fairy
women; ut tst glaidhomuin goa, the false démons, the morrigna; or it
is false that the bansigaidhe are not démons ; it is false that the fendoga
(scald crows) are not hellish but aery démons : the foxes double their
cries, but the fennoga double their sounds ". To understand this curious
gloss it is necessary to add that in a previous one the word glaidomuin
is explained as signifying sinnaig, or maie tire (foxes, or wolves), because
in barking they double the sound ; ghùdomuin being understood by the
glossarist as glaid-emain, i. e. " double call ", from glaid, " call ", and
I. Mac Firbis, Ceneal., p. 79.
The ancient Irish Goddess of War. 37
emain, " double, " while the crow only doubles the sound, guth-
emain, " double-sound ". Cormac explains guidemain as uatha ocus
morrigna, i. e. " spectres and great queens ".
Let us take leave of thèse etymological quibbles, and examine the
mythological character of the badh, as portrayed in the materials still
remaining to us.
As mostly ail the supernatural beings alluded to in Irish fairy lore are
referred to the Tuatha-de-Danann , the older copies of the Lehor
Cabhala, or " Book of Occupation ", that preserved in the Book of
Leinster for instance, spécifies Badb, Mâcha, and Ana (from the latter
ot whom are named the mountains called da cich Anann, or the Paps,
in Kerry), as the daughters of Ernmas, one of the chiefs of that mythical
colony. Badb ocus Mâcha ocus Anand, diataî cichi Anand il-Luachair, tri
ingena Ernbais, na ban tuathige; " Badb, and Macha^ and Anand, from
whom the " paps of Anann ' " in Luachair are [called], thethree daugh-
ters of Ernbas, the ban-îuathaig ". In an accompanying versification of
the same statement the name of Anand or Ana, however, is changed to
Morrigan : —
" Badb is Mâcha met indbâis,
Morrigan fotla felbdis,
Indlema ind âga ernbais,
Ingena ana Ernmais^ ".
" Badb and Mâcha, rich the store,
Morrigan who dispenses confusion,
Compassers of death by the sword,
Noble daughters of Ernmas ".
It is important to observe that Morrigan is hère identified with Anann,
or Ana (for Anann is the gen. form); and in Cormac's Glossary Ana is
described as " Mater deorum Hibernensium; robu maith din rosbiathadsi
na dee de cujus nomine da cich Anainne iar Luachair nominantur ut
fertur ; " /. e. "■ Mater deorum Hibernensium ; well she used to nourish
the gods de cujus nomine the ' two paps of Ana ' in west Luachair
are named ". Under the name Buanand the statement is more briefly
repeated. The historian Keating enumerates Badb, Mâcha, and Mor-
righan as the three goddesses of the Tuatha-de-Danann; but he is silent
1. It is rather an interesting fact that near the mountain called Da-Cich-Anann,
there is a fort called Lis-Babha, or the fort of Badb.
2. Book of Leinster fol. S, ba!
3 8 The ancient Irish Goddess of War.
as to their attributes. It would seem, however, that he understood
Badb to be the proper name of one fairy, and not a title for the great
fairy queens.
In the Irish taies of war and battle, the Badb is always represented
as foreshadowing, by its cries, the extent of the carnage about to take
place, or the death of some eminent personage. Thus in the ancient
battle-story, called Bruidhen da Choga, the impending death of Cormac
Condloinges, the sonof Conor Mac Nessa, is foretold in thèse words : —
" Badb bel derg galrfid fon tech;
Bo collain betco sirtech. "
" The red-mouthed Badbs will cry around the house.
For bodies they will be solicitous. "
And again —
" Grecfaidit badba banae. "
" Pale hadhs shall shriek. ■"
In the very ancient taie called Tochmarc Feirbe, or the " Courtship of
Ferb ", a large fragment of which is preserved in the Book of Leinster,
the Druid Ollgaeth, prophesying the death of Mani, the son of Queen
Medb, through the treachery of King Conor Mac Nessa, says : —
" Brisfid badb,
Bid brig borb,
Tolg for Medb ;
Ilar échî,
Arforslùag,
Trûag in deilm ' .
" Ba^t will break;
Fierce power will be
Hurled at Medbh;
Many deeds —
Slaughter upon the host —
Alas! the uproar, "
In the account of the battle of Cnucha (or Castleknock, near Dublin),
preserved in a I4th century MS., the Druid Cunallis, foretelling the
slaughter, says : — " Biadh bàdba os bruinnibh n* bfear " ^' Badbs
will be over the breasts of the men *. "
1. Book of Leinster, fol. 1R9, bi.
2. See also the référence to badbs and furies in tlie Battle of Magh-Lcna, pp. 130-1, sq.
The Ancient Irish Goddess of War. Î9
In the description of the battle of Magh-Tuiredh it is said that just
as the great conflict was about to begin, the " hadbs, and bledlochtana,
and idiots shouted so that they were heard in clefts, and in cascades,
and in the cavities of the earth; " " ro gairsed badba ocus bledlochtana,
ocus amaite, go clos anallaib, ocus a nesaib, ocus a fothollaib in talman '. "
In the battle of Magh-Rath it is the " gray-haired Morrigu " (scald-
crow), that shouts victory over the head of Domhnall son of Ainmire,
as Dubhdiadh sings (O'Donovan's éd. p. 198) : —
" Fuil os a chind ag eigmigh
Caillech lom, luaîh ag leimnig
Os eannaib a narm sa sciath,
Is i in Morrigu mongliath. "
" Over his head is shrieking
A lean hag, quickly hopping
Over the points of their weapons and shields —
She is the gray haired Morrigu. "
In the account of the massacre of the Irish Kings by the Aithech-
tuatha, preserved in the Book of Fermoy, it is stated that after the
massacre " ba forbhailidh badhbh derg dasachta, ocus ba bronach banchuire
don treis sin; " " Gory Badb was joyful, and women were sorrowful, for
that conflict. "
In the enumeration of the birds and démons that assembled to gloat
over the slaughter about to ensue from the clash of the combatants at the
battle of Clontarf, the badb'i?, assigned the first place. The description is
truly terrible, and affordsa painful picture of the popular superstition at
the time. " Ro erig em badb discir, dian, denmnetach, dasachtach, dur,
duabsech, detcengtach, cruaid, croda, cosaiiech, co bai ic screchdd ar luamain
os a cennaib. Ro eirgetar am bananaig, ocus boccanaig, ocus geliti glinni,
ocus amati adgaill, ocus siabra, ocus seneoin, ocus demna admilti acoir ocus
firmaminti, ocus siabarsluag debil demnach, co mbatar a comgresacht ocus i
commorad aig ocus irgaili ko. "
" There arose a wild, impetuous, precipitate, mad, inexorable,
furious, dark, lacerating, merciless, combative, contentious badb, which
was shrieking and fluttering over their heads. And there arose also the
satyrs, and sprites, and the maniacs of the valleys, and the witches, and
goblins, and owls, and destroying démons of the air and firmament, and
I. Ms. Trin. Coll. Dublin, H. 2, 17, fol. 97, a.
40 The Ancient Irish Goddess of War.
the demoniac phantom host; and they were inciting and sustaining
valour and battle with them. " — " Cogadh Gaedhel re Gallaibh, " Todd's
éd., p. 174.
So also in the account of the battle fought between the men of Leinster
and Ossory, in the year 870, contained in the Brussells " Fragments
of Irish Annals, " the appearance of the badb is followed by a greai
massacre : " As môr tra an îoirm ocus an fothrom baoi etarra an uair sin,
ocus ra togaibh badbh cenn eturra, ocus baoi marbhadh môr etarra san cdn;"
i. e. " great indeed was the din and tumult that prevaiied betwen them
at this time, and Badbh appeared among them, and there was great
destruction between themto and fro. "
But the Badbs could do more than scream and flutter. Thus we read
in the first battle of Magh-Tuiredh, that when the Tuatha-de-Danann
had removed to the fastnesses of Connacht, to SHabh-Belgadain, or
Cenn-duibh-slebhe, that Badb, Mâcha, anà Morrigu exercised their magical
powers to keep the Fir-bolgs in ignorance of the westward movement.
The textis from H. 2. 17, T. C. D., fol. 93, col. 2. '' Is annsin do
chuaidh Badhbh ocus Mâcha ocus Morrighu gu cnoc gabala na ngial, ocus
gu tulaig îechtairechta na trom sluag, gu Temraig, ocus do feradar cetha dolfe
draigechta, ocus cith nela cotaigecha ciach, ocus frasa tromaidble îened, ocus
dortad donnfala do shiltïn asin aeor i cennaib na curad, ocus nir legset scarad
na scailed do feraib Bolg co cenn tri la ocus tri naidche. " "■ Then Badb,
and Mâcha, and Morrigu went to the hill of hostage-taking, the tulach
which heavy hosts frequented, to Temhair (Tara), and they shed drui-
dically formed showers, and fog-sustaining shower-clouds, and poured
down from the air, about the heads of the warriors, enormous masses
of fire, and streams of red blood; and they did not permit the Fir-Bolgs
toscatteror separate for the space of three days and three nights. "
It is stated, however, that the Fir-Bolg druids ultimately overcame this
sorcery. And in the battle of Magh-Tuiredh they are represented as
assisting the Tuatha-de-Danann. Thus, in the account of the third day's
conflict we read. — " /i iad taisig ro crgedar re Tuathaib de Danann isin
lo sin À. Ogma ocus Midir ocus Bodb derg ocus Diancecht, ocus Aengaba
na hiruaithe. Rachmaitne lib ar na ingena .i. Badb ocus Mâcha, ocus
Morigan, ocus Danann; " /. c. " The chieftains who assisted the Tuatha-
de-Danann on that day were Ogma, and Midir, and Bodb Derg, and
Diancecht, and Aengabha of Norway. ' We wili go with you, ' said the
daughters, viz : — Badb, and Mâcha, and Morrigan, and Danann (or
Anann). " H. 2. 17, fol. 95, col. 2.
Another instance of the warlike prowess of thèse fairies is related in a
The ancient Irish Goddess of War. 41-
curious mythological tract preserved in the Books of Lismore and
Fermoy. I refer to the Hallow-eve dialogue between the fairy Rothniab
and Finghen Mac-Luchta, in which the fairy enumerates the several
mystical virtues attached to that pagan festival, and amongst others the
following, referring to an incident arising from the battle of the Northern
Magh-Tuiredh, or " Magh-Tuiredh of the Fomorians. " " Ocus cidli
buadli aile, for Fingen. Ni ansam, for in ben. Ata ann ceîhrar atrullaiset
ria Tuathaib de Danann a caîh Muigi tuiredh, corrabaîar oc coll etha ocus
blechîa, ocus messa, ocus murthorad .1. fer dib a slemnaib Maigi Itha ,i.
Redg a ainmsidé; fer dib a sléib Smôil .i. Grenu a ainmsidé; fer aile a
ndromannaib Breg À. Bréaa ainm ; fer aile dib hicrichaib cruachna A. Tinel
a ainmsidé. Indocht rosruiîhéa a hErinn .1. in Morrigan ocus Badli Side
Femin, ocus Migir Brig Leith, ocus Mac ind ôc, cona beth foglai Fomèir for
hErinn eu brath. "
" •' And what other virtue, ' asked Finghen. ' Not difficult to tell, '
said the woman. There were four persons who fled before the Tuatha-
de- Danann from the battle of Magh-Tuiredh, so that they were ruining
corn, and milk, and fruit-crops, and sea produce; viz : one of them in
Slemna-Maighe-Itha, whose name was Redg; one of them in Slaibh-
Smoil, whose name was Grenu; another man of them in Dromanna-
Bregh, whose name was Bréa; and another of them in the territories of
Cruachan, whose name was Tinel. This night [i. e. on a similar night]
they were expelled from Eriu by the Morrigan, and by Badh of Sidh-
Femhin, and by A/;J/r of Brig-leith, and Mac-ind-oig, so that Fomorian
depredators should never more be over Eriu. " Book of Fermoy, 24,
b2.
In the grand old Irish epic of the Tain Bo Cuailnge, Badb (or Bodb)
plays a very important part. Neman confounds armies, so that friendly
bands fall in mutual slaughter; whilst Mâcha is pictured as a fury that
riots and revels among the slain. But certainly the grandest figure is
that of Morrigu, whose présence intensifies the hero, nerves his arm for
the cast, and guides the course of the unerring lance. As in this epic the
first place in valour and prowess is given to Cuchullain, the Hector of
the Gaeidhel, it is natural to expect that he should be represented as the
spécial favourite of the supernatural powers. And so it is; for we read
that the Tuatha-de-Danann endowed him with great attributes. In that
passage of the Tain where Cuchullain is described as jumping into his
chariot to proceed to fight Firdia Mac Demain, the narrative says {Book
of Leinster, fol. 57, b2) " ra gairestar imme boccanaig, ocus bandnaig,
ocus geniti glinni, ocus demna aeoir, daig daberîis Tuaîha de Danann a
42 The ancient Irish Goddess of War.
ngasciud immisinm, combad môîi a grain, ocus a ecla, ocus a urûaman in
cach caîh ocus in cach cathrùi, in cach comlund ocus in cach comme i tei-
ged; " " the satyrs, and sprites, and maniacs of the valleys, and démons
of the air, shouted about him, for the Tuatha-de-Danann were wont to
impart their valour to him, in order that he might be more feared, more
dreaded, more terrible, in every battle and battle-field, in every combat
and conflict, into which he went. " So, when the forces of Oueen
Medb arrive at Magh-Tregha, in the présent county of Longford, on
the way to Cuailnge, Neman appears amongst them. " Dosjobair tra ind
Nemain A. in Badb lasodain, ocus nipsisin adaig bd samam doib la budris
ind faihaigh .i. dubthaig triana chotlud. Foscerdat inna buidne focedoir,
ocus focherd dirna mor dint slôgh conluid Medbh dia chose " "■ Then the
Neman, i. e. the Badb, attacked them, and that was not the most comfor-
table hight with them, from the uproar of the giant Dubtach through his
sleep. The bands were immediately startled, and the army confounded,
until Medb went to check the confusion. " Lebor na hUidhre, fol. 46,
ai.
And inanother passage, in the épisode called " Breslech Maighe Muir-
themhne," where a terrible description is given of Cuchullain's fury at
seeing the hostile armies of the south and west encamped within the
borders of Uladh, we are told (Book of Leinster, fol. 54, a2, and
bi);
'' Atchonnairc seom uad gristaitnem na narm nglan arda os chind chethri
noll choiced nErend refuiniud nell na nona. Do fainig ferg ocus luinni mor
icanaiscin re ilar a bidbad, re immad a namad. Rogab a da shleig, ocus a
sciath, ocus a chlaideb. Crothais a sciath, ocus cressaigis a shlega, ocus
bertnaigis a chlaidcm, ocus do bert rem curad as a bragit cororccratar hana-
naig ocus boccanaig, ocus geniti glinni, ocus demna aeoir, re uathgrain na
gare dosbertatar ar aird, co ro mesc ind Neamain A. in Badb forsint slog.
Dollotar in armgrith cethri choiced hErend im rennaib a sleg ocus a narm
fadessin, conerbaltatar ced laech dib d'uathbas ocus chridemnas ar lar in
dunaid ocus in longphoirt in naidchisin. " "■ He saw from him the ardent
sparkling of the bright golden weapons over the heads of the four great
provinces of Eriu, before the fall of the cloud of evening. Great fury
and indignation seized him on seeing them, at the number of his oppo-
nents and the multitude of his enemies. He seized his two spears, and his
shield and his sword. He shook his shield, balanced his spears, and
brandished his sword, and uttered from his throat a warrior's shout, so
that sprites, and satyrs, and maniacs of the valley, and the démons of
the air responded, terror-stricken by the shout which he had raised on
The ancient Irish Coddess of War. 4)
high. And the Neman, i. e. the Badh, confused the army; and the four
provinces of Eriu dashed themselves against the points of their own
spears and weapons, so that one hundred warriors died of fear and
trembling in the middle of the fort and encampment that night. "
Of the effects of this fear inspired by the Badb was geltacht or lunacy,
which, according to the popular notion, affected the body no less than
the mind, and, in fact, made its victims so hght that they flew through
the air like birds. A curious illustration of this idea is afforded by the
history of Suibhne, son of Colman Cuar, king of Dal-Araidhe, who
became panic-stricken at the battle of Magh-Rath, and performed
extraordinary feats of agility. Another remarkable instance will be found
in the Fenian Romance called Cath-Finnîragha (battle of Ventry Harbour),
where Bolcan, a king of France, is stated to hâve been seized with
geltacht at the sight of Oscur, son of Oisin, so that he jumped into the
air, alighting in the beautiful valley called Glenn-na-ngealt (or " the
Glen of the Lunatics "), twenty miles to the east of Ventry Harbour,
whither, in the opinion of the past génération, ail the lunatics of the
country would go, if unrestrained, to feed on the cure-imparting water
cresses that grow there over the well called Tohar na ngealt, or the
" well of the lunatics ". In the same taie it is also said that those who
heard the shouts of the invading armies on landing were surprised that
they were not carried away by the wind and lunacy: "ba hiongna le gach
dd gcûalad na garrtha sin gan dol re gaoith agus re gealtachus doib. " Per-
sons are also represented as frightened to madness on observing the
fight between Cuchulla'm and Ferdia, which forms the chief épisode in
the Tain Bo Cuailnge.
Again, in the battle of Almha (or the Hill of Allen, near Kildare),
fought in the year 722, between Murchadh, king of Laighen, and
Ferghal, monarch of Ireland, where " the red-mouthed, sharp-beaked,
badb croaked over the head of Ferghal, " (" ro ko badb belderg biorach
iolach um cenn Fergaile "), we are told that nine persons became thus
affected. The Four Masters (a. d. 718) represent them as " fleeing in
panic and lunacy, " {do lotar hi faindeal ocus i ngealtacht). Other anna-
lists describe them in similar terms. Thus, Mageoghegan, in his trans-
lation of the " Annals of Clonmacnoise, " says they " flyed in the air
as if they were winged fowle. " O'Donovan (in notes to the entries in
his édition of the Four Masters, and Fragments of Annals) charges
Mageoghegan with misrepresenting the popular idea; but Mageoghegan
represented it correctly, for in the Chronicum Scotorum the panic-stricken
at this battle are called " volatiles, " ov gealta. May we not therefore
44 The ancient Irish Goddess of War.
seek, in this vulgar notion, the origin of the word " flighty " as
applied to persons of eccentric mind ?
But although, as we hâve seen, the assistance given to Cuchullain by
Neman was both fréquent and important, the intervention of Morrigu
in his behalf is more constant. Nay, he seems to hâve been the
object of her spécial care. She is represented as meeting him sometimes
in the form of a woman, but frequently in the shape of a bird — most
probably a crow. Although, apparently, his tutelary goddess, the
Morrigu seems to hâve been made the instrument, through the decree of
a cruel fate, in his prématuré death. The way was thus :
In the territory of Cuailnge, near the Fews Mountains, dwelt a
famous bull, called the Donn Cuailnge (or Brown [Bull] of Cuailnge),
a beast so huge that thrice fifty youths disported themselves on his back
together. A certain fairy, living in the cave of Cruachan, in the county
of Roscommon, had a cow, which she bestowed on her mortal husband,
Nera, and which the Morrigu carried of to the great Donn Cuailnge, and
the calf that issued from this association was fated to be the cause of
the Tain Bo Cuailnge. The event is told in the taie called Tain Be Aingen,
one of the prefatory stories to the great epic, which thus speaks of the
Morrigan.'^ Berid in Morrigan iarum boin a mie sium cen bai seom ina cotlad,
condarodart in Donn Cuailgne îair i Cuailgne. Do thaet cona boin doridise
anair. Nostaertcnd Cucullain i Mag Murthemne oc tuidecht îairis, ar ha do
gesaib Conculaind ce teit ban as a thir manib urdairc les
Da thairthe Cuchullain in Morrigan, cona boin, ocus isbert ni berthar in
nimirce, ol Cuchullain, " /. e., " The Morrigan afterwards carried off
his [Nera's] son's cow, so that the Donn Cuailnge consorted with her in
the east in Cuailnge. She went westwards again with the cow. Cuchul-
lain met her in Magh-Muirthemhne whilst crossing over it ; for it was
of Cuchullain's prohibitions that even a woman should leave his terri-
tory unless he wished Cuchullain overtook the Morrr
gan, and he said : the cow shall not be carried off. " But the Morrigan,
whom Cuchullain probably did not recognise in the form of a woman,
succeeds in restoring the cow to her owner.
AU the while, however, Morrigan seems to watch over the interests
of the Ultonians. Thus when, after the death of Lethan at the hands
of Cuchullain, Medbh endeavoured, by a rapid and bold movement, to
surround and take possession of the Donn Cuailnge, we fmd her acquain-
ting the Donn Cuailnge with the danger of his position, and advising him
to retire into the impénétrable fastnesses of the Fews.
" Is he in la ceîna tanic in Dond Cuailnge co crich margin, ocus coica
J
The ancient Irish Goddess of War. 45
samseisce immi do samascib is e in la cetna îanic in Morrigu, ingen
Ernmais a sidaib [in deilb euin] comboi for in chorthi i Temair Clnialnge ic
brith rabuid don Dund Chualnge ria feraib liErend, ocus rogab aca acallaim\
ocus maiîh, a thruaig, a duind Cuailnge ar in Morrigu, déni fatchius daig
ardoîroset fir liErenn, ocus noî berat dochum longphoirt mani dena faitchius ;
ocus ro gab ic breith rabuid do samiaid, ocus dosbert na briaîhrasa ar aird."
— " It was on that very day the Donn Cuailnge came to Crich-Margin,
and fifty heifers of the heifers about him It was the
same day Morrigu, the daughter of Ernmas, from the Sidhe, came
[in the form of a bird — Lebor na hUidhre] and perched on the pillar
stone in Temair of Cuailnge, giving notice to the Donn Cuailnge before
the men of Eriu ; and she proceeded to speak with him, and said,
' Well, thou poor thing, thou Donn Cuailnge; take care, for the men
of Eriu will come to thee, and they will take thee to their fortress if
thou dost not take care. ' And she went on warning him in this wise,
and uttered thèse words aloud. " [Hère follows a short
and very obscure poem to the same efïect], Book of Leinsîer, fol.
50, ai.
Immediately after the foregoing incident the narrative, as preserved
in the Lebor na hUidhre, represents Cuchullain and Morrigu as playing
at cross purposes. I hâve suggested that Cuchullain did not appear to
recognise the Morrigu when she met him in the form of a woman, in
the scène quoted from the Tain Be Aingen. He seems similarly ignorant
of her identity on other occasions, when she is said to hâve presented
herself before him in female shape. Let us take, for example, the épi-
sode entitled " Imacallaim na Morigna fri Coincullain, " — " Dialogue
of the Morrigan with Cuchullain, " which précèdes his fight with Loch,
son of Ernonis.
" Conacca Cu in nocben chuci conetuch cach datha impe, ocus delb ro
derscaigthe fuirri. Ce taisiu or Cu. Ingen Buain ind rig, or si; do deochadh
cuchutsa; rotcharus ar thairscelaib, ocus tucus mo seotu lim, ocus mo indili.
Ni maiîh, em, ind inbuid tonnanac, nach is oie ar mblath oinmgorti. Ni
haurusa damsa dana comrac fri banscail cein nombeo isind niîh so. Bid im
chobairse daitsiu (.i. do gensa congnom latt) ocsudiu. Niar thoin mna dana
gabussa inso. Bi ansu daitsiu, or si, in tan doragsa ar do chend oc comrac
fris nafiru; doragsa irricht escongan fot chossaib issind ath co taithis. Dochu
lim, on, oldas ingen rig; notgebsa, or se, im ladair commebsat t^asnai, ocus
bia fond anim sin co ro sécha brath bennachtan fort. Timorcsa in cethri
forsind ath do dochumsa irricht solde glaisse. Leicfesa cloich daitsiu as in
tailm co commart do suil it cind, ocus bia fond anim co ro sécha brath
46 The ancient Irish Goddcss of War.
bennachtan fort. To rach dait irricht samaisci maile derce riasindeit, comensat
forsnai laihu, ocus fors na hathn, ocus fors na linn'm, ocas nimaircechasa ar
do chend. Tolecubsa cloich deitsiu or se, commema do fergara jot, ocus bia
fo ind anim sin co ro sécha brath bennachtan fort. Lasodain teit iiad. "
" Cu saw the young woman dresscd in garments of every hue, and
of most distinguished form, approaching him. * Who art thou ? ' asked
Cu. ' The daughter of Buan, the King, ' said she; ' I hâve corne to
thee; I hâve loved thee for thy renown, and hâve brought with me my
jewels and my cattle. ' ' Not good is the time thou hast corne, ' said he. '
It is not easy for me to associate w^ith a v/oman whilst I may be engaged
in this conflict. ' ' I will be of assistance to thee therein, ' replied she.
' Not by woman's favour hâve I come hère, ' responded Cuchullain.
' ^Twill be hard for thee, ' said she, ' when I go against thee
whilst encountering men. I will go in the form of an eel under thy feet,
in the ford, so that thou shalt fall. ' ' More likely, indeed, than a king's
daughter; but I will grasp thee between my fingers, ' said he, ' so that
thy ribs shall break, and thou shalt endure that blemish for ever. ' ' I
will collect the cattle upon the ford towards thee, in the shape of a
grey-hound, ' said she. ' I will hurl a stone at thee fromthe sling,'
said he, ' which will break thine eye in thy head ; and thou shalt be
under that blemish for ever. ' I will go against thee in the form of a red
hornless heifer before the herd, and they shall défile the pools, and fords,
and linns, and thou shalt not fmd me there before thee ' ' I will fling a
stone at thee, ' said he, ' which will break thy right leg under thee ;
and thou shalt be under that blemish for ever. ' With that she departed
from him. "
In some MSS. the foregoing dialogue forms the principal feature in
a romantic taie called Tain Bo Regamhna, which, like the Tain Be
Aingen, is one of the prefatory stories to the great Cattle Spoil. Like the
Tain Be Aingen, also, it introduces the Morrigu in the character of a
messenger of the fate that had decreed the death of Cuchullain when the
issue of the Donn Ciiailnge and the Connacht cow should hâve attained
a certain âge. But the Tain Bo Regamhna is further important, as
Connecting the Morrigu with Cuchullain, in the position of protector.
The taie, which is too longto quote in extenso, represents Cuchullain as
one morning meeting the Morrigu in the form of a red-haired woman,
driving a cow through the plain of Murthemne, as related in Tain Be
Aingen. Cuchullain, in his quality of guardian of the border district, tries
to prevent her from proceeding; and after a great deal of argument,
during which Cuchullain seems not to know his opponent, the woman
The ancient Irish Goddess of War. 47
and cow disappear, and Cuchullain perceives that she has become trans-
formed into a bird, which perches on an adjacent tree. Cuchullain, as
soon as he becomes aware that he had been contending with a super-
natural being, confident in his own might, boasts that if he had known
the character of his opponent, they would not hâve separated as they
did; whereupon the following exchange of sentiments takes place : —
'' Cld andarignisin, ol si, rodhia olc de. Ni cuma dam ol Cuchullain.
Cumcim eicin ol in ben; is ac [do] diten do baissiu, atusa ocus biad, olsi.
Do fucus in mboinsea a sith Cruachan, condarodart in Dub Cuailnge lim i
Cuailnge .i. tarb Dairi mie Fiachna. Ised aired biasu imbeathaid corop
darîaig in laeghfil imbroind na bo so, ocus ise consaithbe Tain Bo Cuailnge.
Bid am ardercusia de din tain ishin, ol Cuchullain. Gegna a nanrada, brisfe
a mor chatha, bid a tigba na tana. "
" ' What hast thou done ? ' asked she ; ' evil will ensue to thee there-
from, ' ' I care not, ' said Cuchullain. ' But I do, ' said the woman (/.
e. the bird, or badb')\ it is protecting thee I was, am, and will be, ' said
she. ' I brought this cow from Sidh-Cruachna, so that the Dubh Cuailnge,
i. e. Daire Mac Fiachna's bull, met her in Cuailnge. The length of time
you hâve to live is until the calf that is in this cow's body will be a
yearhng; and it is it that shall lead to the Tain Bo Cuailnge. ' ' I will
be illustrious on account of that Tain, ' observed Cuchullain; I shall
wound their warriors, break their great battles, and will be in pursuit
of the Tain. ' " (Lebor Buidhe Lecain col. 648). Then the Morrigu threa-
tens to act to Cuchullain in the way detailed in the dialogue which I
hâve just quoted; and, as the taie concludes, " the Badb afterwards
goes away. " (" luid ass in Badb ianim ").
The Morrigu puts her threats into exécution during Cuchullain's
fight with Loch, son of Ernonis. The narrative in Lebor na hUidhre
describes the encounter in the following manner : —
^' 0 ro chomraicseî iarom ind fir for sind aih, ocus 0 rogabsat oc gliaid
ocus oc imesorcain and, ocus 0 ro gab cach dib for truastad a chéli, focheird
in escongon triol (.i. tri curu) im chossa Conculaind combbi fâen fotarsnu
isind dth ina ligu. Dauautat (.i. buailis) Loch cosin chlaidiub combu chro-
derg int aîh dia fuilriud. . . . Lasodain aîraig, ocus benaid in nescongain
comebdatar a hasnai indi, ocus comboing in cethri dars na slûaga sair ar
ecin, combertaîar a puple innan adarcaib lasa torandcless darigensat in dd
lathgdile isind ath. Tanautat som ind sod mactire do imairg na bûfair siar.
Léicid som cloich as a tailm co mebaid a suil ina cind. Téite irrichî samaisce
mâile derge, muiîte rias na buaib forsna linni ocus na hàthu. Is and asbert
som ni airciu (.i. ni rochim) anâthu la linni. Leicidsom cloich dont samaisc
48 The ancicnt Irisli Goddess of War.
mdil déirg comemaid a ger gara foi. " Lebor na hUidhre, fol. 37, ai.
" When the men met afterwards in the ford, and when they com-
menced fighting, and assaulting, and when each man began to strike
the other, the escongon (eel) made a triple twist round Cuchullain's
legs, so that he was lying down prostrate across in the ford. Loch struck
him with his sword, and the ford was gory-red from his blood
Thereupon he arose and struck the eel, so that her ribs broke in her.
And the cattle rushed violently past the army, eastwards, carrying the
tents on their horns, at the sound made by the two warriors in the ford.
He (Cuchullain) drove to the west the wolf-hound that collected the
cows against him ; and cast a stone out of his sling at it, which broke
its eye in its head. Thenshe(Momgu) wentintheshapeofashort hornless
red heifer before the cows, and advanced into the linns and fords ; when
he said — M see not the fords with the pools. ' He cast a stone at the
red hornless heifer, and broke her leg. " It is added that " it was then
truly that Cuchullain did to the Morrigu the three things which he had
promised to accomplish, in the Tain Bo Regamna; " (is andsin ira do
géni Cucullainn frisin Morrigain a trédedo rairngerîdihi tain bb Regamna;''
ib).
With respect to the instances of transformation already referred to
it may be pertinent to quote the following, which is given in an account
of the battle alleged to hâve been fought at Tailte between the Milesian
forces and Eire, queen of Mac Greine, king of the Tuatha-de-Danann,
who acted in the capacity of a war goddess. The Milesian chiefs are
represented as having advanced as far north as the hill of Uisnech, when
it is added " go facadar in en mnai minderg mon malach dhuibli in deilb
desi . . . . da ninsaigidh. Ingantaigsed na sluaigh re sirdechsain ahinnell
ocus a habaise. In dama huair ann ba rigan roisclethan ro alainn; ocus in
uair aill . . . . na baidb biraigh banghlais Suidhis ar inchaib Eremoin;
snaidmis a heinech ar Emir. Ca cricli as ar cemnigis ocus cacele ca clcchtaidh
do comlaigi, ocus ca hainm is raiti rit a ingin, ar Eremon. 0 tuathaib
digraisi de Danann do dechadhus am, bar isi, 7 mac gréni gaiscedhach
mfher celé, 7 Eriu mainmse, bar in ingen. " '' They saw the one woman,
smooth-red, large, black-browed, in the shape of two appro-
aching them. The hosts wondered with constant observation of her
behaviour and changfulness. At one moment she was a broad-eyed,
most beautiful queen, and another time a beaked, white-grey
badb She sits down in the présence of Eremon; she enjoins her protec-
tion on Emir. ' What country hast thou come from, and what companion
dost thou associate with, and what name is to be addressed to thee, 0
The ancient Irisli Goddess of War. 49
woman, asked Eremon. ' From the ardent Tuatha de Danann I hâve
corne, truly, ' said she, ' and Mac Greni, warrior, is my husband, and
Eriu is my name, ' said the woman. " Ms. H. 4. 22. p. 120.
And Aimhirgin asks, immediately after the preceding dialogue, " ca
ni chuingi etir, a ingin ilrechtach; " what do you request, 0 woman
of many shapes, " the latter epithet being used in allusion to the
fréquent transformations referred to before. The account further
represents her as fighting a battle with the chiefs in question, in the form
of a badb.
The next meeting between Cuchullain and the Morrigan is very
curious. It is thus related in the Book of Leinster fol. 54, a2.
" Andsin tank in Môrrîgu ingen Ernmais a sidaïb irricht sentainne, cor-
rabi ic blegu ho tri sine nafiadnaisse. Is immi tainic si sin ar bith a forithen
do Choinchullaind; daig ni gonad Cuchullainn nech ara térndd combeth cuit
dô fein na legus, Conattech Cuchullain blegon fuirri iar na dechrad diliaid.
Do brethasi blegon sini dô. Rop Un a neim damsa so. Ba sLîn a lethrosc
na rigna. Conattech som blegon sini fuirri, do brethsi dô; ineim rop slân inti
doridnacht. Conaittecht som in très ndig, ocus dobrethasi blegon sine dô.
Bendacht dée ocus ândee fort a ingen (batar é a ndee int aes cumachîa, ocus
andee int aes trebaire) ; ocus ba slan ind rigan. "
" Then the Morrigu, daughter of Ernmas, came from the Sidhe, in
the form of an old woman, and was milking a three-teated cow in his
présence. The reason she came was, in order to be helped by Cuchul-
lainn ; for no one whom Cuchullainn wounded could recover unless
he himself had some hand in the cure. Cuchullain asked her for milk,
after having been troubled with thirst. She gave him the milk of one
teat. " May I be safe from poison therefor. " The queen's eye was
cured. He asked her again for the milk of a teat. She gave it to him.
" May the giver be safe from poison. " He asked for the third drink,
and she gave him the milk of a teat. " The blessing of gods and men
be on thee, woman (the people of power were their gods, and the
wise people were their andée ''non divine ''); and the queen was cured."
When the time approached in which Cuchullainn should succumb to
the decree of fate, as previously announced to him by Morrigan, the
impending loss of her favourite hero appears to hâve afîected her with
sorrow. The night before the fatal day when his head and spoils were
borne off in triumph by Ere Mac Cairpre, Morrigan, we are told, disar-
ranged his chariot, to delay his departure for the fated meeting.
Thus we read in the " Aided Conchullainn, " or " Tragedy of
Cuchullainn, " contained in the Book of Leinster (fol. 77, ai) that when
4
50 The ancicnt Irish Goddcss of War.
he approached his horse, the Liath Mâcha, in the last morning of his
existence, this faithful companion of his many victories " thrice turned
his left side -" towards his master, as an augury of the doom so soon to
await him; and he found that " the Monigan had broken the chariot
the night previous, for she Hked not that Cuchullainn should go to the
battle, as she knew that he would not again reach Emain Mâcha. "
" Teite Cuchullainn adochum [in Leith Mâcha], ocus ro impa int cch a
chle friss fothri, ocus roscail in Morrigu in carpat issind aidchi remi, ar nir
bo ail le a dul Conculainn dochum in chatha, ar rofitir noco ricfad Emain
Mâcha afrithis. "
Then follows a curious scène between Cuchullainn and the Liath
Mâcha, or " grey horse of Mâcha, " the hero reminding his steed of
the time when the Badh accompanied them in their martial feats at Emain
Mâcha, or Emania (jodonhai hadb in Emain Mâcha), and the Liath^
becoming so affected at the impending fate of his master, " co tarlaic a
bolgdera môra fola for a dib traigîhib, " " that he dropped his big tears
of blood on his (Cuchullain's) two feet. "
The grief of the Liath Mâcha, and the arts of Morrigu, were of no
avail; Cuchullain would go to the field of battle, impelled by the unseen
power which ruled his destiny. But before he approaches the foe, he
meets with three female idiots, blind of the left eye, cooking a charmed
dog on spits made of the rowan tree ; créatures of hateful aspect and
wicked purpose.
Cuchullain's strength must be annihilated, or the fates will hâve
decreed in vain ; and this can only be done through his partaking of the
horrid dish, which he résolves to do rather than tarnish his chivalrous
réputation by refusing the request of the witches, although aware of the
tragic results about to ensue. The strenght of the hero is paralyzed by
the contact with the unclean food handed to him from the witch's left
hand; and Cuchullainn rushes headlong to his doom. But still the Mor-
rigan does not abandon him, although apparently quite powerless to
assist him; for as he comes near to the enemy, " a bird of valour " is
seen flying about over the chief in his chariot {en blaith, i. e. Ion gaile,
etarluamnach uasa erra oen charpait). And after he has received his death-
wound she perches beside him awhile, before winging her flight to the
fairy palace beside the Suir, from which she came. The following is the
description of Cuchullainn's proceedings after receiving his mortal wound,
extracted from the Book of Leinster (fol. 78, 32).
"■ Do dechuid iarum crich môr ond loch (Loch Lamraith in Magh Muir-
themne) siar, ocus rucad a rose airi, ocus téit dochum coirthi cloiche fde
The ancient Irish Goddcss of War. 5 1
isin maig coîarat a choimchriss immi, narahlad na suidia, nach ina Ugu,
conhad ina sessam atbalad. Is iarsin do dechaîar na fir immacuairt, ocus ni
rolamsatar dut a dochum. Andarleo ropo beo. Is mebol duib, ol Ere Mac
Cairpre, cen cend ind fhir do thabhairt lib in digail chind m'atarsa rucad
leis co ro adnacht fri airsce Echdach Niafer. Rucad a chend assaide co fil
i sid Nenta iar nusciu. . . . Iarsin tra do dechaid in Liath Mâcha co
Coinculaind dia imchoimét in céin robôi a anim and, ocus ro mair in Ion
laith ass a étan. Is iarum bert in Liath Mâcha na tri derg ruathar iinmi ma
cuairt, co îorchair l. leis cona fiaclaib, ocus xxx cach crui do issed romarb
dont sluag. Conid de ata nitaihe buadremmend ind leilh Mâcha iar marbad
Conculainn. Conid iarsin dolliud ind ennach for a gualaind. Nir ho gnàth in
corthe ut fo enaib ar Ere mac Carpre. "
" He (Cuchullainn) then went westwards, a good distance from the
lake (Loch Lamraith in Magh Muirthemne), and loolced back at it. And
he went to a piliar stone which is in the plain, and placed his sideagainst
it, that he might not die sitting or lying, but that he might die standing.
Afterthis the men went ail about him, but dared not approach him, for
they thought he was alive. ' It is a shame for you/ said Ere Mac Cairpre,
' not to bring that man's head in retaliation for my father's head, which
was borne off by him, and buried against Airsce Echdach Niafer. His
head was taken from thence, so that it is in Sidh-Nenta.... Afterwards,
moreover, the Liath Mâcha went to Cuchullain, to guard him whilst his
spirit lived in him, and whilst the Ion laith (bird of valour?) continued
out of his forehead. Then the Liath Mâcha executed the three red routs
about him, when fifty men fell by his teeth, and thirty by each shoe,
ail of the enemy's host; and hence the proverb — ' Not more furious
was the victorious rout of the Liath Mâcha, after the killing of Cuchul-
lain.' — Thereupon the bird went and perched near his shoulder.
" That piliar stone was not usually the resort of birds, " said Ere
Mac Cairbre, who supposed the Morrigan to be a mère carrion crow
awaiting the feast prepared by his hand. Then they advance and eut ofï
Cuchullain's head, and the Morrigan disappears from the scène,
The exact meaning of the expressions en blaith, and Ion gaile f'called
also lôn or lûan-laith) which occur in the preceding sentences hâve not
been well defmed. Some writershave understood en blaith as a véritable
" bird of valour, " whilst others deem the words as a title for a parti-
cular kind of frenzy. I hâve not met with any statement identifying the
bird of valour with the scare-crow, or, indeed, with any bird in parti-
cular, although the principal heroes in the Irish battle pièces, from
Cuchullain to Murchadh, son of Brian, hâve each his " bird of valour "
52 The ancient ïrish Goddcss of War.
flying over him in the thick of the fight. In the account of the battle of
Magh-Rath, we are told that Congal Claen, excited to fury and madness
by the exhortations of one of his servants, in the banquetting hall at
Dun-na-ngedh, " stood up, assumed his bravery, his heroic fury rose,
and his ' bird of valour ' fluttered over him, and he distinguished not
friend from foe at the time' ". So when Murchadh, son of Brian, after
the repuise of the Dal-Cais by the Danes, at the battle of Clontarf,
prépares to assail the enemy, it is said that " he was seized with a
boiling terrible anger, an excessive élévation and greatness of spirit and
mind. A bird of valour and championship rose in him, and fluttered over
his head and on his breath, " But this Ion laith, en gaile, or bird of
valour (?) which hovered about Cuchullain, not only excited his mind to
fury, as is represented, but also produced a strange bodily transforma-
tion, from which he obtained the sobriquet of the Riastartha, or transfor-
med. Thus, in a passage in the taie from which I hâve so often quoted
already, where King Ailill deems it advisable to beg Cuchullain's permis-
sion for the Connacht army to retire from a position of danger, the
following account of the effects of this paroxysm of fury is given :
" Denaid comarll for Ailill. Giidid Conculainn itnfor leciid asind iniidsa
ar ni ragaid ar ecin îairis uair rodlebaing a Ion laith, ar ba bes dosom intan
no linged a Ion laith ind imreditis a traigthi iarma ocus a escada remi, ocus
muil a orcan for a lurgnib, ocus in dala suil inachend, ocus arailifria chcnd
anechîair ; do coisedfer chend for a beolu. Nach findae bid fair ba hathithir
delca sciach, ocus banna fola for cach finnu. Ni aithgnead coemu na cairdiu.
Cumma no slaided riam ocus iarma. Is desin dober fir nolnecmacht in rias-
tarthu do animm do Coinculainn. (Lebor na hUidhre, fol. 34, bi.)
" ' Take counsel together, ' said Ailill; ' entreat Cuchullain that he
may permit you to leave this place, since you cannot pass by him forci-
bly, because his Ion laith has sprung. ' — For it was usually the case
with him when his Ion laith started in him, that his feet turned back-
wards and his hams forward, and the calves of his legs were transfer-
red to his shins, and one of his eyes sank deep into his head, whilst the
other was protruded, and a man's head would fit in his mouth. Every
hair on his head was sharper than the thorns of whitethorn, and a drop
of blood stood on each hair. He would not know friends nor relations,
and he slew equally backwards and forwards. Hence it was that the
men of Connacht applied the name of ' Riastartha ' to Cuchullainn. "
It has been already observed that the name of the goddess, or fury,
I. Battle of Magh-Rath, p. 35.
The Ancient Irish Goddess of War. 5 9
whose identity we hâve been endeavouring to connect with Caîhu-bodua,
is written badb and bodb, just as the adjectives derived therefrom are
written badba and bodba, and thederiv. subst. badbdacht and bodbdacht.
The term bodba (terrible) is applied to the Morrigan in an old tract in
the Book of Leinster, where Conor Mac Nessa is represented as directing
Findchad to summon auxih'aries to assist Cuchullainn : " ardoîrai cosin
nuathaig mbodba, cosin Màrrigain co dûn Sobnirche;" "go to the terrible
fury, to the Morrigan, to Dun-Sobairche (Dunseverick, co. Antrim). "
The name Morrigan is also varied, as we hâve seen, to Morrigu; but
as the genitive form is Morrigna, the proper nom. would seem to be
Morrigan.
In the Irish mythological tracts a well-marked distinction is observable
between the attributes of the scald-crow and those of the raven ; the
scald-crow, or cornix, being represented in the written as in the spoken
traditions of the country^ not alone as a bird of ill omen, but as an agent
in the fulfilment of what is *' in dono " in dan, or decreed for a
person, whilst the raven is simply regarded as a bird of prey, that follows
the warrior merely for the sake of enjoying its gory feast. Just as the
German myths describe Odin and Zio as accompanied by ravens and
wolves, which follow them to the battle-field, and prey upon the slain,
so the Irish poets, in their laudations of particular heroes^ boast of the
numbers of ravens and wolves fed by their spears. Odin, especially,
had two ravens, wise and cunning, which sat upon his shoulders and
whispered into his ears, like Mahomet's pigeon, ail thatthey had heard
and seen'. Inthis latter respect the raven of German myihology stands
in the same relation to Odin that the raven of Greek mythology does to
Apollo. The Scandinavians, like their German relatives, considered the
raven in a sacred light.
The Anglo-Saxon chronicle (at the year 878) records the capture from
the Norse of a banner called the Raven, of which a more particular
account is in Asser's Life of Alfred, at the same year. After describing
the defeat of the Pagan Norse before Kynwith castle, in Devonshire,
the writer adds, " and there they (the West Saxons) gained very large
booty, and amongst other things the banner called the Raven; for they
say that the three sisters of Hingwar and Hubba, daughters of Lodbrok,
wove that flag and got it ready in one day. They say, moreover, that
in every battle, wherever that flag went before them, if they were to
gain the victory, a live crow would appear flying on the middle of the
I. Grimm, Deutsche Mythologie^, p. 134.
54 The ancient Irish Goddess of War.
flag; but if they were doomed to be defeated it would hang down
motionless ; and this was often proved to be so. " Earl Sigurd also is
said to hâve had a raven banner at the battle of Clontarf, which his
mother had woven for him with magical skill ' .
This idea of the raven banner is probably connected with the tradition
given in the Vœlsûnga-Saga, which represents Odin as sending the
Valkyria Oskmey, in the form of a crow, on a mission to Friga, to
entreat that the wife of King Reris might become fruitful ^ ; and the
prayer being heard, a son (Sigmund) was born, whose son Sigurd
married Brunhilt, a Valkyria, who was called Kraka, or the crow, and
who was the wife of Ragnar Lodbrok, and mother of Ivar Beinlaus.
The Morrigan has some dim connection with the pagan festival of
Samhain, or Allhallowtide. Mâcha Mongruadh, the fabled foundress of
Ard-Macha (Armagh) whose sword [daidhem Mâcha Moingruadh) is
described as a very powerful weapon, is sometimes called Morrigan;
as is also Mongfmd, a great queen of the y^ cent., in whose honour the
festival of Samhain was anciently called " Fcil-Moing, " " when the
vulgar and women asked requests of her. " ÇBook of Ballymote.)
The name of the Morrigan is found connected with many of the
fulachts, or Kitchen Middens, particularly with the larger ones, which
are called " Fulacht na Morrigna, " the " Morrigan's hearth, " whilst
the smaller ones are named " Fulacht Fian. One of thèse great fulachts
at Tara would cook three kinds of food at the same time. Some account
of it will be found in Petrie's " Antiquities of Tara, " pp. 213-14
(where, however, Pétrie should hâve considered it rather a cauldron
than a spitj. In the tract called the Agallamh heg, or " Little Dialogue, "
contained in the " Book of Lismore, " mention is made (fol. 196 a2)
of another Fulacht-na-Morrigna which existed near the fairy mound oï Sidh-
Airfemhin, in the présent county of Tipperary.
" Ba hiatfein do rinde hoth doibh ind oidchi sin, ocus do rinded indeo-
nadh ko, ocus teid Cailte ocus Findchadh do indlad a làmha cum int srotha .
Inad fulachta so ar Findchad, ocus iscian 0 do rinded. Is fir ar Cailte, ocus
fulacht na Morrighna so, ocus ni denta gan uisce. " " It was they who
made a hut for themselves that night; and indeonad (cooking places)
were made by them. And Cailte and Finchadh went to the stream to
wash their hands. ' Hère is the site of a fulacht, ' said Finchadh and it
is a long time since it was made. ' ' True, ' said Cailte; ' and this is
1. Todd's " Danish Wars, " introd. p. dxxxiij, note
2. Fornaldar Sœgur, Copenhagen, 1825, pp. 117-11S
The ancient Irish Goddess of War. 5 j
a fulacht-na-morrighna which is not to be made without water ' " {i. e.
there should be a supply of water near at hand).
The name of the Morrigan enters not a little into the composition of
Irish topographical names. In the présent county of Louth there is a
district anciently known by the name of Gort-na-Morrigna, or the " Mor-
rigan's field, " which her husband , the Dagda, had given to her
(" Book of Fermoy, " fol. 125, a2). The " Book of Lismore" (fol. 196,
bi) mentions a Crich-na-Morrigna, as somewhere in the présent county
of Wicklow. Among the remarkable monuments of the Brugh on the
Boyne were Mur-na-Morrigna (the mound of the Morrigan) ; two hills
called the Cirr and Cuirrel (or comb and brush) of the Dagda's wife,
which Dr. Pétrie has inadvertently transformed into two proper names;
and Da cich na Morrigna, or the " Morrigan's two paps. •" The name
of the Morrigan is also probably contained in that of Tirreeworrigan,
in the county of Armagh.
W. M. Hennessy.
P. S. — Mr. Hennessy's preceding paper is a valuable contribution
to the comparative mythology of the Germans (chiefly Scandinavians)
and Celts. More than one élément of the Badhbh-story is common to
both races. I mention briefly the chief coïncidences.
I. To the ancient Irish goddesses of war correspond the Norwegian
(and, in gênerai, Germanie) Valkyrias. .
II. Thèse Irish goddesses appear either by themselves, or(when more
than one) three in number. In a similar way the Noms appear three
together, and the youngest of them, Skuld, is at the same time a Val-
kyria. Very often too, three Valkyrias fly together (Kœ/untfar^^'u/^/ztî, i, 2).
III. One of thèse goddesses is often the spécial companion ofo/zehero,
assists and warns him and^ when his hour has come, leaves him
with a cry. Instances of love-stories of a supernatural character are
numerous in Germanie mythology. « Sigurd and Brynhild » furnish
one. But the finest of thèse stories is in the Older Edda, in the songs
$6 The Ancient Irish Goddess of War.
of Helgi. I do not find however that in Germanie taies the approaching
death is announced by the divine bride leaving her husband with sor-
row. Perhaps there may hâve been something of that kind in Sigurd's
murder committed at the instigation of Brynhild. The dying Helgi too
says to his Valkyrian bride : « Do you not sorrow, you hâve been des-
truction. » Herein seems to lurk a conception more stern than the Irish,
namely that the Valkyrian herself is, when time arrives, the instrument
of her lover's death. The simply divine Valkyrias that live with Odhinn
and are not attached to any particular man, are sent by him for the spé-
cial purpose of calling the heroes « home «. Hence in fact the name
Valkyria, «the chooser of the slain» (Norse val-r, strages; kiosa, eligere).
IV. The Irish goddesses appear in the form of a bird, which is more
especially consideredasthe «bird of valour» ofthehero. Itisnot always
easy to find out what exact form they assume, but it is generally that of
a scaldcrow. The Germanie Valkyrias generally appear as swans. Yet
the Vœlsunga Saga tells of love between one of Sigurd's aneestors and
a Valkyria, who assumed the figure of a crow, and Aslaug, daughter
of Sigurd, who accompanies Ragnar Lodbrok after the fashion of the
Valkyrias, calls herself also « crow » (kraka).
V. The names of the Irish goddesses, as far as can be ascertained, are
Badb (or Badb-eatha) Fea, Ana, Morrigu (or Morrigan) Mâcha, Neman.
Perhaps we might he justified in comparing the name of Mâcha with gr.
[xà/;^. As far as the first of thèse names is concerned it is certainly
identical with M. Pictet's [C]aîhuhodua and it has its counter-part
in Germany. Tacitus tells us (Ann. IV, 73) that, in the eventful
campaign of the Romans against the Frisians, nine hundred Romans
were slain « apud lucum quem Baduhenn<z vocant. )> This must be
understood « near the wood which is consecrated to Baduhenna. » Now
badii is a Germanie word for a strife » (Anglo-Saxon beado, Old-
Norse hoedhr). Indeed it does not appear as the name of a Valkyria;
but when one thinks that by the side of names in -hild decidedly deri-
ved from the Valkyrias such as Mahlhild, GundhiUi, Svanhild, there
appears an Old-High German woman-name Baduhild which indirectly
confirms the statement of Tacitus, it becomes most probable that there
was an ancient Germanie goddess of war, named Badu.
Such similarities between German and Celtic traditions cannot be
accidentai. Not even the historieal connection of the Seandinavians and
the Irish can explain them. It seems that we must go much further back,
to those times when along the Rhine Celts and Germans mixed together,
sometimes as friends, sometimes as foes, when the king of the Mar-
The ancient Irisli Goddess of War. 57
comans, Marobodms, a German by birth, assumed a Celtic name, in
the same way as in later times Cormac, Niai, went over to the Scan-
dinavians from Celtic iips. The old Gaulish names Caturix, Toutiorix,
Segomaros, Albiorix, hâve their Germanie corresponding words (some
of which are still in use) in the names Hedrich, Dietrich, Sigmar, Alberich.
Ail thèse instances of resemblance indicate a long intercourse, and
songs and traditions, as well as names and words, may hâve been inter-
changed from one side of the Rhine to the other and hâve strengthened
the old bonds which, united Celts and Germans in the time of the
Indogermanic unity.
G. LOTTNER.
MANUSCRIT IRLANDAIS
DE VIENNE'.
Le manuscrit de la Bibliothèque Impériale de Vienne, coté : Cod. i6
est d'origine irlandaise et il renferme trois gloses irlandaises
anciennes. Il provient de la bibliothèque de l'ancien couvent de Bobbio,
en Piémont, fondé par saint Colomban. Le ms. est en parchemin. Il
contient un texte latin de « Probus et Eutychius ». Les feuilles de ce
ms. ne sont pas d'une égale dimension et elles ne semblent pas écrites
toutes à la même époque. La partie qui contient « Probus » paraît être
du VIII* siècle, celle qui contient « Eutychius » du ix«. C'est cette
seconde partie qui contient les gloses irlandaises. Très-probablement,
chacune des deux parties formait anciennement un livre séparé, et elles
ont été réunies plus tard en un seul corps. Dans quelques feuilles, au
dessous de l'écriture du viii'' et du ix*^ siècle, on aperçoit une écriture
plus ancienne en lettres capitales. Grâce à la courtoisie de la Direction
de la Bibliothèque de Vienne, nous pouvons transcrire ici les gloses irlan-
daises de ce ms.
Cod. i6. — Bibliothèque Impériale de Vienne.
Fol. 57 b.
lin. 5. baritona (gl. ettorsondi^)
Fol. 58 3 .
lin. I . quae adhaerentia nominibus non minus trisyllabis absque pio
pias et hio hias .i. penultimam nulla sequen
2. te consonante semper habentibus in omni génère ut nuntius
nuntio .as. socius socio .as. saucius saucio .as. curia (gl.
airect *)
* (Un romaniste distingué de Montpellier, M. A. Boucherie, en m'envoyant son
adhésion à la Revue Celtique, avait appelé mon attention sur un passage où Lindemann,
(Corpus Gramm. Lat. Vet.,\o\. I, p. 152) parlant d'un « codex bobiensis in quo habetur
Eutychius, » y signalait des gloses écrites en une langue à lui inconnue: « Comparent in
his aliquot monstra verborum qus ad quem mortalium sermonem pertineant non habeo
dicere. » Aux exemples cités par Lindemann, je reconnus aussitôt des gloses irlandaises,
si étrange qu'il puisse paraître que cette indication ait échappé à Zeuss et à ses disciples.
Je communiquai immédiatement ce renseignement à M. Nigra; de là celte notice.— H. G.]
,i
Un Manuscrit irlandais de Vienne. 59
l. decurio .as. fiducia fiducicr .aris. repudium répudie .as. tripu-
dium tripudio .as. radius radio .as. consilium
1$. ambio .bis. (gl. ambitus) superbio bis (gl. — bia 1. — bus)
sancio sarcio farcio expedio impedio fastidio condio custodio
erudio oboedio uagio
16. praesagio salio sepelio stabilio micturio (gl. mictus) prurio
(gl. merbigim^i) parturio gl. partus) haurio (gl. haustus)
inretio sentio gestio uestio
Notes.
1. — ettorsondi (baritona). C'est un nominatif ou accusatif pi. neut. ou
bien un datif sing. fémin. d'un adjectif en ia, composé de ettor
0=^ etar, inter) et de son (yox, sonus), avec le suffixe de (=^
the = orig. tja).
2. — airecî (curia). Cf. airech (gl. primas) Sg. 50 ^ ; airechas (princi-
patus) Wb. 1 b , 3 d . Sg. 174 a ; Gr. C. 6-j, 233, 750, 778;
Ir. G/, p. 147. Ces formes sont dérivées, d'après Zeuss (Gr. C.
6-j) de air (oriens, /. e. regio anterior).
5. — merbigim fprurio). Ce verbe qui présente ici la forme que Zeuss
appelle dénominative, mais qui a souvent la signification causa-
tive, est très-probablement un déponent. Je crois que le m
radical représente un b et que merbigim est pour *berbigim. La
(forme active simple se trouve dans le ms. de Milan : mani berba
(gl. nisi decoxerit) 46 <: ; dans le glossaire de Cormac : oc ber-
bad (smelting) ad v. Prûll; dans Lh. et O'R. : bearbhaim (I
boil). Les formes britanniques présentent le changement de la
seconde labiale en v: Gall. b erw i (tohoW) Ow., Spur.; Br.
bervi, birvi (bouillir) Le Gon. Les dialectes celto-italiques ont
conservé cette racine : Piém. Can. brilvar (bollire). Toutes ces
formes supposent une racine celtique ancienne 'berv, correspon-
dant au latin ferveo. Les formes celt. berv, lat. ferv-, semblent
secondaires. La racine originaire simple est bhar, scr. bhar,
frigere, assare).
C. NiGRA.
p. s. — Un autre Manuscrit irlandais de Vienne. Le savant D'' E. Birk, premier
conservateur de la Bibliothèque Impériale de Vienne, a eu l'obligeance de nous informer
qu'on vient de découvrir des gloses irlandaises sur quatre feuillets en parchemin d'un
manuscrit du xi" siècle, conservé dans la dite bibliothèque et contenant des fragments de
l'ouvrage de Bède le Vénérable : « de ratione temporum. » Ce manuscrit est coté : Ms.
in-fol. suppl. 2698. C. N.
GLOSES IRLANDAISES
DU MANUSCRIT DE MILAN
La Bibliothèque Ambrosienne de Milan possède plusieurs manuscrits
d'origine irlandaise provenant de l'ancien couvent de Bobbio fondé par
saint Colomban au commencement du vii'= siècle. Parmi ces manuscrits,
celui désigné par la cote C. 301 offre le plus grand intérêt aux celtistes
par le nombre considérable de gloses écrites dans l'ancienne langue
irlandaise et insérées entre les lignes du texte latin et sur les marges.
Ce ms. a été mentionné et décrit par Vallarsius (dans la préface à l'ap-
pendice du tome VII de son édition des œuvres de saint Jérôme), par
Muratori ÇAntiq. Ital. III, p. 858), par Peyron (A/. T. Ciceronis oratio-
num fragmenta inedita, etc. p. 188), et par Zeuss dans la préface de sa
Grammatica Celtica, p. XXIX. Tout en renvoyant les lecteurs à ces diffé-
rentes sources, je crois utile de donner ici une description sommaire de
ce précieux document.
Le manuscrit C. 301 delà Bibliothèque Ambrosienne est écrit sur
parchemin. La reliure est la même que le ms. avait lorsqu'il a été décrit
dans l'inventaire de la bibliothèque de Bobbio au xve siècle. Bien qu'elle
soit en mauvais état, elle a été sagement conservée telle quelle. La
dimension des feuilles est de 34 centimètres de hauteur sur 23 centi-
mètres de largeur. Toutefois plusieurs feuilles ont une dimension
moindre soit en hauteur soit en largeur. La feuille 52 n'est composée
que d'un fragment de parchemin de la dimension d'environ 14
centimètres de largeur sur 10 de hauteur. Mais ce fragment con-
tient, au recto, une glose irlandaise de 1 1 lignes au psaume XXXIII,
écrite avec beaucoup de netteté, que M. Stokes a publiée (Goid., p. 20),
très-fidèlement, à l'exception du premier mot latin qui est I p s 1 et non p s.
Au pied de cette glose une main du xviie siècle a écrit «Lingua Cambro
britannica ». Une main moderne a ajouté plus bas « Charactere ad Anglo-
Saxonicum accedente )). Le nombre des feuilles est de 146. Les feuilles
n'ont pas de numération. Mais une main récente a marqué à
Gloses irlandaises du Manuscrit de Milan. 6 1
l'encre noire, en chiffres arabes très-menus et déliés, une feuille sur
dix, depuis le commencement jusqu'à la fm du ms. Une autre numé-
ration, au crayon noir, et aussi en chiffres arabes, a été faite pour
l'usage de la bibliothèque ; cette numération est faite par pages, et
elle comprend aussi quelques feuilles écrites sur papier par des mains
récentes et ajoutées entre la couverture et la première feuille du ms. Il
y a une faute dans cette dernière numération. Après la page 59 on a
inscrit sur la page suivante le chiffre 62. Enfin pour faciliter les recher-
ches et les comparaisons des gloses, j'ai dernièrement marqué la numé-
ration exacte au simple crayon rouge, en chiffres arabes, sur chaque
cinquième feuille, au pied des feuilles au recto. Chaque feuille est com-
posée de quatre colonnes, deux au recto et deux au verso, excepté la
première feuille qui n'est écrite qu'au recto, et la feuille 52 précitée
qui n'étant composée que d'un fragment de parchemin, n'a qu'une courte
colonne, en irlandais, au recto, et une colonne égale, en latin, au verso.
La notice suivante est écrite sur un papier adhérent à l'intérieur de
la couverture de gauche : « Hune codicem commentariorum S. Hie-
» ronymi in Psalmos, longobardis characteribus conscriptum ac notis
» viri docti adspersum, scito ex bibliotheca Bobii a S. Columbano insti-
» tuta prodiisse ac Rmo. Cardinali Federico Borromaeo, dum Ambrosia-
» nam bibliothecam Mediolani instrueret, libros manuscriptos undique
» conquireret, a religiosissimis S. Benedicti patribus oblatum fuisse anno
)) 1606 Antonio Olgiato, qui primus eam bibliothecam tractavit, prae-
)) fecto ». Cette notice est écrite de la main d'Olgiato, qui a été le pre-
mier préfet de l'Ambrosienne, et elle indique la provenance du ms. et la
date de son admission à la bibliothèque. La première feuille porte l'ins-
cription suivante au milieu de la page, au recto : « In hoc uolumine con-
» tinetur hieronymi presbiteri expositio super psalterium non tamen a
» primo psalmo prius sed quosdam alios indirecte prius exponere uide-
» tur. deinde ad psalmorum ordinem id est a primo incipiens et demum
» subsequenter procedens usque ad finem psalterii, » Cette inscription
est de beaucoup postérieure à la compilation du ms., mais elle ne saurait
être en tout cas postérieure au xv« siècle, époque de la formation du
catalogue de la bibliothèque de Bobbio, publié par Peyron (pp. cit. p. 26),
et portant textuellement cette même inscription. Dans cette première
page de la première feuille se trouvent, en deux colonnes, deux compo-
sitions iriandaises en vers rimes, dont les lettres sont tellement effacées
ou raclées que la lecture en est extrêmement difficile. Deux tentatives de
transcription de ces pièces curieuses ont été faites, l'une par Zeuss {Gr. C.
p. 950), l'autreparM. Stok.es(Go/^.p. 17). Dans la première de ces com-
62 Gloses irlandaises du manuscrit de Milan.
positions est racontée la naissance miraculeuse d'un garçon enfanté par
un homme. La seconde contient la description d'une maison symbolique
qu'une glose latine explique par urbs fortitudinis nostrae.
Le verso delà première feuille ne contient que ces mots sup[er] psal-
teriu[m]. En tête de la deuxième feuille, au recto, on lit, en une
écriture qui date de l'époque de la compilation du ms. : Liber scti
COLUMBANI DE BOBIO INCIPIT PRAEFATIO PSALMORUM IN XÏ50
ihO dno nô. Une main plus récente a ajouté après praefatio le
mot HiERONiMi, En tête de la feuille ^8, au recto, on lit in noe ihu
et scae brigitae (in nomine Ihesu et sanctae B.). En tête de la
feuille 46 au verso on lit 0 Emmanuel. A la feuille 131^^, dans un
endroit que le glossateur irlandais semble avoir eu quelque difficulté à
lire et à interpréter, ce dernier a ajouté à la glose irlandaise ces mots
latins suDET qui leget, expression que l'on trouve également dans
le ms. dePriscien de Saint Gall (Gr. C. p. XIII).
Le ms. contient i" les deux pièces irlandaises en vers rimes que
j'ai déjà mentionnées, au recto de la première feuille; 2" la préface
publiée de saint Jérôme sur les psaumes, commençant « Psalterium
Romae, etc. ». 3° Le prologue « David filius Jesse » publié parmi les
œuvres de Bède; 4° le « prologus Hie.fonymi ad Sophronium « ; 5" une
espèce d'exposition sommaire des psaumes XVII, XVIII, XXI, XXV,
XXVIII, XXIX, XXXIV, XXXV, XXXVI, XXXIX; 6° un commentaire
de tout le psautier, depuis le premier psaume jusqu'au dernier. Mais le
commentaire sur le dernier psaume n'est pas complet. La dernière ou peut-
être les deux dernières feuilles manquent au ms. Les matières indiquées
ci-dessus par les numéros 2, 3, 4 et 5 sont contenues en treize feuilles,
depuis la deuxième feuille jusqu'à la quatorzième. Le commentaire com-
mence à la quatorzième feuille et il va jusqu'à la cent quarante-
sixième, qui est la dernière du ms. Les gloses irlandaises sont insérées
dans une partie des feuilles 2 et 3 , et ensuite dans toutes les
feuilles du ms. à partir de la feuille 14. Zeuss a publié dans
l'appendice de sa Grammaîica Celtica les gloses des feuilles 2 et 3,
ainsi que celles des feuilles 14 et 15. Il en a cité, en outre,
dans le cours de son ouvrage, un certain nombre, principalement choisi
dans la première partie du ms. M. Stokes publia de son côté (Goid.
p. 20 et s.) un choix de gloses extraites pour la plupart de la dernière
partie du ms. depuis la feuille 1 30'^ jusqu'à la fin.
Le commentaire latin sur les psaumes qui forme le fond principal du
ms. n'est pas de saint Jérôme comme il est faussement indiqué par
l'inscription ainsi que par l'inventaire de la bibliothèque de Bobbio fait
Gloses irlandaises du manuscrit de Milan. 63
en 1461 et publié par Peyron (op. cit.']. Ce commentaire est attribué
avec raison à saint Colomban par Muratori, par Vallarsius et par Zeuss.
Ce qui a contribué à faire croire que le comm.entaire était de saint
Jérôme, c'est la préface, qui est placée en tête du ms. à la deuxième
feuille, et qui est de saint Jérôme. Il est difficile de conjecturer à quelle
époque cette erreur peut remonter. Elle existait au xv« siècle, ainsi
qu'il est démontré par l'inscription du ms. sur l'inventaire précité de
1461. Mais au x*" siècle le commentaire était encore attribué à son véri-
table auteur saint Colomban, et voici ce qui me porte à le croire. Mura-
tori a publié dans le tome III des « Antiqaitates lialicae », p. 818 et s.,
un « Index » des manuscrits de Bobbio, compilé au xe siècle. Or ce
catalogue du x^ siècle indique parmi les manuscrits existant à cette épo-
que dans la bibliothèque du couvent les livres de saint Colomban sur les
psaumes « Libros sancti Columbani in Psalmos », ce qui ne peut s'ap-
pliquer, selon moi, qu'au manuscrit de Milan. Si cette induction est
exacte, nous avons ici la preuve positive, i" que le commentaire sur les
psaumes du ms. de Milan est bien de saint Colomban ; 2" que le manus-
crit de Milan est antérieur au x" siècle; 3° que l'attribution du commen-
taire à saint Jérôme est postérieure à cette époque. Le glossateur irlandais
qui insérait ses gloses dans le ms. au viiT ou ix'' siècle ne devait pas attribuer
le commentaire à saint Jérôme, parce que le nom de ce dernier est men-
tionné dans une glose de façon à laisser conjecturer que le glossateur le
considérait comme un auteur différent de celui dont il avait l'ouvrage sous
les yeux. Voici du reste les mots du glossateur, 44^': « Ut dicitur in
TRACTATU LIBRI MARCI SECUNDUM H I r[o N YM U m] )). Cette cita-
tion qui se réfère au commentaire de saint Jérôme sur l'évangile de
Marc, me semble exclure dans l'esprit du glossateur la persuasion qu'il
eût sous la main un écrit de saint Jérôme.
Quant au contenu et au style du texte latin du commentaire, Muratori
en porte un jugement peu favorable et il n'hésite pas à déclarer que cet
ouvrage est bien loin du goût, du savoir et de l'élégance de saint Jérôme
et qu'il n'est pas digne d'être compris dans les ouvrages d'un si grand
docteur'. L'opinion de Vallarsius est bien différente. Cet éditeur de
saint Jérôme croit que le commentaire n'est pas de ce Père de l'Eglise;
mais il ajoute qu'il pourrait fort bien figurer avec honneur parmi ses
œuvres*. Je n'ai pas à entrer dans ce débat, dont la solution n'a guère
1. n Illud quidem statuo, subséquentes in eo Codice Commentarios longe abire a
Sancti Hieronymi gustu, doctrinâ et elegantiâ, et nil continere tanto Doctore dignum. »
Antiq. Ital., III, p. 8(8.
2. « Est igitur in toties laudata Ambrosiana Mediolani Bibliotheca antiquissimus
64 Gloses irlandaises du manuscrit de Milan.
d'importance au point de vue des études celtiques. Il suffira de faire
remarquer à ce sujet que la différence très réelle entre le style du com-
mentaire et celui de saint Jérôme, confirme, au surplus, d'une façon
indirecte, l'attribution de cet écrit à saint Colomban. Entre saint Jérôme
et saint Colomban il y a la distance de deux siècles. On ne doit pas
s'étonner que les écrit: de saint Colomban portent les traces de plus en
plus visibles de la décadence des études latines, qui à la fin du vi* siècle
et au commencement du siècle suivant avait fait partout de rapides pro-
grès. Il ne faut pas oublier non plus, que d'après Jonas de Bobbio, le
biographe, presque contemporain, de saint Colomban, ce dernier aurait
composé le commentaire sur les psaumes dans sa première jeunesse « ut
» intra adolescentiae aetatem detentus psalmorum librum elimato ser-
» mone exponeret » (Mabill. Acta Bened. saec. 2, 6. cité dans Gr. C.
praef. p. XXX). Néanmoins le commentaire dénote dans son auteur une
érudition peu commune pour les temps où il a été rédigé. Evidemment
l'auteur ignorait l'hébreu ou il n'en savait que quelques mots. Mais il
cite assez souvent des mots grecs. Il devait avoir une connaissance
exacte des différentes versions de la Bible, puisqu'il a soin d'en marquer
constamment les divergences par la formule bien souvent répétée « debe
tinîuda, debe canone » (discrimen interpretationis, discrimen canonis).
L'âge du ms. est fixé par Muratori, par Peyron et par Zeuss au
VIII* siècle de notre ère. Les gloses irlandaises ont été ajoutées un peu
plus tard, mais elles ne peuvent être en tout cas postérieures au ix*-' siècle.
Le contenu des gloses prouve d'une manière évidente que le glossateur
n'est pas la même personne qui a transcrit le texte latin, car dans plu-
sieurs endroits il ne lit pas bien le texte, et dans d'autres il donne une
double traduction irlandaise d'un mot latin, lorsque ce mot peut être lu
de deux façons différentes. Ainsi, par exemple, au mot du texte « alli-
gat », qu'il ne sait s'il doit lire « allegat », le glossateur donne une
double traduction pour indiquer les deux significations : conrig. .i.
asindet, 23*^ (i.e. alligat vel allegat).
L'orthographe du texte latin transcrit sans doute par un moine irlan-
dais d'après un manuscrit antérieur, prouverait à elle seule le degré de
décadence où était tombée l'étude de la langue latine au viii" siècle,
même dans les cloîtres où elle avait trouvé alors l'un de ses principaux
calamo exaratus liber, qui plane aliam ab his, quae hactenus innotuerunt, eamque sane
elegantiorem, sub Hieronymi nomine Expositionem in Psalmos contineat : ut si qua alic
inter S. Patris opéra locum non immerito obtinere visa est, li3sc supra esteras etiam cun-
dignitate stare possit. » Vallars. S. Eus. Hieronymi op., Tom. VU. in admonit. ac
append.
Gloses irlandaises du manuscrit de Milan. 65
refuges. Non seulement la prononciation irlandaise appliquée au latin a
transfiguré les mots dans le texte presque constamment et quelquefois
d'une façon étrange, ce qui est du reste commun aux manuscrits irlan-
dais de cette époque ', mais il y a en outre beaucoup de fautes de gram-
maire et d'orthographe et plusieurs omissions qui ne doivent pas être
mises au compte de la prononciation irlandaise. En outre les abré-
viations sont en nombre extrêmement considérable, ce qui ajoute encore
à la difficulté de la lecture.
Mais ce qui rachète largement ces défauts du ms., ce qui donne à ce
vieux livre, dix fois séculaire, une valeur inappréciable, ce sont les
gloses irlandaises, importantes par leur nombre et par leur contenu,
écrites en général en traits nets et fins, sans ratures, avec peu d'abré-
viations, et, sauf plusieurs endroits malheureusement maculés ou obli-
térés, d'une parfaite conservation. M. Stokes a dit avec raison (^Goid.
p. 17) que ces gloses pourraient à elles seules fournir la matière d'une
grammaire et d'un dictionnaire suffisamment complets de l'irlandais
ancien.
Je suis heureux de pouvoir annoncer aux lecteurs de la Revue que la
publication complète de ces gloses sera faite prochainement par le savant
professeur de Milan, M. G. J. Ascoli. Cette nouvelle sera accueillie,
nous n'en doutons pas, avec le plus vif intérêt par tous les celtistes. En
attendant la publication de l'illustre linguiste milanais, je donne ici un
premier spécimen de celle que j'avais l'intention d'entreprendre lorsque
j'ignorais le projet de M. Ascoli, et qui n'aurait pu être aussi com-
plète que la sienne.
I. Voyez W. Reeves, Adamnan's Life of St. Columba, p. XVI; Zeuss, Gr. C, p. XXI;
et Gl. Taur., p. XXV.
GG Gloses irlandaises du manuscrit de Milan.
Fol. 5 5^, Psalm. XXXV.
' temperasset.. sublato lamen scipho > et 5 has
ta pro manifestatione negotii 4 more
suo opus s ad uerba retulit. c^ tere cum
Dixit^ iniustus usque ipso,, pro 7 putat^ se 9 la
peccat.. non est timor dei usque eius.. pro ne
que '° est timor domini ante oculos eius.. an ita non
saltim timorem dei ante oculos eius '^ incre
patorie '5 legendum est., ac si diceret
fallat licet uniuersos homines de
miens * est tamen qui nec timoré dei fre
natur '4 a scelere quem nulla potest
latere quamui's'S sécréta molestio "5.. quoniam dolo
se usque odium., pro '7 ut desidiria sua
de mé interficendo '^ impleat '9. sic ait es
saias in ieiunis uestrfs inueniu
ntur uoluntates uestrae id est »° copu
lentur.. Uerba oris eius usque dolus.. cum
filium^" uocaret quem obtabat
et studebat occidire.. noluit in
tellegere usque ageret.. absoluit
profeta ^^ cur peccator in uirtutem
non adsurrexerit. noluit ^5 inquit non
potuit.. Iniquitatem 24 meditatus est
usque suo.. id est augenter ^s etiam tempus
quieti datum prauis et noxi'is
cogitationibus occupabat.. adstet
it omni uiae non bonae.. prauas mol
litiones in opus ^^ aduxit.. maliti
am non odiuit.. conséquentes ^7 causas in
leg. démens.
Gloses irlandaises du manuscrit de Milan. 67
Fol. 5$c.
1. is ed scél foraithminedar is indi siu diluid dd.* forlongais resauL.
luide iarum dia thosansom co sluag 7 gabthe dunad les fris a ri
noillus. dluid dd. iaf aidchi roboi cucu innan dunad 7 luid co port
imhôi in ri ind sainriud 7 ooscaig eredig ind rig 7 ooscaig in gae. 7
saidsi lialalecùinn'"' saul hitalmain 7 luid iarû inti dd. hiîelaig
banessam dind slog 7 aregart doib disui*"* nant maith oroitatar
arnrig déccud a eredig 7 aarma cia indus rundgabsat in aimsir in
îindnaculsin dl dunecomnacht dia inni saûl inna lamasom rogabsom
in salmso..
2. ind eridcch .i. as in magin imbatar
3. .i. sublata
4. .i. operis
5. .i. is argnlm an dixit asrubart inti dd. sechis darigni int anfirian
6. .i. sechis darigni son huagnim
7. taraesi
8. forsani as dilinquat trachîaid an'.siu
9. .i. onach fessed dia
10. .i. fo diltud inso
1 1 . inni nadndignigedar
12. iniusti
13. .i. inchuarsachthid .i. no is cursachad fil is indi as. non .i. non
est .i. ini nadndixnigider .i. nate ni fil homun die les issuaichnid 7
aîa /ra cid diltud is indisin
1 4. nachidfrithgaib
1 5 . cid
16. nachtochrechad .i. ni ofel ni dugditha adi..
17. forsani as iniquitas 7 odiuna trachtid sosis
18. bed airdbidi
19. .i. noch is co farfia son
20. uel complenlur
21. .i. ainm maicc asbered saul dû dd.
22. dauid
23. sic disponitur ideo non potuit .i. peccator quia noluit .i. denum
ndcgnima
24. .i. cid intan nombith innaligiu ba oc imradud chloine nobiîh
25. .i, intormachtid .i. doformaig cech peccad foralaile ndo beus intan
asmbeir iniquitatem
26. diaforbu ingnim
27. uel [consequenjter .i. in chomimmaircid
* dd. = dauid
** leg. lialalecùinn
*** leg. disiu?
68 Gloses irlandaises du manuscrit de Milan.
Fol. 5J '^. Psalm. XXXV.
tulit. quia ' adstetit omni uiae non
bonae quia scilicet non fuerat^ auersatus ma
litiam id est non oderat'.. domine usque tua..
id est pro usque 4 in caelura.. altitudine caelorum
quantitatem exaggerauit 5 mise
ricordiae.. ad laudes dei cum ad
meratione conuertitur 6.. quo et in 7 saul is^ mitis
sit. 9 et in sua defensione sollici
tus.. Et ueritas usque ad nubes.. more
suc '0 misericordiae sociauit " ue
ritatem '^ ut certam circa se indul
gentiam dei esse mansuram '5 adserat..
iustitia tua sicut montes dei.. pro tui.. per haec '4
quae nouit. alta atque m magna profundas quo
que diuinas uirtutes "^ extulit.. iudicia
usque multa'7.. pro '^ incomprehensibilia. haec dicit propter
surgentem de superiori uorsu quaesitio
nem refferri '9 enim poterat si iustitia
dei reddens singulis pro merito tam ^°
magna est cur contra ^i meritum tii aduersa
perpeteris **. profundum ^5 ergo iudiciorum
dei se ignorare profitetur,. homines
usque domine., ignorarem ^4 Hcet qua libra *s
iudicii. homanorum actuum concer
tationes ^^ et inmeritas erumnas ^7
dispensas ^^ licet *9 tamen haec te facere prouiden
ter., cuius erga statum rerum 3° consulentia si
ab hominibus usque in pecudes porre
gitur32.. sicut multiplicasti misericordiam tuam deus.. non est ergo?'
uerisi
mile ut tu homines neglegas qui muti's
animalibus consules34.. filii hautem hominum.
Gloses irlandaises du manuscrit de Milan. 69
Fol. 55 ^.
1. uel quibus
2. air ni roadbartaigestar
3. .i. saul
4. .i. rosiacht corrici nem atrocaire
5. rodumaigestar A. orudelc son 7 roaitrùmaigestar
6. À. dauid
7. .i. malis
8. .i. robôi duchénsi dd. onarogaid do dia digail forsaul innan olc
dorigeni side fris acht rogâid ho dia oidnderoimed di lamaib sauil.
9. uel fuit
10, .i. trocaire dilgutha dosom fessin
I i. dauid
12. .i. achomeîa 7 asoertha di lamaib saulis
1 3. inforcometar on
14. .i. elimenta..
15. uel usque ad
16. .i. cotarodelc 7 roscosmailigestar fris na duli huaisli.
17. .i. am duberad necfi hi ceisî do dd. huare is moir sleb firinne
dde cid arafodmaisiu dd. di an du imnedaib 7 friîhoircnib
fodaimi air it firianu icaid som di anisin anasmbeir iudicia
domini. abisus multa .1. ataat mesai due nephchomîetarrachti
am abis 7 am fudumain. is ed insin fodera inn erigim cid
arafodaim inî ais firian inna fochaidi 7 cid arambiat in pecthaig
isnaib soinmechaib
i8. tar aesi
19. /. is medontestimin inso
20. der
21. .i. huare nadnairillisiu buith hi cotarsnaib 7 fochaidib
22. fodaimisiu
23. /. is iartestimin inso
24. adit licet tamen
25. cio thomus
26. uel coartationes .i. inna timmaircnea .i. inna cathigthiu .i. inna
immargala
27. .i. huare is forais firian dobertar
28. adae
2C). is adilmainsiu .i. adde .i. ata dliged remdeicsen ar andenisiu
anuilese fris na doini cenidfetarsa andliged nisin
30. innan dule
31. .i. is du remdeicsiu su adde
32. roichthir
33. .i. ni fil chosmailius fir do neuch asber nadmbed dliged remdeicsen
dde du doinib sech remideci dia dunaib anmandib amlabrib.
34. .i. remideci
70 Gloses irlandaises du manuscrit de Milan.
Fol. J4^. Psalm. LV.
uerba mea exacerbantur ' . . exacrabilia » fa
ciebant creminando 3 insidiosos malos ani
mos speculari solitos uerba simplicia
ut in execrationem 4 uertirent.. et abhomi
nabiles s facerent sermones innoceuos ^
per quae haec hodia eorum iurgiaque inter
hostes augerent et inpugnationes ac
cenderent.. Aduersum mé omnia consilia
eorum in malum.. hostium in nés 7 ani
mum 8 aspernabant 9.. Inhabitabunt ut
abscondant.. congregabuntur oculte..
Et uestigia mea custodiebant.. exspec
tantes animam meam.. pro eo ut di
ceret in fraudes mihi quasi ad hoc '° conuenir
ent. occultissimas instruebant ". ac
tiones speculando meas.. sperantes '^ que '?
ipsum animae meae '4 exitium possint
uidere.. Ipsi 'S cal[ca]neum obseruabunt sicut exspec
tauit anima mea.. Pro nihilo saluos.. id est non saluabis..
Deus uitam meam usque tibi.. omne sec
retum curarum '^ mearum tamquam
potenti auxiliatori '7 commisi '8,, Po
suisti lacrimas meas usque et in pro
m[is]sione tua., distinasli '9 mé lacrimis ^o
et calamitatibus.. de absalon.. Conuertan
tur inimici mei retrorsum.. quum
igitur uitam 3' meam tota ** tibi ^3 corn
misi deuotione et aduersa nostra
24 secundum tuam proniisionem constant
inpleta iustum est iam ut et inimici nostri sub
eant 'S ultionem ^6 uel sic ^7 poterit habere
ad superiora ^^ contextum tune uidilicet dis
pertientur *9 inimici mei retrorsum
cum ego me tibi tota mente commis
sero et ea quae praedixisti circa nés futura
Closes irlandaises du manuscrit de Milan. 71
Fol. 74C.
1. .i. duacradat.
2. A. adéitchidi .i. mea uerba
3. .i. lasse nollochtaigtis .i. nolochtaigîis 7 nupectaigtis 7 aslenîis
amenma * fadesin tri aitched 7 ingabail innambriatliar fidiut
nurad inse
4. in adeiiched
5. adltchidi
6. nepherchoitecha
7. uel [animjos
8. uel aspirabant
9. duacratis
10. .i. dungnim inmraith
11. uel instituebant
12. trachtad lesom anisiu forsa exspectantes fil riam
1 }. .i. co
14. .i. aptu dûanim
15. ni trachta som tra forsanisiu
16. di cech fochaid
17. .i. do
18. .i. conrairleicius
19. .i. deus
20. sechis conûlctha iarum
21. .i. hi foirbdetaid 7 noibi
11. adde
23. .i. 0/ dd.
24. .i. /îuare rocomallada inna imneda 7 fonairmed cenn forsnaib
cotarsnaib durairngirtsiu is firirien ** fra fuanindassin tabart
diglae foraib sô
2$ .i. in
26. a deo
27. .i. is frisedlutair 7 /s5i ciall fil and
28. .i. in ira populus *** confringis
29. uel patientur
* leg. amenmana
** leg f'irien
'" leg. populos confringes
72 Gloses irlandaises du manuscrit de Milan.
Fol. 74 '^. Psalm. LV-LVI.
finem iam suae aduersitatis acci
perint.. In quacumque die té in
uocauero.. ut diceret ' cognosca
nt rébus ^ quoniam tû sis 5 meus protec
tor potiarque eo adiutorio quod
sedulus peccator 4 exambio s.. Ecce
agnoui quoniam deus meus usque sermonem..
ipse mihi inquit mirabiles ostend
it sermones cum "^ petitionibus 7 me
is largilur ^ effectum 9 laudumque
suarum praebebit uberem materiam.. In
domino sperabo. Non timebo usque home.
qui utique sit mortalis fragilis
que mecum 'o condicionis., in me sunt deus
uota tua usque tibi.. non abieci " eorum
me[m]oriam quae promisi neque succiden
te securitate '* studium tibi de
catae '5 deuotionis omisi ut scilicet li
bertatis debitae '4 te gratulationis '5
conlaudem., quoniam eripuisti animam
meam a morte., hoc est "^ quod supra dix
erat.. In mé sunt uota tua usque tibi..
interiectis '7 cœteris quae spectabant '^
ad bénéficia praestita ista sunt inquit '9
uota^o complacere deo. sine dubuio *
2' probatae ^z uitae bene etiam conuersa
tionem *' et emendationera uitae etiam
uotum uocauit ^4 quasi qui ^s sciret se pro
pter peccata hostibus traditum et
in nulla ré magis quam correptionis
promisione indignationem dei pos
se ^^ molliri ^7.. Pedes meos a lapsu us
que uiuentium.. ut diceret quandiu
in hac uita sim semper gratus et
emendatus existam. c^ inscriptio
28 In fmem ne disperdas dauid *9 tituli
leg. dubio.
Gloses irlandaises du manuscrit de Milan. 7J
Fol. 74 'i.
1. .i. homines
2. A. operibus
3. deus
4. uel precator .i. gessid
$. .i. cupio
6. lam
7. .i. afh duntluchur biid sàlaid
8. .i. deus
9. .i. operis boni
10. .i. inunn folud techtmae ni daine dï infoluidsin adnagursa acht is
dia ol dd.
11. .i. ar rocomallus duîhnae * cid isna foch-
12. .i. post persequtionem
13. cossecarthae
14. uel [debijta
15. uel [gratulation]es uel [gratulatiojne
16. .i. iscd inso .i. is inunn à quoniam eripuisti ri. asbersô 7 ani
rcmiérhart .i. in me sunt uota ri. .i. is inunn inné fil indib
diblinaib .i. is follus rundgabsat îerchoiltisiu indiumsa. is indi
arndamroichlisse hua bas
17. .i. alaili degnimai
18. uel [spec]tant
19. dauid
20. ;/ he ind aerchoilti asbersom îolîanugud dô 7 buith imbethid noib
foirbîhiu
21. uel prauitate uiuendi uel pro breuitate uel inprobitate
22. .i. sanctae uitae
23. perfectam
24. dauid
25. intisin
26. dauid
27. nommoithiged
28. .i. ni bcrae siu hua dd. in salmso air is du dd. immeairic insalmso
is cd' tadbat 7 foilsigedar intitul mad la cirine im. issi ciall
dumber side assindisiu .i. ni malartae siu. hua inscribiunt
îtituil À. ol inspiurt noib irigium infatho fri pont p hélait, ni
derlegaesiu intitul roscribais huas in chroich du dilsigud cesta
crist .i. hic est réx iudeorum .i. dî ni derlegusiu anitn ** dd.
as intitul sechis ni derlegae anm cr.. ut praediximus air nanni
immairc du dd. immeairc du crist
29. titulus i. e. psalmus
30. dati[uus]
* leg. duthimnae.
" leg. ainm.
74 Gloses irlandaises du manuscrit de Milan.
TRADUCTION ET NOTES.
Fol. 5 5"^.
I. (Est haec historia quae memoratur ibi, ex eo quod ivit Davides
in exilium ante Saulem; ivit iste postea ad ejus habitationem
cum exercitu et constitutum fuit castrum ab eo adversum
Ivit Davides postea nocte, fuit ad eos in eorum Castro et ivit
ad locum in quo erat rex separatim et amovit scyphum régis
et amovit hastam; et fixit eam apud alteram genam Saulis
in terra et ivit postea Davides in verticem qui erat proximus
exercitui et clamavit eis inde : non bene custodiverunt nos-
trum regem; videte ejus scyphum et ejus arma; quid ea sunt?
In tempore igitur gratiae hujus qua tradidit deus Saulem in
ejus manus cecinit ipse psalmum hune). — diluid (littér.
ex quo ivit). — luid-e, prétérit avec le pronom suffixe, — dia
thosansom (ad ejus mansionem) ; îosan = do-fosan ; cf. araossa
(= ar-a-fossa, gl. quae manet) Ml. 1 34'^ — dunad (castrum,
locum munitum) Gr. C *, 24, — fris a ri noillus doit répondre
au passage de la Bible « et castrametatus est Saul in Gabaa
Hachila , quae erat ex adverso solitudinis in via « Reg. I,
XXVI, 3. Mais je ne sais expliquer ces mots. — aidclii (nocte)
Gr. C2. 253. — conoscaig (amovit) Gr. C, 843; cf. connoscaigfesiu
(gl. ammoueris) Ml. 61''; lase conroscaig (gl. submouendo)
4^^. — in gae (hastam) Gr. G*. 52, — saidsi, prétérit avec
le pronom suffixe. Gr. C». 463. — Uaklécainn (apud alteram
genam) cf. lecco, leconn (gêna) Corm. Gl. — conroitatar
(custodiverunt) 3'' pers. plur. du prétérit en t. cf. connôi,
cotaôei (qui servat, qui servat illud) Wb. 2Ç)d, Gr. C *. 431.
— déccud (videte), 2e pers. pi. impératif de déccu (video,
specto) Gr. C^. 429. — cia indas (quid? littér. quis status?)
Gr. C*. }$7. — rondgabsat, 3e pers. pi. prétérit en s de
gaibim employé comme verbe substantif, avec le pronom infixe.
Gr. C. 895. — inîindnacuhin (gratiae hujus), forme de génitif,
comme plus haut saul (Saulis), remarquable par l'absence de
la voyelle de la terminaison.
2. ind eridech (scyphus), thème fém. en a; accus, sing. eredig; ace.
pi. inna eirithcba (gl. pocula) Ml. loi''. — as in magin imbatar
(e loco in quo erant).
Gloses irlandaises du manuscrit de Milan. 75
5 . is argnim an dixit asrubart inti dd. (est pro opère -ce « dixit » quod
protulit Davides). — sech is darigni int anfirian (id est quod
fecit injustus) — sech is, formule très fréquente signifiant « id
est, nempe, scilicet ». — anfirian, leg. anfirian, de firian
(justus) avec la particule négative. Gr. C. 998.
6. sechis darigni son huagnim (id est fecit hoc opère). — darigni =
do-an-ri-gni, de dogniu (facio), rac. gen. Gr. C^. 428.
7. taraesi (pro), prép. nominale. Gr. C, 6i6.
8. forsani as dilinquat trachtaid anisiu (super id quod est « delinquat »
tractât hoc).
9. connach fessed dia (ne sciât deus). — fessed, 3^ pers. sing. conj.
secondaire en s, de la rac. fid, orig. vid.
10. fo diltud inso (in negatione hac), — diltud, diltud (negatio), thème
masc. en u. Gr. C. 768, 982; Gl. Taur. IV. I. 6.
1 1. inni nadhdignigcdar (an id non est!'), leg. nadndixn — , cf. inf. gl.
13; cia hé nundixnaigthersiu (gl. qui sis) Ml. 75^^; cale ndixnige-
dar (gl, quae est) So'^.
ij. inchuarsachthid etc. (increpatorie; i. e. vel increpatio est in eo
quod est « non » ; i. e. « non est « ; i. e. an non est id ? i. e.
non est, non est timor dei in illo, est significatio et est igitur
etiam negatio ibi). — Cf. oca'irsagad (gl. corripientem) Wb. 30^,
Gr. C. 1056. — nate (non est), particule négative en réponse.
Gr. C. 710. — issuaichnid, cf. Gr. C. looi.
14. nachidfrithgaib (eum non frenat), 3^ pers. sing. prés. act. de gabim,
gabaini (capio, teneo, th. en a) avec le préf. frith, précédé de la
particule négative et du pronom infixe. Cf. Tr. nephfrithgabthe
(gl. effrenata) IV. I. 27.
15. cid (quamvis, etsi, etiam, quamvis sit) Gr. C. 672.
16. nachtochrechad (nulla molestia). cf. ônteclnechad (gl. molimine) Ml.
ic)^; duchrecliat (g\. moliuntur) :^o^; an durochrechsat (gl. men-
titi falsa) 47^. — ni confel ni dugditha adi (nihil est quod eum
fallat; littér. non est res quae eum fallat). — ni (res, aliquid)
Gr. C2. 364. Exemple curieux de cette forme au dat. sing.: cia er
niu (gl. quam ob rem) Ml. 47*^. — dugâitlia, cf. dogaitha ^gl. quae
frustretur) Ml. 31^; it hesi dugaithatar (gl. qui circumueniuntur)
31^; dugaiîhfiter (gl. fallentur), dungaithar (g\. frustrentur) 54'''.
17'. forsani etc. (de eo quod est « iniquitas » tractât hoc infra).
«8. hed airdbidi (gl. interfic[i]endo). Participe de nécessité; rac. be
avec les préf. air-di-
19. noch is co farfia son (nempe est ut perficiat hoc). Cf. forfen (gl.
yô Closes irlandaises du manuscrit de Milan.
perficiat) Ml. 64= ; ani forfenar (gl. quod consummatur) Tr. II.
I- 15-
21. ainm etc. (nomen filii dabat Saul Davidi). — ainm (nomen) est un
thème neut. en n, = * anmin, Gr. G*. 268, que M. Stokes rat-
tache aux formes grecques et latines par la forme originaire
â-gnâmant. Ir. Gl., p. 115. — asbered, 3* pers. sing. prés,
séc. act. de biur (fero), rac. ber, avec le préf. as.
2j. denum ndegnima (facere bonum opus. Littéralement : actionem boni
operis). — denum-n, substantif verbal ou infinitif à l'accus. —
Gr, G. 461. — degnima = deg-gnima, génitif sing, masc. du
composé dag-gnlm, deg-gnim (bonum opus, benefactum) Gr. G.
826. 988.
24. cid inîan etc. (etiam quum erat in cubili suc, erat in meditatione
iniquitatis in qua erat). — nombiîh, je pers. sing. prés, second,
du verbe substantif, avec le signe de relation infixe. — inn-a-
ligiu (in cubili suo) ; ligiu, dat. sing. de lige, thème en la, 'pro-
bablement neutre, qui était, d'après M. Stokes, originairement
un thème en s ; Ir. Gl. p, 98. — imradud, dat, sing, de imrddud
(cogitatio, meditatio). Gf. imradim (gl. tracto, i. e. cogito)
Gr. C. 996 ; arh immeradad (gl. quasi deliberans) Ml. 68^; niradi
ni trithalmaddii aih dundchuirethar inna bculu acht asrochoili 7
imradi odib sainemail nanni labrathar (gl. qui loquitur veritatem
in corde suo : a quo abest studium fallendi non prout fors tulerit
sed ex decreto mentis atque propossito. i. e. non cogitât quid
repentine prout adsciscit in labia sua^ sed decernit et meditatur
ut sit praeclarum omne quod loquitur) j 5 '^, — chloine (iniqui-
tatis), gén. sing. de clôine, thème fera, en ia.
25. intormacliîid etc. (augenter ; i. e. auget quodque peccatum super
alterum ei etiam quum dicit iniquitatem). — do-for-maig, rac.
mag, avec les préf. do-for-', Gr. G. 855. Ir. Gl. p. 93.
26. diaforbu ingnim (ad ejus perfectionem, complementum in opère).
— jorbu, dat. sing. de jorbe (perfectio executio), Gr. C, 1$,
1068. Ir. Gl. p. 156.
27. in chomimmaircid (consequenter). Adverbe en forme de datif; rac,
arc (stringere, congregare, cf lat. arc-to, co-erc-eo) avec les
préf. com-imm-
FOL. 55 ^.
2. air ni roadbartaigestar (gl. quia non fuerat adversatus), — road-
bartaigesîar, 3« pers. sing. prêt, en s déponent ; rac. bart =
Gloses irlandaises du manuscrit de Milan. 77
* vert ; cf. ni adbartaigedar acht cotautaing 7 arasmuinethar feid
(gl. non paupertatem eorum auersatur. i. e. non adversatur,
immo eam protegit et eam honorât) Ml. 36^.
rosiachî etc. (ascendit usque ad cœlum misericordia ejus). —
rosiacht, 3e pers. sing. prêt, en t. Gr. C^. 455. — trocaire
(misericordia). Cf. îrèg, truag (miser) Gr. G». 23. 62. Gr. C.
929. On trouve des traces de la racine de ces mots dans les
dialectes celto-italiques : Piém. Can. droga (mendicité), drogds
(mendiant).
(exaggeravit; i. e. comparavit hocet aequiparavit). — rodumaigestar,
cf. rodiimagesîar (gl. exaggerauit). Ml. 83'^ ; 3'-' pers. sing. prêt,
en s déponent. — coriidelc, cf. Gr. G*. 61. — roaiîrummaigesîar
(sequiparavit, exaequavit), 3^ pers. sing. prêt, en 5 déponent,
dénominatif de tromm (ponderosus, onerosus). Gr. C. 585, prêf.
aitli ; cf. cutrummus (similitude), ciiirununi (similes) Gr. C. 751,
843 ; co chutrummaigidir (gl. ut., exaequet) Ml. 25"^; ni chutram-
maichtfiersa (gl. nullius pretii dignus ap[p]endor) 44^.
(fuit propter moderationem Davidis quod non petivit a Deo ultio-
nem super Saulem malorum quae iste fecit ei;, sed petivit a Deo
ut ipsum eriperet de manibus Saulis,. — diichénsi (propter
moderationem), dat. sing. de cénse (mansuetudo, modestia,
quies), thème fém. en ia. Gr. C 2. 42, 247. Cf. ar incensai (gl.
propter modestiam) Ml. 31^. — conarogaid (quod non petivit),
rogaid, 3" pers. sing. prêt, redoublé àe guidim, -giiidiu (precor,
oro) Gr. C^. 429. 449. — digail (vindictam), nom. sing. digal,
gén. digle. Gr. C ^. 243 ; cf. tabair digail (gl. ultor adsiste. i. e.
da ultionem) Ml. 27^. — innan olc (malorum), gên. pi. de olc
(malus, malum), adj. et subst. Gr. C. 252, 457, 354, 676.
Ir. Gl. p. 86. La racine de ce mot se trouve également dans les
mots latins « ulcus, ulcer, ulciscor. « — conidnderoimed (ut eum
eriperet), 3^ pers. sing. conj. second, avec le pronom infixe du
verbe arfoimim (recipio); cf. arajoim (quod accipit) Gr. C.
430; arfemasiu (gl. accipito) Ml. 68 ^.
(misericordia remissionis ei ipsi). — dilgutha, gên. sing. de dilguîh
(remissio), thème masc. en u. Gr. C*. 239.
(ejus servationis et ejus liberationis de manibus Saulis). — cometa,
gên. sing. de coméiî, thème fém. en /. Gr. C^. 2$o. — soertha,
gén. sing. de sôeratli, sôirad, thème masc. en u, de sôer, soir.
Gr. C2. 31. — lamaib (manibus), dat. pi. de lâm, thème fém.
en a. Gr. C'. 241.
78 Gloses irlandaises du manuscrit de Milan.
13. inforcomeiarôn. Cï. forcomét (observatio, conservatio) . Gr. C^. 250.
16. (eas comparavit et eas assimilavit rébus excelsis). — roscosmaili-
gesîar, 3^ pers. sing. prêt, en s déponent, dénominatif de cosmil
(similis) Gr. C. 5 1, avec le pronom infixe.
ï-j. afh duberad necli hi ceist do dd. (ac si diceret quis in quaestione
Davidi). duberad, 3= pers. sing. conj. second, de dobiur (pro-
fère), th. en â, rac. ber, orig. bhar. — huare is moir sleb
firinne dâe (quia est magnus mons justitiae deij. — moir (ma-
gnus), cf. màr, môr, môor. Gr. G*. 16, 17. — sleb (mons), que
l'on écrit aussi sliab, gén. sleibe, semble être un thème neutre
originairement terminé en s. Gr. G 2, 270. — cid arafodmaisiu
(cur pateris). ci-d ar-a, littéralement, quid est propter quod. —
fodmai, 2^ pers. sing. prés. ind. de la rac. dam, th. en a, avec
le préf. /o. Gr. G*. 430. — imnedaib (tribulationibus), dat. pi.
de imne'd, th. neut. en a. Gr. G 2. 224. — friîiwircnib (afflictio-
nibus), dat. pi. de frithorcon, gén. friîiwircne, th. fém. en a.
Gr. G*. 242, Gr. G. 846, 1000^, 1006-7. — ataat, etc. (sunt
judicia dei incomprehensibilia sicut abyssus et profunditas ; est
hoc quod efficit querelam : cur patitur gens justa aerumnas et
quare sunt peccatores in prosperis .?). — mesai (judicia), nom.
pi. de me^i, de la rac. niid ; ci. midiur (puto), midithir (dijudi-
cat), miasîar, miasîir (judicabit). Gr. G*. 438-9, 468; ammiastar
(gl. examinans) Ml. 56=; coii lae messa (donec veniat dies judi-
cii) 26a. — nephchomtetarrachti (incomprehensibilia), partie, pas.
de nécessité, de la rac. arc, avec les préf. neph-chom-do-etar ;
cf. doretarracht (gl. comprehensum) Ml. 33'^. — fodera (efficit),
3* pers. sing. prés, ind.; th. en â. Gr. G 2. 434. — soinmechaib
(prosperis) Gr. G. 832 ; cf. ar sôinmiche (gl. nostra prosperitas)
Ml. 43'' ; nongaib format friu dia soinmichi (gl. aut cum aHorum
certe prosperitate torquemur. i. e. nos capit invidia in eos de
eorum prosperitate) 43^ ; inna sôinmech (gl. rerum ubertate) 45''.
19. /. is medontestimin inso (vel est in medio textus hoc).
20. der (tam). Forme souvent employée dans le ms. de Milan.
21. (quia non mereris esse in adversis et passionibus). — airilli (mere-
ris), 2" pers. sing. prés. ind. cf. co adroilHusa (gl. ad meren-
dum) Ml, 75a; indi assidroilisset (gl. meriti) 61^. — buitli, infi-
nitif du verbe substantif. — cotarsnaib, dat. pi. de cotarsne
(adversus, contrarius) Gr. G. 740 ; cf. Iiuand enartai chotarsnai
(gl. adversa ualitudine) Ml. 43'^.
23. /. iartestimin inso (vel post textum hoc).
Gloses irlandaises du manuscrit de Milan. 79
25. cio thomus (quo pondère), ci-o, pronom interrogatif avec la prépo-
sition ô entre ce même pronom et le substantif. Cf. cio retaib (gl.
quibus rébus) MI. 35^. ciho fothaib son (gl. quibus facibus) 16''.
— tomus (pondus), dat. sing. th. masc. en u. Gr. C^. 258.
26. inna timmaircnea (coarctationes), rac. arc; cf. //mm^rte (coartatus) Gr.
C^. 68; duimmaircthese (gl. coartabar) Ml. 73^. — inna cathigthiu
(concertationes) ; cf. cath (pugnai Gr. C^. 71. — inna immargala
(jurgia) ; cf. in immargail (gl. in lite), in immar. (gl. in iurgia)
Ml. i6b.
27. (quia super justos feruntur). — for ais firian, littér. super aetatem
justam.
28. a dae (0 deus), vocatif sing. de dia, th. masc. en a, Gr. C*. 222.
29. (est hoc quod est licitum tibi, i. e. 0 deus; i. e. est lex providen-
tiae ut facias omne hoc hominibus quamvis nesciamlegem hancj.
— dilmain (licitus), Gr. G. 25,733,739. — dliged (lex, régula,
sententia), th. neut. en a. Gr. C^. 222; cf. duber fudl andliged sa
(gl. iteratur haec sententia) Ml. 77^. — remdeicsen (providen-
tiae), gén. sing. de rem-deicsiu, th. fém. en n. Gr. C^. 264. —
— ar an (ut, propter hoc, quod, propter quod) Gr. G. 679. —
déni (facias, litt. facis) 2^ pers. sing. prés. ind. de denim (facio).
Gr. C2. 435. — an uile se (omne hoc) Gr. G». 229. —
fris na doini (littér. adversus homines). doini, ace. pi. àe duine
(homo),th. masc. en ia. Gr. G». 229. — cenidfetarsa (etsi non
sdo).fetar (littér. scivi, novi), T^ pers. sing. prêt, en t dépo-
nent, de la rac. fid (= orig. vid). Gr. G*. 488.
30. innan dule (rerum), gén. plur. de dûil (res creatura), th. fém. en /.
Gr. G2. 249.
31. fest tua providentia, 0 deus).
32. roichthir (porrigitur), 3^ pers. sing. prés. ind. pass. de roiccu
fadeo). Gr. G». 429; cf. roichther fgl. exseri) Ml. 44^.
33. ''non est verosimile ut quis dicat, littér. cuiquam qui dicit, quod
non est lex providentiae dei pro hominibus, dum providet deus
mutis animalibus). — remideci, 3^ pers. sing. prés. ind. de décca
(video, specto^, th. en a, avec le préf. remi- (prae, ante);
cf. remdeicsiu fconsulentia, providentia), sup. gl. 28.
34. remideci (consuWs); même verbe que celui de la gl. précédente, à
la 2^^ pers. sing. prés. ind.
Fol. 74C.
I. duaccradaî (exacerbant), 3'' pers. pi. prés. ind. cf. infra gl. 9 :
8o Gloses irlandaises du manuscrit de Milan.
duacratis (gl. aspernabant, leg, asperabant), doaccradi (gl. exas-
pérât) Ml. 18*^; doracrdid (gl. exacerbauit) 28^.
2. adéitchidi (execrabilia), partie, à l'ace, plur.; cf. inf. gl. 4:
in adeitchcd (gl. in exeerationem); 5 : aditchidi (gl. abhomi-
nabiles); Corm. Gl. aidetchide, ad v. Groma; adeitchcthar (g\.
detestatur) Ml. ^0'^ \ ar ind adéitched (gl. detestatione) Ml. $0^;
aideitcliide (gl. detestanda) 36^.
3. (criminando; i. e. qui criminabant et peccabant et inquinabant
suos ipsorum animos per vituperationem et speculationem ver-
borum simplicium quae loquitur ipse). — lasse nollochtaigtis (litt,
quum criminabant), î"" pers. pi. prés, second, de * lochtaigim
(O'R. lochdaigim « I blâme, reprove )>), précédée de la conj. lasse
(quum) Gr. C. 683; cf. loigthiu (gl. perpetrato, operi) Ml. 48^^.
— aslentis (inquinabant), même forme que la précédente, de
aslenaimm, asknnim (gl. luo, gl. ceno) Gr. C^. 434; cf. lase
asrulensat (gl. profanando) Ml. 74a. — menma, leg. menmana
(animos), ace. pi. de menme (mens, animus), th. en n. Gr. C*.
264. — fadcsin, formule pronominale. Gr. C^. ^66. — innam
briaîhar (verborum), gén. plur. de brlathar (verbum), th. fém.
en a,Gr. C^. 241, de la même racine que le lat. verbum,
le goth. vaurd, le lit. warda. — diut (simplicium), adj. au gén.
pi., th. en / d'après Gr. C^. 233. — nurad (quae loquitur),
3''pers. sing. prés. ind. de raidim(l say), Stok. Corm. Gl. 16, pré-
cédée du signe de relation nu. cf. inna briatbra radas (verba quae
dicit) Ml. 42'^; intan radas nech insci abelrai fesin frinech nachide-
targéuin (gl. quae, oratio, fréquenter eum sonauerit ab alienae
ling[u]ae hominibus ignoratur. i. e. quum dicit quis orationem
suae ipsius linguae ad aliquem qui eam non intelligit) 42*^.
6. nepherchoitecha (innocuos), ace. pi. de l'adj. erchoitech (noxius)
th. en ^, précédé de la particule privative neph. cf. erchoitig (gl.
nocentes). Ml. 68^.
10. (ad opus meditationis).
12. (tractatio apud eum ibi super 16 « exspectantes « quod est antea).
1 3 . co (ut, quo), conj . cf. Gr, C. 682 . 1131.
14. apîu dumanim (exitium animae meae). aptu (exitium), nom. sing.
d'un th. fém. en n; ace. sing. apthin (perniciem) Gr. C^. 266.—
du-m-anim (animae meae), dat. sing. de anim (anima), th. en n,
Gr. C 2. 264, avec le pronom possessif infixe.
1 5. (non tractât ipse igitur de hoc).
16. (de omni tribulatione) .
Gloses irlandaises du manuscrit de Milan. 81
17. do, préposition indiquant le datif.
18. conrairleicius ■commisij, 1"-' pers. sing. du prêt, en s de ' léiccim,
th. en ia, avec les préf. con-air-. cf. conairleicther gl. admitti;,
conrairleic 'gl. permisit) Ml. 52^^, 32''; conairleicter (gl. quae
cum dimittuntur) 62^ ; ni dia dudgnî son acht is hé oairleci fgl.
permis[s]ioni ergo eius non operi inputat factum. i. e. non
deus id facit, sed ipse est qui permittit) 44 . La racine irlan-
daise est identique aux racines sscr. rié, lat. linqu-o.
20. sechis conumlctha iarum (id est ut salvatus essem postea^. —
co-nu-m-ictha, sing. du prés, second, conj. passif, avec le pron.
de la 1'- pers. sing. infixe. cf. ic, icc fsalus), gall. iach (sanus),
iecliuit sanitas'y Gr. C^ 21; /cca/^ (he healed) Fiacc's Hymn, 34;
iccfe l'gl. salvum faciesj Gr. C^. 459; /V/amr (salvabantur; Ml.
2 1 . in perfectione et sanctitate .
22. '0 deus^.
23. dixit DavideSy.
24. quia impletae sunt tribulationes et supputatus est finis adversita-
tibus quas promisisti est justum igitur nunc ferre vindictam
super eos ipsos). — rocomallada impletae sunty, pi. du prétérit
primaire passif, de la racine Lin, avec le préf. corn- (implere;. cf.
rocomalnada (gl. inpleta, omnia) Ml. 44 '^. - fonairmed (supputa-
tus, enumeratus est , sing. du prétérit primaire passif, àeairmim,
airmiu (enumero^ Gr. C-. 435, avec le préf. /o et le signe de
relation infixe. — cenn 'finis, prop. caputy. — durairngirî siu
quas promisisti , 2^ pers. sing. du prêt, en t, de la rac. gar,
avec les préf. do-air-con. Ebel, Beitr. III. 280; Gr. C^. 455 ;
Gl. Taur. p. 65. — fu-an-indas-sin littér. in hoc statu;.
27. ^est, hoc, cui connectilur et est hic sensus qui est ibi. —
frisedlatair, 3'- pers. sing. du prés, passif, de fris-dlùth-, avec
le pron. infixe. cf. dlùthsit (gl. infigerunt) L. Arm. Ir. gl. 166;
rundlùth 'gl. quas densauerat) Ml. 33% co dlulhit (gl. ut stipent)
69''; tri beulu dlûtai gl. fixis labris Gr. C. 1015. — ciali 'sensus
intellectus,,, thème fém. en a. Gr. C ^. 241.
Fol. 74d.
4. gessid (precatorj, subst. th. masc. en /. Le verbe est guidim,
-guidiu (precor, oro^. Gr. C^. 429. cf. Gl. Taur. p. $2. cf.
diangessid si dia arii nundguidemni (gl. si fueritis consortes officii.
6
82 Gloses irlandaises du manuscrit de Milan.
i. e, si oraveritis deum sicut nos eum oramus) -, cech ôin gessid
À. giges dia i'gl. supplicem) Ml. $^'', s"^^-
6. lain (gl. cum). Cette forme, avec la signification donnée par la
glose, m'est obscure. Au-dessus de la lettre ;n il y a un point
dans le ms. Si ce point est ici le signe ordinairement employé
pour signifier que la lettre au-dessus de laquelle il est placé doit
être effacée, on devrait lire la. La préposition la signifie en effet
« cum, apud ». Gr. C. 602. Peut-être faut-il lire lase.
7. (sicut peto, sit ita). — du-n-tluchur, 1'" pers. sing. prés. ind.
déponent, avec le signe de relation infixe. Cf. todlaigthe fgl.
petitum) Ml. 21^; duîhluchedar (g\. postulare, i. e. postulat) 58''.
— biid, 3^^ pers. sing. imp. du verbe substantif.
10. inunn folud ('eadem conditio). cf. isinnunn fùad folid leu (gl. figura
substantiae eius. i. e. est eadem figura substantiae apud eos) Wb.
32^; Gr. C^. 223-4, 0^ /'^'''^ ^^^ traduit moins exactement,
« significationis ». Cf. O'R. Suppl. folaidh (conditions; subs-
tance;. — duine (homo), th. masc. en ia, Gr. C^. 229. —
ad-n-agur-sa (quem timeo), i"' pers. sing. ind. prés, .déponent,
avec le signe du pron. relatif infixe. cf. niagetar (gl. nonuerentur)
Ml. 7,c)^ \ adagainse (gl. uerebar; 65*^; carcidadaichjer sa (gl. ut quid
timebo) G^^\ nadnagursa (gl. quod neminem me timere... pro-
feteor), nadnagatar (gl. non timere; j^^-; ni aichfetar fgl. non
timebunt) 80^. — acht is dia ol dd. (sed est deus, dicit Davides).
1 1 . (quia implevi tua praecepta etiam in tribulationibus j . — rocomallus
(implevi), T" pers. sing. du prêt, en i. cf. sup. gl. 74^. 23. —
timne, ace. pi., ou ace. sing. de timne (praeceptum), th. neut.
en ia. Gr. C^. 229.
13. cossecarthae (dicatae), adj. ou part. fém. enia. La forme superlative
offre la terminaison en mem : cossacarîhimem (gl. sacratissimae,
apparationis) Ml. 50*^.
16. (hoc est; i. e. est idem tô « quoniam eripuisti, etc. » quod dicit
ipse et id quod antea dixit ; i. e. in me sunt vota, etc. i. e. est
eadem significatio quae est in ambobus ; i. e. est manifestum
quod sunt vota tua in me, propterea eripuisti me a morte). —
inné (significatio), th. fém. en ia. Gr. C 2. 247. Gr. C. 969. —
indib dihlinaib (in ambobus, in utroque), formule pronominale.
Gr. C 2. 367. — t-erciwilti-siu (tua vota), nom. pi. de erchoiliud
(decretum, votum), th. masc. en u. Gr. C*. 238. — is indi
arndamroichlisse (propterea eripuisti me), 2'" pers. sing. du prêt.
en s, avec le pron. de la i'" pers. infixe. cf. arcelim (g\. aufero
Gloses irlandaises du manuscrit de Milan. 83
Gr. G 2. 429. — hua bas fa morte), dat. sing. de bds (mors),
th. neut. en a. Gr. C^. 222.
17. (alla bona opéra).
20. (sunt haec vota quae dicit ipse : complacere deo et esse in vitâ
sanctâ perfectâ . — toltanugud (complacentia, complacere, litt.
voluntatem facere), th. masc. en u. — im-bethid (in vitâ), dat.
sing. de bethu (vita), th. masc. en u. Gr. C^. 255; = sscr.
givitâ, lat. vita pour "guivita. — noib (sanctâ), adj. au datif
sing. th. masc. en a. — foirbihiu (perfectâ), partie, passif au
dat. sing. masc.
25. intisin (gl. qui). Littér. iste, qui.
27. nommoiîhiged {g\. molh'ri. Littér. quod molliretur) ; forme second.
passive d'un verbe dénominatif de moith l'mollis) = lat. mîtis.
Cf. Corm. Gl. Stok. ad v. Maoth.
28. ine auferas a Davide psalmum hune, quia ad Davidem directus est
hic psalmus ; hoc est quod demonstrat et manifestât titulus si sit
etiam a Cyrenaeo. Est hic sensus quem praebet ipse ex hoc, i. e.
ne quid mutes ab inscriptione tituli, i. e. dicit spiritus sanctus
per os prophetae Pontio Pilato ; ne deleas titulum quem scrip-
sisti super cruce ad certificationem passionis Christi, i. e. hic
est rex Judaeorum ; i. e. ergo ne deleas nomen Davidis e titulo,
scilicet ne deleas nomen Christi, ut praediximus, quia omne quod
directum est ad Davidem, id directum est ad Christum). — ni
berae (ne auferas, ne tollas), ni inalartae (ne mutes), ni derlegae
'ne deleas); formes du conj. 2« pers. sing. — tadbat = do-aith-
baî (demonstrat), j*" pers. sing. prés. ind. act. Gr. C. 852. —
foilsigedar (manifestât), ]" pers. sing. prés. ind. déponent, déno-
minatif de /o//(« (apertus, manifestus). — inspiurt noib (spiritus
sanctus). Dans in-spiurî, pour in spirut, il y a rétrocession de la
voyelle de dérivation, provoquée par la pondération de l'accent.
Cf. .Gl. Taur. p. 48. —tri giun (per os). Cette forme ferait
supposer un thème en u. Cf. Corm. Gl. ad v. gin et urnaigthe ; le
génitif sing. se trouve dans le ms. de Ml. : î geno deeid (gl. per
signitiem securi oris 82 c. — in fatho (prophetae , gén. sing. de
fâith, th. masc. en /. Ir. Gl. p. ]6. Gr. C^. 233. Cf. assain ind
flugor fuandrogab in faith 7 ind rûn juantaibret in suuischelaichthi
gl. euangelista hautem in deo pro rerum similitudine hoc testi-
monio usus est. i. e. est diversa figura de qua cecinit propheta
et mysterium de quo loquuntur evangelistae) Ml. 45'. — roscribais
quem scripsisti , 2«-- pers. sing. prêt, en s. — du dilsigud ad
84 Gloses irlandaises du manuscrit de Milan.
certificationem), dat. sing. d'un thème masc. en u, dérivé de
dilcs (proprius, certus). — cesta (passionis,, gén. sing. de cessad,
th. n^.asc. en u. Gr. C*. 239. Cf. dintuidecht dundechuid crisî hitech
innasacard .i. hitegdais annae 7 cafae 7 ditecht do dochum po[nt]felait
iaf is in matain res in chessad is dac rogah dd. insalmsa 7 dinchcsad
roces iar sin Iti cr. ut dicitur in tractatu libri marci secundum hir[o-
nymum] ('gl. infinem pro susceptione matutina) Ml. 44"^; as du chesad
ches christ rogad dd. inso (gl. domini ultima in cruce oratio docuit
ad quem debeat hicpsalmus refferri.i. e. propassionequampassus
est Christus oravit Davides hoc ib. — immairic (refertur, perti-
net, directus est). Cf. intan cita roichet insalmsa is immaircide do
dd. oc ergim re ahisolon maddu stoir fgl. qui, psaimus, tamen suis
temporibus habuit figuram illius historiae quae narrât dauid
coniuratione abisolon in erumnas coactum in quibus possitus
hoc Carmen uice orationis cecinit. i. e. cum primum decantatus
est psaimus hic directus fuit ad Davidem querelantem ante
Absalonem secundum historiam) Ml. 44^^
C. NiGRA.
ETUDE PHONÉTIQUE
SUR LE DIALECTE BRETON DE VANNES.
(premier article.)
Dans le breton armoricain on distingue quatre dialectes : ceux de
Léon, de Tréguier, de Cornouailles et de Vannes '. Le dialecte de Léon
est le mieux connu, celui de Vannes le moins. Cette inégalité n'est pas
un fait nouveau. Dès 1744 Larmery s'en plaignait dans la préface de
son Dictionnaire français-breton ou français-celtique du dialecte de Vannes. Il
rappelait qu'en 1732 on avait publié aux frais des états de Bretagne un
gros dictionnaire français-breton (celui de Grégoire de Rostrenen), et il
constatait combien ce dictionnaire était insuffisant pour l'étude de l'idiome
breton parlé dans le diocèse de Vannes. Le xix' siècle n'a pas réparé cette
injustice du xviiie. Je ne veux pas dire que Le Gonidec ait dans ses dic-
tionnaires négligé le breton de Vannes : mais sa grammaire le laisse
à peu près complètement de côté; on n'y trouve aucune vue d'ensemble
sur ce dialecte, si différent des trois autres et qui constitue presque une
autre langue : comme cette grammaire a été la seule base des travaux
publiés depuis quinze années en Allemagne ou dans les Iles Britanniques
sur le breton armoricain moderne, ces travaux, qui ont créé la philologie
celtique, gardent sur le dialecte de Vannes un silence à peu près absolu.
Larmery se plaignait du dictionnaire de Grégoire de Rostrenen il y a
cent vingt-six ans. Que dirait-il aujourd'hui s'il lisait la Grammatica Cel-
tica de Zeuss ^
Il est cependant possible d'étudier le breton de Vannes, sans aller
sur les lieux l'apprendre de là bouche des paysans. Dès 1723 avait paru
le Dictionnaire breton-français du diocèse de Vannes, composé par feu Mon-
sieur de Châlons, recteur de la paroisse de Sarzeau, grand vicaire de feu Mon-
I . Sur les circonscriptions géographiques auxquelles correspondent ces dialectes, voir
une notice de M. Troude dans son excellent Nouveau dictionnaire pratique français et
breton du dialecte de Léon, Brest, 1869, in-S", p. XXV.
86 Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes,
seigneur François d'Argouges, évêque de Vannes^. Nous venons de citer le
dictionnaire français-breton de Larmery ^ publié vingl-et-un ans après.
Une partie considérable des mots contenus dans ces vocabulaires a été
insérée dans les Dictionnaires de Le Gonidec, avec une orthographe nou-
velle qui rend la prononciation plus claire pour les étrangers; on retrouve
la plupart de ces mots et quelques autres encore écrits suivant le même
système orthographique dans le Nouveau dictionnaire pratique français et
breton du colonel Troude. Le libraire Galles, de Vannes, a publié en 1836
une Grammaire française bretonne contenant tout ce qui est nécessaire pour
apprendre la langue bretonne de l'idiome de Vannes, par l'abbé Guillome'.
La même maison a fait paraître toute une collection de livres de piété
écrits dans ce dialecte. Nous citerons aussi quelques chansons dans le
Barzaz Breiz de M. de La Villemarqué, la traduction de Saint Mathieu en
breton de Vannes, Aviel rêvé St. Maheu, par ChristoU Terrien, publiée à
Londres par le prince Louis-Lucien Bonaparte en 18574 et les « Géor-
giques bretonnes », ou Livr el labourer, par l'abbé Guillome s.
Nous allons dans le présent travail comparer la phonétique du dia-
lecte de Léon à celle du dialecte de Vannes.
Afin qu'on puisse apprécier la valeur des formes du dialecte de
Vannes, nous rapprocherons autant que possible des formes actuelles de
ce dialecte et de celui de Léon celles de l'ancien armoricain, telles que
Zeuss les a fait connaître, celles du moyen armoricain telles qu'on les
trouve dans l'abrégé du Catholicon de Jean Lagadeuc, publié par M. Le
Men en 1867 d'après l'édition de 1499, enfin celles des autres dialectes
néo-celtiques.
Nous donnons les mots du dialecte de Léon d'après le dictionnaire de
M. Troude. Pour ceux de Vannes nous reproduisons autant que pos-
sible, outre l'orthographe de M. Troude, celle de Châlcns et celle de
Larmery. Quand pour les mots des autres langues néo-celtiques nous ne
citons pas d'autorité, nous avons pris les mots gallois dans les diction-
naires de Spurrel, les mots comiques dans celui de Robert Williams,
les mots irlandais modernes dans le dictionnaire d'O'Brien, les mots
du gaélique d'Ecosse dans ceux de Macleod et Dewar.
1. Vannes, chez Jacques de Heuqueville, in-12, 176 pages, dont les six dernières ne
sont pas numérotées.
2. Leide, par la Compagnie, in-8", xx et 466 pages, dont les deux dernières ne sont
pas numérotées. Les 56 dernières pages contiennent un supplément.
}. In-i2, 149 pages.
4. In-i6, 127 pages.
5 . Livr et labourer groeit cire en catru Guillom, persan Kergrist. — {Géorgiques bretonnes,
par M. Guillome, recteur de Kergrist,) Vannes, Lamarzelle, 1849, in-12, 229 pages.
Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes. 87
Ce mémoire sera divisé en deux parties, l'une traitera des voyelles,
l'autre des consonnes. La première se composera de deux sections con-
sacrées l'une aux voyelles proprement dites, l'autre aux diphthongues.
PREMIÈRE PARTIE.
VOYELLES.
le Section, voyelles proprement dites.
On a souvent déjà disposé les voyelles en triangle de la manière
suivante.
ou — u — 1
/ et les voyelles qui s'en approchent sont les sons préférés du dialecte
de Vannes. Il change les voyelles du dialecte de Léon, savoir, e et u en
i, a en e, ou en 0 et en u. Quand le phénomène contraire se produit,
c'est ordinairement parce que le dialecte de Vannes conserve une
ancienne voyelle que celui de Léon a perdue, ou c'est que la voyelle
du dialecte de Vannes subit l'influence d'une consonne voisine qui,
dans ce dialecte, favorise à côté d'elle la production d'une voyelle plus
pleine et plus sonore qne la voyelle primitive. Nous ne prétendons pas
présenter cette théorie comme absolue, mais on trouvera dans ce
mémoire les faits sur .lesquels elle s'appuie, et nous ne chercherons pas
à soustraire aux regards du lecteur les faits qu'elle n'explique pas.
Nous suivrons l'ordre alphabétique des voyelles du dialecte de Léon.
§I.A.
.4 du dialecte de Léon devient e dans les mots suivants du dialecte de
Vannes :
1. ^a « à )) — en vannetais de (Troude; Larm. ; Guillome, Gramm.,
p. 90) de (Le Gon.). La plus ancienne forme connue de cette prépo-
sition dans les langues celtiques est do (Gr. C, p. 597) (slave do,
gothique du) qu'on trouve en ancien irlandais, en ancien gallois et en
ancien armoricain {ihid. p. 627). L'o de cette préposition est devenu
en gallois ancien /, en gallois moderne y, conformément à la règle qui
88 Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes.
veut que Vo primitif, quand il n'est pas conservé, devienne en gallois
e ou y = i {Gr. C.^, p. 90-91); en gallois moderne le d initial ayant
été supprimé, y seul est resté (^Gr. C, p. 628). En armoricain, Vo,
quand il n'est pas conservé, devient e ou eu. Cette règle s'applique
en vannetais, où l'ancienne préposition do se prononce aujourd'hui de,
comme notre préposition « de ; » on trouve de en comique comme en
vannetais. Le léonnais da ne peut s'expliquer par le primitif do; l'expli-
quer par la forme plus rare de l'ancien irlandais du (Gr. C, p. 597) est
également impossible, car u ancien devient en armoricain moderne ou,
e, i. Peut-être provient-il d'une source plus ancienne. On peut consulter
à ce sujet un travail récent de M. Bréal dans la troisième livraison des
Mémoires de la Société de linguistique de Paris.
2. Tano « mince, « tanao dans Le Pel., tanau (Lag.) — en
vannetais teno (Troude), tenau l'Larm.), tenaû 'Châl.); en gallois
moderne, teneu. Le vannetais et le gallois semblent avoir adopté la
voyelle du latin tenuis. Le comique tanow, l'irlandais moderne tanaidhe,
le gaélique tana ont, avec l'armoricain, gardé Va primitif qui se recon-
naît aussi dans le sanscrit ï^nu et le grec -cavu- (Ebel, Beitr., U, i6y^
Gr. C.2, p. 109; cf. Curtius, Gr. Etym.^, p. 196).
3. Aneval « animal » (Troude et Lag.;. — en vannetais eneml
(Troude), énevale :'Larm.) — enéval ^Châl.), en gallois moderne anifail,
du latin animal (Ebel, Beitr., II, 140;.
4. Chatal « bétail » (Troude et Lag.) — en vannetais c/je/a/ '^Troude ,
chétal (Larm.), chétat (Châl.), du vieux français « chatel, « aujourd'hui
« cheptel, )) en latin capitale.
5. Arar ou alar « charrue, « ararz, lisez arazr 'Lag.'j; — en vanne-
tais arer (Troude), araire (Larm.), arêre ou arraire (Châl.); gallois
moderne, aradr; comique, aradar{Voc.) ; latin, aratrum.
6. Ozach (Troude, Lepcl.) « chef de famille, n ozecli (Lag.); en vanne-
tais ocV/êc'/î, oec^h (Troude), ohec'li, oheh (Lepel.), ohéeh (Châl.).
7. Tra-ou, pluriel de tra, « chose; » — en vannetais tre-eu (Troude),
treu (Larm., Châl.).
8. Darvoedenn, « dartre; » — en vannetais derouidenn (Troude),
deerouideen (Larm.), derhouiden'c (Châl.,.
9. Starda, <( serrer; » — en vannetais sterdein (Troude , stecrdein
(Larm.).
10. Gant, « avec » (la même orthographe dans Lag.); — en vanne-
tais ^f/ (Troude), guet (Guillome), guett (Larm.), guet (Châl.); en vieux
gallois cant [Gr. €., p. 648), en gallois moderne can etgan, en comique
gan et gans, du gaulois com.
Ëtude phonétique sur le dialecte breton de Vannes. 89
11. Koumanand, « ferme, » coumannat Lag.); — en vannetais kou-
menand (Troude).
12. Skiant, « esprit, » squient (Lag.;; — en vannetais skient (Troude),
squient (Châl. , squiènntt 'Larm.); en latin scientia.
1 3. Balan, « genêt; » balaznen 'Lag. ; — en vannetais bclan (Troude),
belann (Larm.); gallois moderne banadl, comique banathel {Voc.) ',
gaélique bealaidh. — Diez, IVœrterbuch^, t. II, p. 208, en tire le français
<( balai. » M. Littré a accepté cette étymologie; elle n'est pas sans
difficulté cependant, comme l'a fait observer M. Whitley Stokes, Beitr.,
V, 445-446.
14. Manac'li, « moine, » manach (Lag.); — en vannetais menac'h
(Troude), menah Larm.); en gallois moderne mynach, du latin monachus
(Ebel, Beitr., t. II, p. 148).
1 5. Teral, « obscur; » — en vannetais tiouel (Troude), tihouêle (Larm. ,
tiouele Châl.^ ; en vieil irlandais teniel « obscurité » {Goid., p. 35 ; Gl.
Taur., p. 46); en gallois moderne tywyll; cf. n° 84.
\ 6. Ma ou va, pronom possessif de la première personne; — en
vannetais me fGuillome, Gramm., p. 54), ancien irlandais mu, ma {Gr.
C. -, p. 336), moyen gallois my, moyen armoricain ma [Gr. C.^,
p. 383), comparez le sanscrit marna, génitif singulier du pronom de la
première personne.
17. Ann, ar, « le, •» article; — en vannetais enn, er. Le thème
paraît avoir été en vieil irlandais 5;>2^ Gl. Taur., p. 45 ; Gr. C. ^, p. 209^ ;
la plus ancienne forme galloise est />=/« [Gr. C.^, p. 217;. On trouve
en comique an ou en, en moyen armoricain an (jbid., p. 218-219)2.
18. Galloud, « puissance, » galloet, « pouvoir, » infinitif (Lag.), —
en vannetais gellout Troude), guelleît Larm.); en gallois moderne
galluedd, comique ga//o5, lithuanien galiu Ebel, Beitr., II, 178).
19. Pa quand ; — en vannetais pe 'Troude^, pé (Larm., Châl.);
gallois, comique et moyen armoricain pan (Gr. C, p. 695-697), com-
parez le latin quando; qu = p.
20. Ann anaoun « les trépassés », anauon (Lag.); — en vannetais enn
1. On dit aussi en Vannetais banal, bctial, bonal, sans inétatliése.
2. Il s'est produit ici deux phénomènes dont les langues romanes nous offrent des
exemples. Le d final de sind s'est assimilé à l'n précédent {Oitz, Grammatih'-, p. 220, c'est
ce que Zeuss appelle infectio nasalis, 2' éd., p. 147 ; il est resté sinn ou sin. L'n final de
sin s'est changé en r iDiez, Gramm., p. 203 . Cette substitution est en armoricain de
date toute récente. Quant à la suppression deVs initial, bien que rare en irlandais, elle
n'y est pas inconnue Gr. C. -, p. 5 1 . Dans les diverses branches du breton \'s initial se
change souvent en h [Gr. C. -, p. 122}, et cet h se conserve ordinairement, il y a cepen-
dant des exemples de la suppression de cet h. Ainsi l'irlandais amal = samal « instar »
a pour correspondant en armoricain erel = 'hevel = 'sevel, en gallois mal ■= 'samal,
en comique avel [Gr. C, p, 694-69 j).
90 Etude pbonéticjue sur le dialecte breton de Vannes,
enan Troude et Larm ). C'est un pluriel du mot qui veut dire âme, vieil
irlandais anani., anim, gaélique anam, comique encf, gallois moderne
enaid [Ir. g/., p. 64, no 288; Goid., p. 47; Ebel, Beitr., II, i$6).
Peut-être ces faits peuvent-ils être en partie expliqués de la manière
suivante : l'a primitif a en breton une tendance à fléchir en e iCr. C. 2,
p. 84-85). Une tendance inverse se produit quand /, e, 0 sont suivis
à'n, d'r, d'/, de c'h ; les mots sur lesquels cette tendance a exercé son
action ne sont pas les mêmes dans le dialecte armoricain de Vannes et
dans celui de Léon. C'est l'influence de la nasale, de Vr et de 1'/ suivant
qui sont cause que l'o s'est changé en a dans 10 gant pour com, 14
manac'h pour monachus ', Ve en a dans 12 skiant t^owv skient àt scientia^,
dans 15 îeval pour temeh, Vi en a dans 17 ann, ar, pour sind^. Les
mots correspondants du dialecte de Vannes sont plus conformes aux
lois générales de la langue : 0 =-- edans lo get, 14 menac'h (cf. Gr. C. ^,
p. 90-91), e est conservé dans 12 skient et dans 1 j tiouel (cf. Gr. C. 2,
p. 87), / = e dans 17 er, enn (cf. Gr. C. ^, p. 89).
L'a primitif s'est conservé, par l'influence de Vn suivant, dans les mots
du dialecte de Léon que voici : 3 aneval, en Vannes eneval; 19 pain], en
Vannes pe ; 20 anaoun, en Vannes enan; — par l'influence de Vr: 5 arar,
en Vannes arer; — par l'influence de 1'/ : 1 3 balan, en Vannes helan,
\S galloud, en Vannes gellout.
Mais aucune influence de consonne ne peut expliquer pourquoi le
premier a de 4 chatal qui s'est conservé en Léon est devenu c en Vannes,
pourquoi i da, 7 traou, sont devenus en Vannes de, treeu.
L^étude que nous ferons plus loin de la diphthongue oa nous four-
nira d'autres exemples de l'emploi de Ve par les Vannetais, là où les
Léonais se servent de Va.
A du dialecte de Léon devient / en vannetais dans les deux mots
suivants :
21. Gwenanenn «abeille» guenanenn (Lag.i; — en vannetais gn'/n>2e/3/j
(Troude), guirinenn (Larm.), en gallois moderne gwenynen. Vi me
semble être ici la lettre primitive. Il s'est changé d'abord en e, et cet e
est resté dans le comique gucncnen (^Voc.) et dans le dialecte de quel-
1. Comparez le français u dame » de domina, « nennil » ('prononcez nani) de non
illud.
2. Comparez le français « jaloux » de zelosum, « féal » de fiddem.
3. Comparez le français « cent » (prononcez çant) de ccntum, « viande » de vivcnda.
« repentance » de pœnitentia, « chance » de cadentia, « ayant » d'habentcm.
4. Comparez le français « en » (prononcez an) de in, « sans » de sine, n langue » de
lingiia, « quarante » de quadraginta, « dans » de deintus, « sangle » de cingulum,
« dimanche » de doniinica.
I
Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes. 91
ques localités vannetaises où l'on dit guinénene, guerenene (Châl.).
22. ranket « falloir, » rencout (Lepel.); — — en vannetais rikein
(Troude), riquein Larm.y. Je pencherais à croire que 1'/ est la lettre
primitive. L'a du léonnais dans ce mot comme dans le précédent serait
dû à l'influence de Vn qui suit.
.4 du dialecte de Léon devient 0 en vannetais dans les mots que
voici :
25. Manac'h a moine, » manach Lag.,; en vannetais fno/?(^c'/i (Lepel.,
Le Gon._, Troude), du latin monachus. L'o est la lettre primitive.
24. Amanenn « beurre » (Troude et Lag.); — en vannetais amonenn
(Troude;, amoneen Larm. , amonen (Chàl.^; vieil irlandais imh, vieux
gallois emmeni, moyen gallois emenyn, gallois moderne ymenyn, comique
amenen {Gr. C. \ p. 82, m; Ir. gi, p. 96, n" 784; Tlir. Ir. gi, p.
XXX . Il n'y a pas d'obstacle qui nous empêche d'admettre que, comme
dans le mot précédent, 0 soit primitif. Toutefois, la preuve manque.
25. Anezhan « de lui » « lui » (régime;, anezaff en moyen armoricain
iGr. C.2, p. 382(1 — en vannetais aneZ/ow « de lui » (LeGon., Troude).
Ce mot se décompose ainsi : ["an, préposition signifiant « de » {Gr.
C, p. 623 ; 2° eh, en léonnais ez, identique au pronom infixe et suffixe
irlandais d, id (Gr. C. ', p. 330, 334); 3° hon qui serait peut-être le
même mot que l'irlandais 5om [Gr. C. ^, p. 326-327, 3 34-^3 5)- Sur la
variante hou, anehou (Guillome, Gramm., p. 33, Châl., cf. Larm., p.
122) voir plus bas, n° 97.
§2.E.
E a été conservé en vannetais à Tinfinitif de deux verbes qui l'ont
perdu dans le dialecte de Léon.
26. Dont « venir, » autrefois donet ''Lag.( ; — en vannetais donet
iToude), don nétt {Larm.., donnét Châl. . Sur l'étymologie de ce mot
voir Goid., p. VII, 70, et Whitley Stokes, Middle Breton irregular verbs,
P- 54-5 5-
27. Mont « aller, » autrefois monet (Lag.; ; — vannetais monet
(Troude^, monétt ^Larm.;. Sur l'étymologie de ce mot voir Whitley
Stokes, Middle Brçton irregular Verbs, p. 41).
E du dialecte de Léon est devenu eu par l'influence de la consonne
suivante dans un grand nombre de mots vannetais :
28. Trenk « acide; » — en vannetais treank (Troude), tréang (Larm.),
tréantj 'Châl.); en comique trenc.
92 Etude phonétique sur le dialecte breton de Vannes.
29. Ene « âme, » eneff (Lag.); en vannetais inean (Troude, Larm.,
Châl,) ; vieil irlandais anim, anam, gaélique anam, comique enef ^Ir. gl.,
p. 64, n° 288; Goid., p, 47). La voyelle primitive de la seconde
syllabe est-elle un i comme dans le vieil irlandais anim et dans le latin
anima? Est-ce un a comme dans le vieil irlandais et le gaélique anam?
Le léonnais enaoui « animer « pour anami (m = ou) nous ferait pencher
pour la seconde hypothèse; cf. n" 67.
30. Env, mieux nenv « ciel, » eff pour neff (Lag.); — en vannetais
ean (Troude), nean (Larm.), can (Châl. ; vieil irlandais nem, comique
et gallois nef. La voyelle primitive dans les langues celtiques parait être
e comme dans le grec véçoç « nuage, » le slave nebo « ciel ; « comparez
le sanscrit nabhas « nuage, poussière, atmosphère. » Le vannetais n'est
pas la seule langue néo-celtique où cet e soit devenu ea : on dit en
irlandais moderne et en gaélique ncamh {Gr. C. *, p. 88; Ebel, Beitr.,
t. II, p. 178; Ir. gl., p. 98; Gluck, K. N., p. 75; G/. Taur., p. IX; Cur-
tius, Gr. Etym. =>, p. 265).
31. Kre,\krev, kren « fort, » creff (Lag.); — en vannetais Krcan
(Troude), crean (Larm., Châl.), comique crif [Voc), cref, crev; moyen
gallois craff (Gr. C. 2, p. 165), gallois moderne cryf.
32. Hen «lui, » sujet, e/(Lag.; — en vannetais ean (Troude, Larm.,
Châl., Guillome); en ancien gallois em, plus tard ej, en comique aussi
e/(Gr. C.^p. 371).
33. Prenv, prev «ver, » prcff (Lag.); en vannetais /^rca/îv (Troude),
prean (Larm., Châl.), comique prif {Voc), pref, vieux gallois prem [Thr.
Ir. gl., pp. XVI, 9), gallois moderne pryf, vieil irlandais cruim (Gr. C. -,
p. 66); latin vermis, grec 'é\\j.\z, sanscrit krmis pour karmis (Ebel, Beitr.,
II, 60; Curtius, Gr. Etym."", p. 485-486).
Dans les mots qui précèdent, la diphthongue ea du dialecte de Vannes
doit son existence à la nasale qui la suit. Dans le suffixe eac^h ou eah
suivant l'orthographe généralement usitée chez les Vannetais, son intro-
duction est provoquée par la gutturale spirante c'h ou h qui s'appuie sur
elle. Le suffixe vannetais eac'h, eah est identique au suffixe léonnais et
pour ed étudié par Zeuss, Gr. C., p. 802-803 (cf- 7 $2, 753).
Voici quelques exemples empruntés à la Buhe er smt « Vie des
Saints, « publiée à Vannes chez Galles en 1839 :
34. Silvidigez « salut, » se dit en vannetais salvedigneah (p. III .
55. Pinvidigez « richesse » ', — en vaunelais pihuidigueah (p. IV;.
I. On remarquera que dans ces deux mots le suffixe est écrit aez par Lagadeuc. — Le
suffixe -idig- qui précède le suffixe ez est identique au suffixe latin -atico- qui a donné en
français « -âge. »
Étude phonéticjue sur le dialecte breton de Vannes. 9?
36. Tiegez « ménage; « — en vannetais tyegueah l'p. IV,.
37. Madelez « bonté, » — en vannetais madeleah p. 6j.
j8. Santelez « sainteté » — en vannetais santeleah (p. 8 .
Dans la diphthongue ea IV spécial au dialecte de Léon se trouve à
côté de Va que l'influence de la consonne suivante a introduit dans le
dialecte de Vannes. Dans les mots que nous allons étudier maintenant,
on remarquera l'absence complète de Vc léonnais; il n'y a plus dans
ces mots de diphthongue en vannetais, Va seul y existe.
Ce sont d'abord des infinitifs de verbes qui, en léonnais, ont assimilé
l'a primitif de la racine à Ve de la flexion. Cette assimilation ne s'est
pas produite en vannetais.
39. Genel « enfanter, » guenell Lag.), participe ganet; — en vanne-
tais ga/zem (Troude , gannein (Châl.), gallois moderne genM< naître^, »
gan « naissance, » irlandais moderne geinim « j'engendre, » comique
geny « naître, n en sanscrit racine g' an.
40. Sevel « lever, » sevell (Lag.), participe savet; — en vannetais
saouein 'Troude, Larm.^, sauein fChâl.); en gallois moderne, verbe :
sefyll, substantif : saf; comique, verbe : sevel ou saval.
41. Gervel « appeler,» guervell ;Lag.), participe g^/ve/; — en vanne-
tais gj/ve/w (Troude), galhuein iLarm.;, galiïein (Châl.); comique gelwel
à l'infinitif, galwy à la seconde personne de l'impératif; gallois moderne
galw. Va de la racine a été aussi conservé dans le latin garrio, garrulus,
gallus, dans l'anglais to call (W. Stokes, Beitr., V, 223 ; Mise, p. 33,
Curtius, Gr. Etym.^, p. 162;. Voir plus bas, n» 8$.
42. Lemel « ôter, » lemmel (Lepel. , participe lamet; — en vannetais
lamein Troude, Larm., Châl. . Ce mot dont l'origine est incertaine
est peut-être un dérivé de lam a main, » en vieux gallois lau Gr. G. -,
p. 114). L'm primitif serait, par exception, conservé dans ce mot comme
dans quelques autres {Gr. C.^, p. 1 1 1). Lam (c main » s'explique lui-
même par la racine sanscrite labh « prendre » dont le bh serait ici devenu
m comme dans nem « ciel, » cf. sanscrit nabhas. Peut-être devrait-on
supposer pour lemel une racine renforcée par nasalisation lamb, cf. le grec
Xa;j.civo). Leb se serait assimilé à l'm antécédent Gramm. celt. ^, p. 147),
qui, étant redoublé, se serait conservé suivant la règle (Gramm. celt. 2,
p. 114).
Dans tous ces verbes, la voyelle primitive est celle du dialecte de
Vannes,
Dans d'autres mots qui ont un e dans le dialecte de Léon, le dialecte
de Vannes emploie Va à cause de la la consonne qui suit : n, r, v.
94 Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes.
43. Kefnidenn « araignée, » queffnidenn (Lag.); — en vannetais kani-
vedenn (Troude), canivédenn (Larmj ; gallois moderne cyffiniden.
44. Bemdez « chaque jour, » pemdez 'Lag.); — en vannetais bamde
(Troude, Larm.), de pep « chacun » {Gr. C.^, p. 404-405) et de deiz,
dez, dé <<. jour; » en moyen %d\\o\s peanyd (Gr. C, p. 575}. — On
dit aussi bemnos « chaque nuit, « en vannetais bamnos (Troude), bamnoss
(Larm.), moyen gallois peunoeth.
45. Kenderv « cousin, » quenderv (Lag.); — en vannetais kanderv
(Troude), candêrhué (Larm.), canderhu'é (Châl.); gallois moderne
cejnder.
46. Keniterv « cousine, « queniterv (Lag.); — en vannetais kaniterv
(Troude), caniterhue (Châl., Larm. écrit quenitêrhué), gallois moderne
cyfnither.
47. Kleze « épée,» clezeff(Lag.); — en vannetais klean (Troude), cléan
(Larm.), clean (Châl.), vieil irlandais claideh, moyen gallois cledyf, [
gallois moderne cleddyf et cledha, comique cledhe et cledha ; latin gladius.
M. Ebel se trompe quand, Gr. C. ^, p. 38, il présente ce mot comme
un exemple du changement de la moyenne en ténue dans les langues
celtiques. Ce sont les langues celtiques qui ont gardé la consonne ini-
tiale primitive : le latin a changé cette consonne en moyenne (Corssen, ,
Kritische Beitragezurlateinischen Formenlehre, p. 97 ; Curlius, Gr. Etym.^, '
p. 142), De la forme vannetaise on pourrait conclure que le suffixe
armoricain au lieu d'être un b comme en irlandais, était un m (^Gr. C. S
p. 139, 142, cf. 116-117;.
48. Adre « derrière, » adren (Lepel.), adreff (La^.)\ — en vannetais
adran (Troude, Larm., Châl.).
49. Tersienn « fièvre n terzyenn (Lag.); — en vannelals terc'hiann
(Troude), derhian (Larm.. Châl.), darhian, terhian (Chai.), du latin
tertiana (Lepel., Whitley Stokes, Beitr., V, 219). Ici, la voyelle qui, •
dans le dialecte de Vannes, précède Vn, est plus ancienne que la voyelle
correspondante du dialecte de Léon. 1
49. Largentez « largesse, » larguentez (Lag.) ; — en vannetais largante ;
(Troude), largante (Larm., Châl.). Comparez le même suffixe dans
paourentez « pauvreté; » — en vannetais peurante (Troude), peuranté
(Larm., Châl.), voir sur ce suffixe Gr. C., p. 804.
50. Menez « montagne » (Lag. donne la même orthographe); — en '
\anneta\s mane (Troude), manné (Larm., Châl.); moyen gallois minid,
gallois moderne mynydd, moyen comique menit{yoc.], gaélique mo«^i//i, ^
irlandais moderne moin, gén. monadh; comparez le latin mon[ti]-s et j
minere dans prominere, eminere, irnminere (Gr. C.^, p. 218; Ebel, Beitr.,
i
Ëtude phonétique sur le dialecte breton de Vannes. 95
II, 158; Ir. gi, p. 60, n'' 257; Corssen, Kritische Nachtr£ge, p. 79).
51. Arne, aneo, arnev « orage; » — en vannetais aman (Troude),
harnan (Larm., Châl.); gallois moderne arnwyf « vigueur, esprit, »
ernwy « vivacité. «
$2. Dienez « pauvreté; » — en vannetais dianez (Troude), dianness
(Larm.).
53. Henvel « semblable; » — en vannetais hanoual (Troude), hanval
(Larm.), hanual (Châl.), haval (Larm., Châl.); vieil irlandais samal,
irlandais moderne samhail, gallois m.oderne hajal, comique haval, grec
6lj,aXcç, lat. similis. Ce mot se trouve, moins le suffixe fmal, dans le sanscrit
samas et avec un suffixe différent dans le gothique sama, thème saman,
Gl. Taur., p. 67; Ir. gi, p. 83, n° 609, p. 108, n" 904; Curtius, Gr.
Etym.'^, p. 288-289). D^"S ^^ ^^^ '^ vannetais donne l'exemple de
la conservation de 1'^ non-seulement devant une nasale, mais aussi
devant /.
54. Trederenn « tiers ; » — en vannetais terderann (Troude), derderann
(Larm. , derderan'e (Châl.); moyen gallois trederran (Gr. C. ^. p. 323).
La forme vannetaise est la plus ancienne, car ce mot est un composé
déterminatif dont le second terme est le substantif armoricain rann
« partie » (Lag.j qui se trouve avec la même orthographe en ancien
irlandais {Gr. C. ^, p. 40). On disait en ancien gallois rannam a je
partage » (Gr. C. ^, p. 81), en moyen gallois rhan « partie » (Gr. C. ^,
p. 1 12). La forme comique de ce dernier mot est ran 'd. Ir. gl., n» 6,
p. 37-?8).
Ve léonnais qui est remplacé par un a en vannetais est suivi d'un r
dans :
55. Ere « lien » (Troude et Lag.); — en vannetais ari (Troude et
Lag.); — en vannetais ari (Troude et Châl', arri (Larm.). Serait-ce le
vieux gallois rnim, gallois moderne rhyn\, qui se trouverait ici précédé
d'un préfixe (cf. Whitley Stokes, Beitr., IV, 404).?
56. Serch « serge » cerg (Lag.); — en vannetais charj (Troude),
charge (Larm.), du français serge qui est lui-même issu du latin serica
(Diez, Wœrterbuch^, t. I, p. 364).
Le même phénomène s'observe dans les mots suivants où Ve léonnais
est suivi de v :
56 A. Evit « pour» Troude, Lag.); — en vannetais aveit (Troude),
aveitt (Larm.). Sur l'origine de cette préposition, voir une hypothèse de
Zeuss, Gr. C. ^ p. 6$ 3-654.
57. Dievez u téméraire, » composé possessif formé du préfixe négatif
di et du substantif evez « attention ; » — en vannetais diaviz (Troude),
96 Étude phonétitjue sur le dialecte breton de Vannes,
diaviss (Larm.), diavis (Châl.). On pourrait croire que le second terme
de ce composé est identique au français « avis, » La comparaison
avec le mot léonnais y met obstacle : Zeuss, avec raison, recon-
naît dans le breton léonnais evez (en vannetais eueh) un dérivé
du gaulois avi, en vieux cambrien egui, mot dans lequel l'a initial
s'est assimilé à 1'; de la seconde syllabe (Gr. C. ^, p. 82 n, 128). La
forme primitive de l'armoricain evez, eueh serait avid dont la dentale se
serait par exception changée en sifflante en vannetais comme dans noz,
nos, « Twih n àe nocht ; et dans.les nombres cardinaux tiouzf A, « douze; »
trizek, « treize, » etc., pour daoudek, tridek.
L'ordre alphabétique nous a fait arriver aux mots dans lesquels Ve
léonnais devient / en vannetais. Nous commencerons par une obser-
vation. Zeuss a remarqué que dans un nombre de cas très-considérable /'/
bref primitif s'est changé en e dans l'armoricain moderne. Le vannetais
a souvent obéi à cette tendance, en voici des exemples :
58. Le substantif gaulois bitu-s u monde » en vieil irlandais /'///;, en
moyen gallois hyt {Gr. C. ^-, 12, 88;, en léonnais beth (Lag.), bed
(Troude), en vannetais beît, bét (Châl., Larm.).
$9. L'adjectif gaulois litano-s, litana («large, » en moyen gallois
liîan, en vannetais comme en léonnais ledan (Troude, Larm., Châl. ,
voir Gr. C. \ p. 88.
60. Le substantif gaulois vidu-s, <c arbre, » en vieil irlandais yî^i, en
vieil armoricain guid, en moyen comique guid-en, en léonnais guez-enn
(Lag.") 'ygwez-enn (Troude), en vannetais giié-nn (Larm.), voyez Gr. C-,
p. 12, 88; Gluck, K. N., p. 11^; Ebel, Beitr., II, 178.
61. L'adjectif gaulois vindo-s, <( blanc, » en vieil irlandais fin, vieil
armoricain guin, comique et gallois moderne gwyn ; en léonnais guenn
(Lag.), gwenn (Troude), en \^nnetais giicnn (Larm.), voyez Gr. C. -,
p. 53, 89; Gluck, K. N., p. 74.
62. L'adjectif gaulois cintu-s « antérieur, » en moyen gallois kynt,
<• avant, » moyen armoricain léonnais quent, léonnais moderne kent',
vannetais quennt (Larm.), quent (Châl.), voyez Gr. C.^, p. 89, 507,
308, 322, cf. Gluck, K. N., p. 60.
63. Le thème gaulois itu <( froment, » en vieil irlandais ith, vieux
gallois /?, gallois moderne v^; léonnais etli (Lag.), ed (Vie de Sainte
Nonne), vannetais ett (Larm.\ et (Châl,); voyez Gr. C. ^ p. 12, 89,
1. Dans la prononciation nasalisée d'aujourd'luii : Mainte, Vi primitif a reparu. Voyez
Troude, p. 73.
Etude phonétique sur le dialecte breton de Vannes. 97
147, 258; Ebel, Beitr., II, 157; Stokes, Beitr.. IV, 594; Ir. gi, p.
119, n" 1058; Mise, p. 38. Je signalerai comme une singularité un
passage de la vie de saint Gwenole cité par Lepel. au mot eus, col. 291;
an yth eus an grynol « le blé du grenier. » La forme de l'article montre
que ce passage est emprunté à un texte écrit en moyen armoricain et en
un autre dialecte que celui de Vannes, et Vi primitif est conservé. Enfin
le savant archiviste M. Le Men nous apprend que l'on continue à pro-
noncer it aux environs de Quimper.
Il résulte de ces exemples que le dialecte de Vannes a plus d'une fois
changé 1'/ primitif en c. Il a cependant une tendance marquée à préférer
1'; à Vc du dialecte de Léon. Les exemples suivants le démontreront.
Nous commençons comme plus haut par les mots léonnais.
64. Beo « vif, » beu (Lag.) ; — en vannetais bihue 1 Larm.), biv (Châl.),
vieil irlandais biu, vieux gallois biu, gallois moderne byw, moyen cor-
nique biu (Voc], comparez la racine sanscrite g'îv « vivre, » le gothique
quius « vif, » le grec [iioç v vie, » le latin vivus (Gr. C.^, p. 35, 54,
109; Ebel, Beitr., II, 160; Curtius, Gr. Etym. ^, p. 418).
65. Gwcnanen « abeille, )i guenanenn 'Lag.); — en vannetais giv/r/nen
(Troude), guirinenn (Larm.\ gallois moderne gwenynen, comique gue-
nenen (yoc.).
G(). Ankenia « affliger, » anquen « douleur, » (Lag.), — en vannetais
ankinein (Irouàç: , anquinein (Larm.; Châl. dit anquenein avec un e^
comme en léonnais ).
67. Ené « âme, » eneff (Lag.) ; — en vannetais inean (Troude, Larm.,
Chai.), vieil irlandais anam, anim, gallois moderne enaid; cf. n° 29.
68. Ebrel <.< avril, » ebiell (Lag.); — en vannetais imbril fTroude et
Buhé er sant), embrill (Larm.), cmbril (Châl. ) ; gallois moderne ebrill,
comique ebral, du latin aprilis.
69. Steredenn « étoile, » sterenn 'Lag.:; — en vannetais stiren
Troude, Châl.), stireen (Larm.), vieux gaWois stirenn (Gr. C. ^, p. 1201,
moyen comique steren (Voc.') pour stiren. Dans les langues germaniques
comme dans les langues celtiques, la voyelle de la racine a été primi-
tivement un ; ; Vai du gothique stairno, V'é du vieux haut-allemand
st'crno, du vieux saxon st'érro, remplace un / primitif par suite du phéno-
mène que Grimm appelle brechung {Deutsche Grammatik, t. I >, p. 50,
77, 233. Cet / celtique et germanique est lui-même issu d'un a plus
ancien, comme le prouve le thème grec a-s-sp, le latin Stella et le
sanscrit védique 5far (Curtius, Gr. Etym. ^, p. 187; Bopp, Grammaire
comparée, §, 87, traduction de M. Bréal, I, 1 31;,
70. Kreski « croître; » cresquadur « accroissement » iLag.); — en
7
98 Etude phonétique sur le dialecte breton de Vannes.
vannetais kriskein ^Troude), crissquein (Larm.; Châl. écrit cresquein avec
un e comme en léonnais); du latin crescere dont le second c est resté dur;
ce mot peut être comparé aux mots allemands d'origine latine qui ont
conservé le c dur devant e et i (Corssen, Aussprache^, t. I, p. 45); voir
plus haut le n" 12.
71. Kened « beauté, » qucnet (Lag.); — en vannetais kinet (Troude),
quinaitt (Larm.), quinêt ou quenêt (Châl .
72. Ber « bierre, » — en vannetais bir (Troude et Châl.), bire
(Larm.). Ce mot est d'origine incertaine (Diez, Warterbuch ^, t. I,
p. 69).
73. Eva (( boire, » evajf (Lag.); — en vannetais ivein (Troude,
Larm., Châl., Guillome, Grainm.,p. 60); vieil irlandais /l^ùnm «je bois, »
moyen gallois evet « boire, >> en gallois moderne yfed; le p initial a été
retranché , comparez le védique pibâmi, le latin bibo fpour pipo), le
grec m'-vo) (Wh. Stokes, Thr. Ir. gl., p. XXIX; Beitr., II, 396; Ebel,
Beitr., III, 281 ; Curtius, Gr. Etym. '% p. 252).
74. Gwadegenn « boudin; >> — en vânnelâls gwedigenn (Troude), goai-
digueenn (Larm.), goediguenn (Châl.).
75. Evorenn « bourdaine, » — en vannetais ivoenn (Troude), ivo
(Larm.).
76. Beuzel « bouse de vache, » — en vannetais boazil (Troude,
Chai.), bouzile- (Larm.).
77. Ber « broche » (Troude et Lag. 1 ; — en vannetais bir (Troude,
Châl.), bire (Larm.), vieil irlandais /)/>. Vi est devenu e dans la plupart
des langues néo-celtiques : moyen comique ber (Voc.), gallois moderne
bêr; en latin veru (Ir. gl., p. 149, n° 152; Ebel, Beitr., II, 156; Gr.
C, 2, p. $4) que M. Corssen, d'accord avec M. Benfey, tire de la racine
ghvar « tourner » {Krit. Nacht. p. 8 $-87)'.
78. Merenn « collation » (Troude et Lag.) ; — en vannetais mirenn
(Troude), mireenn, gallois moderne meryn « goutte, particule; » du latin
merenda.
79. Redek « courir, » redec (Lag.), red « course; » — en vannetais
ridek « courir » (Troude), rideec (Larm., Châl.) ; rid « course » 'Larm.),
rit (Châl.), gaulois rito-, dans petor-ritum, vieil irlandais rith, gallois
moderne rhcd, rhid. — Est identique le gaulois rito « gué, )) dans
Augusto-ritum; en vieux gallois rit; en comique rid {Voc.j, red; en
gallois moderne rliyd. Ainsi le latin vâdum <( gué, » et vâdo (( je vais, »
I. La consonne initiale de ces mots celtiques nous donnerait donc l'exemple d'un
changement de g en b, et non de v en b, comme le suppose M. Ebel. M. W. Stokes a
déjà fait cette observation.
Etude phonétique sur le dialecte breton de ViXnnes. 99
sont tous deux dérivés de la même racine 5a [Gr. C. ^, p. 12, ^9, 63,
71, 88; Gl. Taur., p. 40; cf. Corssen;, Kritische Beitr<£ge, p. 59; Cur-
tius, Gr. Etym.2, p. 415-416).
80. Enez « lie, » enesenn (Lag.); — en vannetais iniz 'Troudej, iniss
Larm.; Châl. écni enesen), vieil irlandais /«/5, moyen gallois ynys (Gr.
C. =, p. 88, 89 >.
81 . Levenez « joie ; » — en vannetais lehuine (Troude;, léhuiné Larm.),
lehuiné iChâl.), vieux gallois leguenid, gallois moderne llawenydd. cor-
nique lawenez, lawene, irlandais moderne lainne (pour lavinne), gaélique
loinn 'Stokes, Beitr., t. IV, p. 419, Gr. C.^, p. 128).
82. Bevenn « lisière « 'Troude et Lag.^ ; — en vannetais biliuen
Troude, Larm. .
85. Begel « nombril, » beguel (Lag. ' ; — en vannetais begil (Troude),
beguil (Larm., Châl.), gallois moderne bogail, comique begel.
84. Teval « obscur, » tefflial ; Lag.) ; ■ — en vannetais tiouel (Troude),
tihouêlc Larm. , tiouele (Châl. , gallois moderne tywyll, moyen comique
tivulgou « tenebrae, » comique moderne îewal « obscur, » vieil irlandais
temel « obscuritas; » comparez le sanscrit tamas « obscurité « (Ebel,
Beitr., II, 165; Stokes, Beitr., IV, 405; Gr. C. 2, p. 107; Gl. Taur.,
p. 40); cf. n^ 15.
85. Ger « parole, » guer fLag.i ; — en vannetais gir (Troude), guirr
(Larm.;, gii/r (Châl.) « cri, » gallois moderne ^a/V « parole, « moyen
comique ger [Voc. . En irlandais moderne et en gaélique ga:> signifie
« cri; » en sanscrit gir « voix, » racine gar, d'où grnâmi « crier. »
Gervel est dérivé de la même racine, voir plus haut, n" 41.
86. Pcsk u poisson, » pesq (Lag. ; — en vannetais pisk (Troude),
pissque Larm.; Châl. écrit cependant pes que] ; gallois moderne /Jj^g,
moyen comique pisc 'Voc.., comique moderne pysc ou pcsc] irlandais
moderne et gaélique iasg, latin piscis, gothique /Î5Â:[a]-5 (Ir. gl., p. ^8,
no 13; Ebel, Beitr., II, 168;.
87. Mesk « mélange ; » — en vannetais misk (Troude , missque (Larm.,
qui écrit aussi comme Châl. mesquein «mesler»); gallois moderne mysgu
« mêler, » et mysg a milieu, » comique moderne mysg <f milieu, »
irlandais et gaélique moderne measg « milieu, » measgadh « mélange, n
Comparez les verbes suivants : sanscrit miçrajâmi, grec [j.\t;<j}, latin
misceo, ancien haut-allemand miskiu (Curtius, Gr. Etym.^, p. 500,.
88. Bena « tailler la pierre, » benaff Lag.); — en vannetais binein
Troude, Larm., Châl.; ce dernier admet aussi benein).
89. Perenn « poire » 1 Troude et Lag. ; ; — en vannetais pirenn
100 Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes.
(Troude), pirann (Larni.j, pireenn Châl. , comique et gallois moderne
perann, latin piruni.
90. Pebr (c poivre » (Troude et Lag.); — en vannetais pibr (Troude,
Larm.), pibre (Châl.); gallois moderne pubyr; latin piper.
91. Kegeliad, « quenouille, » queiguel (Lag.j; — en vannetais kegiliad
(Troudej quegile 'Larm.) quegil 'Châl.) ; gallois moderne cogail, moyen
comique cigel voc), moyen irlandais cuigel, gaélique cuigeal, du bas
latin conucula pour colucula, diminutif de colus. L'allemand kunkel, le
français « quenouille » n'ont pas d'autre origine {/r. gi, p. 80, n" 567;
Diez, Wœrterbuch^, I, 138).
91. Kemener, «tailleur, » quemener (Lag.); — en vannetais keminer
queminérr (Troude), queminér, (Larm.), quemener (Châl., qui admet
aussi l'orthographe quemener , gallois moderne cymmynwr (tailleur de
pierre ou de bois), de com et de bena, binein Gr. C, p. 874;.
92. Tener, « tendre « (Troude, Lag.); — en vannetais ?//2er (Troude),
tinerr (Larm.), tinér (Châl.) ; gallois moderne tyner, latin tener.
95. Dena, « téter, « denaff [Lag.; ; — en vannetais dinein Troude,
Larm., Châl.); gallois moderne dyfnu, irlandais moderne dinim, cor-
nique moderne dena probablement pour dina). L'i remplace un a pri-
mitif, sanskrit dhajâmi, gothique daddja Curtius, Gr. Etym.^ p. 227).
94. Gwener, « vendredi », — en vannetais ç;n'//2er Troude), guincrr
(Larm.) ; gallois moderne didd gwener ; comique de gwenar, du latin
veneris.
95. Gwer, M verre, » guezr (Lag.) ; — en vannetais gwir ^Troude ,
guirr (Larm.), guir (Châl. qui admet aussi guer) ; gallois moderne gwydr,
comique gweder, du latin vitrum lequel paraît dérivé de la racine rid
«voir, savoir» (Curtius, Gr. Etym.~, 217;.
96. Lez, « cour, » les (Lag.) ; — en vannetais liss iLarm.), vieil
armoricain lis, moyen gallois lys, gallois moderne llys; comique lis et
les; vieil irlandais Us; comparez le français u lice, » « lisière » et le
vieux haut allemand lista, « bordure, limite, » irlandais moderne lias,
« maison » ; gaélique lios, « jardin » 'Gr. C.^, p. 89, 114, 1 57 ; Mise.,
p. 28; DieZ;, Wœrterbuch^, I, 251, 255; Littré, Dictionnaire, t. 11,
p. 298, 320; Ducange, v. licia, liciiZ, éd. Henschel, IV, 105). Suivant
nous, MM. Diez et Littré n'expliquent pas exactement l'origine des mots
français lice et lisière qui nous semblent d'origine celtique.
97. Eno, «• là )) (Troude, Lag.) ; — en vannetais inou - Troude,
Larm.); gallois moderne yno, moyen gallois endau <i in eo » {Gr. C.^
p. 581); comique ynno « in him or it » (Corn. Dict., p. 389), cf.
Gr. C.^, p. 382^ Il y a dans cet adverbe deux éléments : 1° la prépo-
Etude phonétique sur le dialecte breton de Vannes. loi
sition in de l'irlandais et du vieux gallois Gr. C, p. 579, 635), en, enn
en léonnais ; 2" le pronom suffixe de la troisième personne dau en moyen
gallois, do en comique, dou en vannetais. Dans le comique ynno le d
initial de ce pronom s'est assimilé à Vn final du pronom voir la règle
Gr. C, p. 147). Dans le vannetais inou, mieux innou, il y a eu aussi
nasalisation de la dentale, tandis que la dentale s'est changée en guttu-
rale spirante ou en simple aspiration dans les mots vannetais de-lwu « à
lui, )) ane-hou « de lui » (Guillome, Gramm., p. 33;, suivant une loi
spéciale au dialecte de Vannes. Le comique a, conformément à son
génie propre, remplacé la dentale par z ou th dans dozo, dotho « à lui, «
anozo, anotho « de Ini » [Gr. C.^, p. 142, 382). Le pronom suffixe don
aurait en léonnais do pour correspondant régulier. On ne le trouve que
dans eno pour enno = en-do. Ailleurs il est remplacé par daff, dan ;
exemple dezaff, dezhan, « à lui ; anezaf, anezhan, « de lui » (Gr. C.*,
p. 382; Troude, p. 549), Voir plus haut n° 25.
98. Enep, « contre, « signifiait « face, visage, » en moyen armori-
cain ; — en vannetais incp Guillome, Gramm. p. 90, Larm. écnt einep);
vieux gallois enep, « face )> ; moyen comique enep, « page » 'Stok.es,
Beitr., IV, 422 .
99. Enor, « honneur » (Troude, Lag. ,; — en vannetais mour (Larm.,
Châl. , du latin honor.
100. Le dialecte de Vannes fait en it et non en et les participes passés
passifs de certains thèmes terminés par des voyelles : ainsi le léonnais
deuet, <( venu, » a pour équivalent vannetais deit; roet, « donné, » reit;
koveseet, « confessé, )> covesseit (Guillaume, Gramm. p. 60, 68-70,
86-87 . Le comique fait ses participes passés passifs en is. L'ancien
irlandais place aussi quelquefois un / devant la dentale du suffixe : le
gallois n'employé que Vc dans cette circonstance 'Gr. C, p. 472, 528-
529; Gr. es p. 479).
Dans un certain nombre de ces exemples, 1'/ vannetais est plus an-
cien que Ve du dialecte de Léon; dans d'autres c'est le contraire qui a
lieu; en plusieurs cas la question doit, ce nous semble, rester indécise.
E du dialecte de Léon a pour équivalent en vannetais la voyelle 0
dans des mots où cette dernière lettre est primitive, savoir l'infinitif de
certains verbes :
ICI. Terri, « briser, » terriff iLag.), part, torret; — en vannetais
torrein Troude, Larm., Châl.) ; gallois moderne /or/, comique ?orry ;
comparez la racine grecque et latine ter dans Tsipto, tero, et la racine
sanscrite tar dans tar-una-s (Curtius, Gr. Etym."^, p. 201).
102 Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes.
102. Rei, « donner, » reiff (Lag. , part, roet; — en vannetais roein
(Troude) ; moyen gallois rhodom « dederimus » ; gallois moderne rhoddi
« donner « {Gr. C.^, p. 159.
103. Kregi, « saisir»; creguiff (Lag.., part, kroget, — en vannetais
krogein (Troude), croguein (Larm., Châl.i.
104.5^5/, « frapper «; 5i5'ue/^(Lag.), part, scoet ; — en vannetais
skoein (Troude), scoein (Larm.).
105. Leski, « brûler, » lesquiff Lag.), pan. losket; — en vannetais
loskein {Troude), lossquein (Larm.j, losquein (Châl. i ; gallois moderne
llosgi, comique loscy. Comparez le vieil irlandais loscad et le moyen
comique losc. (Voc), mots qui signifient <( brûlement » [Gr. C.^,
p. I2i; h. gi, p. 9i,n°737,,.
106. Régi, « déchirer, » part, roget, roguet (Lag.) ; — en vannetais
rogein 'Troude , ronguein Larm., Châl.). Peut-on comparer le français
«loque».'' Diez, Wœrterbuch^, II, 351, donne une autre étymologie.
107. Digeri, « ouvrir, » part, digoret ; — en vannetais digorein
(Troude, Larm.) ; gallois moderne agori, egori ; comique agcri, prétérit
agores.
108. Seni, « sonner, n part, sonct ; — en vannetais soncin (Troude),
sonnein (Larm.); gallois moderne 50/2, « bruit, » sonio, « faire du bruit,
parler » ; vieux gallois sain, pi. seiniau, « son, » gallois moderne scinio,
« faire du bruit » ; comique son, « bruit, parole » ; vieil irlandais son,
<<■ son, ;) sen, <( faire du bruit, » senm, « son » (Gr. €.-, pp. 86, 181,
228). Comparez le latin sonus, sonare, de la racine svan d'où en sans-
crit svanâmi « je fais du bruit, » svan-a-s « son. »
Viennent ensuite des noms dans lesquels la voyelle primitive est un 0
suivi d'une nasale.
109. Ejenn, « bœuf » ; — en vannetais ejonn (Troude), eijonn
(Larm.), ejon, ijônn fChâl.); moyen comique odion {Voc.', moyen gal-
lois eydyon, gallois moderne eidion {Gr. C.^, p. 90).
1 10. Drcmedal, « dromadaire » ; — en vannetais dromedal (Troude*.
Lag. conserve aussi l'o et écrit dromeder.
111. Merienenn, « fourmi, » meryenenn (Lag.;; — en vannetais
merionenn {Troude), merionneenn (Larm.), merionncnc (Châl.) ; moyen
comique menwionen (Voc), gallois moderne mywionen.
1 12. Kelienen « mouche, » quelyencnn (Lag. ;. — en vannetais kelionenn
(Troude), quelionnenn- {Larm.), quclionen (Châl.i, gallois moderne cylio-
nyn.
113. Le suffixe /c// est un de ceux au moyen desquels on forme le
pluriel dans le dialecte de Léon iLeGon., Granim., éd. de i8$o, p. 18).
Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes. loj
La désinence correspondante dans tous les monuments gallois et cor-
niques est ion ; on a signalé aussi deux exemples du suffixe ion dans les
monuments du dialecte de Léon qui représentent pour nous le moyen
armoricain Gr. C.^, p. 289-290. C'est le suffixe /o/2 qui est usité à
l'exclusion de ien en vannetais Guillome, Gram., p. lo-i ij.
E léonnais parait avoir pour équivalent ou en vannetais au singulier
du suffixe léonnais -cr, -erien, qui est en vannetais -our, erion dans un
grand nombre de mots 1 Guillome, Gramm., p. lo-i i).
115. Treic'her « passeur; )> — en vannetais treic'hour (Troude), trei-
hourr (Larm.), tréhour 'Châl.).
1 16. Arer « conducteur de charrue « (Troude et Lag.) ; — en van-
netais arour (Troude), aroure (Larm.).
iij. Kourrezer « corroyeur » (Troude et Lag.); —en vannetais
korreour 'Troude), correour 'Châl.).
118. Kigner « écorcheur; » — en vannetais kignour (Troude), qui-
gnour ('Larm.).
119. Farser « farceur; » — en vannetais /czr^oî/r (Troude), farçour
(Larm.).
120. Falc'honer « fauconnier; » — en vannetais /a/c'/zonour (Troude),
falhannour Larm.).
121. C'hoarier « joueur, » hoarier Lag.;; — en vannetais c'Iioariour
(Troude), hoariourr (Larm.), hoariour (Châl.).
122. Barner « juge « ('Troude et Lag.); — en vannetais barnour
(Troude et Larm.).
125. Gourinner « lutteur; » — en vannetais gourinnour (Troude),
gorinourr 'Larm.), gourénour (Chk\. .
124. Debrer a mangQuv ; » — en vannetais debrour (Troude), dai-
brourr 'Larm.j.
125. Pécher « pécheur » 'qui commet des péchés), pechezr (Lag.) ; —
en vannetais pec'hour (Troude , pehourr (Larm.).
126. Pesketaer a pêcheur» (qui prend du poisson), pesquezr 'Lag.);
— en vannetais pisketour (Troude), pisquour ('Larm.), pesquatour, pes-
quetuonr Châl.),
127. Plunjer « plongeur, » pluncher Lag.); — en vannetais plunjour,
plujour Troude , plujourr (Larm,).
128. Alc'houezer « serrurier, » alhuezer (Lag.); — en vannetais
alc'huezour -^Troude), alhuéour (Larm.).
Zeuss a établi que la voyelle primitive du suffixe léonnais cr est un a
long. Cet a long est devenu au en gallois ancien, awen gallois moderne,
1 04 Etude phonétique sur le dialecte breton de Vannes.
0 en comique, e en léonnais iCr. C, p. 797-798]. Il n'y a pas, que
je sache, d'exemple que 1'^ long primitif soit devenu ou en vannetais.
Doit-on en conclure que le suffixe du dialecte de Vannes soit différent
de celui qui est usité dans le dialecte de Léon ? Le suffixe léonnais peut,
ce semble, s'expliquer par deux suffixes primitifs, identiques l'un au
latin -ârius, l'autre au latin -âtor; le premier serait le plus fréquent,
cependant 1 2 ^ pedher « pêcheur^ » en moyen armoricain pechezr, suppose
un primitif /)ecC(îf[o]r. Le vannetais aurait donné la préférence au suffixe
-ator et l'aurait traité comme l'a fait la langue française, en supprimant
les deux premières lettres et en faisant d'o une longue : -atôrem =
« -eur. » Or, -eur français égale « -our » dans le vannetais inour ^ hon-
neur. » Nous dirions donc : 1 16 arer, léonnais « laboureur, » = ara-
rius; arour, vannetais, = ar[at]orem; 125 pec^lier, léonnais, = pecca-
[to]r; pec'lwur, vannetais, = pecc[at]orem.
Cette explication du suffixe vannetais n'est qu'une hypothèse. Peut-
être le suffixe vannetais est-il tout simplement le suffixe gallois ur, ht,
par un u bref {Gr. C, p. 796) qui se prononce ou en armoricain {Gr.
C, p. 92).
1
E léonnais paraît être remplacé par oue, oui, dans deux mots vanne-
tais :
1 29. Grek « femme ; » — en vannetais groaek î'Troude;, grouic (Châl.)
Le mot léonnais grek est une forme contractée de gruec (Lag. et Gr. C. ^.
p, I ^4) dont Vu se prononce ou en vannetais. La présence de cet u =
ou après l'r est le résultat d'une métathèse qui s'était déjà produite dans
le moyen comique grucc (Voc). Le vieux gallois gurehic, le vieil irlan-
dais/race (Gr. C. ', p. 5 3) en donnent la preuve. Le gu initial du gallois,
Vf irlandais remplacent un v primitif.
130. Eet « allé; » — en vannetais oueit Guillome, Gramin., p. 84 .
Eet se dit par assimilation pour ^c/(Stokes, Middle breton irregular verbs,
p. 41). Je ne prétends pas essayer une explication que le savant celtiste
n'a osé donner.
E léonnais est remplacé en vannetais par // dans les mots que voici :
131. Bugel (C berger, » buguel (Lag.); — en vannetais bugul (Troude,
Larm., Châl.), gallois moderne bugail, vieil irlandais bochail, moyen 1
comique bugel iVoc;. dérivé probablement d'un thème gaulois /'ou- iden-
tique à celui du grec fioj; ou du latin bos (Ebel, Beitr., II, 1 56; Stokes,
Jr. gl.,p. 81, no 583; Gr. C. ^ 23).
132. Gleb « humide; » — en vannetais glub (Troude, Châl.), glubb {
Etude phonétique sur le dialecte breton de Vannes. 105
(Larm.). Les deux formes s'expliquent par une plus ancienne glueb
(Lag.) dont le léonnais moderne a gardé Ve tandis que le vannetais
préférait Vu. Il y a eu dans ce mot métathèse de 17 comme dans n" 1 29
métathèse de IV. On dit en effet en vieux gallois gulip et en irlandais
fliuch (Stokes, Ir. gi, p. 87, n" 675 ; Beitr., IV, 495 ; Gr. C. ^ p. 15?,
,48).
155. Teurel « jeter, » teurell (Lag.); — en vannetais turul (Troude,
Châl.), îurull (Larm.).
1 34. Em dans en em « se; » — en vannetais hum (Guillome, Gramm.,
p. 35). C'est une préposition qui indique la réciprocité. La voyelle
primitive est a; elle est devenue, 1" i en vieil irlandais et en vieux gal-
lois, 2° 0 en vieux gallois, 3° y en gallois moderne (Gr. C, p. 847,
870; Gr. C. S p. 90). Cette préposition parait identique au gaulois
AMB! {Gr. es p. 5 .
La présence de l'a dans le premier et les deux derniers mots vannetais
serait probablement due à l'influence de la consonne qui suit.
On peut expliquer par l'influence de la consonne précédente la diph-
thongue qui se remarque en vannetais dans le mot suivant :
135. Pemp « cinq, » (Troude et Lag.); — en vannetais puemp
(Troude, Larm.; Châl. et Guillome àhent pemp), gaulois pempe, vieux
gaWohpimp (Gr. C.^, p. 517; Ir. gi, p. 95, n^j-jS; Cuno, Beitr., IV,
104).
H. d'Arbois de Jubainville.
KONTADENNO AR BOPL EN BREIZ-IZEL.
KOADALAN.
lEZ TREGER.
Ur wez a oa daou denig hag a defoa ur mab digwet gant he bemzek
pe c'houezek vloaz. Ha 'velma oant paour hag ho defoa poan braz o vewa, un
dez a larjont d'ékan : — Rèd a vo did, ma faotr, mont un tu bcnnag da
c'honid da voued. — Mal a lâras ar paotr, mont a rin.
Ewenn Koadalan a oa he hano, ével hé dad.
He dad a ro d'éhan tric^houec'h dîner, he vamm, un anter-dousenn gram-
poez, hag ec'h a-kuit ar paotr.
Pa oa 0 vont gant ann hent, a tigwezas gant-han un aotro gwisket kaer,
pini a laras d'ehan :
— Pelec'h ec'h ez ével-se, ma faotr!'
— Da vale-bro ; da glask da c'honid ma boued.
— Mar kares dont ganen /
— la a-walc'h, na ran ket a forz gant pion.
— Goud a rez lenn ?
— Un tammig, met nann kalz.
— Neuzé na out ket ann hini a glaskan, mar ouzoud lenn.
Hag ec'h eaz ann aotro a-rok.
— Sell! a laras neuzé Koadalan d'ehan he-unan, na tléjenn ket bca
lâret a ouzoun lenn; me a vije bet mad gant aotro-se. Rèd eo d'in trci ma
chupenn war ann tu-gill ha mont d'hen diarbenn; na anaveo ket an-hon.
Ober a ra ével-se, lakad he chupenn war ann tu-gill, redek dré ar parko
hag em gavoud are diarok ann aotro war ann hent.
i. Ce conte est un de ces nombreux récits populaires, transmis par la tradition orale, et
qui font le charme de nos chaumières et de nos manoirs bretons durant les veillées d'hiver.
11 a été recueilli sous la dictée du conteur et traduit avec une grande fidélité sur le texte
authentique.
i
CONTES POPULAIRES DES BRETONS ARMORICAINS.
KOADALAN
DIALECTE DE TRÉGUIER.
Il y avait une fois deux pauvres gens qui avaient un fils âgé de quinze
ou seize ans. Comme ils étaient pauvres et qu'ils avaient beaucoup de
peine à vivre, ils dirent un jour à leur enfant : — Il te faudra, mon fils,
aller gagner ton pain quelque part.
— C'est bien, répondit le gars, j'irai.
Il s'appelait Yves Koadalan.
Son père lui donna dix-huit deniers, sa mère, une demi-douzaine de
crêpes, et le gars partit.
Comme il s'en allait, sur la route, il rencontra un seigneur bien mis,
qui lui dit : — Où vas-tu comme cela, mon garçon ?
— Voyager, pour chercher à gagner mon pain.
— Veux-tu venir avec moi ?
— Je veux bien; peu m'importe avec qui.
— Sais-tu lire ?
— Un peu, mais pas beaucoup.
— Tu n'es pas celui que je cherche, si tu sais lire.
Et le seigneur poursuivit sa route.
— Tiens! se dit alors Koadalan, je n'aurais pas dû dire que je sais
lire; j'aurais été bien avec ce seigneur-là. Il faut que je retourne ma
veste, pour aller au-devant de lui ; il ne me reconnaîtra pas.
Il fait ainsi ; il met sa veste à l'envers, court à travers les champs et
se retrouve sur la route au-devant du seigneur.
Le nom de Koadalan, traduit en français, serait Bois-Allain; — mais je doute fort que
ce soit là le nom primitif, car nos conteurs populaires ont \a fâcheuse habitude de chan-
ger arbitrairement les noms, ceux des personnages comme ceux des lieux, et de leur subs-
tituer d'autres noms, généralement connus de leur auditoire.
io8 Koadalan.
— Pekc'h ec'h ez ével-sé, ma jaotr? a lâr are ann aoîro iVehan.
— Da vale-bro, da glask hara da c'honid.
— Dont a raes ganen ?
— la a-walc'h.
— Goud a rez lenn?
— Na ouzoun ket da! Ma zud a zo re-baour ewlt ma c'hass d\ir skôl.
Neuzé a krogas ann aotro en-han hag a savas gant-han en er, uhel, uhel.
Diskenn a eure gant-han e-kichenn iir c'hastell-kaer, en un aie vraz, lec'h ma
oe souezeî o welet skrivet war delio ar gwez : — Ann hini a antre aman, na
sorti kén. — Ma teuas c'hoant d'ehan monî-kuit, metpenoz? Antrena reont
ho daou bars ar c'hastell; debri hag eva a reont, ha goudé koan, a kousk
mad en ur gwélé-plun.
Ann dewarlerc'h ar heure a lâr ann aotro d'ehan :
— Arsa ma faotr, me a ha hreman en hent, wit un dro am euz da ober,
hag a renki chomm da unan aman épad un dez hag ur bloaz. Na vanko
netra d'id en ti-ma ; sell aman ur zerviedenn, ha p'as bo c'hoant a un dra
bennag da debri pé da eva, n'as bo netra da ober nemet lâret d'ehi : — Ser-
viedenn, gra da dever; digass d'in ann dra-ma-dra! — Ha kerkent a
tigwezo ar ,pez as bo goulennet. — Deuss ganen breman, ma tiskouezin d'id
da labour bemdé.
Hag hen kassas d'ar geginn, lec'h ma oa ur pot-houarn braz-braz war ann
tan : — Sell azé ur pot-houarn hag a renki dewi indan-han diou gordenn-
goad bemdez; ha na euz forz petra a glewi en-han, na selaou ket, ha gra
tan bépred. Eomp breman d'ar marchosi. Sell azé ur gazek treut, hag ur
fagodenn-spern dira-z-hi, cl lec'h mclchon. Met ur pred-all a défé c'hoaz.
Sell aman ur vaz gargal ewit hi dorna, ken a c'houezi. Kommcr ar vaz, ha
gwelomp ha te a oar skei.
Ha Koadalan da skei war al loen-paour euz he wella.
— Mad, mad, na sko'és ket fall. — Breman a weles aman un eubeul
iaouank, hag a vo rèd d'id rei melchon ha kerc'h d'ehan, kement ha ma karo
debri. — Eomp breman d'ar c'hambrjo. Sell aman unan ha na digori
ket, ha hoinan-all ken-neubeud. Sell mad, rag mar tigwezfé d'id digori
unan ann diou gambr-se, gwaleur d'id! Ar re-all holl a c'halli da digori ha
baie dré ar c'hastell ével ma kâri.
Pa hen doe lâret kement-se holl, cc'h eaz-knit.
— Arsa en ti biou on-mc aman iwcf' En ti ann Diaoul, martézc. Met
gwelomp da genta hag a ve gwir ar pez hen euz lâret euz he zerviedenn. —
Serviedenn, gra da dever! Digass d'in kig-moc'h, ha rost, ha gistr mad ha
gwinn! — Ha kerkent a cm gavas ann trco-sc holl war ann daol.
Koadalan. 109
— Où vas-tu comme cela, mon garçon ? lui dit encore celui-ci.
— Voyager, pour chercher à gagner mon pain.
— Voudrais-tu venir avec moi .-'
— Volontiers.
— Sais-tu lire ?
— Non certainement; mon père est trop pauvre pour m'envoyer à
l'école.
Le seigneur le saisit alors et s'éleva avec lui en l'air, très-haut. Il des-
cendit près d'un beau château, dans une grande avenue, où Koadalan
fut bien surpris de voir écrit sur les feuilles des arbres : — Celui qui
entre ici, n'en sort plus. Ce qui lui donna l'envie de s'en aller ; mais
comment.? Ils entrent ensemble dans le château; ils mangent ensemble
et, après le souper, Koadalan dort bien dans un lit de plume.
Le lendemain matin, le seigneur lui dit :
— Or ça, mon garçon, je vais partir maintenant pour un voyage que
j'ai à faire. Tu resteras seul ici pendant un an et un jour. Rien ne te man-
quera dans cette maison. Voici une serviette et, quand tu voudras man-
ger ou boire, tu n'auras qu'à lui dire : « Serviette, fais ton devoir;
apporte-moi telle ou telle chose ! » et aussitôt arrivera ce que tu auras
demandé. Maintenant, suis-moi, pour que je te montre ton travail de
chaque jour.
Et il le conduisit d'abord à la cuisine, où il y avait une grande marmite
sur le feu. — Voilà une marmite sous laquelle il te faudra brûler deux
cordes de bois par jour, et n'importe ce que tu y entendras, n'écoute pas
et fais toujours du feu. Allons maintenant à l'écurie. Voilà une jument
maigre qui a devant elle un fagot d'épine, en guise de trèfle. Mais on
lui donne encore un autre régal. Voici un bâton de houx avec lequel
tu la battras, jusqu'à ce que tu sues. Prends le bâton, et voyons si
tu sais frapper.
Et voilà Koadalan de battre la pauvre bête, de toutes ses forces.
— Bien, bien! tu ne frappes pas mal. Tu vois ici, à présent, un jeune
poulain auquel il faudra donner du trèfle et de l'avoine autant qu'il en
voudra manger. Allons maintenant voir les chambres. En voici une que
tu n'ouvriras pas; ni cette autre non plus. Regarde bien, car si tu
venais à ouvrir une de ces deux chambres, malheur à toi! Toutes les
autres, tu pourras les ouvrir et te promener partout dans le château.
Après avoir fait toutes ces recommandations, le seigneur partit.
— Or ça, chez qui donc suis-je ici ^ se dit alors koadalan; chez le
Diable, peut-être ? Mais, voyons d'abord si ce qu'il m'a dit de sa ser-
viette est vrai. — Serviette, fais ton devoir! apporte-moi du lard et du
110 Koadalan.
— Hoïa! a-vad, a laras neuze, mad co ann dro! Em vczwi a reaz, hag a
chommas kousket war ann daol. Pa dihunas, en-bezr : — Poent braz eo
d'in, éméhan, ober ma labour!
Ha setu-han da ober tan, un ian-ifern, indan ar pot-houarn-braz. Hag
a klewé ebars un drouz vraz ével huanado ha klemmo ineo en poan. Met na
rez ket a galz van, hag ec'h eaz neuzé d'ar marchosi. — Rei a ra melchon
ha kerc'h d'ann eubeul iaouank, ha goudé a km he chupenn, a krog er vaz
gargal, hag a em laka da dorna Théréza euz he wella. {Théréza a oa hano
ar gazek treut.)
— Paoues, den-jall! bez truez ouzin! a lâr ar gazek.
— Petra, c'hui a gomz iwé?
— la, rag me na on ket bel a bep-amzer ur gazek eveî ma 'z on breman,
siouas !
— En ti biou ec^h on aman iwé éta, ma komz al loened ével ann dut?
— En ti brasa majisian a zo war ann douar, ha mar na gares diwall, a-
benn un dezhag ur bloaz a cVwarvezo ganid evelganen, ha martéze gwasoc'h
clioaz.
— Ha na ve ket gallet kavoud ann tu da em dcnna a-c'hanf'
— Diez a vé ; ha koulzgoudé ma karfes ober holl evel ma lârin d'id, ec^h
halfemp martézé em denna c'hoaz euz a grabano ann Diaoul-sé.
— Lâret d'in buhan, rag me a zo prest da ober holl ewit mont a-c'hann.
— Ké prim d'ann diou gambr a zo difennet ouzid ho digori, hag a kavi
eno tri levr ruz, daou en unan, unan en ében. Digass ganid ann tri levr-se,
hag evel ma ouzoud lenn, a vi gant-he brasa majisian a zo war ar bed, ha
mestr ar c'hastell-man a gollo gant-hé he holl c'halloud.
Mont a ra Koadalan d'ann diou gambr difennet, hag a tigass gant-han
ann tri levr ruz.
— Mad! émé Dereza; lenn breman al levrio.
Lenn a ra, ha dre ma lenné, a wélé treo sponiuz, heuzuz; met dcski a re
iwe a bep-seurt treo, ha dreist-lioll ann tu da em drei er stumm hag en doaré
ma karjé.
— Breman, émé Déréza, a zo un aigl azé war ann tour brasa, hag hen-
nés, pa hon gwelo o partia, a em lako da ober kement a drouz gant he
diou-eskel, ha da grial ken krenv, ma klewo ar majisian, na euzforz pelec'h
a vo, hag a teuio d'ar gèr kerkent. Rèda vo did erre'i d'ehan he diou-eskel
hag he benn être he diouskar. Kousket eo breman.
Koadalan. 1 1 1
rôti, et de bon cidre et du vin! Et aussitôt tout cela se trouva sur la
table. — A merveille! dit-il alors, tout va bien. Et il s'enivra et s'endormit
sur la table. Quand il se réveilla : Il est grand temps, se dit-il, que je
me mette à l'ouvrage!
Et le voilà de faire du feu, un feu d'enfer, sous la grande marmite.
Et il y entendait un bruit étrange, comme des soupirs et des plaintes
d'âmes en peine. Mais il s'en inquiéta peu, et il se rendit à l'écurie. Il
donna du trèfle et de l'avoine au jeune poulain, puis il ôta sa veste,
prit le bâton de houx et se mit à battre Thérèse de son mieux. (C'était
le nom de la jument maigre.
— Arrête, méchant, aie pitié de moi! cria la jument.
— Comment, vous parlez donc aussi, vous ?
— Oui, car je n'ai pas été toujours une jument, comme je le suis
maintenant, hélas!
— Chez qui donc suis-je ici, où les bêtes parlent comme les hommes?
— Chez le plus grand magicien qui soit sur la terre, ..et si vous ne
voulez prendre bien garde, il vous arrivera comme à moi-même, et peut-
être pis encore.
— Et ne peut-on donc sortir d'ici ?
— C'est difficile ; et pourtant si vous voulez faire comme je vous
dirai, peut-être pourrions-nous échapper tous les deux à la griffe de ce
démon.
— Dites-moi, vite, car je suis prêt à tout faire pour sortir d'ici.
— Allez aux deux chambres qu'on vous a défendu d'ouvrir, et
vous trouverez là trois livres rouges, deux dans une des chambres, un
seul dans l'autre. Prenez et emportez ces trois livres, et, puisque vous
savez lire, avec eux, vous serez vous-même le plus grand magicien du
monde, et, en les perdant, le maître de ce château perdra aussi tout son
pouvoir.
Koadalan se rendit aux deux chambres défendues et prit les trois
livres rouges.
~ Bien! dit Thérèse; lisez à présent ces livres.
Koadalan se mit à lire, et, à mesure qu'il lisait, il voyait des choses
effrayantes, horribles; mais il apprenait aussi toutes sortes de secrets,
et surtout la manière de prendre telle forme et telle ressemblance qu'il
lui plairait.
— Maintenant, reprit Thérèse, il y a là un aigle au sommet de la
plus grande tour, et celui-là en nous voyant partir fera un tel vacarme
avec ses ailes et poussera des cris si retentissants, que le magicien l'en-
112 Koadalan.
Mont a ra Koadalan da glask kerdenn da erreï he diou-eskel hag he benn
d'ann aigl, hag a teu are da gavoud Thérésa.
— Breman a vo rèd d'id lakad ann tan en ur bern-koad a seiz-ugent
kordenn a zo azé bars ar porz.
Lakad a ra ann tan er c'hoad, ha seîu un tan-if ern!
— Breman a zo azé ur c'hloc'h, hag a zôn anehan he unan, pa c^hoarve
un dra-bennag a newez er cViastell, hag a vo rèd d^id hen dideoda hag hen
stoufa neuze gant stoup.
Dideoda a ra Koadalan ar c'hloc'h, hag hen stoufa gant stoup.
— Breman, ewit dont da vea ur Prinz kaer, kerz da walc'hi da benn en
ur feunteun a zo azé en traon ar porz.
Gwalc'hi a ra he benn er feunteun, ha kerkent he vleo a deu da vea alaouret
holl.
— Breman stag d'in plouz ha stoup indan ma zreid, 'wit na rin ket a
drouz war bave ar porz, o vont-kuit.
Ober a ra h are.
— Tap breman ann éponj, ann torch-plouz hag ar skrivell, — ha dreist-
holl na ankouaz ket ann tri levr ruz. — Gret eo.
Pign war ma c'hcin breman hag eomp-kuit buhan.
Ann aigl na hell ket kriall, ar c'hloc'h na zôn ket iwé, ha setu-int o vont
d'ann daou-lamp ruz!
Pa oant et ur pennad, a lâr Theresa da Koadalan.
— Sell war da lerc'h; na weles netra o tont?
— Eo; ur bagad chass; hag a réd, hag a réd!
— Toi buhan ann torch-plouzwa da lerc'h.
Teurrel a ra ann torch-plouz, hag ar chass a lamp warnehan hag a réd
d'hen kass d'ar gèr.
— Sell war-da-lerc'h, — a lâr are Thérésa ur pennadig goudé, na weles
netra /
— Nann sur, met ur goummoulenn a deu war-n-omp, hag a zo ker du,
ma téféla ann dé gant-hi.
— Ar majisian a zo en kreiz ar goummoulcnn-se ! toi buhan ar skrivel.
Teurrel a ra ar skrivel, hag ar majisian a ziskenn euz ar goummoulenn, he
zap hag ec'h a d'he c'hass d'ar gèr.
— Sell c'hoaz war da lerc'h, a lâr are Thérésa, ur pennadig goudé, na
weles netra ^
— Eo! ur bagad brini, hag a deu war-n-omp a dcnn-askel!
— Toi buhan ann éponj!
Koadalan. 115
tendra, n'importe où il sera, et il accourra aussitôt. Il faut lui lier les ailes
et la tête entre ses jambes. Il dort à présent.
Koadalan alla chercher des cordes, pour lier les ailes et la tête de
l'aigle, puis il revint vers Thérèse.
— Maintenant il faut mettre le feu à un tas de bois de cent quarante
cordes qui est là dans la cour.
Koadalan mit le feu au tas de bois, et voilà un feu d'enfer !
— Il y a encore là une cloche qui sonne d'elle-même, quand il y a
quelque chose de nouveau au château ; il faut lui enlever la langue (le
battant), puis la bourrer d'étoupe.
Koadalan enleva la langue de la cloche et la bourra d'étoupe.
' — Maintenant, pour devenir un beau prince, allez vous laver la tête
dans l'eau d'une fontaine qui est là au bas de la cour.
Il se lava la tête à la fontaine, et aussitôt ses cheveux devinrent d'or.
— Maintenant, garnissez mes pieds de paille et d'étoupe, pour que
je ne fasse pas de bruit sur le pavé de la cour, en partant.
Il fait encore cela.
— Prenez maintenant l'éponge, le bouchon de paille et l'étrille, et
surtout n'oubliez pas les trois livres rouges. — C'est fait. — A présent,
montez sur mon dos, et partons, vite.
L'aigle ne peut plus crier, ni la cloche sonner, et ils partent au triple
galop (littéralement : galop rouge).
Au bout de quelque temps, Thérèse dit à Koadalan :
— Regardez derrière vous; ne voyez-vous rien venir?
— Si, une meute de chiens; et ils courent, ils courent!
— Jetez, vite, le bouchon de paille derrière vous.
Il jette le bouchon de paille, et les chiens sautent dessus et courent le
porter au château.
— Regardez encore derrière vous, dit Thérèse un moment après; ne
voyez-vous rien ?
— Je ne vois qu'un nuage qui vient sur nous, et il est si noir que le
jour en est obscurci ?
— Le magicien est au sein de ce nuage! Jetez, vite, l'étrille derrière
vous.
Il jette l'étrille; le magicien descend du nuage, la prend et la porte au
château.
— Regardez encore derrière vous, dit encore Thérèse un moment
après, ne voyez-vous rien .?
— Si, une bande de corbeaux qui viennent sur nous à tire d'aile.
— Jetez, vite, l'éponge !
8
114 Koadalan.
Teurrel a ra ann cponj, hag ecli a ar brini d'hen kass d'ar c'hastell.
Skiiiza a ré Thérésa baour; met Icun a ou a galon.
— N^hon eux ken nemet c'houezek lew da ober, emehi, ewit tapout ar
sier, ha mar gallomp hi zrémenn, ez oinp zalwet, rag nVien défo galloud
a-bed neuzé ar majisian war-n-omp; met sell bepred war da lerc'h; na
weles nétra?
— £o, ma Doué! m c'hi-barbet da war lion zeulio !
Pa oa Thérésa o lampad bars ar ster, a oa iwe ar c'hi-barbet du o kregi
en hé lost, ken a chommas gant-han leiz he c'heno a reun. Met un tammig
re-divezad a oa !
— Un toi mad eo d'id, eméhan, o skrigna he dent, bea et diwar ma
douar!
— la, met breman me a ra goap anout, ha da dri levr ruz a zo ganen!
— la, siouas! met ar re-se a deuio c'hoaz d\ir gèr.
— Gwelet a vo /
Hag ar majisian d'ar gèr neuzé, fuloret braz hag oc'h ober tan ha
kurun !
Ann daou-man a dalc'h da vont bépred, met war ho jouez breman, hag
hep née' hamant a-bed. Pa oent digwêt en ur c'hoad, e-kichennurroc'hellvraz-
vraz, Thereza a gromzas évelhenn :
— Bréman a vo rèd d'id ma lac' ha.
— Jezuz! petra a laret? bikenn n'am bô a galon da ober-se.
— Rèd a vô hen ober, pa laran d'id, pé na àalveo netra holl kement hon
euz gret bété vréman. Diwad an-hon dré ma gouk, digor neuzé ma c'hôf, hag
a weli petra a c'hoarveo.
Lac'ha a ra Koadalan Thereza, digcrri a ra d'chi he c'hoj, ha kerkent a
well 0 tont e-meaz hag o sével en hé gichenn ur brinses ar gaera.
— Mé, éméhi, a zo merc'h d'ar roue Naplez; met mé n'oun kct cwit-oud;
kaeroc'h ewit-on a tlé bea da bried, merc'h ar roue Spagn. Met na euz forz
pegoulz as po ezomm a zikour, deuss aman étal arroc'hell-man, lâr ter gwez:
Théréza! Théréza! Théréza! hag a teuin kerkent.
Kimiadi a reont neuzé ann eill euz égilé, en ur ocla. Met lezomp breman
ar brinses, ha hcuillomp Koadalan.
— Ar pez am euz da ober, a laras neuzé d'ehan he-unan, eo mont étrézeg
ar Spagn, pa eo gwir eman eno danvez ma fried. Met dré bélec'h ? pa na
ouzon hent a-bed.
Hen cm wiska a ra evel ur prinz {gant hé dri levr ruz, a oa chommet
Koadalan. 115
Il jette l'éponge ; et les corbeaux vont la porter au château.
Cependant la pauvre Thérèse était bien fatiguée; mais elle était
pleine de courage.
— Nous n'avons plus que seize lieues à faire, dit-elle, pour atteindre
la rivière, et si nous pouvons la passer, nous serons. sauvés, car alors le
magicien n'aura plus aucun pouvoir sur nous ; mais regardez encore
derrière vous, ne voyez-vous rien?
— Si, mon Dieu ! un chien barbet noir qui est sur nos talons !
Au moment où Thérèse sautait dans la rivière, le barbet noir mordait
à sa queue, si bien qu'il lui en resta des crins plein la bouche ! Mais il
était un peu trop tard !
— Tu es bienheureux, dit-il, en montrant les dents, d'être sorti de
mes terres !
— Oui, répondit Koadalan, mais maintenant je me moque de toi, et
j'ai tes trois livres rouges.
— Oui, malheureusement; mais ces livres-là reviendront à la maison.
— Nous verrons bien cela.
Et le magicien partit en fureur, faisant feu et tonnerre !
Koadalan et Thérèse continuent leur chemin, mais tout à leur aise
maintenant, et libres de tout souci. Arrivés près d'une grande pierre,
dans un bois, Thérèse parla ainsi :
— Maintenant il vous faudra me tuer.
— Dieu! que dites-vous là.? Je n'aurai jamais le courage de faire
cela.
— Il faudra me tuer, vous dis-je, ou tout ce que nous avons fait jus-
qu'à présent, sera peine perdue. Saignez-moi au cou, ouvrez-moi
ensuite le ventre, puis vous verrez ce qui arrivera.
Koadalan tue Thérèse, il lui ouvre le ventre et est bien surpris d'en
voir sortir une princesse d'une beauté merveilleuse!
— Je suis, lui dit celle-ci, la fille du roi de Naples; mais je ne vous
suis pas destinée; une autre, bien plus belle que moi, sera votre femme,
la fille du roi d'Espagne. Mais n'importe en quelle occasion vous aurez
besoin de secours, venez ici et dites trois fois : « Thérèse ! Thérèse !
Thérèse! et j'arriverai aussitôt.
Ils se font alors leurs adieux, les larmes aux yeux. Mais laissons
maintenant la princesse, et suivons Koadalan.
— Ce que j'ai de mieux à faire à présent, se dit-il à lui-même,
c'est de me diriger vers l'Espagne, puisque c'est là que se trouve celle
qui doit être ma femme. Mais quel chemin prendre ?
Il s'habille alors en prince (avec ses trois livres rouges, qu'il avait
ii6 Koadalan.
gant-han, a ré ével ma karê) hag a tigwez hep-dalé er Spagn. Mont a ra
raktal d'ar paies, hag a c'houlenn komz gant ar roue. Ar roue hen digom-
iner mad, dré ma sonjé gant-han a oa mah ar roue Franz, he niz, a
hehini hen defoa kommerret ar strumm hag ann neuz.
Daoïi pe dri dé goudé ma oa oa digwêt, pa oa un dez o valé dre ar jar-
dinn gant ar Roue, a c'houlennas diout-han :
— Petra, ma eontr, me a sonjé d'in penoz ho poa ur verc'h iwé ?
— Nann a vad, ma niz, n'am euz merc'h a-hed.
Bea hen defoa unan, met na c'houlenné ket a vijé gouvéet, hag hen defoa
hi dastummet en un tour, gant ur plac'h ar gamin. Ur wez bemdez ec'h ee
da welet he verc'h, met na ee den a-hed nemet-han.
Ann dewarlec'h pa oa Koadalan o valé are bars ar jardinn gant he éontr,
a oe souezet o welt ur voul-aour o ruillal war ann aie hag o tont da stoka
euz beg he votez.
— Petra eo ar voul-aour-man, éméhan?
— Netra, eméar roue.
— Boul aour he verc'h a oa, péhini a oao c'hoari war lein ann tour gant hc
flac'h ar gambr, hag a defoa tolet he boul d'ann traon, pa defoa gwelet ur
prinz kaer o vale er jardinn gant he zad. Koadalan hen defoa gwelet anchi
iwé. — N'euzforz, éméhan, abred pe diwezad me a gavo ann tu da gomz
gant-hi.
Sével a ra ann noz-se da anter-noz, ha gant he levrio a kav ann tu da
vont béteg he dor, hep bea gwelet na klevet gant nikun. Skei a ra war ann
or: tok! tok! tok!
— Aman na ve digoret da den; piou oc'h-c'hui?
— Mab ar roue Franz.
— Mab ar roue Franz, ma cVienderv! ncuzé a vo digoret d'ac'h.
Hag a tigoras dchan, hag a em bokjont evel kenderv ha keniterv, hag a
chommas gant-hi en he c'hambr bete ma tarzas ann dé. Hag a boe, a tcuc
bebnoz, bebnoz, ha den na wié nctra. Setu ma em gav dougéres ar brinscs.
Ar roue ac'h ée bemdez iwé d'hi gwelet hag evel ma kavé a wella'é, a lâras
dehi un dé :
— Vad a ra ho poued d'ac'h, ma mercVi.
— la sur, ma zad ; ha neuzé n'am euz more' lied gant netra.
Dont a ra ann amzer iwé ma renk gwillioudi, hag a c'han ur mab bihan
ar c'haera. Met setu pa deu a roue, evel bemdez, ha pa wel ur bugel bihan
en ur c'hawel, hag he verc'h klanv en hé gwélé, ez eo terrupl fuloret, hag
Koadalan. 117
conservés, il faisait tout ce qu'il voulait), et il- se trouve sans tarder -en
Espagne. Il se présente aussitôt au palais du roi et demande à lui parler.
Le roi lui fait bonne réception, parce qu'il le prend pour son neveu, le
fils du roi de France, dont Koadalan avait pris la mine et les manières.
Deux ou trois jours après son arrivée, comme il se promenait un jour
avec le roi dans son jardin, il lui demanda :
— Comment, mon oncle, je croyais que vous aviez une fille ?
— Non, mon neveu, je n'ai pas de fille.
Il en avait une, mais il ne voulait pas qu'on le sût, et il la tenait
enfermée dans une tour avec une femme de chambre. Il allait la voir
une fois par jour; mais il allait toujours seul.
Le lendemain, quand Koadalan était encore à se promener dans le
jardin avec son oncle, il fut tout étonné de voir une boule d'or rouler sur
l'allée et venir heurter contre son pied.
— Qu'est-ce que cette boule d'or ? dit-il.
— Ce n'est rien, répondit le roi.
C'était la boule d'or de sa fille, qui jouait aux boules avec sa femme
de chambre sur la plateforme de sa tour et qui avait jeté cette boule à
dessein dans le jardin, quand elle avait vu le beau prince qui s'y pro-
menait avec son père. Koadalan aussi avait remarqué la princesse. —
Tôt ou tard, se dit-il, je trouverai moyen de lui parler.
Il se lève à minuit, et, grâce à ses livres, il arrive à la porte de la
chambre de la princesse, sans être vu ni entendu de personne. Il frappe
à la porte : tok! toki...
— Ici on n'ouvre à personne. Qui êtes-vous ?
— Le fils du roi de France.
— Le fils du roi de France, mon cousin ! alors l'on va vous ouvrir.
Et la princesse lui ouvrit, et ils s'embrassèrent comme cousin et cou-
sine, et il resta avec elle dans sa chambre jusqu'au point du jour. Et,
dans la suite, il y revint chaque nuit, sans que personne en sût rien.
Mais la princesse se sentit bientôt mère. Le roi continuait de la visiter
tous les jours et, remarquant qu'elle prenait de l'embonpoint, il lui dit
un jour :
— Votre nourriture vous profite, ma fille.
— Oui, sûrement, mon père; et puis, je n'ai souci de rien.
Le temps arrive où il lui faut accoucher, et elle donne le jour à un
fils, un enfant superbe. Quand vient le roi, selon son habitude, et qu'il
voit l'enfant dans son berceau, et sa fille malade dans son lit, il entre
dans une colère terrible, et il part en jurant. Malgré tout, il n'en dit
!i8 Koadakn.
ec'h a-kuit, o toui-Doué. Na lâr netra wit-sé d'he niz. Met vcl ma. oa dent
da vea trist ha morc^heduz, heman a lâras d'ehan un dé :
— Perag ma eontr, ma '; oc' h evel-se trist ha morc'heduz ur pennad ':o?
— Allas! urverc'h am euz, hag am boa hi fhazet cuz ann holl; den na
wélé anehi, német-hon hag he flac'h argambr, ha kolzgoudé a deûz ganetur
mab !
— la, ma eontr, ha me eo tad ar bugel, hag a c'hoidcnnan diganac'h
he vamm da bried.
— Mal pa eo gret ann toi, gwella am euz da ober, eo hi rei d'id, ha
gwelloc'h eo ganen a ve te ewit un-all.
Ma oe gret ann eured raktal. Met ar roue koz na rez kenjoa a-bed, goude se.
Prestig goudé a teuas da werwel, hag a oe laket Koadalan da roue en he
lec'h. Met hema na blije ket kaer ar vuhe-se d'éhan, hag a-benn ur bloaz a
c'hoantaas distrei d'he vro. Evel ma oa he levrio gant-han bepred, a c'houlenn
ur c'haron: kaer, péhini a diskenn kerkent euz ann er. Mont a reont ho zri
ebars, lie vroeg, he vugel hag hen, hag ar c'haronz a sav are en èr, uhel,
evel un aigl. Ma tigwez d'éhan trémen abiou da gastell ar majisian braz
Foukes. Heman a oa o chomm en ur c'hastell-aour dalc'het gant péder cha-
denn aour ha péder chadenn arc'hant être ann env hag ann douar. Foukes a
oa en he brennestr, hapa wel Koadalan o trémen en he garonz, a ped anéhan
da diskenn un tammig. Foukes hen defoa esaét iwé kaout merc'h ar
roue Spagn, met n'hen defoa ketgallet, ha pa hi gwelas o trémen, hen defoa hi
anavéet raktal. Koadalan, pehini n'hen defoa disfianz a netra, a diskennas
gant plijaduren kastell Foukes, hag heman hen degommerras mad. Goudé koan,
a oe laket da gousket gant he bried en ur gambr kaer, hag ar bugel a oe roét
da ur vagéres. Met allas ! a-rok mont en he wélé ec'h ankouaas lakâd he
levrio indan he bluek, ha pa dihunas, ann dewarlec'h ar beure, a oant laeret
gant Foukes! setu-han glac'haret, ar paour kez. Foukes hen tolaz en ur
punz don-don (ouspem ul Icw a dondcr hen defoa), hag a koucas dre eno en
kreiz ur c'hoad braz.
— Arsa ma Doue, a lâras ncuzé, pclec'h on-mé aman!' Ha pctra a rin-
mé breman, pa eo kollet ganen ma levrio ? Hag ar pcz a togwasa, ma groeg lui
ma bugel a zo cliommet invé gant Foukes, anntrubard milligct! kollet sur 'on ar
wez-man. Mar am bijè gallet c'hoaz kavoud ar c'hoad lec'h ma kimiadis
euz Thérésa! Met pelec'h eman ar c'hoad-sé?
Bâlé a ra dre ar c'hoad, ha na wcl na dcn na loen. Digwezoud a ra ann
noz, hag a kousk, harp hc benn cuz ur roc'hell-vraz goloét a spoen. Pa deu
Koadalan. 119
rien à son neveu. Mais, comme il était devenu triste et soucieux, celui-ci
lui demanda un jour :
— Pourquoi', mon oncle, êtes-vous ainsi triste et soucieux, depuis
quelque temps ?
— Hélas! j'ai une fille que j'avais dérobée à tous les yeux; elle ne
voyait que moi et sa femme de chambre, et cependant elle a donné le
jour à un fils.
— Oui, mon oncle, je le sais, et c'est moi qui suis le père de l'en-
fant, et je vous demande de m'accorder la main de sa mère.
— Eh! bien, puisque la chose est arrivée, ce que j'ai de mieux à faire,
c'est de te la donner; et j'aime mieux que ce soit toi qu'un autre.
Et on fit la noce tout de suite. Mais le vieux roi ne donna plus
aucune marque de joie. Il mourut peu de temps après, et Koadalan lui
succéda sur le trône. Celui-ci ne goûtait guère ce nouveau genre de vie,
et, au bout d'un an, il voulut retourner dans son pays. Comme il avait
toujours ses trois livres rouges, il demanda un beau carrosse; et aussitôt
il en descendit un du ciel. Ils y montèrent tous les trois, sa femme, son
fils et lui, et le carrosse s'éleva avec eux en l'air, très-haut, comme un
aigle. Il passa par hasard devant le château du grand magicien Fouques.
Celui-ci habitait dans un château d'or, retenu par quatre chaînes d'or et
quatre chaînes d'argent entre le ciel et la terre. Fouques était à l'une
des fenêtres de son château, et, en voyant passer Koadalan, il le pria
de descendre un peu, pour lui faire visite. Fouques avait aussi essayé
d'avoir la fille du roi d'Espagne, mais il n'avait pas réussi. En la voyant
passer, il l'avait reconnue tout de suite. Koadalan, qui ne se défiait de
rien, s'arrêta avec plaisir au château de Fouques, et celui-ci lui fit bon
accueil. Après souper, il le conduisit, avec sa femme, dans une belle
chambre, pour passer la nuit, et leur enfant fut confié à une nourrice.
Mais, malheureusement, avant 'de se mettre au lit, Koadalan oublia de
placer ses trois livres rouges sous son oreiller, et quand il se réveilla,
le lendemain matin, Fouques les lui avait dérobés. Le voilà perdu, le
pauvre homme! Fouques le précipita dans un puits très-profond (il avait
plus d'une lieue de profondeur) et il tomba au milieu d'un grand bois.
— Où donc suis-je ici, mon Dieu.? se dit-il, et que ferai-je maintenant
que j'ai perdu mes trois livres rouges.'' Et, ce qui est encore pis, ma
femme et mon fils sont restés aussi au pouvoir de Fouques, le maudit
traître! C'en est fait de moi, cette fois! Encore si j'avais pu retrouver
le bois où je fis mes adieux à Thérèse ! Mais où est ce bois-là ^
Il se met à parcourir le bois, et ne rencontre ni homme ni bête. La
nuit vient, et il dort, la tête appuyée sur une grande pierre couverte
120 Koadalan.
ann dez, a sell en-dro d'éhan, hag a anvez ar rochell e-kichcnn pchini a
kimiadas Théreza diganî-han.
— Hola! a lâras nciizc, n'co kct kollet holl c'Iioaz!
Hag a c'halvas ter gwez : Théréza! Théréza! Théréza! Ha kerkent a em
gavas Théréza.
— Ezomm a t'euz an-hon, emehi, Koadalan ?
— îa sur, prinses, rag néc'haniant a-walc'h am euz aman !
— Goûd a rann holl : kollet a t'euz da levrio, ha da vroeg, ha da vugcl!
Met mar kares ober penn-da-benn evel ma lârin d'id, me a raio d'id ho
c'haout c'hoaz.
Hen kass a ra da gichenn kastell Foukes, hag a lâr d'ehan neuzé :
— Kousket int holl bréman bars ar c'hastell. Kè goustadig, goustadig da
gambr Foukes, hag a weli anehan kousket war he wélé, hag war un daol vihan,
étal he wele, ann tri levr-ruz. Tap an-he, ha deus-kuit gant-hé, hag e-kcit-
sé, me a gavo d'id da vroeg ha da vugel.
Mont a ra Koadalan beie kambr Foukes, pehini a diroc'hé, astennet war
he wélé; tapout a ra ann tri levr-ruz, hag a teu-kuit gaut-he neuzé, buhan-
buhan. Thérésa a oa euz hen gortoz, ha gant-hi he vroeg hag hc vugel. Ma
pokas d'hè, hag a oelé gant ar joa.
— A-rok mont-kuit, a lâras neuzé Thereza : Pétra a vo gret da Foukes ^
— Ma je! p'am euz brema ma levrio, ma groeg ha ma bugel, na ioullan
drouk-abet d'éhan kén.
— Ma! eomp-kuit neuzé, buhan.
Pa oent digwêt en kreiz ar c'hoad, a lâras c'hoaz Théréza d'éhan!
— Breman a kimiadan ouzid cwit bikenn, rag na em welfomp ken.
Hag a savas neuzé en er, ha prestig a kollas ar gwel anehi.
Koadalan, he vroeg hag he vugel a bignas neuzé en ho c'haronz, pehini
a deuas kerkent ha ma oe goulennet, hag a em gavjont hep-dâle en bro
Koadalan, en Plouaret. Ma oe souezet braz ann holl o welet ur prinz hag ur
brinses ker kaer, rag nikun n'ho anavéé, zoken tad Koadalan hag he vamm,
péré a oa deut da vea koz, ha paour bepred. Ma savjont ur c'hastell kaer
ar c'haera. Met ann daou goz a chommas en ho zi bihan-plouz, welloc'h a
em gavent eno, hag ho mab n'ho lezé en ezomm a bed, hagaro'éd'héarc'hant,
kcment ha ma karent.
Un dez a Liras Koadalan d'hc dad :
Koaddan. I2I
de mousse. Quand le jour revient, il regarde autour de soi, et reconnaît
le rocher près duquel il avait fait ses adieux à Thérèse.
— Hola! se dit-il alors, tout n'est pas encore désespéré!
Et il cria trois fois : « Thérèse! Thérèse! Thérèse! « et aussitôt
Thérèse arriva et dit :
— Vous avez besoin de moi, Koadalan ?
— Oui, certainement, princesse, car me voici bien embarrassé!
— Je sais tout : vous avez perdu vos livres, et votre femme et votre
fils ; mais si vous voulez faire exactement ce que je vous dirai, je vous
les ferai retrouver encore.
Puis elle le conduit devant le château de Fouques, et lui dit :
— Tout le monde dort en ce moment dans le château. Rendez-vous
tout doucement à la chambre de Fouques, que vous trouverez dormant
sur son lit, et sur une petite table, près du lit, vous verrez les trois
livres rouges. Prenez- les, revenez vite, et, pendant ce temps, je vous
retrouverai votre femme et votre fils.
Koadalan se rend à la chambre de Fouques, qui ronflait, étendu
tout de son long sur son lit ; il prend les trois livres rouges, et s'enfuit
aussitôt. Thérèse l'attendait, avec sa femme et son fils. Il les embrassa,
en pleurant de joie.
— Avant de partir, dit alors Thérèse, que voulez-vous que je fasse à
Fouques ?
— Ma foi! à présent que j'ai retrouvé mes livres, ma femme et mon
fils, je ne lui veux plus de mal.
— Partons alors, et vite.
Quand ils furent au milieu du bois, Thérèse lui dit encore :
— Maintenant je vous fais mes adieux pour toujours, car nous ne
nous reverrons plus jamais.
Et elle s'éleva en l'air, et il la perdit bientôt de vue.
Koadalan, sa femme et son fils remontèrent alors dans leur carrosse,
qui revint aussitôt qu'il le redemanda, et ils arrivèrent sans tarder au
pays de Koadalan, à Plouaret. Tout le monde y fut bien étonné de voir
arriver un si beau prince et une si belle princesse. Personne ne recon-
naissait Koadalan, pas même son père et sa mère, qui étaient vieux
alors, et toujours pauvres. Ils firent bâtir un château magnifique. Mais
les deux vieux le père et la mère) continuèrent d'habiter leur chau-
mière; ils s'y plaisaient mieux, et leur fils ne les laissait manquer de
rien et leur donnait de l'argent autant qu'ils en voulaient.
Un jour Koadalan dit à son père :
122 Koadalan.
— Warc'hoaz, ma zad, a zo ur foar gaer en Lanhuon, hag a vo rèd
d'afk mont d'ehi.
— Da hétra mont d'ar foar, pa n'am eiiz na marc' h, na bac' h, na por-
c'hell?
— N'ho pêt morc'hed, warc'hoaz ar heure a kavfct un ijcnn kaer en ho
kraou. ît gant-han d'ar foar ha goulennet out-han ar pez a garfet, hag
a ve mill-skoed, hag a vo ro'ét d'ac'h; met na lest ket ann nask da vont
gant ann ijenn; bêt sonj mad a-zé, pé n'am gwelfet ken.
— Ma ! émé ar paotr koz.
Ann déwarlerc'h ar beuré ec'h a da welet d'he graou, hag ez eo souezet
braz 0 welet eno un ijem ar chaera, ével n'hen defoa gwelet biskoaz, Lakâd a
ra un nask d'ehan war he c'houk, hag ec'h a gaut-han da Lanhuon. Ann
hall a lâré, penn-da-benn war ann hent : — Kaera da ijenn! da biou eo?
— hag a oa stad cr paotr-koz.
Kerkent ha ma 'c'h arruas erfoar-lec'h, a teuas ann holl en dro d'éhan.
— Pégement aun ijenn ? — a lâré kigerrienn Lanhuon ha Landreger.
— Mill-skoed! — a lâré Koadalan goz. — Hag ec'h ent-kuit.
Paotred Montroulez, ha Léon, memenz ira. Na oa den 'wit sevel ann
ijenn.
Ma tigwezas en-bezr tri varc'hadour braz, leun ho^ godello a arc'hant, ha
na anavéé den an-he (Tri diaoul a oant).
— Pégement ann ijenn ?
~ Mill-skoed!
— N'eo ket ewit netra, tad-koz; met na euzforz, ul loen-kaer eo, plijout
a ra d'imp, lia gret è ar marc'had; ha setu aman arc'hant raktal.
Ar paotr-koz a laka ann arc'hant en he c'hodcll hag a ro ann ijcnn d'ann
tri varc'hadour, met a vir ann nask.
— Ro'ét iwé ann nask, tad koz.
— N'am euz goerzet nemet ann ijenn, ha na roïn ket ann nask.
— Ann nask ac'h a atao da-heul ar vuc'h hag ann ijenn.
— N'am enz ket goerzet ann nask, ha na roïn ket anelian.
— Rèd eo d'imp kaout un nask; roét anelian, haghopô mill-skoed ail.
— Na roïn ket, lia pa ve ewit de'.-mill.
Hag a laka ar paotr koz ann nask en he c'hodcll, hag ec'h a-knit.
Ann tri marc'hadour a bign neuzé war gein ho ijenn. Hcinan a em laka
kerkent da vlcjal, da rcdck ha da bcnnfolli, hag ho stlcj ho :ri d'ann douar.
Koadalan. 123
— Demain, mon père, il y a une belle foire à Lannion, et il vous
faudra y aller.
— Pourquoi aller à la foire, puisque je n'ai ni cheval, ni vache, ni
pourceau ?
— Ne vous inquiétez point de cela; demain matin vous trouverez
un bœuf superbe dans votre étable. Menez-le à la foire, et demandez-en
le prix que vous voudrez, et quand ce serait mille écus, vous les aurez.
Mais ne donnez pas la corde avec le bœuf. Faites-y bien attention, ou
vous ne me reverrez plus.
— C'est bien, dit le bonhomme.
Le lendemain matin le vieux Koadalan se rend à son étable, et est
bien étonné d'y trouver un bœuf magnifique, comme il n'en avait jamais
vu. Il lui passe une corde au cou, et se rend avec lui à Lannion. Tout
le monde disait, sur le chemin, en le voyant passer : « Le beau bœuf! à
qui est-il ? » Et le vieillard en était tout fier.
Dès qu'il arriva dans le champ de foire, la foule s'empressa autour
de lui.
— Combien le bœuf? demandaient les bouchers de Lannion et de
Tréguier.
,— Mille écus! disait le vieillard. Et ils s'en allaient.
De même pour les marchands de Morlaix et de Léon. Nul n'enlevait
le bœuf.
Arrivèrent alors trois grands marchands inconnus, les poches bourrées
d'argent et que personne ne connaissait : (C'étaient trois diables.)
— Combien le bœuf.f" dirent-ils.
— Mille écus!
— Ce n'est pas pour rien, grand père. N'importe, c'est une belle
bête; il nous plaît, et nous sommes d'accord. Voici de l'argent com.ptant.
Le vieillard met l'argent dans sa poche et livre le bœuf aux trois mar-
chands; mais il garde la corde.
— Donnez aussi la corde, grand père.
— Je n'ai vendu que la bête, et je ne donnerai pas la corde.
— La corde suit toujours la vache et le bœuf.
— Je n'ai pas vendu la corde et je ne la donnerai point.
— Il nous faut cependant une corde; donnez-la et vous aurez encore
mille écus.
— Je ne la donnerai pas, même pour dix mille!
Et le vieillard met la corde dans sa poche, et part.
Les trois marchands montent alors sur leur bœuf. Mais celui-ci
commence aussitôt à beugler, à courir, comme une bête affolée, et jette les
124 Koadalan.
— Ha kerkent a tro ann ijenn en ki, ha da redek trezeg ar gèr. — Hag ann
tri varc'hadour war he lerc'h, troït en tri bleiz! — Ar c'hi a arru da genta
e-tonll-dor ti Koadalan, hag a lamp ebars. Ha kerkent setu-han en den, rag
Koadalan hc-unan a oa. — Ann tri bleiz, dent da vea are tri varc'hadour,
a chomm e-kichenn ann or :
— Re-diwezad un tammig paotrcd! a lâr d'he Koadalan, eut he di.
— Poent a oa d'id ! met na euz forz, kregi a reomp cUioaz en da golier un
de!
— Gwelet a vo !
Hag hi kuit, ho zri, ha drouk en-he!
Pa digwezas Koadalan goz e ger :
— Ac'hanta! ma zad, gret oc'h euzfoar vad?
— la vad! Mill-skoed! hag ann nask a zo deutganen; sell.
Ur pennadig goudé a lâras are Koadalan d'he dad :
— Warc'hoaz, ma zad, eman foar-ann-nec'h, en Montroulez, ur foar
gaer, hag a vo rèd d'ac'h mont.
— Gantpetra^
— Gant ur marc'h a gavfet cr marchosi warc'hoaz ar beuré, kacra marc'h
oc'h euz gwelet biskoaz. Daou-vill skoed a c'houlennfet out-han, hag ho po
an-he are, met na roctket ar c'habestr; tolet-pled mad dase.
Ann dewarlerc'h ar beuré a kav Koadalan goz ur marc'h ar c'haera en he
varchosi, vel m'hen defoa lâret d'ehan he vab, hag ec'h a gaut-han da
Vontroulez. Ann holl a oa souezet o welet vel ma oa kaer ar marc'h-se. —
Pégement? pégcment? a c'houlenne ar varc'hadourienn. Met pa glewcni :
daou-vill skoed! a souzent holl adré.
En-bezr a tigwezaré tri varc'hadour Lanhuon.
— Pégement ar marc'h, tad koz ?
— Daou-vill skoed !
— Skoet aze, d'imp eo. — hag a em skojont en ho daoudorn. — Eomp
en un hostaleri da gonta ann arc'hant, ha da eva urbannacVi.
Mont a reont en hostaleri nesa ; ar paotr koz a ev muioc'h wit neubeutoc'h,
ha setu-han mezw, ha na sonj ket goulenn ar c'Iiabestr. Mont a ra ar marc'h
gant ann tri marc'hadour, hag he gabestr gant-han en he benn. Pignad a
reont ho zri war gein ar marc'h; ma oa souezet ann holl euz ho gwelet. —
A be-lec'h è ann tri diot-man ? a lârent. — Mont a rcnt war gc Lcon, hag
ar ganfarded a griè war-n-he, ha zokenn a stlapé mein gant-hè.
— Petra, tri genaouek, a lâras un dcn koz, sotoc'h oc'h cwit ho locn!
Diskcnnit daou bépred; n'oc'h euz ket a vcz ?
Koadalan. la'j
trois marchands à terre. Puis aussitôt le bœuf se change en chien ; et
de courir vers la maison! Et les trois marchands de courir aussi après
lui, sous la forme de trois loups! Mais le chien arrive le premier à la
porte du château de Koadalan, et y saute d'un bond. Et aussitôt il rede-
vient homme, car c'était Koadalan lui-même! Les trois loups, redevenus
trois marchands, s'arrêtent à la porte.
— Un peu trop tard, les gars ! leur dit Kaodalan de sa maison.
— Il était temps! mais n'importe, nous te prendrons encore au
collet.
— C'est ce que nous verrons bien !
Et ils partirent, fort en colère.
Quand le père Koadalan arriva à la maison :
— Eh! bien, mon père, avez-vous fait bonne foire?
— Oui sûrement : mille écus ! et j'ai rapporté la corde; la voici.
Quelque temps après, Koadalan dit encore à son père :
— C'est demain la foire-haute à Morlaix, mon père ; une belle foire !
il vous faudra y aller.
— Et avec quoi ?
— Avec un cheval, que vous trouverez dans votre écurie demain
matin, le plus beau cheval que vous aurez jamais vu. Vous en deman-
derez deux mille écus; et vous les aurez encore. Mais ne donnez pas la
bride ; prenez-y bien garde !
Le lendemain matin, le père Koadalan trouve un cheval magnifique
dans son écurie, comme le lui avait dit son fils , et il va avec lui à
Morlaix. Tout le monde admirait le cheval. « Combien ? combien .? »
demandaient les marchands. Mais quand ils entendaient : « Deux mille
écus ! » tous se retiraient.
Tantôt arrivèrent encore les trois marchands de Lannion.
— Combien le cheval, grand père?
— Deux mille écus!
— Topez-là; il est à nous! Et ils se frappèrent dans les mains.
— Allons à l'auberge, pour compter l'argent, et boire un coup. Ils
vont à l'auberge la plus voisine. Le vieillard boit un coup de trop, et
s'enivre, si bien qu'il oublie de retenir la bride.
Les trois marchands emmènent le cheval, avec sa bride en tête. Ils
montent tous les trois dessus. Tout le monde les regardait avec étonne-
ment.
— D'où sont ces trois imbéciles? se disait-on. Ils longeaient le quai
de Léon, et les gamins criaient dessus et leur lançaient même des pierres.
— Comment, trois imbéciles, leur dit un vieillard, vous êtes plus
126. Koadalan.
Diskenn a reont o zri. Ar marc' h a lamp kerkent bars ann dour, ha selu-
han tro'ét en zilienn. — Ann tri varc'hadour a lamp war he lerc'h hag a dea
da vea tri fesk braz, ewit tapout ar zilienn. — Met lioman a deu neaze dà
vea ur goulm, hag a nij uhel, dreist tier kèr.
Ann tri fesk braz ac'h a neuzè en ter sparfell, hag a nij war he
lerc'h.
Ar goulm, skuiz o nijal, ha près! da vea tapet, pa oa o tremen a-uz
d'un noblanz, a wel ur vates o karga dour en ur varac'h e-kichenn ur feun-
teun. Em lezel a ra da goueza er varac'h, ha kerkent ez eo tro'ét en goalenn-
aour. Ar vatez a denn ar walenn-aour euz ar varac'h, haghe laka war he
biz, hag a dired d'ann noblanz. Ann ter sparfell a zo tro'ét kerkent en tri zôner
péré a ha da zon gant pep a violonz dirag ann noblanz. Aotronez hag itro-
nezed a deu d'ho selaou er prennestro, hag a dolarc'hant d'he.
— Trugare! a lâr arre-man, na c'houlennomp ket a arc'hant.
— Petra a c'houlennet eta !
— Ur walenn-aour a zo bet kavet gant ar vatez, o vont da gerc'had dour
d'ar feunteun.
— Bea ho po anehi.
Klasket eo ar vatez. Homan a oa et d^he c'hambr, da zellet euz he
gwalenn-aour. A greiz-holl a oe fromet o welet ur pr'inz kaer en he c'hichenn,
hag ar walenn et diwar he biz.
— Na spontet ket, a lâras d'ehi ar prinz; me eo ar walenn-aour ho poa
war ho piz. Ann aotro a zo o tont da c'houlenn diganac'h ar walenn-aour
(rag brema'ig a zistroin are en gwalenn-aour war ho piz'). Met n'he ro'ct ket
d'ehan, ken hen defo gret ar pez ec'h han da lâret d'ac'h : Lâret d'ehan ohcr
lakâd ann tan en ur bern-koad a zo er porz; pa wo krog mad ann tan, a îolfct
ar walenn en he greiz, hag a lârfet d'ar zonerrienn mont d'he c'hlask ébars.
P'hen defoe lâret kement-se, ec'h eaz are en gwalenn-aour war viz ar vatez.
Ann aotro a deuas kerkent, hag a lâras :
— Pelec'h eman ar walenn-aour oc'h euz kavet o vont da gerc'had dour
d'ar feunteun?
— Setu-hi aman, aotro.
— Ro'ét d'in anehi.
— Salv-ho-kraz, lâret a zo d'in n'he rojenn ket ken ho po gret ar pez ec'h
an da lâret d'ac'h. Gret lakâd ann tan er bern-koad a zo en ho porz; pa vo
Koadalan. 127
dépourvus de raison que votre bête; descendez au moins deux; n'avez-
vous pas de honte ?
Ils descendent tous les trois. Le cheval saute alors dans la rivière,
et se change aussitôt en anguille. Les trois marchands y sautent après
lui, et se changent en trois grands poissons, pour poursuivre l'an-
guille. Mais celle-ci s'envole alors, sous la forme d'une colombe, et
s'élève très-haut dans l'air, au-dessus de la ville. Les trois grands pois-
sons la poursuivent encore, sous la forme de trois éperviers. La
colombe, fatiguée de voler, et se voyant sur le point d'être prise, voit,
en passant au-dessus d'un château, une servante, près d'une fontaine,
occupée à remplir d'eau un baquet. Elle se laisse tomber dans ce baquet,
sous la forme d'une bague d'or. Aussitôt la servante retire la bague de
l'eau, la met à son doigt et court au château. Alors les trois éperviers
se changent en trois musiciens, et vont, portant chacun un violon,
faire de la musique sous les fenêtres du château. Des seigneurs et des
dames viennent les écouter aux fenêtres et leur jettent de l'argent.
— Merci ! disent les musiciens, mais ce n'est pas de l'argent que nous
demandons.
— Que voulez-vous donc .''
— Une bague d'or que la servante a trouvée, en allant puiser de
l'eau à la fontaine.
— Vous l'aurez.
On cherche la servante. Celle-ci était dans sa chambre, occupée à
admirer sa bague. Elle fut effrayée de voir tout à coup un beau prince
à côté d'elle, et la bague disparue de son doigt.
— Ne vous effrayez pas, lui dit le prince, je suis la bague d'or que
vous aviez au doigt. Votre maître vient pour vous demander cette bague
d'or (car je vais à l'instant redevenir bague d'or à votre doigt). Mais
ne la lui donnez pas, jusqu'à ce qu'il ait promis de faire ce que je vais
vous dire. Dites-lui de mettre le feu à un grand tas de bois qui est dans
la cour ; puis, quand le feu sera au plus fort, vous y jetterez la bague
d'or, et direz aux trois musiciens de l'y aller chercher.
Quand il eut dit ces paroles, il redevint bague d'or au doigt, de la
servante. Le seigneur arriva aussitôt, et dit à la servante :
— Où est la bague d'or que vous avez trouvée, en allant puiser de
l'eau à la fontaine ?
— La voici, monseigneur,
— Donnez-la-moi.
— Sauf votre grâce, on m'a bien recommandé de ne vous la donner
que lorsque vous aurez fait ce que je vais vous dire. Faites mettre le
128 Koadalan.
krog mad ann tan, a tolin en hegreiz ar walenn-aour, o lâretd'arzonerrienn:
itd'hic'hlask!
Laket eo ann tan er bern-koad, hag ar vatez a dol ar walenn-aour en he
greiz, hag a lâr d'ar zonerrienn : it d'hi c'hlask! Ar re-man a lamp kcrkent
en tan, hag a glask, evel diaoulienn a oant.
Met ar walenn-aour a zo troït neuze en ur gorbonenn e-touez ur bern-braz
a winiz a oa en zolier ar c'hastell, hag ann tri ail, en tri c^hôg, péré a eni
laka da glask ar gorbonenn er bern-gwiniz. Met ar gorbonenn a deu neuze
da vea ni louarn, pehinia dagann tri c'hôg.^
Ha setu aze vel ma trec'has Koadalan war ann tri diaoul, hag a chommas
gant-han he dri levr ruz.
Goudé kement a boanio, a tistroas are d'ar gèr. He dad a oa manvet; he
vroeg hag he vugel a deuas iwé da venvell, prestig goudé, hag a chommas he
unan; met hé dri levr-ruz a oa gant-han bépred. Gant arre-se a c'helle ober <
holl arpeza garé, nemettec'hel diouz ar Maro. Dent a oa da vea koz, hag \
hen defoa aoun-braz ouz ar Maro. Bemdez a studie mui-ouz-mui \
he levrio, o klask penoz ober ewit galloud em inkarni ha bewa da virwikenn. '
Hag un dez a sonjas hen defoa kavetann tu, ha setu penoz i
Dastum a ra holl duthe di, hag a lâr d'he : Sentet ouzin, na euz forz ;
petra a lârin d'ac^h, arc'hant ho po kement ha ma karfet. It da genta da glask j
d'in ur vagerez gant he bugel kenta newe ganct, hag ho digasset aman buhan. i
Digasset a zo d'éhan ur vageres gant he bugel kenta newé-ganet, ha kalz a \
leaz gant-hi. Homan a tlee chomm c^houec'h miz er c'hastell hep gwelet den i
a-hed, zokenn he fried. Kant-skoed ar miz a vije paeet, lâret a ra neuze d^ehi:
Me a vo lac'het breman, draillet munud evel kig-silzig, ha neuze laket en ur
boudez. Ar boudez-se a vo laket en-kreiz ur bern teill-tomm, ha diou-wcz
bemdez, epad c'houec'h miz, da greiz-de ha da der-heur, a renkfet dont, un
antér-heur bep givez, da skuill leaz ho pronno a-uz d'ar boudez lec'h ma vin ■
a bezio. Met diwallit mad a kouskfac'h epad ma véet o skuill ho leaz. A-ben
c'houec'h miz, mar gret mad evel ma lâran, a savin cm fez euz ar boudez, ha
I. Cette série de métamorphoses du héros de notre conte rappelle la poursuite de Gwion <
par Keridwen dans le Hanes Taliesin :
u Vraiment, s'écria Keridwenn, c'est Gwion le nain qui est le ravisseur. » Ayant pro- '
» nonce ces mots, elle se mit à sa poursuite. Gwion, l'apercevant de loin, se transforma '
» en lièvre, et redoubla de vitesse; mais Keridwenn aussitôt changée en levrette le !
» dépassa et le chassa vers la rivière.
» Se précipitant dans le courant, il prit la forme d'un poisson; mais son implacable
» ennemie, devenue loutre, le suivit à la trace; si bien qu'il fut obligé de prendre la
• » figure d'un oiseau et s'envola dans l'air.
« » Cet élément ne lui fut pas un refuge; car la dame, sous la forme d'un épervier, j
» gagnait sur lui, et allait le saisir de sa serre.
Koadalan. 129
feu au grand tas de bois qui est dans votre cour ; quand le feu sera au
plus fort, je jetterai la bague d'or au milieu, en disant aux musiciens :
Allez l'y chercher !
On met le feu au tas de bois, puis la servante jette la bague d'or au
milieu, et dit aux musiciens : Allez l'y chercher !
Aussitôt ceux-ci se jettent dans les flammes, et se mettent à y cher-
cher la bague d'or, comme de vrais diables; ce qu'ils étaient en effet.
Mais la bague d'or est changée alors en un grain charbonné, dans un
grand tas de froment qui était dans le grenier du château. Et aussitôt
les trois autres deviennent trois coqs, qui se mettent à chercher le grain
charbonné dans le tas de froment. Mais le grain charbonné devient aussitôt
un renard, qui croque les trois coqs !
Et voilà comment Koadalan remporta la victoire sur les trois diables,
et comment ses trois livres rouges lui restèrent.
Après tant d'épreuves, Koadalan revint chez lui. Son père était mort;
sa femme et son fils moururent aussi peu après, et il se trouva seul. Mais
il avait toujours ses trois livres rouges. Avec eux il pouvait faire tout ce
qu'il voulait; tout, excepté éviter la m.ort. Et il était déjà vieux, et il
avait grand' peur de la mort ! Chaque jour il étudiait de plus en plus ses
livres et y cherchait le secret de devenir immortel. Un jour il crut
l'avoir trouvé, et voici comment.
Il assemble tous les gens de sa maison, et leur dit :
— Obéissez-moi ponctuellement, n'importe ce que je vous comman-
derai, et je vous donnerai de l'argent et de l'or autant que vous en
voudrez. Allez d'abord chercher une femme allaitant son enfant pre-
mier né et amenez-moi sur-le-champ et la mère et l'enfant.
On lui amène une mère allaitant son enfant premier né, et ayant du
lait en abondance. Celle-ci devait rester six mois au château, sans voir
aucun homme, pas même son mari. Elle aurait cent écus par mois. Koadalan
lui dit: — Moi,jeserai à présent mis à mort et haché menu comme chair
à saucisses; puis, mon corps, ainsi réduit en morceaux, sera mis dans
une grande terrine. Cette terrine sera enfouie dans un tas de fumier
chaud, et, deux fois par jour, pendant six mois, à midi et à trois heures,
il vous faudra venir, une demi-heure chaque fois, répandre le lait de
vos seins sur le fumier, à l'endroit où se trouvera la terrine. Mais prenez
» Tremblant de la terreur de la mort, il aperçut un tas de blé, sur une aire, et se glissa
» au milieu, semblable à un simple grain.
» Kéridwenn prit la forme d'une poule noire à la crête élevée, ouvrit en grattant le tas
» de blé, distingua le grain et l'avala, etc.. » *
Traduction donnée d'après la traduction anglaise d'Ed. Davies [Celt. Myth..,p. 229 et
suiv.), par Jules Leflocq, Etudes de mythologie celtique, p. 69.
Ijo Koadalan.
iac'h mad, ha krenvoc'h ha koantoc'h ewit biskoaz; ha neuze na vawin
bikenn ken. Obéra reet? lâret dHn. Kanî-skoed ar mizho po.
— la, emehi, ober a rin.
Gerveia ra neuzé he vewelienn, hag a lâr d'he.
— Breman a vo rèd d'ac'h ma lac' ha, ha lakâd ma c'horfhoUa bezio, ker
munud ha kig-silzig. Neuzé a lakafet ann holl bezio-se, gant ar gwad,
en ur boudez, pehini a c'holofet gant ul lienn gwenn, hag ar boudez-se
a lakafet en kreiz ur bern teill-tomm, lec'h ma renko chomm epad c'houec'h
miz. Coude ar c'houec'h miz-se, ma gwelfet o sevel a-c'hané em fez, beo ha
iac'h, ha krenvoc'h ha koantoc'h ewit biskoaz. Ha n'ho pêt nep aoun, rag
pep-îra a c'hoarveo ével ma lâran d'ac'h. Ober a reet?
— la, a lâras ar mewelienn.
Holl a zo gret evel m'hen euz lâret. Lac'het eo, draillet-munud evel kig-
silzig, ha laket ann tammo holl, gant ar gawd, en ur boudez, pehini a zo
plantet e-kreiz ur bern teill-tomm.
Mont a ra ar vageres diou-wez bemdez, épad un anter-heur bep-gwez, '
da skuill leaz he bronno war ann teill, a-uz d'ar boudez. Bet eo pemp miz (
oc'h ober evel-se, bet eo pemp miz hanter; na vanké kén nemet tri dé d'ar j
c'houec'h miz, pa vanas kousket wr ar baern teill, épad ma oa o skuilla j
leaz a-uz d'ar boudez. Allas! ha neuzé a varwas Koadalan! Pa oe dizoloét {
war-n-ehan, a oe kavet he gorf en he bez, ha kazi deut e-meaz ar boudez ; j
a oa 0 vont da zével; tri de c'hoaz, hag a vije deut he dol da vad. Met j
allas! marw a oa, ha manv mad, ewit bea c'hoantaét na varwjé bikenn! j
I
Kontet gant lann-Mari Gwezennec, i
Kalvez en Ploiiaret,
dastumet gant F. M. Ann Huel.
Gwenveur 1869.
Koadalan. IJI
bien garde de vous endormir, pendant que vous répandrez le lait de vos
seins ! Au bout des six mois, si vous faites exactement ce que je vous
recommande, je me relèverai tout entier de la terrine, plein de vie et
de santé, et plus fort et plus beau que je ne fus jamais ; et alors je ne
mourrai plus jamais. — Ferez-vous cela, dites-moi ? Vous aurez cent
écus par mois. — Oui, dit-elle, je le ferai.
Alors il fait venir ses domestiques et leur dit :
— Maintenant il vous faudra me mettre à mort, et hacher tout mon
corps en morceaux menus comme chair à saucisses. Puis, vous mettrez tous
ces morceaux, et le sang aussi, dans une grande terrine, que vous recou-
vrirez d'un linge et enfouirez ensuite dans un tas de fumier chaud, où
elle devra rester pendant six mois entiers. Les six mois accomplis, vous
me verrez me relever de là, plein de vie et de santé, et plus fort et plus
beau que je ne le fus jamais. Et n'ayez aucune crainte, car tout arrivera
comme je viens de vous dire. M'obéirez-vous?
— Oui, répondirent les domestiques.
On fait chaque chose comme il a recommandé. On le met à mort,
on le hache en morceaux menus comme chair à saucisses. Puis tous les
morceaux, et le sang aussi, sont mis dans une grande terrine, que l'on
enfouit dans un tas de fumier chaud.
Deux fois par jour, pendant une demi-heure chaque fois, la nourrice
va répandre le lait de ses seins sur le fumier, au-dessus de la terrine.
Elle l'avait fait pendant cinq mois, cinq mois et demi; il ne s'en fallait
plus que de trois jours que les six mois ne fussent accomplis, quand
elle s'endormit sur le tas de fumier, en répandant le lait de ses seins au-
dessus de la terrine.
Hélas! alors mourut Koadalan !
Quand on découvrit la terrine, on retrouva son corps tout entier, sorti
du vase et sur le point de se relever. Encore trois jours, et il aurait réussi !
Mais, hélas! il était mort, bien mort, pour avoir voulu se rendre
immortel !
Conté par Jean-Marie Guézennec,
charpentier à Plouaret,
Janvier 1869. Et recueilli par F .-M . Luzel .
X
(7 . .-^^
OBSERVATIONS SUR LE CONTE PRÉCÉDENT.
Ce conte est en grande partie composé de différents contes que l'on
rencontre ailleurs séparément. On peut comparer :
I. Le conte de l'enfant qui sert chez le Diable dans l'enfer, et doit
attiser le feu sous les chaudières oili se trouvent les pauvres âmes, et au-
quel il est défendu d'en lever le couvercle. Voyez mes observations sur
ce conte dans le Jahrbuch fur Romanische iind Englische Literaîur, tome
VII, p. 268;
II. Les contes que j'ai réunis dans le même recueil, tome VIII, p. 2 56
et suiv.^ où l'on retrouve la chambre défendue, la coloration dorée que
revêtent les cheveux du héros et sa fuite à l'aide d'un cheval enchanté;
III. Le conte du sorcier et de son apprenti qui après différentes méta-
morphoses tue son maître qui s'était aussi diversement transformé :
Siddhi-kûr, trad. allem. d'Jùlg, p. i; Benfey: Pantschatantra, tome], p.
410; Les Quarante Vizirs, trad. ail. de Behrnauer, p. 195; von Hahn:
Griechische Mxrchen, n" 68; Wuk Stephanowitsch Karadschitsch : Volks-
mtzrchenderSerben, n° 6; Straparole: Noîti, VIII, 5; Schott: Walachische
Marchen, rf 1 8; Grimm: Kinder und Hausmarchen, n" 68; Mùllenhoff: Sagen,
M(Zrchen und Lieder der Herzogtimmer Schleswig, Holslein, und Lauenburg,
no 27 des M<£rchen; Prœhle: M^rchen fiir die Jugend, n" 26; Schœnwerth,
Aus der Oberpfalz, tome III, p. 211; Waldau, Bœhmisches Mxrchenbuch,
p. 116; Polnische Mdrchen, traduit de Woycicki par Lewestam, p. 1 10;
Glinski: Bajarz Polski, tome I, p. 188; Etlar : Eventyr og Folkesagn fra
Jylland, p. 56; Grundtvig : Garnie danske Minder i Folkemunde, tome I,
pp. 228 et 2^1; Asbjœrnsen et Moë : Norske Folkeeveniyr, n" 57. Dans
tous ces contes, à l'exception du conte kalmouck du Siddhi-kiir, lors de
la vente du bœuf ou du cheval dans lequel s'est transformé l'apprenti
sorcier, la corde ou la bride ne doit pas être livrée à l'acheteur. Dans
le conte des Quarante Vizirs, dans les contes grec et serbe, le jeune sor-
observations sur le conte précédent. i jî
cier se transforme aussi en une maison de bains ou en une boutique dont
l'acheteur ne doit pas recevoir la clef. Un des contes danois (Grundtvig,
tome I, p. 2ji) commence tout-à-fait comme le conte breton. Le gars
qui cherche à entrer en service rencontre un seigneur qui lui demande
s'il sait lire. Sur la réponse affirmative du gars, le seigneur lui dit qu'il
ne peut le prendre à son service. Le gars fait alors comme Koadalan,
retourne sa jaquette, rencontre de nouveau le seigneur, et lorsque celui-
ci lui adresse la même question, il répond qu'il ne sait point lire. Dans
un conte allemand (Grimm, tome III, p. 117) le sorcier demande :
« Sais-tu lire et écrire? — Oui, dit le gars. — Alors, fait le sorcier, si
tu sais lire et écrire, je ne puis t'employer. — Vous parlez de lire et
d'écrire? reprend le gars. Je vous ai donc mal compris, je croyais que
vous me demandiez si je sais manger et crier, et je sais le faire conscien-
cieusement, mais je ne sais ni lire ni écrire. » Dans le conte bohème
également, le sorcier demande au gars s'il sait lire, mais celui-ci répond
négativement. Entre le conte breton et celui des Quarante Vizirs existe
sur un point une très-curieuse ressemblance. Dans le conte breton le
diable transformé en musicien demande au seigneur du château comme
récompense de sa musique la bague que la servante a trouvée : Dans le
conte des Quarante Vizirs le sorcier, également transformé en musicien,
demande au roi comme récompense la rose dans laquelle l'apprenti s'est
métamorphosé. Le conte grec mérite aussi quelque attention. Bien que
s'éloignant fort du conte breton en certains endroits, sur d'autres points
il s'en rapproche plus que tous les autres contes. Il y a dans la chambre
du diable, une chambre que l'apprenti ne doit pas ouvrir : il en ren-
contre par hasard la clef et l'ouvre. Il y trouve une jeune fille prison-
nière qui lui donne le conseil d'apprendre par cœur, en cachette, le livre
magique du diable, et de s'enfuir avec elle. Ils s'échappent ensemble
après qu'elle s'est transformée en jument. Sur son conseil il a pris un
plat avec du sel, un morceau de savon et un peigne; et en jetant ces
différents objets, il retarde le diable qui les poursuit; car le sel se trans-
forme en un vaste incendie, le morceau de savon en fleuve, et le peigne
en marais.
IV. En ce qui concerne l'essai malheureux fait par Koadalan pour
revivre et rajeunir, on peut comparer la légende de l'enchanteur Virgile.
Voyez Edelestand Du Méril : Mélanges archéologiques et littéraires, p. 433.
Virgile se fait hacher en morceaux par son serviteur, se fait saler, mettre
dans un tonneau et fait mettre ce tonneau sous une lampe, de sorte
qu'elle y dégoutte neuf jours et neuf nuits. Le septième jour
l'Empereur demande à voir Virgile , force le serviteur à le con-
1 J4 Observations sur le conte précédent.
duire dans le château , et lorsqu'il voit en morceaux le ca-
davre de Virgile, il tire son épée et tue le serviteur. (( Tout aus-
» sitôt, devant l'empereur et toute sa cour, un petit enfant nu tourna
» trois fois en courant autour du tonneau et s'écria : Maudits soient le
•>■> jour et l'heure où tu es venu ici! — Après quoi le petit enfant disparut.
» Personne ne l'a plus revu, et Virgile resta mort dans le tonneau. » On
raconte la même histoire d'Albert le Grand, de Roger Bacon, et d'Agrippa
de Nettesheim. Voyez Graesse : Der Tannhmser und der Ewige Judc ,
2t éd. p. 112. Il court encore aujourd'hui sur Théophraste Paracelse
une légende d'après laquelle il aurait chargé son serviteur de le hacher
en morceaux, de le mettre dans un tonneau, de le saupoudrer avec une
poudre, ou de l'arroser avec un baume, et de n'ouvrir le tonneau qu'au
bout de neuf mois. Mais le serviteur ouvrit le tonneau après sept mois,
et y trouva un enfant de sept mois qui mourut aussitôt. (Voyez : Alpen-
burg : Mythen und Sagen Tirais, p. 309; Zingerle : Sagen, Msrchen und
Gehrsuche aus Tirol, p. 346; Peter : Volksthiimliches aus Oesterreichiscli-
Schlesien, tome II, p. 29"),
Reinhold Kœhler.
1
\
MÉLANGES.
THE NAME OF THE DANUBE.
The Danube wasknown tothe Greekssince the daysof Hesiod [Theog.
338), but not under the name of Aavo6!toç or Aâvouêtç, but as "laipoç.
They knew, in fact, the lower Danube only, and it is to this part of the
river that the name of hier or H/5/er properly belongs.The upper course,
and the sources of the Danube did not become known before the second
century B. G. It was related indeed that the river came from the extrême
West, and that its sources were among the Celts, butnoancient Living-
stone ever traced its course to its beginning. Roman armies discovered
the upper Danube, and through them the name of Danuvius was first in-
troduced to the knowledge of geographers. Eventhen, the name of Ister
continued to prevail. Naevius, Sallust (except in a fragment), Varro, ail
speak oï Ister; and Cassar (Bell. Gall. VI, 25) seems the first who uses
Danuvius as the familiar name of the river. Strabo (VII, 304) restricts
the name of Danuvius to the river as far as the cataracts, leaving to the
lower Danube the name of Ister.
If then Danuvius was originally the name of the upper Danube only,
and if it received that name in a country then inhabited by Celts, itwas
but natural that Celtic scholars should hâve assigned to it a celtic ety-
mology. Zeuss {Gr. C. p. 994, n.) proposes to connect it with « hodiern.
hibern. gael. adj. Ddna , dàn (fortis, intrepidus , audax) et subst.
dânachd, dânadas (audacia) ex quo ob fortem, citatum cursum facile in-
terpretationem invenerit Dânubius ». Cf. Gluck : K. N., p. 91.
It should be observed, however, that the ancients themselves hâve
preserved an etymology of Danuvius, and Lydus (De Magistr. P. R. III,
32) quoting from a Roman historian Samonicus, who lived at the time
of Diocletian, says that it was the Thracians who gave that name to the
river, and that in their language Danuvius meant « cloudy » (Aavo66'.ov
Bk -bv vîçeXccpipov è/.£Ïvci y-aXcuci Tiaipitoç). Other writers déclare Ister
1 56 Mélanges.
to be a Celtic, Danuvius a Thracian word, and Jornandes (De Rébus Geticis
1. 37, c. 12) affirmsthat « Danuvius de nive nomen accepit ». Hère we
may also recall the remarks of Herodotus (IV, 50) : tou \àv yei\).m6(;
è(jTi ocoç TUîp èc;Tt, oXi'yw T£ [jit^wv t^ç eauToO çûcioç YiVcxai- usTai yàp
Y] Y"?! aî^t'') "^oîi /£i[J.wvoç TrajXTTav oXi^w, vtçs-w oè Tzavia -/pèeTat. If then
thenamewas a Thracian name and meant cloudy, or misty, or snowy,
an easier dérivation may be suggested. The Thracians are Aryans, and
their consonantal System is the same as that of the classical languages.
Now in the Vedic Sanskrit danu means « rain » or « moisture »
yâvam nà vrw/ît/h divycna dMunTi {RV., X, 43, 7).
« As the rain [increases] the corn with its heavenly moisture ».
Dànukilra, as applied to the dawn, means « bright with dew or mist ».
Danuvius therefore (for this is the right reading and not Danubius, see
Corssen's Krit. Beitr. p. 158) would hâve been formed like Danava or
dânavya, in the sensé of « carrying moisture )>, or « fed by clouds or
snow ».
In Zend, dânu occurs in the sensé of « river »; the Ossetic don. Asdânu,
as an adjective, means « flowing rapidly » (see Justi's Handbuch der
Zendsprache, s. v.). Professer Bopp identified «5/; in as-dlnu with the
Sanskrit ati. The transition of Sanskrit t into Zend sh, between two
vowels, might be supported by mesha = mrita, peshu = peretu, asha =
rita. Professor Windischmann identified Zend ash with Greek àpt and èpt :
Professor Kuhn (Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung, I, p. 368)
identified Sanskrit ati with Greek àpi or epu Yet, even we accepted ail
thèse identifications, we should only arrive at a Greek form èpioavoç, as
corresponding to the Zend asdânu, « the rapid river »; but we could
hardly venture to trace the sources ofthe mysterious 'Hp-.oavcç back to
the Zend asdânu.
Max MÛLLER.
LE VRAI NOM DE GARGANTUA.
I. Abhandlung ûber Roland, von Dr Hugo Meyer iProgramm der
Hauptschule zu Bremen; Brème, 1868, 22 p. in-40. — Prix : 2 fr.
II. Om Çivaisme i Europa, af G. A. Holmboe (Saerskilt aftrykt af
Vid. — Selkskabets Forhandlinger for 1866;. Christiania, 1866, 41 p.
gr. in-8°.
Mélanges. Ijy
\U. Gargantua; essai de mythologie celtique; par H. Gaidoz.
(Exirait de h Revue Archéologique de septembre 1868.) Paris, 1868,
20 p. gr. in-8". — Prix : i fr. 50.
Ces trois dissertations, nées sans se connaître l'une l'autre, ont pour-
tant plusieurs points de contact qu'une simple analyse va montrer au
lecteur, et les renseignements divers qu'elles apportent se confirment les
uns par les autres, en même temps que leur réunion ouvre des perspec-
tives nouvelles. Écoutons d'abord M. Meyer :
I. Les dieux germaniques Tyr, Heimdall, Freyr et Balder sont des divi-
nités solaires. Le rayon de soleil étant envisagé comme un glaive, ainsi
qu'il arrive le plus souvent dans l'histoire des mythes, ce sont en même
temps des dieux armés du glaive et par suite des dieux de la guerre.
Mais les trois derniers, Heimdall, Freyr et Balder, n'étaient originaire-
ment que des surnoms de l'antique dieu Tyr. D'un autre côté le dieu
bienfaisant du soleil printanier (et ils étaient parfois considérés sous cet
aspect spécial), était aussi regardé comme un dieu de l'amour et de
l'hymenée. Bien plus, il est très vraisemblable que Tyr eut encore un
autre surnom, à savoir, dans le Nord Hrodr^, en Allemagne Hrodo, Rode^.
M. Meyer cherche ensuite à prouver que les symboles de Freyr comme
dieu de la guerre et de l'hymenée (et aussi des tribunaux), de même
que sa disparition finale dans « le crépuscule des dieux » furent trans-
portés plus tard à Roland, dont le nom semblait se confondre avec le
sien. Ce nom, formé, ce semble, de hrôdr gloire, originairement
Chrodoland, Hruodland, Hrodland, est déjà au x'^ siècle Ruoland, et devient
plus tard Roland ou Ruland. Tel est en résumé le travail de M, Meyer;
nous y reviendrons tout à l'heure.
IL M. Holmboe qui recherche les traces du culte de Çiva en Europe,
montre d'abord, d'après une dissertation de M. Gaujal ? qu'en Gaule, à
Rodez et à Rouen, on adorait une divinité dont le nom Roth ou Ruth se
laisse peut-être surprendre dans le nom de ces villes Civhas Rutenensis
(Rhodez) et Rothomagus (Rouen) 4. En Flandre également, à Saint-
Guislin, on trouve les traces d'un culte analogue à celui de Ruth s.
1. cf. Hrôdsvitnir « le persécuteur ou l'ennemi de Hrôdr, » c'est-à-dire le loup
Fenris.
2. Cf. Hrèdhe (Beda : De temporum ratione, XIII, cité par J. Grimm : Deutsche My-
thologie -, p. 266), sans doute aussi une divinité masculine, bien que Bède en parle
comme d'une divinité féminine.
}. Dans les Mémoires de la Société Royale des Antiquaires de France. Tome IX, p. 91.
et suiv.
4. [Etymologies douteuses. — H. G.]
S- Je remarquerai en passant qu'il y 3 dans le Brabant septentrional une localité
appelée Roysd,c.-ï-A. «la demeure de Roy», et dans ce Roy M. Meyer croit retrouver
ijS Mélanges.
D'après Gaujal, le dieu gaulois Roth ou Ruth était une divinité de même
espèce que Vénus , c'est-à-dire était une divinité masculine de
Pamour, et (s'il ne lui était identique) il se rapprochait du moins du
Rudra indou, lequel n'est autre que Çiva. M. Holmboe qui se range à
cette opinion de M. Gaujal, tâche d'apporter de nouvelles preuves et
cherche des traces du culte de Rudra dans d'autres pays, surtout en
Allemagne et dans le Nord. En ce qui touche le nom de Roth, Ruth,
Ruda. M. Holmboe remarque que la chute de l'R est fréquente en
Prâcrit ', il croit en outre retrouver ce nom dans un grand nombre de
noms de lieu de l'Allemagne et du Nord, soit simples tels que Rhoden
(rectè Roden), Rhode (rectè Rode), Roda, Roten, etc., soit composés tels
que Rodheim, Rodtland (en Allemagne), Rotvold, Rotnaes (en Norwège)-.
C'est aussi l'opinion de M. Meyer : « Comme non loin de Rodesbrook,
près de Visselhœvede (en Hanovre) se dressait le lodiitenbom, qui était
dédié à Tio, on peut de même voir Hruodo dans Rodesbrook, près Rode 3. »
La « Mesnie furieuse 4 « du Rothenthaler dans l'Argovie, du Rodenstei-
ner dans la Hesse, et de Rods en Hanovre, rappellent à M. Holmboe la
course furieuse de Rudra à la tête des Marutss; et M. Meyer i^, d'après
J, Grimm 7, observe que Roland porte la bannière dans la « Mesnie
Furieuse ». D'après M. Holmboe, Rudra, comme dieu solaire, est aussi
un dieu de la destruction et de la génération, et en cette dernière qualité
il a pour organe le //^gam (çpaXXoç)si universellement adoré. M. Holmboe
remarque que ce symbole ne se retrouve pas seulement dans la statue
de Freyr à Upsal^, mais que dans le Nord son culte s'était très-déve-
loppé : là il s'appelait sans doute rot et on en trouve encore de nom-
breuses représentations 9. Chez Roland même se montrent d'évidentes
allusions à des qualités phalliques, comme l'indique M. Meyer '°. Comme
dieu delà guerre Freyr apparaît aussi sous le même jour que Rudra, et
Rod (p. 10 de son essai).
1. Ex. Inda pour Indra. Holmboe, p. 20.
2. Holmboe, p. 19 et suiv.
3. Meyer, p. 10.
4. [On a donné le nom de mesnie ou armée furieuse (en allemand wuthendes Heer)
et aussi de chasse ou chasseur sauvage (en allemand wilde Jagd, wilde J^eger) à une
bande d'esprits ou d'êtres fantastiques qui d'après la croyance populaire courait de nuit
forêts et campagnes avec mille cris semblables au bruit lointain d'une chasse. L'ori-
gine et le caractère de cette tradition ont été expliqués dans un remarquable essai de
M. Liebrecht, publié à la suite de son édition des Otia Imperialia de Gervaise de Til-
bury (Hanovre, i8j6, in-8"). — H. G.]
j. P. 21 et 2j.
6. P. 10.
7. Deutsche Mythologie*, pp. 895 et 894.
8. Cf. J. W. Wolff : Beiirxge zur Dcuîschen Mythologie, 1, p. 106 et suiv.
9. Holmboe, pp. 34-J7.
10. Meyer (p. 17).
Mélanges. i ^9
comme ce dernier commande à l'orage et à la lumière '. Laissant de
côté d'autres analogies entre le culte de Rudra et celui de Çiva, je ne
citerai encore (d'après M. Holmboe) que l'adoration de vaches sacrées
en Scandinavie, tandis que d'autre part la vache est l'animal favori de
Çiva et paraît toujours en relation avec le îingam.
III. J'ai déjà parlé ailleurs de la dissertation de M. Gaidoz *; mais j'y
reviens parce que je n'ai reçu que plus tard les deux autres essais men-
tionnés plus haut et que je veux relever les points communs de ces diffé-
rents travaux. M. Gaidoz croit que le géant Gargantua était originaire-
ment un dieu celtique, « peut-être un dieu solaire », dieu qui dans les
inscriptions gallo-romaines paraîtrait sous le nom d'Hercule, mais dont
le nom véritable se serait perdu, tandis que se serait conservé son sur-
nom Gargant, « le dévorant »; et ce surnom aurait pour origine les
sacrifices humains qu'on lui offrait. Des réminiscences de ce dieu se
trouvent, entre autres endroits, à Rouen et dans les environs de cette
ville. Près de Rouen se trouve un Mont Gargant 3, et sur Rouen même
M. Gaidoz nous communique un fait très-curieux : « J'apprends, dit-il,
» de M. Fr. Lenormant, qu'à Rouen, le jour de la fête de saint Romain
» (23 octobre), on vendait de petites figures (de deux ou trois centi-
» mètres de hauteur) représentant des hommes grotesques pourvus de
« l'insigne de Priape. On appelait ces figures des Gargans; et les jeunes
» filles en achetaient qu'elles mettaient dans leurs corsages dans l'espoir
» de trouver plus facilement un mari. Il y a une quinzaine d'années, la
» vente de ces objets indécents a été interdite par la police. Dans le
» louable désir de conserver aux archéologues le souvenir de cette cou-
1. Holmboe (pp. 9 et 37).
2. Dans les Heidelberger Jahrbiicher, 1869, pp. 817-820.
5. Gaidoz, p. 7. [Aux localités du nom de Mont Gargant que j'ai signalées dans l'essai
en question, j'en ajouterai aujourd'hui une autre située à Houdivillers, arrondissement de
Beauvais (Oise); elle est signalée comme un « lieu d'apparitions » dans la Notice Arché-
ologique sur le département de l'Oise (i8s6, in-8°, Beauvais, impr. d'A. Desjardins). —
La même Notice mentionne (pp. 12-15, 23) deux monuments mégalithiques auxquels est
encore attaché le nom de Gargantua. Ils s'ajoutent à la liste que j'ai donnée, op. cit. —
Depuis la publication de mon essai, a paru dans la Revue de l'Aunis, de la Saintonge et
du Poitou (25 juin 1869) un article intitulé Gargantua en Poitou, où l'auteur, M. L. De-
saivre, a rassemblé les traditions gargantuines du Poitou. La plus intéressante est celle-
ci : « Une légende chère au maraichins nous montre sainte Macrine fuyant devant Gar-
gantua, montée sur une mule ferrée à l'envers. La bête, harassée de fatigue, s'arrête
dans l'île de Magné, près d'un champ où des paysans sèment de l'avoine. Se fiant en la
miséricorde divine, Macrine les prie de dire à tout venant qu'elle a passé le jour où ils
mettaient leur grain en terre. Grand étonnement des laboureurs en trouvant le lendemain
leur avoine mûre; ils reconnaissent à ses œuvres l'envoyée du Seigneur; et quand sur-
vient Gargantua, ils se hâtent de lui apprendre que l'avoine n'était pas née lors du pas-
sage de sainte Macrine. Le géant abandonne sa poursuite; mais avant de revenir sur ses
pas, il nettoie ses sabots; alors, le tertre de la Garette et celui où s'éleva depuis la
chapelle de sainte Macrine, apparurent pour la première fois au-dessus de la vallée, h
L. Desaivre, loc. cit. p. 34s- — H. G.]
140 Mélanges.
» tume, M. Fr. Lenormant a donné un exemplaire de ces Gargans au
1) musée de Saint-Germain. — Je ferai remarquer en outre que l'exem-
» plaire qu'il a eu l'obligeance de me communiquer était, outre l'appen-
1) dice priapique, muni d'une double paire d'yeux » '. Cette divinité
phallique adorée à Rouen correspond au dieu Ruth, cité plus haut, qui
avait également un temple à Rouen, de même que le village du nom de
Mont de Roth près de Rouen ^ s'ajoute au Mont Gargant. En ce qui
concerne l'identité de Ruth et de Çiva, je remarquerai que dans l'Inde,
dans la nuit consacrée à ce dernier 5, on vend de petits lingams comme
amulettes, de même qu'à Rouen on vendait des Gargans ; ces Gargans
avaient quatre yeux : Çiva a, comme on sait, trois yeux. On peut donc
se demander si le moderne Gargant ne serait pas sorti du Ruth gaulois.
Que ce nom de « Gargant » qui est originairement un surnom, fasse sup-
poser un dieu destructeur, cela ne doit pas nous arrêter, car nous avons
vu que la destruction et la génération sont souvent représentées par la
même divinité. Il n'est donc pas nécessaire que ce nom se rapporte à des
sacrifices humains, bien qu'on en offrît à toutes les divinités de ce genre.
Ces sacrifices n'étaient pas non plus étrangers au culte orgiastique des
dieux de l'amour et de la génération ; le culte d'Astarté en est un
exemple. Comme dieu de la destruction et aussi de la guerre, le Ruth
gaulois pouvait facilement être conçu comme géant; c'est ainsi qu'aux
environs de Rouen nous trouvons au xii'^ siècle une cathedra gygantis, qui
s'appelle aujourd'hui chaise de Gargantua 4, et dans la ville de Rhodez
même se trouvait une statue de grandes dimensions comme le prouve
un ancien chant d'Eglise :
Stabat ingentem referens colossum
Saxeum, tota regione sacrum,
Numen, etc. s
De toutes ces recherches il semble résulter qu^autrefois une partie de la race
indo-celtique a adoré une divinité solaire qui présidait à la destruction aussi
bien qu'à la génération, et dont le nom. se retrouve dans les formes Rudra
(Ruda), Hrodr, Hrodo, Rode, Ruth, Roth, etc. — On peut peut-être
y ajouter le dieu slave Radegast, dieu de la lumière, de la génération et
de la guerre 6.
F. LlEBRECHT.
1. Gaidoz, p. 5. n.
2. Holmboe, p. 17
3. Au mois de mars; c'est la çivaràtri.
4. Gaidoz, pp. 4 et 8.
5. Holmboe, p. i J.
6. On trouve aussi en Angleterre trace de l'adoration d'une divinité phallique. Je laisse
Mélanges. 141
[P. S. — Il est prudent, pensons-nous, d'éliminer de cette discussion
l'idole de Rhodez renversée par saint Amand, car aucun texte ne nous
en dit le nom, et elle n'a été identifiée par M. Gaujal avec le Roth de
Rouen, que par suite d'une étymologie fantaisiste du nom de la ville de
Rhodez. Bornons donc à Rouen le champ de l'hypothèse. Là on trouve
en effet certaine tradition d'une divinité appelée Roth, divinité dont
l'image aurait été renversée par saint Mellon, le premier apôtre de Rouen
(y vers 314). Cette tradition nous a été conservée dans la Vie de saint
Mellon publiée par les Bollandistes 22 octobre . Les Bollandistes placent
la composition de cette vie au xi*" siècle et portent sur elle le jugement
que voici :
« Antiquam imo et primaevam iis contineri putamus ecclesias Rotho-
)) magensis traditionem, sed pluribus vestitam seu potius delibutam et
)) immersam fabulosis narratiunculis quales procudere solebant legen-
» darii, nominatim in Britannia Armorica et Normannia saeculo IX et X,
» ad quod satis probabiliter ex notis seu characteribus scriptionis intrin-
» secis... Vita S. Melloni refertur »'. Le «Templum Rothi» est cité deux
fois dans la vie de saint Mellon. Les Bollandistes font suivre cette vie de
l'office de saint Mellon (probablement composé dans la seconde moitié du
xiV siècle d'après les Bollandistes 2), et dans cet office se trouve un
hymne dont une strophe commence par le vers
Exstirpato Roth idolo....
Les Bollandistes , suivant en cela un des historiens de Rouen ,
Th. Licquet, ne croient pas à l'existence de Roth : <( Ouid sibi vult
n idolum Roth ? quod profecto nunquam exstitit nisi in phantasia illius
de côté les noms de lieu (Rutland, Ruthwel, Rudgede, et Ruthin; cités par M. Holmboe
(p. 20^ et aussi cette pierre Rudston haute de 24 pieds, située près de l'église dans le
village de ce nom, en Yorkshire fHolmboe, p. 27. — Comparez aussi les fioles en forme
de phallus trouvées dans les tombeaux anglo-saxons, ibid. p. 32). Mais j'appellerai l'at-
tention sur deux passages que M. Kuhn (dans ses Wesîphœlische Sagen, II, pp. 137 et
suiv.) emprunte à Kemble, et qui montrent le culte du phallus existant encore aux pre-
miers temps du Christianisme. L'un de ces passages montre même qu'à Pâques le prêtre,
en portant ce symbole, ouvrait la danse dans un chœur de jeunes filles, tradition évi-
dente de l'époque païenne. Quelque chose d'analogue se rencontre dans un conte islan-
dais ^Jôn Arnason : Islenskar Thjôdhsœgur og Aefintyri, Leipzig, 1864, II, pp. 6 et s.).
A la veillée de Noël, le curé et sa paroisse, se tenant tous par la main, dansent en chan-
tant autour de l'église jusqu'à ce que pour leur punition la terre s'ouvre sous leurs pas :
le prêtre pourtant peut échapper. C'est la version islandaise qui nous présente la forme la
plus ancienne de ces danseurs maudits dans laquelle le prêtre chrétien joue plus tard un
rôle tout différent (cf. Pauli ; Schimpf und Ernst, chap. 388, avec la note de M. Œster-
ley, ainsi que mon article sur cette publication dans les Heidelberger Jahrbûcher, 1S67,
P- 7I-)
1 . Acta SS. BoU. Oct. T. IX, p. $ s S , § 4.
2. Ibid. p. j66. — M. Lever (p. 14 de l'opuscule cité page suivante; en reporte la
composition au xr' siècle.
142 Mélanges.
)) qui illud procudit; nec agnitum fuit nisi a credula multitudine'. « Il est
en effet étrange que le nom de Roth ne nous soit pas connu par aucune
autre source et qu'il soit absent des monuments épigraphiques. Mais
comment ce nom aurait-il été introduit dans cette ancienne Vie de saint
Mellon? Serait-il né d'une fausse étymologie du nom de Rotomagus,
bien que dans la Vie de saint Mellon on ne trouve aucune allusion à
cette étymologie? Aurait-il été apporté de Scandinavie par les Normands,
et faudrait-il l'attribuer à la mythologie germanique au lieu d'y voir un
reste de la mythologie gauloise? Quoi qu'il en soit, dans le camp opposé
aux BoUandistes se trouve un des archéologues les plus distingués de la
Normandie, M. l'abbé Cochet, qui ne met pas en doute l'existence du
culte de Roth 2. Il hésite sur un point : Est-ce saint Mellon, ou est-ce
saint Romain qui a détruit le temple et Pidole de Roth 5 ? La confusion
en effet est ancienne et s'explique facilement. Saint Mellon avait le pre-
mier prêché le Christianisme à Rouen; mais saint Romain porta le dernier
coup au paganisme et fit détruire plusieurs monuments profanes ou mal
famés 4. Cela nous explique comment la tradition populaire a mêlé les
actes des deux saints, et comment les Gargans dont il est question plus
haut se vendaient le jour de saint Romain. Remarquons aussi que u le
dragon symbolique, que le moyen-âge reconnaissant a donné aux con-
quérants chrétiens» et que d'après la légende saint Romain aurait vaincu,
porte à Rouen le nom particulier de Gargouille.
H. G.]
1. Ibid.^ p. 573, note g.
2. La Seine-Inférieure historique et archéologique, par M. l'abbé Cochet (Paris, 1864,
in-4°), p. 506.
3. « Tout le monde a parlé de l'Idole et du temple de Roth, que les uns font détruire
par saint Mellon, d'autres par saint Romain. Sans pouvoir donner de motifs déterminants
nous penchons pour le premier. — On est allé jusqu'à indiquer la place du temple de ce
dieu gallo-romain. On désigne ordinairement le terrain occupé, au moyen-âge, par l'église
et l'abbaye de Saint-Lô. Ce point, en effet, est couvert de débris antiques d'une haute
importance et d'une grande profondeur. Parmi ceux qui tiennent pour cette tradition,
nous citerons : M. Rondeaux, Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque du Roi,
t. III, p. S9'-92. — Servin, Histoire de la ville de Rouen, t. I"', p. 42-47. — Périaux,
Dictionnaire- indicateur des Rues et Places de Rouen, p. xiv-xv, 141, 275. — [Lever] Dis-
sertation sur l'abolition du culte de Roth, in-8 ■ de 52 p. Paris, 1829.» Ibid, p. so6. n. i.
— Le titre complet de la brochure anonyme publiée par le marquis Lever est : Disser-
tation sur l'abolition du culte de Roth, soit par saint Mellon, i" êvêque , soit par saint
Romain, 9* évéque de Rouen.
4. Cochet, ibid. p. m?-
BIBLIOGRAPHIE
La Table de Peutinger, d'après l'original conservé à Vienne ; précédée d'une
introduction historique et critique et accompagnée : i" d'un index alphabétique
des noms de la carte originale avec les lectures des éditions précédentes ; 2" d'un
texte donnant, pour chaque nom, le dépouillement géographique des auteurs
anciens, des inscriptions, des médailles, et le résumé des discussions touchant
son emplacement; y d'une carte de redressement comprenant tous les noms
à leur place et identifiés, quand cela est possible, avec les localités modernes
correspondantes; 4° d'une seconde carte établissant la conformité des indica-
cations générales de la table avec les connaissances présumées des Romains
(orbis pictus d'Agrippa); par Ernest Desjardins. Livraisons i, 2, 5, 4 et 5.
In-folio à 3 col.,VI-84 p. et 5 pi. Paris, lib. L. Hachette etCie, 1869, 10 fr.
la livraison.
L'antique carte de VOrbis Romanus connue sous le nom de Table de
Peutinger, paraît enfin dans une édition splendide, correcte et défini-
tive, qui, confiée aux soins de M. E. Desjardins, se fait aux frais du
Ministère de l'Instruction Publique de France. L'édition la plus récente
comme la plus autorisée de la Table de Peutinger, publiée en 1 824 par
le célèbre géographe Mannert, péchait par mainte erreur et par mainte
omission. Ainsi, en ce qui concerne la Gaule, huit tracés de voie étaient
omis, et plusieurs noms de lieu avaient été mal lus. Il y a quelques
années, M. A. Maury, comparant l'édition de Mannert avec l'original
de la Table conservé à Vienne, avait découvert un bon nombre des
erreurs touchant la Gaule, et avait consigné ses corrections dans la
Revue Archéologique fjanvier 1864). Continuant et poussant plus loin
l'examen commencé par M. Maury, M. E. Desjardins releva dans l'édi-
tion entière de Mannert trois cent quatre-vingt-sept erreurs graves.
Il était évident qu'une nouvelle édition de la Table de Peutinger deve-
nait nécessaire, et le Ministre de l'Instruction Publique ne pouvait con-
fier cette tâche à une personne plus compétente que M. Desjardins. Le
titre de l'œuvre, que nous avons transcrit en entier, en dit d'avance le
contenu ; ajoutons qu'il y sera joint onze cartes, reproduisant en fac-
simite et en couleur les onze segments de la carte originale.
De ce grand ouvrage qui ne sera peut-être pas complété avant quelque
144 Bibliographie.
temps, cinq livraisons ont paru. Ce sont celles qui intéressent le plus les
lecteurs de cette Revue, car ce sont celles qui renferment la Gaule. Elles
comprennent : le rapport au Ministre où M. D. explique la nécessité
d'une nouvelle édition et le plan qu'il suivra dans son travail ; les plan-
ches des segments I, II, III, IV et V de la carte originale; et le com-
mentaire sur la nomenclature de ces segments, c'est-à-dire qu'à l'occasion
de chacun des noms de la Table de Peutinger, M. D. donne le dépouille-
ment géographique de tous les textes grecs et latins, des inscriptions des
monnaies et des auteurs du moyen-âge ; puis il résume les discussions
qu'a provoquées l'identification du nom ancien avec un nom actuel;
quand l'identification est douteuse, il mentionne les diverses opinions.
On trouve là, réunis avec une patience et un labeur qu'on ne saurait
trop louer, les renseignements les plus divers sur l'ancienne topographie
de la Gaule et sur l'histoire particulière des localités; et la philologie
fera son profit de toutes les formes d'un même nom groupées et chro-
nologiquement disposées.
Après ce commentaire sur les noms de lieu de la Gaule donnés par
la Table, viennent des Observations particulières sur la Gaule d'après la
Table de Peutinger. Dans cette longue et intéressante dissertation, M. D.
étudie « les vénérables débris de la géographie celtique « et les rensei-
gnements qu'on peut tirer de la Table pour la restitution géographique
de la Gaule au temps d'Auguste. Il donne une liste des villes et des
localités dont les noms sont certainement antérieurs à la mort d'Au-
guste, et un tableau comparatif des provinces et des cités de la Gaule,
1° à la mort d'Auguste (an 14 après J.-C.) ; 2° au milieu du 11* siècle de
notre ère; 3° à la fin du iv. L'examen auquel M. D. soumet la partie
gauloise des segments, et ses recherches sur l'origine de la Table,
l'amènent aux conclusions suivantes : « On voit, dit-il, que le dépouille-
» ment de la Gaule d'après la Table de Peutinger étant opéré, de telle
>) sorte que nous puissions attribuer à l'époque d'Auguste tous les noms
» qui sont antérieurs à cette date d'après les preuves historiques,
» archéologiques ou philologiques que nous avons rapportées, il ne res-
» tera que bien peu d'éléments imputables au iV siècle. Sauf le réseau
» des routes dont une petite partie seulement remonte avec certitude
)> au temps d'Agrippa, on peut dire que les provinces, les régions, les
» peuples, sauf deux noms au delà du Rhin, tous les chefs-lieux de cité
n sans exception, presque tous les oppida et les vici et un nombre consi-
)) dérable de localités secondaires sont certainement antérieurs à l'an 14
)) de notre ère, et font de la Table de Peutinger le monument de beau-
)) coup le plus précieux, le plus authentique et le plus complet que nous
Bibliographie. 145
;> possédions pour la restitution, et de notre vieille géographie celtique,
» et, à la fois, de l'organisation de la Gaule par Auguste au lendenriain
)) de la conquête » fp. 79, col. 3).
Il est à désirer que M. E. Desjardins détache de son grand ouvrage
ce qui a spécialement trait à la Gaule, pour que le public archéologique
ait à sa disposition, dans un format plus maniable et pour un prix moins
élevé, un travail aussi utile, pour ne pas dire indispensable, à l'historien
de nos origines nationales.
H. G.
De Galatia provincia romana, thesim proponebat Facultati iitterarufn
Parisiensi G. Perrot. Lutetias Parisiorum, apud E. Thorin, 1867, 184 p.
in-8*. Prix : 3 fr.
On peut dire sans exagération que M. Perrot a fait sienne^ par l'éru-
dition, cette partie de l'Asie Mineure que nos ancêtres ont autrefois
conquise par les armes. Il l'a explorée en tous sens ', et il a eu la bonne
fortune d'y découvrir, sur un monument d'Ancyre, le texte le plus com-
plet que l'on connaisse du testament de l'empereur Auguste. Sa disser-
tation De Galatia est une excellente et complète monographie de l'his-
toire politique de cette province. Elle est divisée en quatre parties.
Dans la première, l'auteur résume les événements qui se sont succédé
dans cette partie de l'Asie Mineure depuis l'invasion des Gaulois jusqu'à
sa réduction en province romaine. Dans la seconde, il indique les
limites et les divisions de la province de Galatie; les inscriptions et les
monnaies lui fournissent ici des renseignements certains. La troisième,
consacrée à l'organisation de la province, repose également sur les
documents épigraphiques ; et c'est principalement à l'aide de ces docu-
ments que M. P. a pu reconstituer aussi complètement que possible la
série des légats romains en Galatie. La quatrième et dernière partie
comprend l'administration de la Galatie sous l'Empire. M. P. termine
en discutant le passage souvent cité de saint Jérôme, d'après lequel la
langue gauloise aurait subsisté en Galatie jusqu'au iv*^ siècle de notre
ère. M. P. avait omis de citer les témoignages ajoutés par M. Diefen-
bach à celui de saint Jérôme. Heureuse omission! dirions-nous volon-
tiers; car elle nous vaut une communication de M. Perrot qu'on trou-
vera plusloin^, et qui, nous l'espérons, mettra fm à un préjugé accrédité
1 . Il a consigné les résultats de ce voyage scientifique dans son livre intitulé : Explo-
ration archéologique de la Galatie, de la Bithynie, etc.
2. Nous nous apercevons au dernier moment que le manque d'espace nous force à
remettre à la prochaine livraison la lettre de M. Perrot.
146 Bibliographie.
depuis longtemps sur la foi de saint Jérôme. — N'oublions pas de dire
que la dissertation de M. P. est écrite dans une exquise latinité et se lit
avec autant de plaisir que de fruit.
H. G.
Gally V epochu Kaïa Julia Cesaria. Sotchinenie Alexandra Gedugieys-
KAGO. [Les Gaulois au temps de César, par M. Alexandre Georgievsici.]
X-525 p. in-8*. Moscou, 186^.
Nous ne parlerions point d'une œuvre vieille déjà de cinq ans, si elle
n'était, malgré son ancienneté, une nouveauté pour l'Europe Occiden-
dentale. Elle n'a point été, malgré sa haute valeur, signalée par la
presse savante d'Europe; c'est un peu la faute de l'auteur ....Russiciun
est, non legitur. Longtemps professeur d'histoire aux universités
d'Odessa et de Charkow, aujourd'hui directeur du « Journal du
Ministère de l'Instruction publique « à Saint-Pétersbourg , M.
Georgie\^ki apporte dans ce livre le résultat de longues et conscien-
cieuses recherches. Joignant à l'étude des textes anciens la connaissance
des travaux modernes sur la Gaule, il a écrit un livre qui n'est pas seule-
ment un excellent tableau de la civilisation et de l'histoire des anciens
Gaulois, mais où abondent les observations originales et les vues nou-
velles. La partie la plus originale de son ouvrage est celle qui traite de
la religion des Gaulois, sujet ardu et obscur que l'on commence à peine
à étudier d'une façon critique par l'examen simultané et comparé des
monuments figurés, des inscriptions votives et des traditions populaires.
L'opinion de M. G. est que les croyances des Gaulois tenaient de
plus près à celles des Germains qu'à celles de tout autre peuple de l'unité
indo-cehique, et il s'appuie surtout sur la mythologie germanique pour
expliquer les débris mutilés de la mythologie gauloise. Dans un sujet
aussi neuf, l'hypothèse est chose permise — et ordinaire; nous croyons
pourtant qu'il est trop hardi d'admettre a priori entre les mythes cel-
tiques et germaniques une parenté intime, un lien fraternel qui en fasse
un groupe à part. Mais si la thèse de M. G. nous semble exagérée
dans son principe, nous devons reconnaître qu'il y a dans les détails
maint rapprochement ingénieux, et peut-être serait-il bon de publier ici
quelques extraits de cette partie du livre de M. Georgievski.
Nous félicitons la littérature historique de la Russie de posséder une
oeuvre aussi remarquable, mais en même temps nous adjurons les savants
slaves d'écrire en français ou en allemand (langues qu'ils savent tous),
lorsqu'ils traitent de matières d'un intérêt général. C'est le seul moyen
de rendre leurs livres accessibles au public spécial et compétent, en
Bibliographie. 147
même temps que de faire profiter la science de leurs recherches et de
leurs observations. Nous désirons vivement que le livre de M. Geor-
gievski soit traduit en français : il ferait bonne figure auprès des
meilleurs ouvrages que l'on ait encore consacrés à l'antiquité gauloise.
Pravek Zeme Czeske. [La Bohême anté-historique, par M. Jean-Erasme
WocEL, professeur à l'Université de Prague, etc.] Un volume in-8* (en deux
parties) de 576 pages (avec 194 figures et une cartej. Ouvrage publié aux
frais de la Société Royale des Sciences de Bohême. Prague, librairie Tempsky,
1866-68.
M. Wocel a déjà publié en tchèque et en allemand d'importants tra-
vaux littéraires et historiques. L'ouvrage écrit en tchèque que nous
annonçons aujourd'hui a, ainsi que l'indique le titre, l'honneur d'être
publié par la Société des Sciences de Prague, et a valu à son auteur le
titre de docteur de l'Université de Saint-Pétersbourg. Ce sont là de
sérieuses recommandations. Cet ouvrage, dit M. Wocel dans la préface,
est le résultat de plus de vingt ans de recherches archéologiques. Il se
divise en deux parties : l'une comprend la période antérieure à l'appari-
tion des Tchèques dans l'histoire; l'autre étudie la Bohême slave jusqu'à
l'avènement du christianisme (du vi'' au x" siècle après J.-C). Cette
partie est fort estimée. Mais la première seule intéresse les lecteurs de
la Revue. On sait que la Bohême a été pendant un certain temps occupée
par un peuple celtique, les Boïens. Après avoir dans les chapitres I et II
signalé les monuments que l'âge de pierre et l'âge de bronze ont laissés
en Bohême, M. Wocel s'occupe dans les chapitres III_, IV, V, VI et VII
de la période cehique de l'histoire bohème. Ces chapitres occupent près
de 100 pages in-8°. Étudiant l'époque où les Celtes ont dû occuper le
sol de la Bohême actuelle, M. Wocel constate ce fait que partout où se
rencontre l'élément cehique les objets de bronze sont fort abondants :
il démontre que les Boïens faisaient partie des émigrants gaulois con-
duits par Sigovèse et qu'ils ont occupé le pays depuis l'an 600 avant
J.-C. jusqu'à l'an 60 de notre ère. — Cette thèse est contraire à l'opi-
nion généralement reçue qui fait arriver les Celtes en Bohême en 388 et
leur fait quitter ce pays en l'an 1 2 de notre ère ' .
Le chapitre IV expose d'après les sources connues la religion, les
mœurs, les usages des Gaulois.
I. [r^l. Wocel avait déjà développé cette thèse avec une grande force d'argumentation
dans un travail écrit en allemand, Ueber den Zug der Kelîen nach Italien und zum hercy-
nischen Walde et publié dans les mémoires de la « Société Royale des Sciences » de
Prague pour 1865. — H. G.]
148 Bibliographie.
■ Le chapitre V traite des fortifications celtiques d'après César et
recherche les traces que ce genre de fortifications a laissées en Bohême.
M. Wocel signale des fortifications de pierres et de briques en plusieurs
endroits de la Bohême et en reproduit la configuration. Ces dessins qui,
croyons-nous, sont pour la plupart inédits, ont un grand intérêt pour
les archéologues, et peut-être la Revue aura-t-elle l'occasion d'en repro-
duire quelques-uns.
Dans le chapitre VI M. Wocel étudie les noms des montagnes et des
fleuves bohèmes que l'on trouve dans les anciens, les oppida celtiques
que Ptolémée place dans le Bojohemum et les pays environnants ; enfin
les noms de lieu. Il compare lés monuments celtiques des différents pays
à ceux qui se trouvent en Bohême, et recherche quelles pouvaient être
les voies commerciales des Boiens. M. Wocel signale l'existence en
Bohême de quelques monuments mégalithiques, etc.
Le chapitre VII étudie les monnaies celtiques trouvées en Bohême^, et
dont un grand nombre est conservé soit au musée national de Prague,
soit dans les collections particulières du pays. De nombreuses figures
donnent un intérêt tout particulier à cette partie de l'ouvrage. Signalons
notamment un sanglier de bronze qui se trouve au musée de Prague.
Sans être compétent pour apprécier les interprétations de M. Wocel,
il m'est permis de dire que son travail me paraît consciencieusement
fait. Espérons que l'auteur voudra bien communiquer quelquefois à la
Revue Celtique le résultat de ses doctes recherches.
Louis Léger.
Grammatica Celtica e monumentis vetustis tam hibernicae linguas quam britan-
nicarum dialectorum Cambricas, Cornic?e, Aremoricae, comparatis Gallica? priscae
reliquiis; constru.xit J. C. Zeuss. Editio altéra. CuravitH. Eiîel. FasciculusI.
Berolini apud Weidmannos, MDCCCLXVIII. 480 p. gr. in-8. Prix : 4 th. ( 1 5 fr.).
M. Ebel vient de publier à Berlin la première partie de la seconde
édition de la Grammaire Celtique de Zeuss. Cette publication doit être
reçue avec reconnaissance non-seulement par ceux qui ont fait des
langues et des littératures celtiques l'objet spécial de leurs études, mais
aussi par tous ceux qui s'occupent de linguistique et de grammaire com-
parée. La glossologie celtique ne date pas de bien loin. Elle a été
inaugurée, en quelque sorte, il y a un peu plus de 30 ans, par la publi-
cation du mémoire De l'affinité des langues celtiques avec le sanscrit, par
M. Adolphe Pictet, qui eut le mérite de signaler, le premier, la bonne
voie, et de deviner pour ainsi dire la nouvelle science. Le mémoire de
M. Pictet fut publié à Paris en 1857. Deux travaux remarquables sui-
Bibliographie. 149
virent cette première et heureuse tentative de M. Pictet, un de M. Bopp,
publié à Berlin en 1859, sous le titre de Die Celtischen Sprachen, l'autre
de M. Diefenbach, publié à Stuttgart en 1859 et 1840, sous le titre de
Celtica. Mais l'honneur d'avoir fondé sur une méthode rigoureuse et sur
une base solide la glossologie celtique, appartient incontestablement
à M. Zeuss. Après de longues études faites sur les anciens manuscrits
irlandais et britanniques, Zeuss publia, tout à coup, en 1853, à Leipzig,
sa Grammatica Celtica, qui fut, je n'hésite pas à le dire, l'un des grands
événements philologiques de ce siècle. Ce qu'il fallut à cet illustre savant
de patience, de sagacité, d'intelligence, je dirais même de génie, pour
construire cet admirable monument qu'il a nommé Grammatica Celtica,
ceux-là seulement peuvent l'imaginer qui se sont trouvés dans le cas de
consulter les vieux parchemins d'oi^ Zeuss a tiré les éléments principaux
de son ouvrage. La Grammaire de Zeuss, écrite en latin, embrasse à la
fois la langue irlandaise et les dialectes de la branche britannique ; elle
contient la phonologie, les flexions, la syntaxe, et de précieux spécimens
des langues celtiques des deux branches, extraits des anciens manuscrits.
La partie phonétique et celle concernant la composition et la dériva-
tion des mots sont tout spécialement remarquables et on peut dire
qu'elles ont été une véritable révélation.
Toutefois, la Grammaire de Zeuss, comme toute œuvre humaine, avait
des défauts et des imperfections. Le défaut le plus grave consistait dans
la classification des déclinaisons et des conjugaisons irlandaises, qui
n'était pas faite d'après la méthode basée sur la terminaison des thèmes
primitifs. La distribution des temps des verbes était également défec-
tueuse et bien incomplète. Peut-être, s'il avait vécu, Zeuss aurait corrigé
lui-même cette partie de son ouvrage dans une seconde édition qu'il
semblait avoir en vue. Mais il mourut trois ans après la publication de
la Grammatica Celtica ', et cette tâche échut au plus illustre de ses disci-
ples, à M. Ebel, qui était peut-être le seul en mesure de s'en charger et
de la mener à bonne fin. M. Ebel s'y était du reste préparé par des
travaux considérables, dont plusieurs ont paru successivement dans les
différentes livraisons du recueil publié par MM. Kuhn et Schleicher, qui
a pour titre : « Beitr^ege ziir vergleichenden Sprachforschung auf dem
Gebiete der Arischen, Celtischen und Slavischen Sprachen. » Mettant à
I. [La vie de G. Zeuss a été racontée par son ami et disciple Chr. W. Gluck dans
une biographie qui suit une republication d'une dissertation de Zeuss : Die Herkunft der
Bayern von den Markomannen, Munich, 1857, in-8". Le savant irlandais O'Donovan a
ajissi consacré à Zeuss dans VUlster Journal of Archieology, vol. Vil, une notice que rend
encore plus intéressante le récit d'une visite faite à Zeuss, peu avant sa mort, par Sieg-
fried. — H. G.]
1 50 Bibliographie.
profit ces travaux, et tenant compte de ceux publiés dans le même
recueil par MM. Schleicher et Lottner, ainsi que des publications impor-
tantes et nombreuses faites avec un zèle infatigable par M. Whitley
Stokes, M. Ebel s'est mis à l'œuvre avec courage et il a entrepris atec
une attention intelligente, patiente et en même temps respectueuse pour
l'œuvre du maître, la révision et la correction de la Grammatica Celtica.
C'est la première partie de ce vaste travail qui vient de paraître, sous le
titre ci-dessus indiqué, dans un gros volume de 480 pages. M. Ebel suit
l'ordre des matières qui avait été fixé par Zeuss. La préface n'a pas
encore paru. Cette première partie comprend :
I. Le livre 1'^'' : « de sonis » divisé en : i'^'' chap., « de sonorum
seriebus, natura, infectione; 2" chap. : « de consonis voces inchoan-
tibus, earumque infectione. »
IL Le livre 2" : « de nomine et pronomine » divisé en : i" chap.,
« de tribus generibus veteris linguae et articulo ; » 2" chap. : « de no-
minis flexione ; » je chap. : « de numerahbus ; « 4^ chap. : « de prono-
minibus. »
IIL Le livre 3" : « de verbo, » divisé en : i'^'' chap., « de systemate
verbi et particulis verbalibus ; » 2*^ chap. : « de verbi flexione. »
Ce chapitre n'est pas terminé. La publication s'arrête au présent
secondaire passif du verbe irlandais.
Je voudrais pouvoir indiquer ici toutes les améliorations et toutes les
additions faites à la Grammaire de Zeuss par son nouvel éditeur. Mais
le temps et l'espace, et j'ajoute aussi les études nécessaires, me man-
queraient pour cela. Je me bornerai, dans les limites qui me sont per-
mises, à donner à ce sujet quelques indications sommaires. D'abord
M. Ebel a fait dans tout le cours de l'ouvrage des corrections dans la
transcription et dans la traduction des gloses citées par Zeuss. Un nom-
bre considérable de nouvelles gloses, spécialement dans la partie
irlandaise, a été inséré dans tout l'ouvrage. Nous citons particulièrement
les gloses irlandaises empruntées aux publications de M. Stokes, Three
Irish Glossaries et Goidilica. Des exemples trop douteux de transpositions
de lettres dans les mots celtiques, que Zeuss avait accueillis sans un
fondement suffisant (V. la note à la p. 45, Gr. C), ont été éliminés dans
la nouvelle édition. Les gloses nouvellement ajoutées, ainsi que celles
citées dans la première édition, que Zeuss laissait quelquefois sans tra-
duction, sont accompagnées ici, presque constamment, de la traduction
latine, ce qui est d'une grande utilité pour le lecteur. A la fin du premier
chap. du premier liv., M. Ebel a ajouté, sous le titre de avaria quaedam,»
des remarques intéressantes sur l'inconstance des accents marquant la
Bibliographie. 1 5 1
quantité, sur l'élision et l'interposition des voyelles et la transposition des
consonnes, sur le zétacisme, sur quelques changements de consonnes,
et sur les syllabes finales. Peut-être aurait-il été désirable qu'il fit une
plus large part aux recherches sur l'influence que l'accent tonique exerce
sur la phonologie irlandaise, dans la composition des mots, dans l'élision
et la transposition des lettres, et dans les phénomènes de prolongation et
de diphthongaison des voyelles qui en sont la conséquence.
Mais j'ai hâte de signaler l'amélioration la plus importante, celle qui fait
de la nouvelle édition de la Grammatica Celtica un ouvrage presque nouveau,
et qui marque un véritable progrès dans la science. M. Ebel a distribué
les déclinaisons des noms et les conjugaisons des verbes irlandais selon
les terminaisons des thèmes primitifs, ce qui n'avait pas été fait par
Zeuss. Les déclinaisons sont divisées en deux « ordres, » l'un pour les
thèmes terminés en voyelles, l'autre pour ceux terminés en consonnes.
Le premier « ordre » contient trois séries de thèmes masculins et neu-
tres terminés : 1° en ^ etya ; 20 en /; 3" en u, et deux séries de thèmes
féminins terminés : 4° en ^ et ja; 50 en / '. Le second « ordre » contient,
en six séries, les thèmes terminés en consonnes. Une septième série est
réservée pour les thèmes terminés originairement en diphthongues, mais
M. Ebel en a trouvé un seul exemple dans le mot bô (bos). Les conju-
gaisons des verbes ont été divisées par M. Ebel, conformément à la
théorie exposée par M. Stokes (Beitr. III, 47), d'après les thèmes du
présent, en trois séries : 1° pour les thèmes terminés er\ à; 2° pour les
thèmes terminés en J; 30 pour les thèmes terminés en ia. Une série
spéciale comprend les verbes déponents. M. Ebel a judicieusement dis-
tingué les formes absolues de celles qu'il appelle « subjunctae » et dans
les formes redoublées il a eu soin de déterminer celles qui ont conservé
la réduplication, celles qui l'ont perdue et celles qui l'ont remplacée par
la prolongation de la voyelle radicale. Il a en outre déterminé les temps
composés, c'est-à-dire ceux qui sont caractérisés par l'insertion entre la
racine et la terminaison d'un élément nouveau (t, b [f], ou s). Cette
partie, qui est de beaucoup la plus importante de l'œuvre de M. Ebel,
mériterait une étude spéciale et approfondie. Il serait surtout intéressant
I. L'auteur ne parle pas de thèmes féminins en u. Ces thèmes, il est vrai, sont déjà
rares dans la langue latine, qui souvent fait passer dans la déclinaison en (' les thèmes
originaires en u. Toutefois, comme les langues grecque et latine ont conservé, bien
que dans une mesure différente, des thèmes féminins en u, il serait assez naturel que
l'ancien irlandais ait aussi gardé quelques traces de cette forme. Peut-être le mot deug,
fém. (potus), gén. sing. dige, que l'auteur place parmi les thèmes féminins en a, en est
un exemple. M. Stokes, dans une lettre qu'il vient de m'adresser, semble se prononcer
en faveur de cette hypothèse.
1^2 Bibliographie.
d'examiner si le cadre des paradigmes des verbes irlandais, tel qu'il a
été proposé par M. Ebel, est assez complet pour embrasser toutes les
formes que présentent les textes anciens. Les études auxquelles M. Stok.es
s'est livré sur ce sujet ne pourront manquer d'y apporter une vive
lumière et nous en attendons les résultats avec le plus grand intérêt.
Dans une œuvre aussi considérable que la refonte de la Grammaire
Celtique, il était presque impossible d'éviter quelques erreurs de détail.
Je hasarderai à ce sujet quelques remarques, surtout pour ce qui concerne
les citations des gloses irlandaises de Milan, que j'ai pu vérifier sur le
manuscrit original.
Aux pages $ et 412, roadbartaigset est traduit par « obtulerunt » et
oc adbartugud par « in ofïerendo. Il faut traduire « adversati sunt » et
« in adversando. » Ce verbe dont la racine est barî, orig. VAR-T, ne
doit pas être confondu avec le verbe aidbiur (offero), dont la racine est
ber, orig. BHAR. Les gloses de Milan ne laissent aucun doute sur le sens
des mots que je viens de citer. Exemples : cianudadbartaigii som danisa
(gl. aduersantes mihi) 19^ ; honaib adbartaib (gl. aduersariis) 24^ ; co
adbartaigid (gl. auersetur) 36^ ; ni adbartaigedar igl. non auersatur 36^ ;
adbarîaigfersa (gl. auersabor) 37^ ; adbartaigther .i. frisorcaissiu on gl.
auersaris, 44'' ; innan adbartaichîhe (gl. aduersorum) 44'' ; annunadbar-
îaigfesiu (gl. ausersato) 48-^ ; air ni roadbartaigestar (gl. quia non fuerat
auersatus; 55'^ ; lia adbartaiginnse (gl. auersabar) 1 32 =. La gloSe entière
d'où ont été tirés les mots cités dans la Gr. C. * est ainsi écrite : .i.
dinaib cumachtgaib echtrannaib roadbartaigset don popul 7 di cacli di
suidib immenetar. oc adbartugud dialailiu (gl. unde beatus dauid de
utrisque id est tam externis quam domesticis malis in hoc loco uel suppli-
cationes populi inserit uel querellas, i.e. de potentibus externis qui
adversati sunt populo, etc.) Ml. 26 ^.
P. 278 : le superlatif doirbem n'a pas la terminaison en bem, mais en
em. Le b appartient à la racine, comme dans la forme parallèle soirhem
(gl. quonihil estfacilius) Ml. $6 ^ Les formes du positif sont doirb, soirb.
Cf. tri insci redi 7 soirb (per sermonem commodum et facilem) Ml. 51^;
soirbiu (gl. facilior) 74^.
P. 336 : le mot mathirse de la poésie du ms. de Milan est traduit
« mea mater. » Il doit être lu m-athir-se et traduit « meus pater. » La
phrase entière est mathirse a mathirsem et elle signifie « meus pater
[erat] mater ejus », ce qui est du reste conforme au sens de cette étrange
poésie qui raconte l'enfantement d'un garçon par un homme « sine
matre, sine paternâ generatione » cenmathir cenathargein. Je trouve cette
même explication dans une note manuscrite de M. W. M. Hennessy et
Bibliographie. IJJ
dans un article de M. J. O'Beirne Crowe inséré dans « The Journal of
the historical and archaeological Association of Ireland ». 3 Ser. Vol. I.
No. 6. p. 301.
Pp. 434, 439 et 473 : arachela Ml. jia, focridigedar ]f; cochutrum-
maigidir 25^^ et dufuibniter 24^^, sont présentés comme des formes du
présent indicatif. D'après les gloses latines correspondantes dums. « quae
frustretur », « accingat», « ut... exaequet », « incidantur », ces formes
devraient appartenir au conjonctif.
P. 437 : am sluces est traduit « ut patet » au lieu de « ut obruit«.
La glose entière est : am sluces anadnacul nersoilcthe nitete ind 7 dutét
brentu as sic est gutor [leg. guttur] eorum (gl. quia rem mortis operan-
tur sepulcrorum uice longe horrorem foetoris éructant .i.e. sicut obruit
sepulcrum apertum quidquid it in illud et venit foetor ex eo) Ml. 22b. La
forme ind (in eo:, qui se trouve dans cette glose, n'est pas citée par
Zeuss.
P. 445 : dureised (gl. enudare) semble être considéré comme un
présent secondaire simple. Cette forme appartient au conjonctif secon-
daire en 5. La racine est rach, anc. rac; cf. durig ''gl. nudat) Ml. 28^; ^iz-
choimarraig gl. exuerit) 144''; docomarraig (gl. nudauit) 48^^; dundiring
(gl. ad nuditatem) 28c. Cf. gr. hiv.-oç, lat. lac-er.
P. 457 : la forme ni conimruldatar du ms. de Turin ne saurait être con-
sidérée comme un prétérit en î, si elle renferme, comme c'est probable,
la même racine que les formes imluadad, imluadi, Ml. 33*^;, 33^, cardans
ce cas la terminaison est -atar et non -datar.
A la p. 466 M. E. donne, d'une manière douteuse, il est vrai, la forme
fosissetar comme 3e pers. pi. d'un prétérit en s et il traduit « confessi
sunt ». Le doute de l'auteur était très légitime et j'ai hâte d'ajouter que
j'ai donné . moi-même dans les Gl. Taur. fp. 32) une interprétation
inexacte de ce mot que j'ai traduit « declaratur, confitetur » dans le sens
passif. Cette forme est la 3e pers. pi. du présent indicatif d'un verbe
déponent et signifie « confitentur ». Elle se trouve avec cette signification
évidente dans une glose de Ml.: fosissetar apectlhlu ind firien 7 asberat etc.
(confitentur peccata sua justi et dicunt , 132a. La 3'' pers. pi. du prétérit
en s serait 'foroissetar puisque nous avons dans le ms. de Ml. la 3" pers.
sing. de ce temps: afiiroissestar ''gl. confessus) 46*^; cf. fosisefar mo pecthu
''gl. ero conpunctus . i. e. fatebor peccata mea) Ml. <)S'^ ; fosisidersu fgl.
profetere) 66^.
P. 473 : mï imroimser (gl. ne tempteris est supposé être une forme
passive du conjonctif présent. Nous avons ici par contre la 2" pers.
sing. du conjonctif en s d'un déponent, et na imroimser doit être traduit
« ne delinquas ». Voir la note 2, p. i $6.
I ^4 Bibliographie.
P. 477 : fondulso, traduit « in hoc opère », doit être traduit « in hoc
casu ». Cf, fri finxit fochetoir dotet a siuguhhm fundul nisiu. air is corda
dothetfris is naib dolaib ailib gl. aliter qui finxit singulatim operi suo nulle
adstante hominum uel praesente. i.e. tw « finxit » statim convenit xi
« singulatim » in hoc casu, quia tô « corda » convenit ei in aliis casibus)
Ml. 53a Plusieurs exemples de ce mot sont cités dans les « addenda et
corrigenda » aux Gl. Taur.
Aux pp. 215 et 239 : comme exemple d'une forme irrégulière de l'ar-
ticle génitif sing. masc. et du génitif sing. d'un thème masc. en u, est
citée la glose de Ml. 24^^ : estosc innfine fexpressio vini). C'est là une
erreur de transcription. Le ms. a estosc inna fine (expressio vinorumi au
génitif pluriel. Le génitif sing. de ce mot dans les gloses de Milan est
régulièrement ind fino, et sans article //no, /ï/7^, 77^.
A la même page 21$, comme exemple d'une forme irrégulière de l'article
féminin à l'ace, sing., on cite la gl. de Ml. 23^ : trisindchomairli. Il faut
lire, d'après le texte très clair du ms., tris in drochomairli (per malum
consilium), et l'article se trouve ainsi tout à fait régulier.
A la p. 347 : M. E. hasarde une conjecture sur la forme aési d'une
glose de Ml. ainsi transcrite : aési inceîhardaiseo. Le ms. porte tar aési
incethardaiseo fprohis quatuor) 36c, avec la préposition nominale bien con-
nue tarési, taraési, tarhési, qui est souvent écrite séparée dans le ms. de
Milan : tar aési.
A la p. 466, la forme jorodamassa est citée deux fois comme exemple
d'un futur en s. La citation est erronée. Le ms. a dans les deux endroits
22d et 132^ jorodamarsa.
Aux pp. 13 et 165, les mots cô osnada ont pour glose « ad superiora».
Le ms. a par contre «usque ad suspiria», ce qui est conforme au sens et à
l'étymologie. Voici du reste la glosé entière, 31^ : cb osnada (gl. bene
hautem praemitens miseriam adiunxit et gemitum ut causam non tenuis
sed grauis doloris ostenderet per quem usque ad suspiria ueneretur, leg.
veniretur). Cf. Corm. Stok. 1 32 : osnad (a groan) et O'R. ad voc.
J'ajoute quelques autres rectifications :
Pag.
Ms.
8.
na erigmea
—
26 b.
no erigmea fgl. uel querellas
'3>
326. isé gnithi
—
30b.
.i. gnithi
M>
70. roithnech (gl. serenus^
—
>? '•
roithinech (gl. sereno)
22.
doguilse
—
20 b.
dogailse
50.
467. cithes
—
23 1.
ciathes
50.
immechomairsed
—
20 b.
immechoimairsed
212.
ar inaencai
—
3ï'-
ar incensai
215
cosindbrud
—
2} a.
cosindbiud
15$
Pag.
217, 270. inna cemmen
234. erdirc
242. innammraithemnachiae
252. ocduguidiusiu
25$. (gl. adconversationemna-
turae)
» a esbatad
265. immehimgabam son huan-
dinniiliugud 'gl. ab su-
bita tuitione)
» do fichemain
J05. dognaith... incoic
}o8. forsnasunu cétn[u]
326. congenisom
J28. fodunsegaî
m. dusngnis
342. cid aratadbaither
» huanerbermis
344. nadindbed
345. rondaberthar
352. forinni dauid
353. terwr
357, 461. dofoirmfed
362. cennach indlach
(gl. interceptione)
365. /î/ ^/u/c
434. gl. frustratur
439. gl. açcingit
» gl. exaequat
443. corirsin
445. frithîarised
455. doretarnacht
Ms.
22 a.
//2;2i3 ceimmen
25 a.
erdairc
133a.
innammraiîhemnechiae
22 ^
acdugaidiusiu
20 d.
(gl. ad conseruationem na-
turae nostrae)
I30C.
a esbataid
H''.
immenlmgabam son huandi-
nuilliugud (gl. ac subita
tutione)
36 a.
do jeichemain
16 c.
dogni... coic
133 d.
forsna sunu cétnal
22 d.
rongenisom
27 c.
fodansegat
29 ^
dusngni
32 a.
cid aratodlaither '
13$ d
huanerbirmis
17 a.
nadmbed
134 c.
nondaberthar
52 ^
forsinnl d.
26 c
berîair
5$ ^■
dofoirmsed l'gl. adderet)
32 a.
cennach nindlach
^gl. interreplione, leg. in-
terrup-)
24 a.
ni dû aie
31 ".
gl. frustrelur
35^-
gl. accingat
2^.
gl. ut... exaequet
134^
coririssiu
34^
frithtaised^
3? <^-
doretarracht 5
1. gl. quare postolas. Cf. todlaigthe (gl. petitum) Ml. 21b; dotluichethar (gl. exigit)
56a; dathodlugud igl. petitione), ciafiu todlaigersa (gl. quam iusta postolem) 38c;
duthluchedar (gl. postulare) 38 d; codatlucher (gl. ut efflagitem) 49d; duthluchimse (gl.
efflagitoj 71 c.
2. Cf. fristaissinn .1. dia frecur ceill (g\. sacros ritus obire) Ml. 132a; frist ait fris om
(gl. aduersarii) 23 c.
3. Cf. ar in chomtetracht 7 ind fresngabûil (pro comprehensione et ascensione) =.
* com-do-etar-racht, MI. 56b; ataat mesai daé ntphchomtetarrachti am. abis 7 am.
ij6
Bibliographie.
Pag.
Ms.
456. ni arroitsom hisin
—
56 ^
/2/ arroitsom insin
457. inrorthatar fochosmarb (?) —
55^-
A. inrorthatar fochosmailius
assar '
458. najetarsa
—
36 a.
rafetarsa
462. dusrnle
—
23 c.
dusrale
464. horacumachtaigset
—
28 a-
honacumachtaigsct
(gl. potici)
(gl. quo non sint potituri)
46 5 , isindi rondainmnigestar
—
17 ^
is indi rondnainmnigestar
469. (io sain [?)
—
32 a.
do sum
470. gl. iudicare
—
17 d.
gl. indicare
478. istrimetar
—
30 a.
is tri metur
Les «errata» que je viens de signaler, et dont quelques-uns ne sont,
sans doute, que des fautes typographiques, ne diminuent en rien la valeur
du livre ni l'importance du service que l'auteur a rendu à la science
par sa publication*. Si M. E. avait eu le temps et la faculté d'aller
consulter le manuscrit de Milan, il aurait facilement relevé lui-même
ces quelques inexactitudes, et il aurait trouvé dans cette riche source,
de l'ancienne langue irlandaise des formes intéressantes à ajouter à celles
qu'il a insérées dans son ouvrage. J'en citerai quelques-unes en guise ;
fudumain (g\. incomprehensibilia, iudicia domini) ^^d. La racine est ûrc (par inversion
rac), signifiant « stringere ». Cette racine, qui entre dans la composition d'un assez grand;
nombre de mots irlandais, tels que terchomarc, comtherchomrac « ecclesia, congrega-;
tio » etc., est largement représentée aussi dans la langue latine « arc-to, arc-eo, co-erc-!
eo, arc-io, arc-esso, arc-a », et, avec la particule négative, « e-rc-isco ».
1. i.e. instar Assyriorum. _ ,
2. La forme des lettres de l'alphabet irlandais des temps carlovingiens, en laissant!
mémt de côté la difficulté que présentent souvent la vétusté et l'oblitération de l'écriture,!
rend parfaitement explicables ces fautes de transcription. Les lettres n et r, a et u, c etj
t, p r et s, m in et ni, i et / offrent respectivement beaucoup de ressemblance entre,
elles. D'autre part, quant à la traduction, il n'est pas toujours facile de saisir la signifi-'
cation d'un mot ou d'une phrase de la langue irlandaise des anciens manuscrits, lorsque'
la glose latine n'en donne pas la traduction ou ne fournit aucun critérium pour en devi-:
ner le sens. Ainsi, pour citer des erreurs qui m'appartiennent, la formule irlandaise madu.
ruin, que l'on trouve deux fois dans le ms. de Turin, et que j'ai traduite par «si est ad
meditationem » Cl. Taur. p. S4, doit être traduite « juxta mysterium, littér. si est ad;
mysterium ». La formule madu ruin se trouve opposée à maddu stoir dans le ms. de Milanj
44b. Ces deux formules, à l'endroit que je viens de citer, ne sont pas glossées parla
traduction latine littérale. Mais elles y ont la signification évidente « secundum myste-'
rium, secundum historiam, quoad mysterium, quoad historiam ». Dans la même publica-;
tion (p. 3, 2 s) j'ai mal séparé et mal traduit le mot immerumediar du ms. de Turin,-
Gl. II, 15. Ce mot, soit qu'il doive être lu comme il est écrit dans le ms., soit qu'il doivCj
être corrigé par immenimedair, doit en tout cas être traduit « peccavit »; cf. les gloses,
de Ml.: inna h'i immeniimdeiar (gl. dilinquentes) 46 b; intan immeromastar fquum pecca-1
verit), ceni imroimsitis (quin peccaverint) 51a; imruimset (gl. peccabunti, imroimset,
(gl. delinquent) 543; que l'on compare également la glose de Wurzbourg : na imroimser'
(gl. ne et tu tempteris. i.e. ne delinquas) 20 c; et le mot souvent répété dans les mss.
immarmus (peccatum). A la p. 58 des Gl. Taur. les mots is\ bM,Ml. n c, doivent être lus
is bés, ce mot bés étant, non pas un féminin, mais un thème masculin en u.
Bibliographie. 1 57
de conclusion, en regrettant que l'espace me manque pour en citer un
plus grand nombre. Datif pluriel de l'article sans la terminaison -ib, -b :
■ huna fochaidib (a tribulationibus) 54^; honaigabalaib l'gl. captionibusj 54b;
donahisin (gl. quibus) 57 <^; donahi diandrercboil inti dia fgl. quibus
decreuerit; 46<=; hona. mainénaib (^\. monusculis) 69 '^. Comparatif en
-ithir : dinnimidir (facilius) 61^. Superlatif en -mem : huaisiimem (gl.
altissimum) 28'^; dirgimem (gl. equissima) 49^; cmmrimem fgl. breuiculi,
collis) 62 ^\ cossacarthimem (gl. sacratissimae, apparationis) <,o'^\du.-
thuichsimem (gl. acceptissimi tui) 7 1 ''; peut-être aussi forrcimem,foircimem.
(gl. obtimum;, 73 ^ Formes du pronom possessif de la 2^ pers. sing.
io devant les mots commençant soit par une consonne, soit par une
voyelle, qui n'ont pas été indiquées dans la Gr. C. ^; îô eredig gl. po-
, culum tuumj 4$ '^; dia roib to fortacht su lium fgl. tuum habens adiuto-
rium formidare non potero) 45 S centabairt domsa to fortachte (gl. ne
i suspendas . i. e. quin des mihiiuum auxiliumi 55 ^. Pronom suffixe de
la 2'-" pers. sing.: iarmut (gl. postte) 70^:. Formes verbales: Prés. Indic.
Act. : nad cumcusa fgl. nequeoj 18 ''; nosoe l'gl. auerti, soles) 44^;
ceine nosoisiu (gl. donec tu auertisi 3^ ^j riiguid (non petit) 42 ^ Relat.:
nderbas fgl. adprobare) 3$ ^; nglanas {§\. quae purificare solet) 28'^;
indi soas fgl. uersantisy 64''; indi prithchas gl. praedicantis) 1 3 1 '^ ;
coines gl. deplorantem) 73''; gudes (gl. periurantem) 39 *>• oirdnes 39^;
roithes 42 ^-j radas 42 ^-j rethes 42 '^•, îechtas 37 ^ ; sluindes 37 »; re/^j 24^;
tcr^s 27^; dlomas 30^; gu/^iei 32d;g<î/tei 101'^; //2^a/2 riiberes 129*^; techtae
37^; Dépon.: follaithersu (gl. regis; 82 «•. Conjonct. Act.: care^m ("gl. affi-
ceris) 43 a; imfolngaesiu (gl. efficeris) 43 a; ^/ astaesiu (gl. ne suspen-
,dasj 55 a. soirasiu gl. liberato 61^^; arfemasiu (gl. accipito; 68'';
conocaeba (gl. sublimet) 20'^; co ^uema gl. tuetur) 53 =; doeprannat
(gl. afluant) 39 ''. Dépon. : codaîlucher fgl. ut efflagitem) 49 '^i addéicider
(gl. respicies) 43 a ; con/ accadar (gl. qui non uideat 5 3 ^ Imp.: comainse
(gl. iudica 22''; imthimchellsa 'gl. accingere) 28d; /owc (gl. ure) 47 a;
sérnn fgl. studé 56 '^; escse fgl. intende) 65 i;foîhabair fgl. subde) 76d;
eroimsiu accepta) 132 ''• ; errenaid (gl. adpendite^ 20^; fj/f fgl. exite)
343; gudid 'orate; 68^. Forme emphatique: sLinaigîhe (gl. osanna)
17'', 25^^; ruccaitgthe (gl, condemnaj 27 '^; follaide l'gl. rege) 46 b;
dianaigthe{g\. cèlera) 49'^; ollaigthe 'gl. amplicâ, leg. ampliaf 70 ^. Prés.
Sec: coa5/ô/;!5e gl. uteffugerem 593; lase atatgladainnse 'gl. cum te conue-
nirem 62^; coni fodmainse (^§\.né perpeterer) 73*^; manucomallainn (siimple-
vissem 1 3 H; conulogad .i. co adcotad (gl. ut inpetraret) 39^; an dumbidced
(gl.iaculatus)5 3'*;no/ora5n/gm;5^gl.fidebamus)43<^; /7oro/55ifw'gl.nutarent^
35^; nudaerbtais (gl. qui in idulis confidebant; 46 d; nudianaigtis (gl.
158 Bibliographie.
celerabant) 54^; duemtis (gl. uelabant) 79 ». Prêt. red. ou simple :
eiirgénsa (gl. sum expertus) 79 a; rochualusu (gl. audisti) 50 d; rogéni
(gl. peregerit) 48^; dorochratar (gl. festinauerunt) ^6'^; focoimlactar
(gl. pertullerunt) 47^^; conîorchratar (gl. conciderunt) 48 ^ ; innarpatar [
(gl. depulerint) 23 ^. Dépon. : co rogenarsa (gl. ut in hanc uitam effun-
derer) 44*^; it hesidi dorumadirsi (gl. quae fuerat emensus) 16"^; rumi-
dar (gl. duxit) 72 ''; ni rufrescachtar (gl. praeter spem) 26^; dorumenatar
(gl. crediderunt) 35^. Fut. red. duema son (gl. uindicabit) 67 ^ ; daregaid '
(venietis) 33''; li'a/f 50^2 (gl. hoc potabunt) 30 '^ ; dedait fgl. euanescent)
79''; etirgenaî (gl. experientur, experituri sunt) 73 a, 68 <^. Dépon.:
sechidù denecaithersu (gl. quaquauersus respexeris) 73 '^. Prêt, en T:
conaiiecht an (gl. uoti sum compos efïectus) 1 32 d; danecomnacht su (gl. .
[quem] contulisti) 56 a; ni comtacht su (gl. nihil quessistiy 60''; durairn-
girîsiu (gl. secundum tuam promisionem) -j^^; conaicelt fgl. desimula-!
uit) 49^; doreî (g\. uelavit; rac. em) 16 '^; rommaltsa (gl. educauit me)
45^; roort (delevit, cecîdit) 48^^; inrochoissecht (consecutus est) 43'';
conaitechiat (g\. quesierunt) 44''; affi diindraingertar fatlii (gl. repromi-.
sione) 67 b. Fut. en B : in cumgubsa (gl. num potero) 49^; fudalibsea]
(gl. distribuam) 78 » ; noterdarcugub (gl. celebrabo té) 55 a; donesbe (gl. 1
despicies) 112 '^; ceine nosoifesiu (gl. donec tu auertis) 33 3; lase dona-\
talcfe (gl. cum delenueris animum) 69 <^; contifea (gl. inredebit, rac. ?iè) !
11 ^\ jonnitjea (gl. subsannabiti 17 3; /2i contuslifea (gl. nihil elabitur,
leg. elabetur) 27''; ni cumsanfa (gl. non desistet) 80 '^; confodlaibidsi {g\.
eritis participes) 53^^; ni cumgubat (gl. non poterunt) 54 a. Dépon. :
jrisailejarsa (gl. praestulabar) 38 a; adaichfedar (timebit) 46 c; nudcomdl-
nabadar (qui eam implebit) 46 c. Fut. sec. en B : ni cumcaibed (gl. '
nequisset) 42 «. Prét. en S : arroîneithiussa (gl. te sustenui) 46 ^ ; an i
darunesus igl. spernens) 36<=; ruradussa jc^; arromertus 7 arrudergus'
(gl. statui et proposui) 51 =>; asringbus (gl. excedissem) 130*^; rocloissiw
(gl. uicisti) 43 '*; rorelais (gl. absoluisti) 50^; adruirim (gl. computaue-
rit) 28'^; /uc 40 '^; rauc (gl. hoc usus est) 4$ ^^ ra/Ze/c ('gl. dimisit eum)
^^^; dorrubidc (gl. iaculatum esse) 40 d; daruicli (gl. uindicatus est, j
= do-a-ru-fich) 4^ '^ ; rorois (gl. nutauit) 84^; roeirpset (confisi sunt)'
43 '^l rutuirset (gl. scrutati sunt) 44 d- Dépon. : arrondoichenelaigsiursa'
(gl. degenerans sum) 44*^; 'oruthochaisgeisersu (gl. quam es consecutus)
43 C; rolethnaigser (gl. deletasti, leg. dilat-) 50^; rofoirbihichser (gl. ;
perficisti) 50^; a/a/c/n'^e^f^r (gl. uideris) 59*^; dorochuiristar{g\. adsciue-|
rit) 25 '^. Fut. Conj. en S : doroîhuusa (gl. decidarn) 23 '^; dofonussa\
(gl. lababo, leg. lav-) 47"; eu dusésa (gl. ut persequar) 61 ^; gigsesa
(gl. supplicabo) 47''; /zof« (gl. me effugientem) ic)'^; arutaissiu (g\.
Bibliographie. 159
reficies) 56 3; coririssiu (gl. ligabis) 134''; dufl fgl, uindicabit) 67^; co
arcôi (gl. ad nocendum) 46 1^; arna o//? 'gl. ne detrectet) 42 a; co dufess
(gl, ad ulciscendum) 443; coremifoil fgl. anticipet) 23a; a^nVi fgl. appen-
dat) 30^; dii asindisem (gl. quod adferemus) 55 2; condesat (gl. exqui-
rent) 46*^; contotsat (gl. conruere) 16 a. Dépon. : dummessarsa (gl.
metibor) 78*. Conj. sec. en S : ma rufessinn (si scirem) 59 b; doîodsinn
(gl. labi) 1 3 1 b; fl'î nutesed (gl. fugiens) 29 d; ma/?/ /o/wei 'gl, nisi debel-
lasset)40d; dofestais fgl. uindicari, cupiebant) 29^; co ingriastais (^g\.
ut persequerentur) 38''. Formes passives : cotaîoscaigthersu fgl. commo-
uere) 58'^; armunter jéid (gl. laudaturj 28 a; co atabsorchaither 'gl. inlu-
minamini) 53^; co dobemtharsi fdefendamini) 5 3 ^ ; imdaigetar son (gl.
rerumque afluentia) 39 d; imdaigiîir fgl, afluant) ^c)^; nebtar no dunda-
leîer fg\. exhauriri, pocula) 101^; nomlinfithersa (gl. expleborj 40 a;
nobcloifether (gl. uincemini) 67 3; co dufessar (gl. ut liindicetur) 32^^;
ngwar (gl. orari) 51 a; dudichestar (gl. duceturj 30'^; /or/î^/^55a^ar (g! ,
opprimi, rac. ^ertg) 39''. Participes de nécessité dans les cas obliques :
betis fustib .i. adnachtib (gl. condendis, cadaueribus) 33 d; ^ona/'l? déedib
betis chloithib (gl. ad conuincendos desides j 1 3 id; riîhi (gl. uenalem, iusti-
tiam) 36 a. Une forme remarquable dont on trouve plusieurs exemples
dans le ms, de Milan est celle des deux participes passifs en -se, -si au
lieu de -the, -thi, lorsque la racine, terminée originairement par une
dentale, présente une désinence en -es, -is. Dans les Gl. Taur. (p. xix,
54) j'ai indiqué quelques cas du changement du suffixe originaire -'tja
en -s, ~ss. Les exemples suivants confirment cette induction : ambanin-
drisse (gl. inuaso, imperio) i8<^, dunaib huilib indirsib {= indrissib, gl,
omnibus peccandi amore persuasis) 35 % ind indirsi ' (gl, uastati) 67^;
airndrisse^ (gl, erratam) i38d; impessi (gl, obesi) 20 a_, innan
impesse J (gl, obse[s]sorum) 49 ''; claissi'i (gl, defossi) 24 C; isgessi (gl,
adorandus) 26''; mese (gl, probatum) 31^^, indl beîa me«/ (gl, iudi-
candij7oa; esnaissi (gl. inserta) 32 c, esnaisse (gl, inserta) 33 C; betis
aisndisib (gl. dicendis) 27 ^, betis aisndisib (gl, ad indicandos) 23 a, is
aisndissi fgl, inserendum) 34 b, it diasndisi ara lin (gl. plura sunt quam
ut narrari queant, .i. inenarranda) 60'^. Il résulte de ces exemples que
1. cf. inreith (gl. aggreditur) 19 d; ind indrid (gl. uastationis) 27 a, 48 d; inrestais
(gl. inuadere, nitebantur) 37d; indred (gl. uastatioj 4}d; inréith (gl. uastantem) 48d;
arnaib indredaib (gl. pro uagationibus) 67 c.
2. Cf. duairndrtdat {g\.^trrtra'[\\.tts)%i'o,
}. = ' imb-sed-the; cf. lat. obsessus = *ob-sed-tus; et la gl. de Ml. : an impsuidt
(gl. obsidio) 4J b. Que l'on remarque l'équation : impsuid-e : obsid-io : : impess-e :
obsess-us.
4, Cf. foroichlaid (gl. effodit) 24 c.
i6o Bibliographie.
la forme aisndissi fgl. conserenda) 16 a, citée dans la Gr. C. ^ 480, ne
doit pas être corrigée *aisndisti, comme Zeuss l'avait proposé, mais
qu'elle doit par contre être conservée intacte selon l'orthographe du
manuscrit '.
C. NiGRA.
The origin and history of Irish names of places, by P. W.
Joyce, A. M., M. R. A. Dublin, Me Glashan and Gill; London, Whittaker
and G* ; XIV-530 p. in-12, 1869. Prix : 6 s. (7 fr. 50;.
M. Joyce avait déjà publié dans les Proceedings de l'Académie d'Irlande
différents travaux de toponomastique qui avaient été accueillis avec
faveur; aussi était-il préparé mieux que personne à la tâche de dire
l'origine et Phistoire des noms de lieu en Irlande. Le sujet n'avait
encore été abordé par personne, bien que les matériaux abondassent.
D'une part l'index topographique publié à la fin du Recensement
de 1861 et les collections manuscrites du Cadastre, de l'autre les nom-
breux noms de lieu fournis par les anciennes chroniques donnaient une
base certaine aux recherches de ce genre. M. J. a mis toutes ces sources
à' profit avec intelligence et sagacité. Son œuvre se distingue à la fois
par la sûreté de la méthode et par l'agrément de l'exposition. Dans la
première partie de son livre l'auteur établit les principes qui l'ont guidé
pour déterminer la forme et l'étymologie des noms de lieu et il formule
sommairement les règles de leurs changements phonétiques. La seconde
partie est consacrée aux noms d'origine historique ou légendaire, la troi-
sième aux noms qui rappellent des constructions de toute espèce (forts,
couvents, routes, etc.), la quatrième aux noms descriptifs du caractère
physique des localités. Un index très-étendu rend les recherches faciles.
La façon dont M. J. a groupé les noms de même espèce l'a gardé de la
sécheresse dont les travaux de ce genre sont rarement exempts; les
noms de lieu semblent plutôt venir nous renseigner sur l'histoire et les
traditions de l'Iriande que raconter leur destinée propre. Nous recom-
manderons comme particulièrement intéressantes les pages où l'auteur
montre les traces que l'ancienne hagiologie, les superstitions, les tradi-
tions et les coutumes ont laissées dans la nomenclature topographique.
Il n'est qu'un point sur lequel M. J. ne satisfait pas entièrement la curio-
I. Nous signalons à l'attention de M. E. quelques termes grammaticaux qui ne se trou-
vent pas dans Zeuss : ar todochide nindideto frecndairc comaccumuil (gl. non tradat...
pro non tradet. more suo commotat tempora. i.e. pro future indicativi praesens conjunc-
tivi) 61 a; comacumul arindidit (gl. commotatio modorum est. i.e. conjunctivus pro indi-
cative) 62 a; todochide ar sechmadachtat nanfoirbthe (gl. temporum, commotatio. i.e.
futurum pro praeterito imperfectoj 62 a. — c. N.
Bibliographie. i6i
site de son lecteur, c'est l'identification des noms de lieu irlandais men-
tionnés par Ptolémée. Ptolémée en donne une cinquantaine; M. J. ne
peut en identifier que neuf environ : et encore quand il voit Dublin dans
l'antique "EcAavx, la localité peut être la même, mais les deux appella-
tions ne peuvent se ramener l'une à l'autre; ses identifications deman-
deraient aussi à être accompagnées de preuves. M. J. est d'avis que les
noms de lieu irlandais donnés par Ptolémée sont trop corrompus ou
trop fantastiques pour pouvoir être reconnus et expliqués. Il faut certai-
nement faire une part à l'inconnu; mais ne pourrait-on pas faire cette
part un peu moins grande ? il y a là un difficile, mais intéressant sujet
de recherches.
H. G.
Dicuili Liber de mensura orbis terrae, à Gustave Parthey recognitus.
Berolini, in aedibus Friderici Nicolai, 1870. xv-96 p. in-12. Prix : 25 sgr.
(3 fr. 50).
Voici une nouvelle édition d'une œuvre latine d'un moine irlandais
du IX'' siècle. Ce traité géographique avait été publié pour la première
fois par C. A. Walkenaer en 1807; une seconde édition, due aux soins
d'A. Letronne, suivit de près la première en 181 1. Le motif qui a
décidé M. Parthey à en donner une troisième édition est la découverte,
à Dresde, d'un ms. négligé jusqu'ici, qui donne sur bien des points un
texte meilleur que les mss. suivis par Walkenaer et Letronne. Dicuil
dans ce traité résume les connaissances géographiques de son temps. Il
est malheureux qu'en parlant de <( nostram insulam Hiberniam » il ne se
soit pas laissé aller à quelque digression qui pour nous serait instruc-
tive '. Il lui échappe pourtant, en passant, de nous fournir deux rensei-
gnements intéressants. L'un touche des îles qui sont probablement les
Iles Shetland -, et où à une certaine époque s'étaient retirés des ermites
irlandais : c'était chercher bien loin un endroit écarté pour prier Dieu.
L'autre renseignement a trait à l'Islande 'qu'il nomme Tliilej, mais c'est
1. H se borne à mentionner la fertilité de ses pâturages : « Multis insulis nec ignobili-
bus circumdatur [Brittania insula], quarum Hibernia ei proximat magnitudine, alias ita
pabulosa ut pecora, nisi interdum a pastibus arceantur, ad periculum agat. » Ed. Parthey,
p. 74.
2. M Sunt aliae insulae multas in septentrional! Brittanias oceano, quas a septentrionali-
bus Brittaniaj insulis duorutn dierum ac noctium recta navigatione plenis velis assidue
féliciter vento adiri queunt. Aliquis presbyter religionis mihi retulit quod in duobus assti-
vis diebus et una intercedente nocte navigans in duorum navicula transtrorum in unam
illorum introivit. \\\x insulae sunt alix parvulï, fere cunctas simul angustis distantes fretis,
in quibus in centum fere annis heremita ex nostra Scottia navigantes habitaverunt. Sed
sicut a principio mundi desertae semper fuerunt, ita nunc causa latronum Nortmannorum
vacu<£ anachoritis, plens innumerabilibus ovibus ac diversis generibus multis nimis mari-
narum avium. » Ibid, p. 44.
II
i62 Bibliographie.
malheureusement d'une façon encore sommaire. Dicuil, qui est avant
tout géograplie, donne sur l'Islande des détails qui lui avaient été four-
nis trente ans auparavant^ dit-il, par des clercs qui avaient passé la belle
saison dans cette île '. Ces clercs étaient probablement des Irlandais, et
les paroles jetées en passant par Dicuil concordent avec le témoignage
de chroniqueurs norwégiens^. — Nous avons cité ce qui dans le traité
de Dicuil est plus particulièrement du domaine de cette Revue 3. Le lec-
teur que cette œuvre intéresse spécialement trouvera dans la courte mais
substantielle préface de M. Parthey une étude sur les sources auxquelles
a puisé Dicuil, et l'indication des mss. de ce traité. Cette édition est
faite avec le soin et l'exactitude qu'on est habitué à trouver dans les
publications de M. Parthey.
H. G.
Merlin, or the Early History of King Arthur : a prose romance (about 1450-
1460 A. D.), edited from the unique ins of the University Library, Cam-
bridge, by Henry B. Wheatley. Part I, with an introduction by D. W.
Nash, Esq. F. S. A. 1865, XVr-128 p. — Part II, 1866, pp. 129-378. —
Part III, with an essay on Arthurian Localities by J. S. Stuart Gle.nme, Esq.
1869, pp. XVII'-CLVI et 379-701 , in-8°. London, printed for the Early
English Text Society.
Arthurian Localities; their historical origin, chief country, and fingalian
relations; with a niap ot Arthurian Scotland, by John S. Stuart Glexme,
M. A., etc. VI-140 p. in-8°. Edinburgh, Edmonston and Douglas, 1869.
Prix : 7 s. 6 d. (9 fr. 40).
L'ancienne traduction anglaise du roman français de Merlin est au
complet dans ces trois parties ; mais une quatrième partie doit bientôt
paraître, et donner l'introduction de M. Wheatley. Quand cette publica-
tion sera entièrement terminée ce sera le moment de parler de l'édition
et de l'œuvre. Nous ne voulons aujourd'hui que signaler son apparition
à nos lecteurs. La Société pour la publication des anciens textes anglais,
dont on ne saurait trop louer l'activité et le zèle, ne néglige rien pour
éclairer les textes qu'elle édite, et le Merlin de M. Wheatley acquiert une
nouvelle valeur par les dissertations qui y sont jointes. C'est d'abord en
1. '( Trigesimus nunc annus est (Dicuil écrivait en 825) a quo nuntiaverunt mihi cie-
rici, qui a kalendis Februarii usque ad kalendas Augusti in illa insula manseriint.... »
Ibid., p. 42.
2. Voir Zeuss. Cr. C. p. xii. n. — Cf. Lanigan. Eccl. Hist. of Ireland, vol. III, ch.
XX, § IV.
3. Il ne sera pas inutile de mentionner après M. Parthey les autres œuvres de Dicuil :
« Praeter librum de mensura orbis terrae, epistolam composuit de quaestionibus decem artis
grammaticae, quain ipse memorat (Prol.j; edi curavit Prisciani partitiones duodecim ver-
suum yEneidos principalium quae continentur codice Leidensi Vossiano 33. (Priscian. éd.
Keil, t. II, p. 389, 390.)» Ibid., Praef. p. vi.
Bibliographie. 165
tête de la première partie, une introduction où M. Nash, bien connu par
son beau livre sur Taliesin, étudie les éléments divers dont se compose
le type légendaire de Merlin. Dans un long essai (environ 130 pages,
avec une carte;, joint à la troisième partie, M. Glennie entreprend de
démontrer que le théâtre des exploits d'Arthur a été ce qu'il appelle
l'« Ecosse Arthurienne » c'est-à-dire l'Ecosse Méridionale et la Marche
Anglaise. Il faudra dorénavant tenir compte de ses ingénieuses et inté-
ressantes recherches qui jettent un jour nouveau sur l'histoire (dirons-
nous la légende ?) d'Arthur. Mais en ce qui concerne la nationalité des
Pietés et l'origine des traditions ossianiques ou fmgaliennes auxquelles
M. Glennie a consacré un chapitre de son travail, il nous semble diffi-
cile d'admettre ses théories. Le travail de M. Glennie, publié à part à
Edimbourg, forme un élégant volume qui s'annonce comme le premier
essai d'une série intitulée Arîhuriana et dont nous souhaitons vivement la
continuation. L'essai de M. Glennie est suivi de quelques pages où M.
Pearson revendique Arthur pour l'Ouest de l'Angleterre. Si nous en
croyons VAthenxum in° du 12 juin 1869) la quatrième partie de Merlin
nous apportera un nouvel essai sur le pays d'Arthur par M. Scott Surtees.
Mais la question Arthurienne trouvera-t-elle jamais une solution défini-
tive et certaine ?
H. G.
Éléments de la grammaire bretonne, par l'abbé J. Hixoant, Tréguier,
Le Flem^ 1868. In-8, 255 p. Prix : 2 fr. 50 c.
Dans le breton armoricain on distingue quatre dialectes. Ceux qui
s'éloignent le plus l'un de l'autre, et quant à la langue et géographique-
ment, sont le léonnais et le vannetais. Le vocalisme du second se distingue
de celui du premier par sa tendance à préférer 1'/, Ve et Vu à l'e, à l'a, à
\'ou. Le second supprime certaines consonnes que le premier a gardées,
et souvent se sert des sourdes là où le premier emploie les sonores. On
pourrait, surtout au point de vue du vocalisme, comparer le dialecte de
Léon au provençal et celui de Vannes au français, bien que Léon soit
au nord et Vannes au midi du petit pays qui seul sur le territoire de la
Gaule ait conservé la tradition de la langue de nos aïeux.
Les dialectes de Cornouailles et de Tréguier tiennent entre les deux
autres une place intermédiaire et par leur système phonétique et par la
situation topographique des populations qui les parlent. Ils occupent dans
le système néo-celtique de notre pays le même rang que par exemple
le poitevin dans notre système néo-latin.
Le Gonidec a écrit avec un vrai talent la grammaire du dialecte de
164 Bibliographie.
Léon. Nous devons à l'abbé Guillome une grammaire de celui de Vannes.
Je ne sache pas que les dialectes de Tréguier et de Cornouailles aient
jusqu'à présent été l'objet d'un pareil travail : mais les dictionnaires de
Le Gonidec et de M. Troude contiennent sur ces deux idiomes une foule
d'indications précieuses; puis on peut les étudier dans les livres écrits
par des auteurs qui se sont attachés à observer les formes spéciales de
chacun d'eux. Ainsi le Barzaz Breiz de M. de la Villemarqué contient
nombre de pièces composées en dialecte de Cornouailles et le gracieux
Bepred Breizad de M. Luzel est, comme monument du dialecte de Tré-
guier, un document philologique plein d'intérêt. La lecture en est surtout
attrayante quand à côté du volume de M. Luzel on tient ouverts les
Eléments de la grammaire bretonne de M. Hingant.
M. H. a voulu nous donner les lois générales du breton armoricain et
malgré sa bonne volonté il ne s'agit guère dans son livre que du dialecte
de Tréguier. Le mal ne serait pas grand, si, quand du dialecte de Léon
l'auteur passe à celui de Tréguier, il prenait la peine de nous en informer ;
il nous rendrait même par là un grand service; puisque, comme nous
l'avons dit, il n'existe pas de grammaire du dialecte de Tréguier; mal-
heureusement l'auteur a la plupart du temps cru inutile de distinguer
dans ses paradigmes et dans ses exemples ce qui appartient à l'un ou à
l'autre dialecte.
P. 9. Il traite de la « formation du pluriel » des noms; il commence
par s'occuper du « pluriel terminé en ou. » Il dit en note que cette
désinence est celle des dialectes de Léon et de Cornouailles, que dans
celui de Vannes elle est remplacée par eu, dans celui de Tréguier par 0.
Puisque c'est la désinence des dialectes de Léon et de Cornouailles qui
figure dans le titre, vous croyez sans doute que les mots donnés comme
exemple appartiennent tous au dialecte de Léon ou à celui de Cor-
nouailles : il n'en est rien; un des exemples est iné, âme, pluriel inéou.
înc est la forme usitée dans le dialecte de Tréguier; âme, anima en
latin, anam en irlandais, se dit enaid en gallois, éné en léonnais et en
cornouaillais, c'est-à-dire que dans ces trois dialectes Va initial fléchit en
en é; il fléchit en i dans le vannetais inéan avec un anoiisvara final qui
conserve dans sa dernière lettre un débris de \'m latin et irlan-
dais; le dialecte de Tréguier nous donne dans la forme iné une
transaction : iné a 1'/ initial de Vannes, et a perdu, comme le gallois,
comme les dialectes de Léon et de Cornouailles, toute trace de la nasale
que le vannetais a en partie gardée. Le pluriel à'iné est inéo comme
comme celui à'éné est énéou. Inéou que donne M. H. n'appartient ni au
dialecte de Tréguier ni à celui de Léon, c'est une forme hybride usitée
Bibliographie. 165
probablement sur la limite des territoires des deux dialectes ; mais elle
aurait surtout de l'intérêt à une condition, ce serait que nous sussions
le nom des localités où elle est employée.
Ce n'est pas le seul mot de ce genre qu'on puisse citer dans le livre
de M. H.
On trouve en gallois le verbe meddwi dans lequel on doit reconnaître
le thème sanscrit madhu, en grec ;j.eOj. Le dialecte de Léon nous offre
une forme presque identique à ce mot gallois : mezvi; la seule différence
est qu'en léonnais 1'»^ (ou) du gallois s'est consonantisé. Dans les dia-
lectes de Tréguier et de Vannes la voyelle primitive a été conservée,
mais la dentale a disparu, meoui, meouin, meouein. M. H. nous offre la
forme intermédiaire mévi (p. 32) où la dentale a disparu comme dans le
vannetais et dans le dialecte de Tréguier, mais dans laquelle la consonne
a pris la place de la voyelle ou, comme en léonnais ; l'infmitif s'y ter-
mine aussi comme en léonnais sans Vanonsvara fmal que le dialecte de
Tréguier a conservé.
Les mots qui appartiennent complètement au dialecte de Tréguier
sont innombrables. Tel est tic ''maisons, p. 19;, en léonnais liez ou tier\
hec'h pronom possessif féminin suivi d'une voyelle (p. 49, en léonnais
/zf '; honnez (celle-là, p. $4), en léonnais hounnez; hirié (aujourd'hui,
p. 161, en léonnais hirïo; kresté (m\di\, p. 177), en léonnais kresteiz;
d'hé (à eux, p. 174, 177), en léonnais d'hezo; treo (choses, p. 179), en
léonnais traou.
Mais la forme usitée dans le dialecte de Tréguier, n'est pas toujours
celle que M. H. préfère : c'est ainsi que p. $0 il écrit var (sur), au lieu
de oar, p. 161, 174, divar (de dessus;, au lieu de dioar.
Nous avons ailleurs - adressé quelques critiques à un ouvrage, de
grande valeur du reste, le Nouveau dictionnaire pratique français et breton
du colonel Troude. Les Bretons qui s'occupent de grammaire et de lexi-
cographie ne sauraient trop méditer les sages observations de ce savant
auteur sur la nécessité de respecter la distinction des dialectes (voir
pp. XXX et 912'. Il est fâcheux que M. H. n'ai pas tenu plus de compte
de ce principe. Je le regrette d'autant plus que son travail dénote une
connaissance approfondie de la langue qu'il nous enseigne, et que sur
bien des points sa grammaire est beaucoup plus complète que celle de
Le Gonidec.
Signalons par exemple les règles que M. H. donne sur l'application
1. En gallois moyen y-ft. Le dialecte de Tréguier a conservé la gutturale aspirée finale
que les autres dialectes armoricains ont perdue, cf. Gr. C', p. 386.
2, Revue Critique, du 23 janvier 1869.
1 66 Bibliographie.
des lois de permutation des consonnes initiales et finales. Il est curieux
de voir observer qu'à la fin des mots le t ei \e k précédés d'i restent
invariables (p. 7). Les langues germaniques possèdent une loi analogue,
comparez le gothique slandan et l'allemand sîehen issus de la racine indo-
européenne STA.
Le § 13, p. 12, intitulé : pluriel terminé en CHOU aurait fourni à
M. Ebel des exemples nouveaux à citer dans l'étude sur le zétacisme
dont il a enrichi la nouvelle édition de la Grammatica Celtica (pp. 169-
.7.).
Le Gonidec n'avait pas dit dans sa grammaire que 1'/ initial suivi
d'une voyelle était consonne en breton. C'est chez M. H. que j'ai trouvé
cette observation pour la première fois. Devant cet i l'article est ar et
non ann comme devant les voyelles 'p. 25, voyez aussi p. 49, n,).
Le Gonidec respectait ordinairement cette règle qu'il n'avait pas signa-
lée fvoir pp. 394 et suiv. de son Dictionnaire breton-français'^. Comparer
le dictionnaire déjà cité de M. Troude aux mots langue, poule, etc.).
Le futur primaire auxiliaire figure dans les paradigmes du verbe et
c'est encore la première fois, si je ne me trompe, qu'une grammaire
bretonne le signale.
Je ne cite que quelques exemples : Il y a donc dans la Grammaire de
M. H. une foule de choses à apprendre qui ne se trouvent pas dans les
ouvrages analogues que nous avons eus jusqu'à présent à notre disposi-
tion ; c'est la raison pour laquelle j'ai tant insisté sur le défaut capital
de ce livre. Si l'on a soin de se tenir en garde contre la tendance de
l'auteur à confondre les dialectes,, on n'aura qu'à gagner à la lecture
de son livre.
La grammaire comparée n'a guère pénétré en Bretagne. Mais si M. H.
est resté étranger à cette science encore nouvelle, il a du moins le bon
goût de ne pas fabriquer d'étymologies. Son seul faible est de croire à
l'antiquité de sa langue. Son plus éminent approbateur, dans une lettre
imprimée en tête du volume, dit, en outre, qu'il considère le dialecte de
Tréguier comme plus ancien que celui de Léon. M. Troude l'a observé :
Pep hini e Breiz a veul hc icz drcist hini ar re ail ' .
H. d'ArBOIS de JUBAINVILLE.
I. « Chacun en Bretagne trouve son dialecte supérieur aux autres. » Nouveau diction-
naire pratique français et breton, p. 280.
CHRONIQUE.
Mort de M. Todd. — Souscription de la Todd Professorship. — L'université
galloise d'Aberystwyth. — Procès « Pike versus Nicholas. » — Deux confé-
rences de M. Huxley. - Annonce d'unCorpus Inscriptionum Hibcrnicanim . —
Création d'une chaire de langue irlandaise à Notre-Dame.
Les études celtiques ont, l'an dernier, perdu un de leurs plus illustres représentants
en Irlande, M. J.-H. Todd. 11 est inutile d'énumérer ici ses nombreux travaux
bien connus de toute personne qui s'est occupée de l'histoire et de la littérature
de l'Irlande. Si on a pu avec justesse dire de quelqu'un « nulla dies sine linea »
c'est bien de M. Todd ; la mort l'a surpris travaillant au Liber Hymnoram. Le
dernier travail qu'il ait publié est un mémoire On the Illumination of thc ancient
Irish Manuscripls, dans le sixième volume des Vetusta Monumenta de la Société
des Antiquaires de Londres'. Né le 5 avril 1805, M. Todd est mort le 28 juin
1869. Bien que professeur d'hébreu à l'Université de Dublin, c'est comme
irlandistc qu'il s'est acquis une juste et durable célébrité. Il a brillé au premier
rang des hommes qui dans le second quart de ce siècle ont donné aux études
celtiques en Irlande un éclat si remarquable. 11 y apportait une méthode critique
et des connaissances générales qui, à cette époque, manquaient malheureusement
quelquefois aux savants des pays celtiques. Aussi les études irlandaises sont-elles
redevables à M. Todd, non-seulement de ses publications de textes et de ses
travaux originaux, mais aussi de la légitime influence qu'il exerçait autour de
lui. M. Todd a été un des premiers à encourager notre projet de fonder cette
Revue; il nous écrivait dans les premiers jours de mai 1869 : « Dear friend, as
far as my health permits, you may reckon upon ail the help I can give you.
Your Revue will be a work of great importance, not only to Celtic studies, but
aiso to Comparative Philology in gênerai. » Si la collaboration de M. Todd doit
nous manquer, si ses conseils doivent nous faire défaut, c'est pour nous une conso-
lation du moins de pouvoir mettre cette Revue sous le patronage de son nom
Nous parlerons prochainement de ce travail.
i68 Chronique.
Après la morl de M. Todd, ses principaux amis se réunirent et se formèrent
en comité pour élever par souscription un monument (mémorial), à celui dont ils
voulaient honorer le souvenir. Que serait ce monument? une statue ? une fonda-
tion pieuse? ou autre chose encore? Dans une réunion tenue à la Molesworth
Hall, à Dublin, M. J.-T. Gilbert proposa de fonder une chaire de philologie
celtique qui porterait le nom de D' Todd. Cette motion fut adoptée et le meeting,
presque à l'unanimité, passa la résolution :
i( Que le monument national à élever à M. J.-H. Todd, prendrait la forme
« d'une chaire de langues celtiques, qui serait fondée près l'Académie Royale
« d'Irlande. »
11 n'est pas en effet de moyen plus délicat de rendre hommage à la mémoire
de M. Todd; ce serait continuer l'œuvre de sa vie et attacher pour toujours son
nom aux études irlandaises. Nous félicitons M. Gilbert de sa généreuse initiative
et c'est le lieu de rappeler le mot d'un ancien : « Non hoc prc-ecipuum amicorum
munus est prosequi defunctum ignavo fletu, sed qus voluerit meminisse, quse
mandaverit exsequi. » Nous désirons le succès de ce louable dessein, sans
pourtant trop y croire. Comme l'a fait remarquer M. Jellet dans la réunion delà
Molesworth Hall, les appointements attachés à cette chaire ne pourraient être
inférieurs à 200 I. ( 5,000 fr.). Réussira-t-on à réunir par souscription une somme
assez forte pour que les intérêts représentent ce traitement? Je suis tenté de pen-
ser avec M. Madden que cela est improbable. L'entreprise serait possible dans
un pays où le sentiment national serait plus vif, où l'on porterait un intérêt plus
direct à la langue, à la littérature et aux antiquités nationales. Elle serait pos-
sible, par exemple, dans un pays slave. C'est ainsi que dans ces dernières années
le petit peuple croate, un million d'hommes, a donné près de 500,000 fr., pour
une œuvre analogue. De cette souscription nationale est née l'Académie Jougo-
Slave d'Agram, fondée sous le patronage de Mgr Strossmayer, et qui publie
ses travaux, non dans une langue étrangère (comme fait l'Académie de Dublin,
par exemple) mais dans la langue nationale, en serbo-croate. On ne trouve mal-
heureusement pas dans les pays celtiques, et principalement en Irlande, ce patrio-
tisme qui caractérise à un si haut degré les pays slaves. Fait-on quelque chose
en Irlande pour prévenir l'extinction prochaine du Gaélique? Et pourtant si l'on
porte quelque intérêt à une langue, ne doit-on pas d'abord veiller à sa conserva-
tion? Les sociétés irlandaises qui s'occupaient de littérature et d'antiquités
nationales, meurent l'une après l'autre devant l'indifférence du public. La Société
Ossianique n'existe plus ; pour ne pas avoir l'air de disparaître, la Société Celtique
s'est fondue avec la Société Archéologique Irlandaise^ et les publications de cette
dernière sont devenues de plus en plus rares. Le sol irlandais ne semble pas
favorable à la semence que lui confie M. Gilbert.
Le passé nous fournit à cet égard de tristes enseignements. Par une louable
mesure, le gouvernement britannique avait, il y a une quinzaine d'années, fondé
I. Il ne faut pas confondre cette société avec V Association royale Archéologique
d'Irlande, appellation que vient d'adopter l'ancienne Association Archéologique de
Kilkenny.
Chroni(]iie. 169
une chaire de langues celtiques dans chacun des trois Collèges de l'Université de
la Reine en Irlande, à Cork, à Galway et à Belfast. On les supprima au bout de
quelques années, parce que, si nous sommes bien informés, les cours restaient
déserts. Il existe aujourd'hui une chaire de langue irlandaise à l'Université de
Dublin (Trinity Collège); elle est occupée par M. Th. O'Mahony, connu dans le
monde savant par la publication des Brehon Laws qu'il a courageusement
consenti a surveiller après la mort de MM. O'Donovan et O'Curry. Ce cours
pourtant est à peine fréquenté. J'ai pu y assister pendant l'hiver 1866-67, grâce
à la bienveillance du professeur. Il m'est arrivé quelquefois de m'y trouver seul,
ce qui me valait l'avantage d'un tête à tête avec M. Th. O'Mahony ; mais je ne
pouvais m'empêcher de regretter l'indifférence avec laquelle était traité l'ensei-
gnement de la langue nationale. Les précédents ne permettent donc guère de
bien augurer du projet de fonder une chaire de philologie celtique près l'Académie
Royale d'Irlande. Il faudrait du moins promettre des appointements aux auditeurs
aussi bien qu'au professeur. Le système de ce qu'on appelle en France des
« jetons de présence » pourrait être employé avec utilité.
Nous désirons vivement nous tromper; nous souhaitons que l'avenir donne un
démenti à nos paroles, mais nous ne croyons pas au succès de la souscription
de la « Todd Professorsbip « parce que l'esprit national n'est pas assez vivace en
Irlande ; nous sommes du reste persuadé que les organisateurs de ce mouve-
ment emploieront dans un but utile aux études irlandaises le produit de la sous-
cription, s'il ne suffit pas à fonder une chaire de philologie celtique*.
Nous augurons mieux du projet de créer une université Galloise à Aberystwyth.
Le pays de Galles est jusqu'ici resté sans université, bien qu'il compte 1,200,000
habitants; et l'on s'imagine facilement que c'a été un grand désavantagea la fois
pour la culture intellectuelle et pour la prospérité matérielle du pays. Une partie
seulement de la jeunesse galloise pouvait aller chercher en Angleterre ou en
Ecosse l'instruction qu'elle ne trouvait pas chez elle. Il en résultait que ce petit
pays n'était pas représenté comme il pouvait l'être dans les services publics et
dans les carrières libérales. Pourquoi la Principauté de Galles, unie à l'Angleterre
de sentiment comme de fait, ne ferait-elle pas profiter ses enfants des avantages
qu'un grand état présente à leur activité.? L'Ecosse ne joue-t-elle pas dans le
Royaume-Uni un rôle plus important que ne ferait croire le petit nombre de ses
habitants (3,000,000) parce que l'intruction non seulement primaire, mais secon-
daire, y est très-répandue, parce qu'il y a quatre grandes universités, et parce que
I . Pour ceux de nos lecteurs qui désireraient participer à la souscription nous reprodui-
sons le passage suivant du prospectus : « Those who désire to join in ihis effort, will
kindly send their subscriptions to tlie Honorary Treasurers of the Todd National Mémorial
Fund : — W. H. Hardinge, Esq., Tr. R.I.A.; and J. T. Gilbert, Esq., F. S. A. Royal
Irish Academy House, Dmrson-street ; or lodge them to the crédit of "The Todd National
Mémorial Fund," at the Bank of Ireland, or the London and Westminster Bank, or at any
of their branches. »
lyo Chronique. ,f
la jeunesse écossaise est admirablement préparée à lutter avec succès dans les
diverses branches de l'activité humaine ?
Dès 1854, quelques Gallois éclairés songeaient à demander une Université
pour la Principauté; mais ce n'est guère qu'en 1864 que ces désirs prirent corps
et qu'une « agitation » commença. Un comité se forma qui comprenait les
illustrations de la Principauté, et il s'adressa au public gallois dont le patriotisme
ne fit pas défaut. 15,000 I. {^jf^^ooo fr.) ont déjà été souscrites; mais on
évalue qu'il faut encore une somme égale'. Un magnifique bâtiment a déjà été
acquis à Aberystwyth, au prix de 10,000 I. {250,000 fr.}; on ne pouvait choisir
un siège plus favorable que ce point central de la Principauté. L'Université sera
organisée sur le modèle de l'Université de la Reine en Irlande et il y a lieu de croire
que le gouvernement britannique n'attend que sa fondation pour lui accorder
un don annuel et une charte, c'est-à-dire le droit de décerner des diplômes. Une
semblable institution contribuera certainement beaucoup à la prospérité de la
Principauté, et il y a assez de patriotisme en Galles pour que nous puissions
prévoir l'ouverture prochaine de l'Université d' Aberystwyth. Nous ne devons pas
pourtant nous dissimuler qu'elle aura pour effet de dèccltiser la principauté Nous
pensons bien qu'on ne manquera pas d'y établir une chaire de langue et de litté-
rature Galloise ; mais les cours doivent s'y faire en anglais. La Principauté de
Galles est le seul des pays celtiques qui ait conservé jusqu'à nos jours sa langue
comme langue nationale, politique et littéraire ; il est malheureux qu'elle aussi soit
en voie de renoncer à sa nationalité. Ce que la conquête anglaise n'a pu faire,
la communauté d'intérêts le réalisera. Les relations de peuple à peuple, et, dans
un seul pays, de province à province, ont pris une telle extension que les grandes
nationalités menacent d'absorber les petites, par l'unique pression de leur
influence. La loi brutale de l'attraction gouverne les peuples, hélas! aussi bien
que les planètes.
Un procès curieux par sa nature et aussi par la différence des verdicts de
première instance et d'appel a été jugé l'an dernier à Londres. Il s'agissait d'une
accusation de plagiat portée par M. L. 0. Pike, auteur du livre The Engllsh and
their Origin^, contre M. Th. Nicholas, auteur de The Pedigree of thc English
peaple"^. Que deux livres traitant le même sujet et arrivant à des conclusions
analogues vissent le jour en même temps, cela pouvait étonner le public. Mais
c'étaientdeux mémoires refusés au même concours, que leurs auteurs, désespérant de
1. « Subscriptions and Donations may be forwarded to the "Rev. D. Charles, Univer-
sity Collège, Aberystwyth." »
2. The English and their Origin ; a Prologue to authentic English History, by Luke
Owen Pike, M. A., Barrister-at-Law. XXin-267 p. in-8, Londres, Longmans and Co.
}. The Pedigree of the English People ; an Argument, Historié and Seientifie, on English
Ethnology, showing the Progrès s of Race Amalgamation in Britain from the Earliest Times
with especial referenee to the Incorporation of the Celtic Aborigènes. By Thomas Nicholas,
M. A., Pli. D., F. G. S. etc. XUI-O06 pages, in-8. Londres, Longmans and Co.
Chronique. • 171
remporter le prix, se décidaient à publier. Un prix de cent guinées ("2,625 ^r.)
avait été proposé dans l'un des EisUddfodau du pays de Galles pour le meilleur
essai sur « l'origine de la nation anglaise et la question de savoir jusqu'à quel
point cette nation descend des anciens Britannes. » MM. Pike et Nicholas con-
coururent en 1865 : aucun mémoire ne fut jugé digne d'être couronné et le prix
fut remis à VEisteddfod de l'année suivante. M. Pike se retira alors du concours
et publia son travail en 1866. M. Nicholas, plus obstiné, concourut de nouveau
en 1866 sans être plus heureux ', et ce n'est qu'après ce second échec qu'il imita
l'exemple de M. Pike. Inutile de dire que ni l'un ni l'autre ne disait au public
dans quelle circonstance son œuvre était née : la Saturday Review en fit la remar-
que dans un compte-rendu du livre de M. Nicholas*. Je ne sais si cette révéla-
tion fut du goût de M. Nicholas ; mais il est certain qu'elle ne plut pas à M. Pike,
car il écrivit à la Saturday Review pour donner à entendre qu'il n'avait pas
concouru,... sans pourtant nier tout-à-fait qu'il eût concouru. « Aucun essai de
ma plume, disait-il, n'a jamais été déclaré indigne d'aucun prix à aucun
Eisteddfod^. )) Le souvenir de cette réclamation a dû gêner M. Pike pendant le
procès de l'an dernier dans lequel l'histoire du concours si malheureux aux deux
auteurs a été exposée tout au long.
L'affaire c Pike iwiw Nicholas » vint le 27 avril 1X69 devant le Vice-Chancetlor
James. M. Pike se plaignait d'abord que la troisième partie du livre de M. Ni-
cholas fut disposée sur un plan identique au sien. M. Nicholas examinait la
question de l'origine de la nation anglaise successivement au point de vue de
l'histoire, de la philologie, du caractère physique et du caractère moral de la
race anglaise; M. Pike en avait fait autant, et, comme s'il ne voyait pas ou ne
voulait pas voir que cette division était dans la nature même du sujet, il criait
au plagiat. Si ridicule qu'il fut, cet argument occupa une partie des débats. Le
plaignant alléguait ensuite qu'il y avait sur certains points identité de citations
et identité d'arguments, comme si les textes et les faits n'appartiennent pas à
tout le monde, et comme si les mêmes arguments ne devaient pas, par la force
même des choses, se rencontrer dans deux ouvrages écrits en vue du même
concours et pour soutenir la même thèse. En troisième lieu — et ici avec quelque
apparence de raison — M. Pike soutenait que M. Nicholas avait emprunté à
son livre quelques renseignements et certains titres de livres. Les débats montrè-
1. Remis d'année en année, le prix a enfin été décerné à VEisteddfod de Rhuthin en
1868. Le vainqueur est M. Beddoe, président de la Société Anthropologique de Londres. Son
travail n'a pas encore été publié, que nous sachions du moins.
2. N" du 6 juin 1868, p. 757.
5. « We hâve received a letter from Mr. L. Owen Pike with référence to a passage in
our article of last week on Nicholas's Pedigree of îhe English People. Mr Pike says, « No
Essay of mine was ever dedared, either by Archdeacon Jone^ or by Lord Strangford,
unu'orthy of any priée at any Eisteddfod. » We now understand that no Essay of Mr Pike's
was ever prono'unced unworthy of an Eisteddfod pnze by Lord Strangford or Archdeacon
Jones, but an Essay bearing the initiais " L. 0. P." — be it Mr Pike's production or not
— did fail to obtain a prize at the Eisteddfod of 1865, as adjudicated by Mr Jones and
his two colleages. » Saturday rci'ieif du 13 juin i868, p. 797, col. 2. — Le procès de
1869 a montré que l'auteur de l'essai signé L. 0. P. était effectivement M. Pike ; la
Saturday review était bien informée.
172 Clironicjue.
rent, en effet, que M. Nicholas n'avait probablement point vu quelques-unes des
œuvres qu'il citait : mais en avait-il pris les titres dans le livre de M. Pike, ou
dans quelque autre ouvrage, c'est ce qu'il serait difficile de dire. Donner pour
originales des citations faites de seconde main, est un procédé blâmable si fré-
quent qu'il soit; il est indélicat, parce qu'on ne doit pas se donner l'honneur de
recherches qu'on n'a pas faites; il est également dommageable pour la science,
parce que de la sorte se perpétuent des citations fausses et des erreurs que
l'examen direct des textes ferait vite sortir de la circulation'. Quoi qu'il en soit,
il y a loin d'une indélicatesse à un plagiat et les personnes qui s'occupent d'his-
toire et d'ethnologie ne furent pas peu étonnées, après ce procès qui
occupa plusieurs séances, d'entendre dans celle du 24 mai le Vice-Chancelier
James déclarer M. Nicholas coupable de « piraterie littéraire » (litcrary piraq)
et le frapper d'une peine ^tvhrt^.
M. Nicholas appela de ce jugement à la juridiction supérieure, et le 17 novem.-
bre de la même année l'affaire vint devant le Lord Chancelier et Lord Justice
Gifïard. Après un débat de plusieurs jours, ces deux magistrats jugèrent que
s'il y avait plagiat sur quelques points de détail, le plagiat n'était pas assez
grave pour entraîner une condamnation et ils renvoyèrent M. Nicholas de la
poursuite '.
Après ce jugement, un écrivain de \'Athena:um observa avec raison (n° du 4
décembre 1869, p. 737), que, si le jugement du Vice-Chancellor James avait
subsisté il n'est guère d'écrivain qu'on ne puisse accuser de plagiat. Comme l'a
dit un de nos poètes :
C'est imiter quelqu'un que de planter des choux.
L'écrivain anglais exprime en outre son regret que dans une affaire où des
questions d'ethnographie et d'histoire étaient le fond du débat, on n'ait pas
appelé des savants compétents comme experts ou comme assesseurs. Nous allons
plus loin que lui : nous croyons qu'une plainte de ce genre n'aurait jamais dû
être portée devant des juges. Un plagiat n'est matière légale et ne peut donner
naissance à un procès que lorsqu'il est palpable et notoire, lorsque, par exemple,
1. Ainsi (comme l'a fait récemment remarquer M. Le Uen, dans \a Revue Archéologique
de mars 1869, p. 172) on cite souvent comme preuve d'un culte que les Gaulois (d'après
Pline) auraient rendu au gui, un prétendu vers d'Ovide
Ad viscum druidas, druidae cantare solebant
qui ne se trouve pas dans Ovide. Ce texte imaginaire n'aurait point trouvé place dans un
grand nombre d'ouvrages si les écrivains qui s'en servaient s'étaient souciés de remonter
aux sources.
2. M. Nicholas devait supprimer environ quarante pages de son livre, abandonner à
M. Pike le profit retiré des exemplaires déjà vendus, et payer les frais du procès.
3. Le lecteur curieux de connaître les détails de ce procès trouveront le compte-rendu
des débats et du jugement de première instance dans VAnthropological Rcview de juillet
1869, pages 279-306. Il faudra y joindre la brochure publiée p^r M. Nicholas sous ce
titre : An examination of Vice-Chrjncellor James's Judgment, with nn Account of its dis-
minai by the Court of Appenl^ in Chancery, in the case of thc Book entitled "The Pedigree
ofthe English people," 44 p. in-8. Londres, Longmans and Co. Pr. i sh. — M. Nicholas
donne à la fin de cette brochure un résumé de la sentence portée en appel, mais on en
trouvera un compte-rendu plus détaillé dans les feuilles Londoniennes du 2j novembre, et
particulièrement le Times de cette date.
Chronique. 17}
un écrivain sans vergogne prend un roman écrit dans une langue étrangère, le
traduit et le publie sous son propre nom, ou lorsqu'il copie des pages entières dans
l'œuvre d'autrui; mais il n'y avait rien de semblable dans l'affaire « Pike versus
Nicholas », et il y a lieu de s'étonner que M. Pike, tout homme de loi qu'il est,
ait cru devoir citer en justice son rival. Quelque respect qu'on ait pour la
justice, il est permis de penser que les juges n'ont pas toujours des connaissances
très étendues en ethnologie et en histoire. Une cause de ce genre devait se
débattre devant des hommes de science choisis d'un commun accord pour
arbitres; la dignité des lettres y était, ce me semble, intéressée.
Le but de MM. Pike et Nicholas était de démontrer, contre l'opinion généra-
lement reçue, que l'élément britannique, antérieur à la conquête saxonne, est le
principal facteur de la nationalité anglaise. Cette théorie a été assez mal accueillie
de l'autre côté de la Manche, et pour plusieurs raisons. D'abord, il était de tradition
de considérer les Anglais, comme descendant à peu près sans mélange des Anglo-
Saxons, qui auraient exterminé les anciens habitants de l'Angleterre actuelle ' ;
d'autre part la théorie nouvelle était du premier coup poussée à l'extrême. Observons
aussi que cette théorie n'avait pas dans MM. Pike et Nicholas des défenseurs
d'une érudition éprouvée, et que les avocats faisaient tort à la cause. Le livre de
M. Nicholas, si supérieur qu'il soit à celui de M. Pike, est gâté par une
philologie de mauvais aloi et des assertions erronées sur divers points d'histoire.
Nous croyons pourtant que la thèse soutenue par eux est juste dans une certaine
mesure : et au lieu qu'ils aient à démontrer que les envahisseurs de race ger-
manique n'ont pas supprimé tout élément aborigène, ce serait plutôt à leurs
adversaires de prouver que les envahisseurs ont réellement détruit la population
britannique dans cette partie de la Grande-Bretagne qu'on appelle aujourd'hui
Angleterre. Et en effet, l'extermination complète des possesseurs du sol n'est pas
la conséquenee obligée d'une conquête, lorsque conquérants et conquis
ne sont pas séparés par de profondes différences de race. L'intérêt des
envahisseurs est de laisser vivre une population de serfs qui cultive le sol et
nourrisse ses maîtres. Les hommes ne le voudraient pas que la force des choses
s'imposerait à eux. Citons un exemple : Cromwell ne se proposait-il pas de refouler
toute la population irlandaise dans la province de Connaught, et ne mettait-il pas
une ardeur impitoyable dans cette politique vraiment exterminatrice.? « En enfer
ou en Connaught! n (To hcll or to Connaught!}, disait-on à la population
indigène qu'on voulait (et on ne s'en cachait pas) extirper du sol. S'il fallait
ajouter foi aux mesures de Cromwell et aux récits contemporains des m.assacres
et des évictions qui affligèrent l'Irlande à cette époque néfaste, on aurait lieu de
dire qu'il n'y a plus d'Irlandais qu'en Connaught, de même que, dit-on, il n'y a
plus de Britannes qu'en Galles. Mais il s'agit ici d'une époque rapprochée de
nous, et, malgré les témoignages contraires, nous voyons que la population de
l'Irlande est restée, en somme, celtique là ou elle l'était avant Cromwell. C'est
1 . Nous prions nos lecteurs du continent de ne pas oublier que l'Angleterre ne forme
qu'une partie de la Grande-Bretagne.
174 Chronique.
qu'on ne peut réussir à transplanter une race qu'avec la puissante organisation
administrative des états modernes (comme fait la Russie dans le Caucase) ; c'est
aussi que les aventuriers auxquels Cromwell distribuait la terre tenaient à con-
server une population serve qui cultivât le sol pour eux-mêmes. Malgré de nom-
breux massacres et une guerre de plusieurs siècles qui diminua le nombre de la
population indigène, les choses ont di!i, a priori, se passer de la sorte en Grande-
Bretagne. Remarquons, en outre, que les envahisseurs venaient d'au-delà les
mers, par bandes où l'élément féminin ne devait guère être représenté; ils se
mêlèrent donc à la population conquise. Dans quelle proportion, c'est ce que
nous sommes curieux d'apprendre, mais ce qu'il nous est difficile de savoir.
Invoquera-t-on le témoignage de l'anthropologie? Mais si l'anthropologie peut
reconstituer l'histoire du genre homo sur le globe terrestre, les témoignages dont
elle dispose sont trop rares et trop incertains pour qu'elle puisse intervenir dans
l'histoire d'un peuple. L'historien et le philologue peuvent parler de « race cel-
tique » et de « race germanique, » parce que pour eux la communauté de lan-
gue ou la fusion politique forme une certaine unité; mais rien de pareil n'existe
pour l'anthropologiste puisqu'il ignore, et ce qu'étaient les Celtes et les Germains
primitifs, et à quelles populations ils se sont mêlés sur le sol de l'Europe. Lais-
sons donc l'anthropologie ou du moins ne la consultons qu'avec défiance. Etu-
diera-t-on davantage le caractère, les dispositions morales et intellectuelles.?
M. Mathew Arnold l'a essayé dans un beau livre dont nous recommandons la
\ect\ive The Study of Celtic Literaturc (Londres, 1867). L'éminent écrivain vou-
lant expliquer la genèse du caractère anglais, y voit la réunion de trois carac-
tères, le caractère celtique, le caractère saxon, et le caractère normand, et dans
l'apport de ces différents éléments au caractère anglais, il regarde la poésie
anglaise comme un produit de l'élément celtique, ce qui est peut-être faire trop
peu de cas du génie individuel. Les recherches du genre de celles de M. Mathew
Arnold sont certainement fort séduisantes, mais, comme elles ne reposent sur rien
de certain, elles ne sont pas convaincantes. Le problème n'est donc pas résolu
et nous ne pouvons arriver à connaître la proportion de l'alliage. Il ne s'agit en
effet que d'une question de degré. N'oublions pas non plus que les qualités mo-
rales et intellectuelles ne se transmettent pas dans la même proportion que le
sang, et qu'un élément inférieur parle nombre, mais supérieur par la civilisation ou
par l'énergie du caractère, peut marquer de son empreinte l'élément plus nom-
breux mais plus malléable. II y a lieu de croire que le génie absorbant de la
race anglo-saxonne ne lui faisait pas défaut dès lors : la victoire de la langue
anglaise (victoire qui se continue tous les jours) en fournit une preuve éclatante.
D'un autre côté l'élément britannique est resté, comme sang, un des éléments
constitutifs de la nation anglaise. La langue en a gardé la trace. « Vrai Bri-
tanne » (true Briton) est le nom que se donne l'Anglais dans ses accès de fierté
patriotique. Dans le langage officiel, il n'y a pas de « sujet anglais, » et existât-
il un insulaire de pure descente saxonne, il n'en est pas moins un « sujet britan-
nique »; et c'est la qualification que recevra à son grand regret M. Edward
A. Freeman s'il demande jamais un passeport au gouvernement de la reine Vie-
chronique. 175
toria. La proportion de sang britannique dans les veines du peuple Anglais, loin
de diminuer, ne fait qu'augmenter par l'absorption progressive du pays de
Galles, de l'Ecosse et de l'Irlande et par le nombre considérable de Gallois,
d'Ecossais et d'Irlandais qui s'établissent en Angleterre, si bien qu'on pourrait
dire que, pour le sang du moins, l'Angleterre est en train de se rcbr'uannistr .
La question de l'origine de la nation anglaise a de nouveau été mise à l'ordre
du jour par une conférence de M. Huxley, faite le 9 janvier dernier à Londres*.
L'avis d'un savant aussi éminent que M. Huxley mérite d'être pris en con-
sidération ; aussi sa conférence a-t-elle fait quelque bruit. Son objet principal
était de combattre l'opinion qui attache une importance politique à la distinction
des races celtique et anglo-saxonne. Toute personne qui connaît quelque peu
l'histoire irlandaise de ces derniers siècles, reconnaîtra avec M. Huxley que
l'Irlande serait plus « loyale » (nous prenons le mot dans son sens anglais) si
elle n'avait été traitée avec une véritable barbarie. Mais M. Huxley arrivait à ce
résultat en démontrant ou du moins en voulant démontrer qu'il n'y a aucune
différence physique, intellectuelle et morale entre les races germanique et celtique;
que la population des Iles Britanniques se compose d'un fond ibère mêlé aux
celtes et aux germains (et à même dose en Irlande qu'en Grande-Bretagne), et que
s'il existe une différence physique entre les races Ibère et Aryenne (caries races cel-
tique et germanique ne sont que des branches de cette dernière), il n'y a pas
entre elles de différence intellectuelle et morale. Tirer les conséquences de cette
théorie, c'est arriver à nier les traits caractéristiques de populations différentes ;
aussi M. Huxley en est-il venu à déclarer « qu'il n'existe pas de différence entre
un homme de Tipperary et un homme de Devon, » assertion qui a soulevé dans
la Pall Mail Gazette une assez vive polémique entre M. Huxley et un correspon-
dant anonyme *.
L'espace nous manque pour examiner les nombreuses questions soulevées par
M. Huxley : cet examen a, du reste, été fait en termes excellents par M. Hyde
Clarke dans ÏAthenaum ', et nous renvoyons le lecteur à ces articles, ainsi qu'à
la conférence de M. Huxley. Il est quelques assertions pourtant que nous devons
relever. D'une part, M. Huxley affirme que « le sang et la langue des romains
ne semblent pas avoir produit plus d'impression sur la population britannique
que le sang et la langue des Anglais n'en produisent sur les Hindous. » Il serait
difficile de dire dans quelle proportion il y a eu infusion de sang latin en Grande-
Bretagne ; mais nous trouvons la preuve que la Grande-Bretagne a été romaniséeà
un très haut degré, non-seulement dans les nombreuses ruines romaines de
Grande-Bretagne, mais (ce que néglige M. Huxley') dans la proportion élevée de
1. Elle a été publiée dans la Pall Mail Gazette du 10 janvier.
2. N'- des 18, 21, 26, et 31 janvier.
3. N"' des 22 et 29 janvier. Voir aussi la Saturday Review du 29 janvier (p. 145) et le
Hpectator de même date p. 135)-
176 Chronique.
mots latins en gallois. D'autre part, M. Huxley croit à une infusion considérable
de sang Scandinave en Irlande. Il est hors de doute que les Scandinaves ont joué
un rôle important en Irlande; la plupart des villes maritimes ont été fondées par
eux. Les rapports entre les Scandinaves et les Irlandais n'ont pas encore été
suffisamment étudiés; il y a entre les anciennes littératures Nordique et Irlandaise
des rapports qu'il serait intéressant de connaître en détail. Mais il y a lieu de
penser que les Scandinaves n'étaient établis que sur les côtes de l'Irlande et que
s'ils étaient assez nombreux, réunis en bandes, pour piller le pays et garder
quelques villes, ils ne l'étaient pas assez pour introduire un élément de grande
importance dans la population irlandaise'. M. Huxley semble aimer à mettre des
Germains là où il y en a peu ou point; car dans un autre passage de sa con-
férence, à l'instar de l'Antiquaire de Walter Scott, il déclare les Pietés de
race germanique. Les mots qui nous restent de la langue des Pietés ' nous mon-
trent en eux une population celtique et même britannique'.
Mais la partie la plus importante de la conférence de M. Huxley, est celle où,
distinguant dans les Iles Britanniques deux éléments, l'un blond, l'autre brun, il
déclare le premier Aryen et le second Ibère. Il a depuis lors repris cette thèse
avec plus de développements dans une autre conférence faite le 13 mars*. A sup-
poser que l'élément Aryen soit blond (et est-ce bien démontré?) il ne
s'ensuit pas que l'élément brun soit exclusivement Ibère. II y a des choses qu'il
faut se résigner à ignorer, et c'est affirmer ce que nous ne pouvons savoir que
rapporter aux peuples dont l'histoire a conservé le souvenir, toutes les races
primitives de notre Europe. Les Ibères ont pu, tout comme les Celtes, trouver
sur le sol de l'Europe une population antérieure ; il a pu se succéder plusieurs
couches de races successives et plus d'une population a pu disparaître de l'his-
toire sans pourtant disparaître du monde.
Vixere fortes ante Agamemnona
Multi ; sed omnes illacrymabiles
Urgentur ignotique longa
Nocte
Sans même remonter aux époques anté-historiques, M. Huxley passe sous
silence les Ligures dont M. de Belloguet s'est fait le savant avocat et qui récla-
ment leur place dans l'ethnographie de l'Europe. Mettons donc « prae-Aryen »
ou « prse-Celtique » là où M. Huxley met « Ibère, n Pour démontrer l'existence
d'un élément non-aryen dans les Iles Britanniques, M. Huxley emprunte ses
arguments à l'anthropologie; nous ajouterons une considération d'ordre diffé-
rent. Les renseignements que nous fournit l'antiquité nous montrent que les
populations des Iles Britanniques étaient quelque peu barbares, il n'y a pas encore
1. La langue des pirates Scandinaves n'a pas laissé de traces appréciables en Irlandais,
et l'élément Scandinave de la toponomastique irlandaise est à peu près nul; voir Joyce's
Irisk Names of places, pp. 97 et suiv.
2. Voir Stokes' Three Irish Glossaries, p. XXVIII.
3. J'emploie « britannique » en opposition à « gaélique. »
4. Elle a été publiée dans la Pall Mail Gazette du 14 et dans la Nature du 17 mars.
Chronique. 177
deux mille ans; et pourtant le fond commun aux langues indo-celtiques montre
par l'identité des mots désignant la parenté, l'industrie, l'état social et intellec-
tuel, que les Aryens possédaient avant leur séparation une civilisation déjà
avancée. Si diverses branches de la race aryenne sont descendues à un degré
inférieur, c'est qu'elles se sont mélangées, dans une proportion qu'il est malheu-
reusement difficile de déterminer, aux populations peu ou point civilisées qu'elles
avaient subjuguées.
Le regrettable Pétrie avait laissé dans ses papiers une importante collection
d'anciennes inscriptions irlandaises qu'il avait recueillies pendant ses nombreuses
excursions archéologiques dans les différentes parties de l'Irlande. Cette collec-
tion est d'autant plus précieuse que, des pierres dessinées par Pétrie, plus d'une
a été brisée ou a disparu. C'est ainsi que lorsqu'il visita, en 1822, les ruines de
Clonmacnoise, il y dessina 143 inscriptions; il n'en existe plus aujourd'hui que 86.
Nous apprenons avec plaisir par un prospectus récemment publié * que cette
collection verra prochainement le jour. On y joindra les inscriptions réunies par
MM. James Graves et Henry O'Neill, et, pour que cette collection soit aussi
complète que possible, on y comprendra également les inscriptions gravées sur
les reliquaires, crosses, etc. On laissera de côté dans cette publication les ins-
criptions en caractères oghamiques, excepté lorsqu'elles sont accompagnées de
transcriptions en caractères romains. Ce Corpus Inscriptionum Hibernicarum sera
publié, avec la collaboration du savant M.Reeves, par M"° Stokesàqui l'archéo-
logie irlandaise est déjà redevable de belles publications. Ce recueil sera utile au
philologue par les formes grammaticales qu'il révélera, à l'historien par les faits
nouveaux qu'il mettra en lumière; il sera d'un égal intérêt pour l'histoire de l'art
chrétien, car M"" Stokes représentera par la gravure non pas seulement les
inscriptions mais aussi les monuments qui les portent. M. Unger y trouvera de
curieux exemples de la riche ornementation et des dessigs variés de la miniature
irlandaise. Les deux gravures jointes au prospectus promettent une publication
aussi belle qu'utile. Ce recueil des Inscriptions chrétiennes en langue irlandaise est
publié aux frais de 1' « Association Historique et Archéologique d'Irlande » et
par volumes annuels. Le premier paraîtra dans le courant de l'année iSyo"''
1. Christian Inscriptions in the Irish Lancuage. Chiefly collected and drawn by
George Pétrie, LL. D. ediîed by M. S. with notes by William Reeves, D. D. Dublin,
Hodges, Poster and Co. 1869, 11 p. in-4 avec une planche.
2. Le prix de chaque volume est de 10 shellings payables d'avance. Les souscriptions
doivent être envoyées à M. James Graves, secrétaire honoraire de l'Association Historique
et Archéologique d'Irlande, à Stoneyford, comté de Kilkenny, Irlande. N'oublions pas de
remarquer que le nombre d'exemplaires auquel l'ouvrage doit être tiré sera réglé sur le
nombre des souscriptions.
12
I yS Chronique.
Dans la livraison de mars du très intéressant recueil que la librairie Trûbner
publie sous le titre à' American and Oriental Literary Record, je lis que l'Université
de Notre-Dame vient d'établir une chaire de langue irlandaise. Notre-Dame est
une ville du Comté de Saint-Joseph, dans l'Etat d'Indiana, aux Etats-Unis. Cette
Université (catholique), bien que fondée en 1844, ne manque pas d'importance;
car elle compte aujourd'hui, me dit-on, 45 professeurs et 600 élèves. Quoique
l'élément irlandais entre pour une forte part dans la population des Etats-Unis,
la langue irlandaise y a été jusqu'ici tout à fait négligée. Bien différents en cela
des émigrants gallois qui gardent leur langue en Amérique et en Australie, et y
publient des journaux en langue galloise, les émigrants irlandais font bon mar-
ché du gaélique. Leur indifférence à cet endroit est telle, que dans le livre isi
instructif à d'autres égards) publié récemment par M. Maguire : les Irlandais en
Amérique^, il n'est pas même fait allusion à ce que devient en Amérique la
langue nationale des émigrants irlandais. Nous désirons vivement que l'exemple
donné par l'Université de Notre-Dame se propage en Amérique et en
Irlande!
H. GAIDOZ.
LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.
D' A. Ebraud : Handbuch der mittelgaelischen Sprache, hauptsaechlich
Ossian's (Wien, Braumùller). — M'" B. Palliser : Britanny and its Byways
(London, Murray). — J. Kenward : For Cambria : thèmes in verse and prose
(London, Longmans). — Du f/Iême : Finistère; Sena; Poems (Birmingham,
printed for the author). — Lévèque : Recherches sur l'origine des Gaulois
(Paris, Durand et Pedone-Lauriel). — J.-P.-M. Lescour : Telenn Gwengam
(Brest, Piriou).
The Irish in America, London, lî
BULLETIN D'ANNONCES DE LA REVUE CELTIQUE.
N° I.
Advertisements are received by Mons. F. Vieweg, 67, rue de Richelieu,
Paris; and by Messrs. Trubner and C», 8 and 60, Paternoster Row,
E. C, London.
Scale of Charges :
L. s. d.
Per line across the page 10
Half a page 100
A full page I 10 o
Just published.
In one volume, super royal octavo, price 2 L. in boards.
THE MYVYRIAN ARCHAIOLOGY OF WALES. — By William
OWEN PUGHE, D.C.L., F. A. S. (jdriSOn); EDWARD WILLIAMS (Jolo
Morgamvg); owen jones (Myfyr).
To which has been added Additional Notes upon the " Gododin, "
and an English Translation of the Laws of Howell the Good; with
a Glossary of the Terms usedtherein. Also, an Explanatory Chapter on
Ancient British Music, by John Thomas (Pencerdd Gwalia).
The présent édition contains the whole of the original Work; and,
as will be seen from the above, several important and interesting addi-
tions hâve been made to it.
The first édition was published in Three Volumes, price 2 L. 10 s.
— And it has been for the last twenty years so scarce,that from 12 L.
to 1 5 L, was readily obtained for a copy when found in the Market.
The Work can be obtained through the Booksellers, or from the
Publisher, free of carriage, to any address in the United Kingdom.
Thomas Gee, Publisher, Denbigh.
In the press :
THE POEMS OF OSSIAN; the Gaelic text with a new and literal
English translation, by the Rev. A. Clerk, Kilmallie. 2 vol. Octavo
handsomely printed. Blackwood and Sons, Edinburgh and London.
Il* Bulletin d'annonces.
CELTIC LANGUAGES. — A Committee has been formed for the
Endowment of a professorship of the celtic languages in con-
nexion with the Royal Irish Academy, and as a mémorial of the Rev.
Dr. TODD, S. F. Trin. Coll., Dublin, F. S. A., sometime Président of
the R. I. Academy.
This foundation is intended to préserve the scientific knowledge of
the Irish Language, and will further the elucidation of Irish, Welsh,
Scottish, and other Celtic MSS.
The Subscriptions already amount to about 860 L. Contributions
received by Sir William Tite, M. P. F. R. S. V. P. S. A., 42,
Lowndes-Square, S. W., and William Chappell, Esq., F. S. A., Local
Hon. Treasurers for London ; by the Hon. Treasurers, W. H. Hardinge,
Esq., Tr. R. I. A., and J. T. Gilbert, Esq., F. S. A. (addressed as
below) ; or may be lodged to the crédit of " The Todd National Mémo-
rial Fund, " at the Bank of Ireland, or the London and Westminster
Bank, or at any of their branches. By order of the Committee.
WILLIAM REEVES D.D. L.L.D.. M.R.I.A. \ ,,
' Hon.
HENRY BROOKE DOBBIN, L.L.B.
^ \Secs.
JOHN RIBTON GARSTIN, M.A. , M.R.I.A., F.S.A. ,'
Royal Irish Academy House, Dublin.
LEABHAR NA H-UIDHRE.
LEABHAR NA H-UIDHRE, in the Library of the Royal Irish Aca-
demy, is the oldest volume, now known, entirely in the Irish lan-
guage, and is regarded as the chief native literary monument — not
ecclesiastical — of ancient Ireland. The historical and philological value
of the contents of this manuscript is well known; and to meet the
désire for its publication in its integrity, the Royal Irish Academy has
had an exact copy of it executed in lithograph, elaborately collated with
the original. The volume will be accompanied by Professor O'Curry's
hitherto unpublished descriptive catalogue of its contents, compiled for
the Academy. The entire édition is limited to two hundred copies, which
can be obtained only by subscribers.
Subscription, 3 L. 3 s. per Copy.
Applications from Subscribers are to be addressed to the Treasurer
of the Royal Irish Academy, 19, Dawson Street, Dublin; or to the
Academy's Publishers, Hodges, Foster and C», Dublin; and Williams
and Norgate, Henrietta Street, Covent Garden, London, and 20, South
Frederick Street, Edinburgh,
Bulletin d'annonces. m'
Publications récentes de la librairie Franck, 67, rue de Richelieu, à Paris.
T E CATHOLICON DE JEHAN LAGADEUC, dictionnaire breton,
1— 'français et latin, publié par R. F. Le Men, d'après l'édition de
M. AuFRET DE Q^uoETQUEUERAN, imprimée à Tréguier, chez Jehan
Calvez en 1499. Un vol. in-8°. Prix 6 fr.
Ce glossaire, qui est un des plus anciens monuments de la langue bretonne, était
devenu fort rare. M. Le Men, le savant archiviste du Finistère, a fort bien fait d'en
donner une réimpression. M. Le Mena fait précéder cette réimpression d'une intéressante
préface qui contient de véritables révélations sur l'histoire de la littérature bretonne.
Revue Archéologique de Mai 1869.
This is a valuable édition of a curions Breton dictionary given to the antiquarian world
by M. Le Men, one of our active Armorican correspondants.
Arch£ologia Cambrensis, for April '68.
GLOSS^E HIBERNIC/E VETERES CODICIS TAURINENSIS, —
Edidit CoNSTANTiNUS Nigra. Un vol. gr. in-8°. Prix 6 fr.
This book of Signor Nigra is heartily to be recommended, not only to Celtic scholars,
but — chiefly the Préface — to the literary world at large.
Athenaum, for Sept. 2$, '69.
This valuable reproduction of an important codex will be very acceptable to students
of Irish.... The value of the glosses is, moreover, enhanced by the elaborate commentary
appended to them in which the editor endeavours, often with nuich learning and success,
to trace each Irish word to its primitive form, or congener in the Indo-European family
of languages.... The work of M. Nigra is imbued with much of the enthousiasm attaching
to the Celtic character and is altogether very creditable to its author.
Academy for March 12, '70.
GWERZIOU BREIZ-IZEL. — Chants populaires de la Basse-Bre-
tagne, recueillis et traduits -par F. M. Luzel. — Un vol. in-8".
Prix 8 fr.
L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres a décerné à cet ouvrage
une médaille de $00 francs au concours des Antiquités Nationales de
1869.
We_^have at last, thanks to M. Luzel, a collection of genuine Breton ballads with a
literal translation in French.... The fact is, until M. Luzel set to work, the subject of thèse
ancient poems, handed down from génération to génération in the more retired districts
of Britanny, has never been properly treated ; and we' are only too glad that it has at
last been taken up in such a manner and by such a Breton scholar that no suspicions
concerning their genuiness can occur even to the most cautions of critics.
Arch<eologia Cambrensis for April '69.
La publication de M. Luzel est certainement une des meilleures dont les langues néo-
celtiques aient été l'objet depuis longtemps.
Revue Critique du 3 octobre 1868.
Luzel hat ailes Mœgliche gethan, um seine Arbeit zu einer auf jede Weise fur die
Wissenschaft erspriesslichen zu machen, was ihm auch voUkommen gelungen ist.
Cœttingische gelehrte Anzeigen vom 7 april 1869.
CONTES BRETONS recueillis et traduits par F. M. Luzel. xiv-105
p. in-80. Prix 1 fr. 50
Contient des textes bretons.
IV* Bulletin d'annonces.
Livres d'occasion en vente à la librairie Franck, 6j, rue deRiclielieu,àParis.
BARZAZ-BREIZ. Chants populaires de la Bretagne, recueillis et
publiés avec une traduction française, des arguments, des notes et les
mélodies originales, par Th. Hersart de la Villemarqué, 4e édit.
augm. Paris, 1846, 2 vol. in-i8 jésus, br. 1 5 fr.
BOXHORNIUS, M. L. Originum gallicarum liber, cui acced. antiq.
linguae britannicae lexicon britannico-latinum. Amstelodami, 1654, in-4'',
br. (Brunet 8 à 1 2 fr.) 5 fr,
BUEZ AR PÊVAR MAB EMON, duc d'Ordon, laqet e form eun
dragedi, ha reizet en urz gant A. L. M. L. Montroulez, 1844, in-8»,
cart. 6 fr.
DICTIONNAIRE françois-breton ou françois-celtique du dialecte de
Vannes enrichi de thèmes_, par Mons. l'A"*. Leide, 1744, in- 12, v. mar.
8 fr. 50
LE GONIDEC. Dictionnaire breton -français et français-breton,
précédé de sa grar^aire bretonne, enrichi d'un avant-propos, d'addi-
tions et des mots gallois et gaels correspondant au breton, par Th.
Hersart de la Villemarqué. Saint-Brieuc, 1850. Ensemble 2 vol.
in-40, br. 40 fr.
LEO H. Die Malbergische Glosse, .ein Rest alt-Keltischer Sprache
und Rechtsauffassung. Halle, 1842-45, in-8% 2 cah. 4 fr.
PRICHARD J. L. The eastern Origin of the Celtic Nations, éd. by
R. G. Latham. London, 1857. Gr. in-8°, toile. 10 fr.
RADLOF J. J. Neue Untersuchungen des Keltenthumes zur Auf-
hellung der Urgeschichte der Teutschen. Bonn, 1822, in-8'\ cart.
7 fr. $0
ROSTRENEN G. de. Grammaire françoise-celtique ou françoise-
bretonne. Rennes, 1758, in-8°, v. 4 fr.
ROSTRENEN G. de. Dictionnaire français-celtique ou français-bre-
ton. Guingamp, 1834, 2 vol. in-8", d. r. 20 fr.
SCHOEPFLINI J. D. Vindiciae celtica2. Argentorati. 1754, in-4%
cart. 2 fr. $0
ZEUSS J. C. Grammatica Celtica. E monum. vet. tam hibernicae
linguae quam britannicae nec non e gallicae priscae reliquiis construxit.
Lipsiae, 1853, 2 vol. in-80. 20 fr.
ABRÉVIATIONS.
(Tout chiffre placé après un titre d'ouvrage sert à désigner l'édition. Ainsi Gr. C*
équivaut à Gr. C, deuxième édition).
Bcitr. — Beitrsege zur vergleichenden Sprachforschung auf dem Gebiete der Arischen,
Celtischen und Slawischen Sprachen, herausgegeben von A. Kuhn und A. Schleicher. Berlin,
in-S". 'Paraissent depuis 1858.)
Br. — Breton.
Celt. anc. — Celtique ancien.
Châl. — Dictionnaire breton-françois du diocèse de Vannes, composé par feu Monsieur
de Châlons.... Vannes, 1723, in-12.
Corm. gl. — Cormac's glossary, publié dans les Thr. Ir. Gl.
Gall. — Gallois.
Gl. Taur. — Glossas hibernicae veteres codicis Taurinensis. Edidit Constantinus Nigra.
Lutetiae Parisiorum, 1869, in- 8°.
Gluck. K. N. — Die bei C. J. Caesar vorkommenden Keltischen Namen von Chr.
W. Gluck. Mûnchen, 18(7, in-8".
Goid. — Goidilica, or notes on the gaelic manuscripts preserved at Turin, Milan, Berne,
Leyden, the monastery of S. Paul, Carinthia, and Cambridge, with eight hymns from the
Liber Hymnorum, and the old-irish notes in the Book of Armagh edited by W[hitley]
S[tokes], Calcutta, 1866, in-8».
Goth. — Gothique.
Gr. Etym. — Grundzûge der Griechischen Etymologie, von Georg Curtius, Leipzig,
in-8. — l'Ont eu trois éditions).
Gr. C. — Grammatica Celtica. E monumentis vetustis tam hibernicae linguas quam
britannicae... construxit J. C. Zeuss. Lipsiae, 1853, ^ "^'o'- '"-8.
Ir. Gl. — Irish Glosses.... edited by Whitley Stokes, Dublin, 1860, in-4°.
Lag. — Le Catholicon de Jehan Lagadeuc, Dictionnaire breton,«français et latin publié
par R.F. Le Men, d'après l'édition.... imprimée à Tréguier. . en M.CCC.XCIX. Lorient,
1867, in-S».
Larm. — Dictionnaire françois-breton ou françois-celtique du dialecte de Vannes. ..,
par M. L'a[rmery], à Leide, 1744, in-8°.
Lat. — Latin.
Le Gon. — Dictionnaire breton-français, par Le Gonidec. i'^ édition, 1821. — 2' édi-
tion revue par M. de la Villemarqué, Saint-Brieuc, 1850, in-4''.
Le Pel. — Dictionnaire de la langue bretonne, où l'on voit son antiquité, son affinité avec
les anciennes langues.... avec l'étymologie de plusieurs mots des autres langues, par dom
Le Pelletier, de la congr. de Saint-Maur. Paris, 1752, in-f°.
Lh. — Archasologia Britannica.... by Edward Lhuyd. Oxford, 1707, in-folio.
Lith. — Lithuanien.
0' R. — An Irish-English Dictionary.... by Edward 0' Reilly. Dublin, 1817, in-4°.
— 2"-' édition. Dublin, 1864, in-4''.
0' R. suppl. — A supplément containing many thousand Irish words.... by John
C Donovan. (Publié à la suite d'O' R.-. 1
Ow. — A Welsh and English Dictionary.... by William Owen [Pughe]. London, 179?-
1803, in-8". — 2<^ édition en 183 1.
Piem. Can. — Piémontais Canavais.
Scr. — Sanscrit.
Spur. — A Dictionary of the Welsh Language.... by William Spurrell. Caermarthen,
in-12. l'A eu plusieurs éditions; la première est de 1848.)
Stok. Corm. Gl. — Cormac's Glossary, translated and annotated by the lateJohn G' Do-
navan, edited, with notes and indices, by Whitley Stokes, LL. D.Calcutta, 1868, in-4".
Thr. Ir. Gl. — Three Irish glossaries,.... with a préface and index by W[hitley]
S[tokes]. London, 1862, in-8°.
Troude. — Nouveau Dictionnaire pratique français et breton du dialecte de Léon,....
par A. Troude.... Brest, 1869, in-8'.
Voc. — Vocabularium Cornicum, publié dans Gr. C, pp. 1100-1124, et dans The
Ancient Cornish Drama edited and translated by Edwin Norris, vol. H, pp. 311-435.
ERRATA.
Page 1, ligne 24, au lieu de Prémeaux, lire Pernand.
Page 5, ligne 6, — —
Page 5, ligne 10, — —
Page 56, ligne 7, au lieu de Valkyrian, lire Valkyria.
Page 7^, ligne 37, au lieu de trigiam, lire trigiun.
Page 79, dernière ligne, au lieu de duaccradat, lire duacradat.
Page 80, ligne 22^ nurad est peut-être pour nuradad (quae loquebatur),
prés. sec.
Page 85, ligne 7, au lieu de th. masc. en u, lire th. masc. en /.
Nogent-le-Rotrou, imprimerie de A. Gouverneur.
En vente à la librairie A. FRANCK (F. Vieweg propriétaire:
YR î AIT H G Y M RA EG
yn erchi gan duu , luLiant, a hyfryd
gynnyi meurt gras, anrhyded, a
gogoniài ht hanrhydeJ.ussaf
bennadur, ai dibal noded
Viliam Harbart
larl 0 BenfrOy
ag Argluyd o Gaer dyd.
Rîh fyngueled fyhun, er ys-
Mlauer o flynyadoed, heb bris
^jgan neb arnaf truy dir cy-
mru, na chuaith dim genn-
yf meun scrifen a phruyth
yndo i hyphordi meun dysg, a daim fyn
gharedigion bobl : mi a dybiais (J'an-
rhydedfaur Bennacth) mae da oed
ymy, fyned truy uledyd Europa i edry-
ch ymysc ieithoed erail a gaid yrû cyn
diystyred i chyflur a mi, ag mor ailes
a ij i'r
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teurs S'engage.. i jj^
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fr. 50
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fr. 75
in-8».
10 fr.
adaire
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'étude
isons
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ndétermi-
souscrip-
vance.
Pa^
Pa
Pa,
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Pai
Pa
a'ch eîifedion yn y hyd yma, a thaï
didranc gan duy yn y hyd sy'n doyad.
Yrhun a danfono iuch ruyddeb, a chyn
nyrch yinhob layenyd a daioni yrth
fod ach caro.
Ych phydlonaf lay foryyn
yr iaith gymraeg.
En vente à la librairie A. FRANCK. (F. Vieweg propriétaire).
l AIT H G AMB R
annerch yr hygar darleyd.
Y N
ARistoteles, gur o ragoridth meun
dysc, a gyyhodaeth, a doyad am bob
celfydyd, mae bychan, ag anrhefnus
fyd i dechreuad; ag yna bob ychydig
tyfy ûg ymdacclu a una, nid ar vnya
ith ond 0 amser i amser îryy fod erail,
yn gyeled, ag yn byry at y dechreuad,
ryy beth nis canfu na'r cyntaf, na'r
ail, Er bod y dechrau fynychaf yn lai
no'r dam a roessyyd yrtho : etto mae^n
galettach, ag yn fyy clod, dychmygu
ychydig o neyyd, nog yy trefnu hyny,
ai chyanegu yn helaethyych. Am hyn-
ny na fid diysîr, na diflas gennyt, fyn-
gyeled i yn ymdangos mor disas, ag
mor àhylyybr, canys hôn yu'r ayr gyn-
taf yr amcanyyd fynyyn i lyyhr celfy-
b ij dyd.
I
teurs s'engagent pour un volume entier sans rien
publiée sous
ique.
traduit par
Chronologie
Curtius, tra-
?tucles. 4 fr.
on, élève de
îfr.
îf, répétiteur
1 fr. 50
;n arabe, par
5. 2 fr.
;qués par F.
ïutes Études.
4fr. 75
grand in-8".
10 fr.
lebdomadaire
G. Paris. —
17 fr.
; pour l'étude
lar livraisons
l'archéoiogie
de Pentaour,
le vicomte de
égyptien du
conservateur
ques, par M.
Préceptes de
)uvre, accom-
Musée égyp-
lofr.
de texte et 1 o
es indétermi-
..es souscrip-
payer à l'avance.
scod rhag y tes, ag yn digrij cloued yr
aijel lion o'r gogleiiyynt yn chuyîhu ta
frig y gyynuyd i'n layenychy yn y gy-
res anrhysymol hyn, syd dry m yrth ba
yb a gafod i geni ai meithrin meyn
gylad cyn oered ag yy tir cymru : etto
mae arnaf hiraeth am layer o betli-
Pa, au a gaid ynghymru, i fyry^r amser
Paf heibio yn difyr, ag yn layen, yrth ochel
P^ y tes hirdyd haf. Canys yno, er poethed
Pa
fai'r dymyr, ef a gaid esmyythdra, a
p ' didanych i bob bath ar dyn. Os bydai
P2 vn yn chyennychu digrifych, e gai bu
ror ai delyn i ganu myyn bynciau, a
P datceiniad peroslau i ganu gida îhàt,
hyn a fynnychyi ai mayl i rinyed, yn-
îau gogâ i drygcampau. Os mynnych
chyithau gloyed arfer y y lad yn am-
ser yn teidiau ni, chui a gaech henaf-
gyyr briglyydion a dangossai iych ar
dafod
En vente à la librairie A. FRANCK (F. Vieweg propriétaire).
BIBLIOTHÈQUE de lÉcole pratique des Hautes Études, publiée sous
les auspices de S. E. M. le Ministre de l'Instruction publique.
1" fascicule. La Stratification du langage, par Max MùUer, traduit par
M. Havet;, élève de l'École des Hautes Études. — La Chronologie
dans la formation des langues indo-germaniques, par G. Curtius, tra-
duit par M. Bergaigne, répétiteur à l'École des Hautes Études, 4 fr.
2"-' fascicule. Études sur les Pagi de la Gaule, par A. Longnon, élève de
l'École des Hautes Études. 5 fr.
j*" fascicule. Notes critiques sur CoUuthus, par Éd. Tournier, répétiteur
à l'École des Hautes Études. 1 fr. 50
4'' fascicule. Nouvel Essai sur la formation du pluriel brisé en arabe, par
Stanislas Guyard, répétiteur à l'École des Hautes Études. 2 fr,
5* fascicule. Anciens Glossaires romans, corrigés et expliqués par F.
Diez. Traduit par Alfred Bauer, élève de l'École des Hautes Études.
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BLADÉ (J, F.). Études sur l'origine des Basques. 1 vol. grand in-S".
10 fr.
REVUE CRITIQUE d'histoire et de littérature, recueil hebdomadaire
publié sous la direction de MM. P. Meyer, C. Morel et G. Paris. —
Prix d'abonnement : un an, Paris, i $ fr.; départements, 17 fr.
La cinquième année est en cours de publication.
REVUE DES LANGUES ROMANES, publiée par la Société pour l'étude
des langues romanes. Tome i'^'", r^' livraison. Paraît par livraisons
trimestrielles. Prix d'abonnement: jo fr. par an.
RECUEIL DE TRAVAUX relatifs à la philologie et à l'archéologie
égyptiennes et assyriennes.
i*"" fascicule^ contenant les travaux suivants: i. Le Poème de Pentaour,
accompagné d'une planche chromolithographiée, par M. le vicomte de
Rougé, de l'Institut, conservateur honoraire du Musée égyptien du
Louvre; 2. L'Expression Mdâ-Xeru, par M. A. Devéria, conservateur
adjoint au Musée égyptien du Louvre; 3. Études démotiques, par M.
G. Maspero, répétiteur à l'École des Hautes Études; 4. Préceptes de
morale extraits d'un papyrus démotique du Musée du Louvre, accom-
pagné de deux planches, par M. P. Pierret, employé au Musée égyp-
tien du Louvre. Petit in-4°. 10 fr.
Ce recueil paraîtra par volumes d'environ 30 feuilles de texte et 10
planches in-4°, divisés en fascicules publiés à des époques indétermi-
nées et dont le prix sera fixé suivant l'importance. — Les souscrip-
teurs s'engagent pour un volume entier sans rien payer à l'avance.
La Revue Celtique forme par an un volume d'environ 520 pages.
Prix d'abonnement : Paris, 20 fr.; Départements, 22 fr.; Étranger, le
port en sus. On souscrit : Pour la France, en envoyant un mandat-poste
payable au nom de M. F. View^eg, propriétaire de la librairie Franck,
67, rue de Richelieu, à Paris; — Pour l'étranger, par l'intermédiaire d'un
libraire.
Une liste des souscripteurs sera publiée à la fin de chaque volume.
Il est tiré quelques exemplaires sur papier de Hollande portant sur le titre le
nom imprimé du souscripteur. Le prix d'abonnement à ces exemplaires est
double, c'est-à-dire 40 fr. pour Paris, 44 fr. pour les départements.
Toutes les communications, correspondances, etc., doivent être
adressées franc de port à M. H. Gaidoz, aux soins de M. F. Viev^^eg,
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La direction de la Revue ne s'engage pas à renvoyer aux auteurs les
manuscrits non-insérés.
To ouR British subscribers :
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The termsof subscription fer thèse copies is double, viz. two pounds per annum.
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ter, care of Mons. F. Vieweg, propriétaire de la librairie A. Franck,
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Nogent-le-Rotrou, imprimerie de A. Gouverneur.
Les Numéros ne se vendent pas séparément.
^> y PUBLIÉE V^
Q^ AVEC LE CONCOURS DES PRINCIPAUX SAVANTS ^^
DES ILES BRITANNIQUES ET DU CONTINENT
DIRIGÉE PAR
H. GAIDOZ
Membre de la Cambrian Archceological Association
et de la Royal Archaological Association of Ireland, etc.
N' 2~ Août 187©.
LIBRAIRIE A. FRANCK (f. vieweg propriétaire)
67, rue de Richelieu, PARIS
TRiiBNER AND C°
8 and 60, Paternoster Row, E. C, LONDON
J[imbers^ are not sold separately .
SOMMAIRE DU PRÉSENT NUMÉRO :
I. De la disparition de la langue gauloise en Galatié, par M. G. Perrot, un
des directeurs de la Revue Archéologigiie.
II. Fionn's Enchantment : a popular taie of the Highlands of Scotland, with
a translation by J. F. Campbell, Esq., of Islay.
III. Welsh Phonology, by the Rev. John Peter.
IV. Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes (deuxième article), par
M. H. d'Arbois de Jubainville, correspondant de l'Institut.
V. Sainte Tryphine et Hirlande, par M. R. Kœhler, conservateur de la bi-
bliothèque grand-ducale à Weimar.
VI. Traditions et superstitions de la Basse-Bretagne, par M. R. F. Le Men,
archiviste du Finistère.
VII. Proverbes et dictons de la Basse-Bretagne, recueillis et traduits par M.
L. Sauvé.
Mélanges : Mythological Notes, by Whitley Stokes, Esq-; — Un autographe
de Marianus Scottus, par M. Wattenbach, professeur à l'Université d'Heidelberg.
— Un opuscule grammatical de Sédulius, par M. Ch. Thurot, membre de
l'Institut. — Le nom d'Abélard, par M. É. Renan, membre de l'Institut. —
Zeuss et le manuscrit de Cambrai de l'histoire ecclésiastique des Francs, par
M. d'Arbois de Jubainville, correspondant de l'Institut. — Note à l'article de
M. Hennessy.
Bibliographie : L. Revon : Inscriptions antiques de la Haute-Savoie (H. G.).
— R. Mowat : Inscriptions gallo-romaines de Rennes (H. d'A. de J.). —
L'Archéologie Irlandaise et M"° Stokes (H. G.). — Kennedy : Fireside Stories
of Ireland; Lageniensis : Irish Folk Lore (H. G.). — Mac Coy : Miscellaneous
Poems (H. G.). — Chr. Terrien et Saxton : Libérien hag Avielen (H. d'A. de
J.). — Spurreil : Grammar of the Welsh Language (H. G.). — W. Rowlands :
Llyfryddiaeth y Cymry (H. G.). — Gwaith y Parch. W. Davies (H. G.). —
Palliser : Brittany and its Byways (H. G.).
Chronique, par M. H. Gaidoz (Lescour et Guillaume Lejean. — Celtistes
morts au champ d'honneur. — L'Académie Irlandaise et l'Association Archéolo-
gique d'Irlande. — Destruction du Musée de Strasbourg. — Incendie du Musée
de Nancy. — Une poésie de M. Luzel).
Supplément : Dosparth byrr ar y rhan gyntaf i ramadeg cymraeg [gan Gruffydd
Roberts, 1567.] A fac-similé reprint. (This will be continued in regular instal-
ments, v/ith a separate pagination, in ail subséquent numbers, until the work is
completed).
A NOS ABONNÉS.
Les récents événements nous ont empêchés pendant un long temps de
publier la Revue Cclticjue; en conséquence, l'abonnement à la première
année est continué jusqu'à l'achèvement du premier volume que nous
tâcherons de fmir avant 1872. Dès le commencement du deuxième
volume, nous ferons notre possible pour publier la Revue tous les trois
mois, régulièrement, comme nous l'avions promis dans le prospectus.
Jusqu'à ce que le premier volume soit fini, nous sommes obligés de
demander l'indulgence de nos abonnés pour les irrégularités qui se sont
présentées et peuvent encore se présenter dans la publication de nos
numéros.
See next page of the cover.
DE LA DISPARITION
DE LA LANGUE GAULOISE EN GALATIE.
LETTRE AU DIRECTEUR DE LA REVUE CELTIQUE.
Mon cher directeur,
Vous avez bien voulu, après avoir lu mon étude De Galaîia pro-
vincia Romana, signaler à mon attention un passage de Lucien
qui semble contraire à la théorie que j'énonce sur la prompte
disparition de la langue celtique en Asie Mineure '. Après avoir examiné
le texte du Pseudomantis que vous m'aviez indiqué, après l'avoir rattaché
à ce qui précède et à ce qui suit, j'ai cru pouvoir en tirer une conclusion
toute contraire à celle qu'il semble suggérer au premier abord ; j'y ai
vu une confirmation précieuse de l'idée que je soutiens. Vous avez pensé
que cette question méritait d'être discutée dans une revue dont les fon-
dateurs se proposent, avant tout, de bannir la fantaisie du domaine des
études celtiques et de ramener tous ceux qui les cultivent à l'observation
des règles de la critique. Enfants perdus de la grande famille celtique, les
Gaulois qui ont ravagé la Grèce et qui, jusqu'à Manlius Vulso, ont tenu
tout l'Orient sous la terreur de leurs armes ont fait, sur l'imagination des
Grecs et des Romains, une trop vive et trop durable impression, ont
trop contribué à augmenter le prestige et le renom de leur race pour
que vous ne leur accordiez pas, ne fût-ce qu'une fois et en passant,
quelque place dans ce recueil. N'est-il pas, en effet, destiné à réunir
tous les renseignements épars que peuvent encore nous fournir l'histoire,
la philologie et l'archéologie sur ces Celtes dont nous avons oubhé la
langue, nous Français qui sommes leurs héritiers les plus directs, mais
I. De Galatia provincia Romana, p. 87-90, 168-170. — Exploration archéologique de la
Galatie, de la Bithynie, etc., p. 197.
i8o De la disparition de la langue gauloise en Galaîie.
dont nous possédons encore, à un si haut degré, les qualités et les
défauts, dont le sang, si peu altéré et mélangé, coule encore aujourd'hui
dans nos veines ?
Permettez-moi, pour être plus clair, de commencer par la fin. Ce que
je me propose de démontrer, c'est qu'il ne me paraît pas possible d'ad-
mettre, comme l'ont fait jusqu^à ces derniers temps la plupart des histo-
riens, le fait que saint Jérôme, dans un passage bien souvent cité, est
seul à nous attester, la persistance de la langue celtique en Asie Mineure
jusqu'au quatrième siècle de notre ère.
Voici le texte de Saint-Jérôme : ' « Les Calâtes se servent de la langue
)) grecque, qui est la langue commune de tout l'Orient; mais de plus ils
» ont un idiome qui leur appartient en propre, et qui est à peu près
)> le même que celui que parlent les Trévires ; il n'y a point d'ailleurs à
» s'étonner s'il a subi quelques altérations... »
Avant que nous n'abordions l'examen de l'histoire des Calâtes et de
leur langue, une première observation nous vient à l'esprit : cette persis-
tance de la langue galate serait un fait bien extraordinaire, et qui
s'accorderait mal avec d'autres faits que nous offre la même région. On
peut, en pareille circonstance, invoquer l'analogie ; or elle est ici tout à
fait contraire à la thèse de ceux qui ont admis le témoignage' de Saint-
Jérôme. Nous apprenons en effet par Strabon que, de son temps, il n'y
avait plus en Lydie trace de la langue lydienne 2. Le phrygien, à ce qu'il
semble, avait aussi disparu pendant le temps qui sépare l'expédition
d'Alexandre du commencement de notre ère, car il n'en est plus jamais
question à l'époque romaine. C'était pourtant là des langues parlées par
le bas peuple des villes et des campagnes; la conquête macédonienne et
l'introduction, dans toute l'Asie Mineure, des idées et de la civilisation
hellénique n'ont pas dû faire pénétrer beaucoup d'éléments nouveaux dans
ce fond persistant de population indigène, ni en changer d'une manière
sensible le caractère et les habitudes. On sait par des exemples comme
ceux que pourrait fournir la durée du breton en France et des dialectes
congénères dans les Iles Britanniques, combien certains idiomes, parlés
surtout par le paysan, peuvent se maintenir longtemps à côté d'une autre
langue que la conquête a apportée dans une contrée et qui y devient la
langue de l'administration et de la bourgeoisie urbaine. Pourtant telle
1. Prol. Comment. II in cpist. ad Galatas (p. 430) : « Unum est quod inferimus, et
promissuin in exordio reddidimus, Galatas , excepto sermone Gr»co, quo oiiinis Oriens
loquitur, propriam linguam eamdein pêne liabere quain Treviros, nec referre, si aliqua
exinde corruperint, cum et Afri Phœnicum linguam nonnulla ex parte mutaverint, et ipsa
Laiinitas et regionibus quotidie mutetur ef tempore. »
2. Strabon, XIII, 4, 17.
De la disparition de la langue gauloise en Galatie. 181
avait été la force expansive et la vertu du grec qu'il avait, vers le pre-
mier siècle de notre ère^ partout supplanté les anciens dialectes indigènes.
Dans de telles conditions, est-i! croyable que l'idiome celtique soit resté
en usage pendant trois siècles encore ? Cet idiome n'était pas, comme le
lydien ou le phrygien, la langue de toute une population rurale, attachée
à la glèbe et par là même obstinée dans ses usages et lente à se modifier :
il était parlé par une bande de conquérants; après avoir pris pied sur
le sol de l'Asie, ces hardis aventuriers passèrent près de deux siècles à
parcourir en tout sens l'Orient hellénisé, à se mettre, par petits groupes,
au service de tous les princes macédoniens, de Pella à Antioche et
Alexandrie. Beaucoup d'entre eux, dans les vicissitudes par lesquelles ils
avaient passé avant de franchir l'Hellespont, dans les désastres par les-
quels se termina l'invasion de la Grèce, dans les fatigues de ces longues
routes, avaient dû perdre les femmes qui avaient quitté la Gaule avec
eux; ils les remplacèrent par ces belles grecques que leur livra le pillage
des villes de l'Asie Mineure et de la Syrie : un sang mêlé dût couler dans
les veines de la plupart de ces guerriers dès la seconde ou la troisième
génération qui naquit sur le sol de leur nouvelle patrie. Quand, après le
premier élan de leurs courses et de ces pointes hardies qu'ils avaient
poussées en tous sens, ils s'établirent dans la Phrygie orientale et dans
les cantons occidentaux de la Cappadoce, dans le pays qui, depuis lors,
prit le nom de Gallo-Grèce ou de Galatie, ils y formèrent une sorte
d'aristocratie militaire groupée autour de chefs dont chacun avait son
château fortifié où il était entouré de compagnons d'aventure et d'hommes
dévoués à sa fortune ; il y gardait aussi son butin. Je me représente la vie
d'un chef Galate du temps de Bogodiatoros ou de Dejotaros comme celle
d'un déré-bey turc ou albanais, il y a cinquante ans, en Roumélie
ou en Anatolie, comme celle que mènent aujourd'hui, dans le
Kurdistan, tous ces petits tyrans auxquels la Porte n'a encore imposé
qu'une obéissance purement nominale. Les anciens habitants cultivaient
sans doute pour les maîtres nouveaux, à titre de métayers, une partie
du sol ; c'était pour eux aussi que des pâtres esclaves conduisaient l'été
de vastes troupeaux sur les pentes vertes et boisées, sur les hautes
pelouses de l'Olympe, et que, pendant l'hiver, ils les poussaient à travers
le steppe herbeux qui s'étend d'Ancyre à Iconium. Dans leurs rapports
avec les princes au service desquels ils se louaient, avec les officiers et
soldats des armées où ils entraient comme mercenaires, avec la popula-
tion des pays où les portaient les hasards de la guerre, avec les esclaves
qu'ils ramenaient et les captives dont beaucoup d'entre eux faisaient leurs
femmes, avec leurs colons et leurs bergers, c'était le grec, toujours le
i82 De la disparition de la langue gauloise en Galatie.
grec, qu'il leur fallait employer; tous durent donc savoir bientôt, quitte
à le parler avec plus ou moins d'accent et avec beaucoup de solécismes,
le grec assez corrompu qui était alors la langue courante de tout l'Orient
jusque chez les Parthes. La langue celtique dut se conserver, pendant
un siècle ou deux, comme un souvenir de l'ancienne patrie, comme un
signe de race et de noblesse, comme un moyen commode de se recon-
naître entre gaulois et de pouvoir s'entendre et se concerter au milieu
même d'étrangers, dans une cour, dans une embuscade ', sur un champ
de bataille.
Ce qui montre avec quelle facilité les Gaulois d'Asie Mineure se lais-
sèrent pénétrer par l'hellénisme comme ceux de la Gaule propre, après
César, par la civilisation romaine, c'est l'empressement avec lequel, dès
le siècle qui suivit la conquête, ils s'associèrent aux cultes moitié grecs,
moitié asiatiques de l'Asie Mineure, et s'emparèrent de grandes-prêtrises
comme celles de Pessinunte et de Comana 2. Leurs princes, dès qu'ils
frappent des médailles, n'ont que des légendes et des types grecs. Quoi
qu'on en ait dit d'après des informations inexactes, on n'a retrouvé, dans
toute l'étendue du territoire jadis occupé par les Galates, non seulement
aucune inscription celtique, mais même aucun monument public ou privé,
aucune construction qui eût à aucun titre un caractère original, et qui
rappelât la lointaine patrie occidentale. Jusqu'au temps de l'occupation
romaine^, le caractère national et un certain fonds d'idées religieuses
propres aux Gaulois se trahit encore à certains signes : différentes anec-
dotes, comme la vengeance de la femme d'Ortiagon et celle de Gamma,
comme le dévouement des deux fils d'Adiatorix, nous montrent que nous
sommes toujours en présence des fils d'une race qui avait étonné les an-
ciens par sa noble hardiesse et son tranquille mépris de la mort 5. De
nombreux actes de cruauté et de violence nous attestent en même temps
que chez ces guerriers, déjà civilisés en apparence, il restait encore
beaucoup du barbare. De plus, de nombreux noms propres, de
formation toute celtique, nous témoignent que si l'idiome celtique allait
peut-être, dès le temps des guerres de Mithridate, tombant en désuétude,
il n'y avait point encore de parti pris chez les chefs de renoncer à leur
nationalité, de faire oublier ce qui rappelait leur origine étrangère.
Là, comme ailleurs dans les provinces orientales, ce fut la conquête
romaine qui acheva l'œuvre commencée par l'influence pénétrante de
1. Voir le récit que font de la vengeance tirée par Chiomara du centurion romain qui
l'avait déshonorée, Folybe (XXU, il) et Tite-Live (XXXVlll, 24).
2. Exploration archéologique de la Galatie, p. i8s, 193.
j. Exploration archéologique, p. I92, 19).
De la disparition de la langue gauloise en Galatie. 183
l'hellénisme. En 2$ avant Jésus-Christ, après la mort d'Amyntas, Auguste
annexait la Galatie à l'empire; il en formait une vaste province qui com-
prenait, comme nous l'avons démontré ailleurs, non seulement le terri-
toire des Tolistoboiens, des Tectosages et des Trocmes, mais tous les
territoires qui avaient été, dans les dernières années, réunis sous la main du
successeur de Déjotare, Amyntas'. Cette incorporation de la Galatie s'ac-
complit, à ce qu'il sem.ble, sans la moindre résistance des populations, à qui
l'administration juste et sensée d'un gouverneur roma'm, Icgatus imperatoris
pro pr£îore, assurait des biens depuis longtemps perdus, la liberté des
routes et du commerce, la paix publique. Sous cette autorité, grâce à ce
repos, des villes nouvelles naissent en Galatie, celles qui existaient déjà
développent leur richesse et leur population; Ancyre et Tavium, les
capitales des Tectosages et des Trocmes cherchent à rivaliser avec cette
cité de Pessinunte autour de laquelle s'étaient groupés les Tolistoboiens.
Ancyre et Tavium, qui n'étaient jusque-là que des marchés et des forts
de refuge, se donnent alors ce qui, dans les idées grecques, constituait
proprement une ville, la distinguah: des bourgades rurales; elles s'ornent
de somptueux édifices destinés au culte des Dieux et aux assemblées des
hommes; elles se construisent des temples, des forums, des cirques, des
théâtres. Attirés par l'éclat des cérémonies religieuses et des jeux publics,
par les écoles qui se fondent, par les gymnases, les bains, par tous les
agréments de la vie urbaine telle qu'on la pratiquait dans les villes
anciennement policées de la province d'Asie, les chefs galates quittent
peu à peu leurs châteaux, au moins pendant une partie de l'année; ils
s'accoutument à résider dans les cités, à y remplir les fonctions munici-
pales, à s'associer ainsi aux travaux administratifs du gouverneur romain ;
par les charges provinciales, ils s'acheminent à la bourgeoisie romaine
et aux honneurs romains. Ainsi entraînés dans le grand courant de la
civilisation gréco-romaine, n'ayant plus l'occasion de faire la guerre que
sous les drapeaux romains, désormais rattachés par un lien étroit aux
villes qui sont autant de foyers d'hellénisme, les Galates achèvent de
désapprendre leur langue qui ne leur est plus d'aucun usage; le souvenir
s'en efface avec celui des temps d'anarchie militaire et d'aventures dont
Tère est désormais close sans retour. Ce qui le prouve, c'est que les
noms propres celtiques disparaissent pendant le premier demi-siècle de
l'occupation romaine, et l'on sait, par plus d'un exemple analogue, que
les noms propres survivent en général aux noms communs, qu'ils restent,
I . Sur l'étendue du territoire soumis au gouverneur de Galatie et sur les différentes
provinces qu'il réunit sous sa main, voir le ch. U de notre étude De Galatia provincia et
VExploration inchéologique,p. 194-196.
184 De la disparition de la lanc.ue gauloise en Gaktie.
pendant plus ou moins longtemps, comme le dernier vestige d'une langue
sortie de l'usage.
Grâce à une précieuse inscription, celle qui est gravée sur la face de
l'ante de gauche du célèbre temple de Rome et d'Auguste, nous pouvons
déterminer avec assez d'exactitude le moment où les Galates quittent
leurs noms celtiques pour des noms grecs ou romains '.
Nous n'avons pas besoin de remonter au temps de l'invasion, et des
premières luttes soutenues parles Galates contre les Attalides, les Séleu-
cides, les Romains : tous les noms de chefs galates qui nous sont alors
transmis par les auteurs sont purement celtiques. Au premier siècle
encore avant notre ère, du temps des guerres de Mithridate, tous les
tétrarques gaulois qu'Appien, Plutarque et autres historiens mentionnent
comme mêlés aux troubles de l'Asie ont encore des noms celtiques ; au
temps des guerres civiles de Pharsale, de Philippe et d'Actium, plusieurs
ont déjà des noms grecs ou macédoniens, comme cet Amyntas, le dernier
roi de Galatie, et son fils Pylaeménès, dont on ne peut guère révoquer
en doute l'origine gauloise. Parmi ces- princes et seigneurs galates qui
s'inscrivent sur le temple de Rome et d'Auguste, comme ayant concouru
par leurs libéralités à la splendeur des fêtes célébrées en l'honneur de
l'Empereur^ la plupart ont déjà des noms tout grecs ou romains. Dans
les nombreuses inscriptions de la fin du premier siècle ainsi que du
second et du troisième siècle de notre ère que nous a laissées Ancyre, à
peine rencontre-t-on, au milieu de centaines de noms propres, un nom
de femme auquel on puisse, faute d'en trouver une explication dans le
grec, supposer une origine celtique -. Ceux mêmes qui^, dans des inscrip-
tions composées en leur honneur, sont signalés comme descendants des
anciens rois et tétrarques 'liaa'.Xéwv y.al Ts-pap/wv àzcYovc.) n'ont plus
que des prénoms, des noms, des surnoms romains 5.
On peut même apporter, à ce qu'il semble, dans cette recherche plus
de précision, et déterminer, à quelques années près, le moment où les
noms gaulois cessent d'être en usage et tombent en désuétude. D'après
l'avis de M. Franz 4, auquel se sont rangés tous ceux qui se sont occupés
de la question, l'inscription de l'ante nous aurait conservé le souvenir
de cinq célébrations des jeux quinquennaux fondés à propos de l'inaugu-
1. C. huer. Grâce, 4039.
2. Il s'agit du nom de Caracylaea, femme de Julius Severus, qui fut consul en i J J de
notre ère. L'inscription qui la mentionne (C. /. Gr. 4030), lui donne le titre d'aTCÔYOvo;
paTOitov. .Voir sur ce nom Diefenbach, Celtica, II, première partie, p. 2J4.
3. On trouve ce titre d'honneur accordé à Ti. Severus iC. I. Gr. 4033) et à Ti. Claudius
Gentilianus {ibid., 4058).
4. C. /. Gr. dans le commentaire du n" 4039.
Delà disparition de ta langue gauloise en Calatie. 185
ration du temple de Rome et d'Auguste. Nous croyons, avec M. Momm-
sen ', que cet édifice n'a guère dû être dédié qu'après Auguste, tout au
commencement du règne de Tibère, et nous admettrons que les cinq célé-
brations des jeux qui nous sont ici rappelées se distribuent dans une
période de vingt ans qui irait environ de l'année 1 5 à l'année 5 <, de notre
ère. Dans l'inscription gravée après la seconde célébration, c'est-à-dire
dans la première partie du règne de Tibère, nous rencontrons encore
des noms gaulois; c'est Albiorix fils d'Ateporix ^, c'est Amyntas fils de
Gaesatodiastès 5. Après les troisièmes, quatrièmes et cinquièmes jeux,
tous les noms de nobles galates qui nous sont cités ont une physionomie
toute grecque ou romaine, aucun n'a rien de celtique : c'est Métrodore
fils de Menemachos, Musanos fils d'Arctinos, Seleucos fils de Philodamos,
Julius Ponticus, Aristoclès, Q. Gallius Pulcher^ Philonide fils de Philon,
Akylas. Sans doute nous n'avons là les listes que de cinq célébrations
des jeux, et une partie des noms a péri; il serait donc téméraire d'ap-
puyer toute une théorie historique sur ce seul fondement; mais le témoi-
gnage des autres inscriptions postérieures, dont les noms celtiques sont
tout à fait absents, nous indique que nous ne faisons pas fausse route ;
ce n'est point par un pur effet du hasard, nous sommes du moins autorisés
à le supposer, que les trois dernières listes ne contiennent plus de noms
gaulois tandis qu'on en voit encore dans la seconde. Le changement qui
s'accomplissait alors nous est révélé, si nous ne nous trompons, par une
mention que nous fournit la seconde liste : on y voit le père, Gaesato-
diastès, porter encore un nom celtique, tandis que le fils de ce tétrarque
n'a plus qu'un nom tout grec, Amyntas.
Une révolution analogue s'accomplissait d'ailleurs, vers la même
époque, au delà des mers, dans la grande Gaule d'oii étaient issues les
tribus celtiques établies en Asie Mineure. Sous Auguste et Tibère ,
la Gaule , des Cévennes à la mer du Nord et au Rhin, se latinisait
aussi rapidement que s'hellénisait ici la Gaule asiatique. Pour ce qui
est de cette prompte transformation à laquelle nous devons tant de monu-
ments aujourd'hui encore subsistants sur notre sol, les témoignages
abondent ; nous ne rappelerons ici qu'un texte épigraphique commenté,
il y a quelques années, par M. Léon Renier, avec sa sagacité ordinaire.
Nous y observons un phénomène analogue à celui que nous venons de
signaler dans l'inscription du temple de Rome et d'Auguste. Il s'agit
1. Res Gestae Dm Augusti, ex monumento Ancyrano et Apolloniensi l'Berlin, Weidmann,
1865, gr. in-8"), p. VI.
2. L. 24, 35.
}. L. 26.
1 86 De la disparition de la langue gauloise en Galatie.
d'une inscription de Genabum, que M. Renier attribue au milieu du pre-
mier siècle de notre ère '. De même qu'à Ancyre le fils de Gaesatodiastès
s'appelle Amyntas, à Genabum le père a un nom des plus gaulois, Ate-
pomarus, tandis que le fils, L. Cornélius Magnus, déguise sa nationalité
sous un nom tout romain. Ainsi, par une curieuse coïncidence, la vieille
langue des ancêtres et les noms qui en perpétuaient le souvenir auraient
disparu en même temps dans la grande Gaule européenne et dans la
petite Gaule asiatique; le chêne antique et puissant, la bouture qui en
avait été détachée et qui avait pris racine dans cette terre lointaine et y
avait poussé de verts rameaux, perdirent en même temps leur feuillage.
Ce qui dut achever de faire oublier l'idiome cehique, s'il en restait
encore quelques vestiges à la fin du siècle dans quelques cantons plus
isolés que d'autres et plus éloignés des villes, ce furent les grands tra-
vaux de voirie qui s'exécutèrent, vers la fin du premier siècle, sous l'im-
pulsion des gouverneurs de Galatie, dans toute la partie orientale de
l'Asie Mineure, dans toutes les provinces qui s'étendent entre l'Euphrate
et le Sangarius, entre les sommets du Taurus et les rivages de l'Euxin.
Par l'exécution de ces voies, sur lesquelles j'ai insisté ailleurs *, les
voyages durent devenir bien plus aisés, le commerce dut augmenter
singulièrement dans toute cette région, et par là même les hommes, de
plus en plus mêlés les uns aux autres, furent amenés à se servir de plus
en plus du grec comme de la seule langue qui fut usitée dans toute cette
région. Beaucoup de négociants italiens s'étaient aussi sans doute établis
dans les villes de cette contrée et particulièrement à Ancyre, ville opu-
lente et très-peuplée, capitale d'une province des plus vastes, ou plutôt
de tout un faisceau de provinces ; la suite du gouverneur était nom-
breuse, ses bureaux renfermaient beaucoup d'employés. La connaissance
du latin paraît donc être devenue assez générale à Ancyre, d'après le
grand nombre d'inscriptions latines qui s'y sont retrouvées ; il n'est pas,
à ma connaissance, une ville de l'Orient qui en ait fourni un pareil
chiffre. Ces deux grandes langues suffisaient à tous les besoins; c'était
assez pour qu'elles enseignassent à se passer de dialectes particuliers et
locaux, pour qu'elles les fissent désapprendre et oublier.
J'arrive au texte de Lucien que vous m'avez indiqué, texte où M. Die-
fenbach a cru voir la preuve qu'au second siècle la langue celtique était
encore parlée en Galatie h En m'y renvoyant, vous m'avez fait hre un
1. Revue Archéologique, Nouv. sér. t. XI, p. 408-421.
2. De Calatia provincia, p. 101-105.
}. ORIGINES EUROPJEM, die alten Vœlker Europas mit ihren Sippen und Nachbarn,
-8°, 1861, Franckfurt, p. 158.
De la disparition de la langue gauloise en Galatie. 1 87
très-piquant ouvrage, ['Alexandre ou le Pseudomanîis , portrait peint
d'après nature, spirituelle étude de charlatan par un homme tout à fait
« déniaisé et guéri du sot, » comme disait Gabriel Naudé. Si vous aviez
pris vous-même ce ylaisir, le passage de Lucien ne vous aurait plus paru
embarrassant pour la théorie que j'ai essayé de soutenir contre saint
Jérôme lui-même.
L'Alexandre que Lucien persiffle et dont il démasque les ruses, d'un bout
à l'autre de cet am.usant récit, était établi à Abonoteichos, petite ville de
Paphlagonie ; la Paphlagonie est, comme vous le savez, une province d'Asie
Mineure, limitrophe de la Galatie. Comme je l'ai montré, certains dis-
tricts autrefois appartenant aux dynastes paphlagoniens, ceux qui étaient
situés au Sud de l'Olympe, avaient été annexés à la Galatie '; mais la
ville d'Abonoteichos, comme toute la Paphlagonie maritime, faisait partie
de la province de Bithynie et de Pont {Pithynia et Pontus, Bitliynia Pon-
tus). C'était dans cette ville que l'on venait, de toutes parts, consulter
Alexandre, comme on fait aujourd'hui les magnétiseurs, soit pour se
guérir de maladies contre lesquelles échouait le savoir des médecins,
soit pour apprendre quelque secret que l'on avait intérêt à pénétrer ou
pour être instruit de l'avenir,
La forme la plus ordinaire de ces consultations, c'était un billet cacheté,
des tablettes scellées qu'on remettait au devin; la question y était écrite. Au
bout d'un jour ou deux, il vous donnait la réponse en même temps qu'il
vous rendait les tablettes, dont le sceau semblait intact. Les naifs s'éton-
naient qu'il eût ainsi pu répondre à une question qu'il était censé ne pas
avoir pu lire, au moins avec les yeux du corps ; on voyait là une preuve
de sa science surnaturelle. Mais Lucien, qui avait étudié de près le pré-
tendu sorcier, nous dévoile ses supercheries, qui n'exigeaient pas le quart
de l'adresse dont ont besoin nos prestidigitateurs modernes. Alexandre
mettait à profit le temps que les tablettes passaient entre ses mains. Il
avait toute sorte de moyens, — Lucien nous en indique quelques-uns,
— pour ouvrir les tablettes sans que le cachet semblât avoir subi la
moindre atteinte ; il ne les restituait, intactes en apparence, qu'après
avoir pu prendre tout à son aise copie de leur contenu. De tous les cré-
dules et superstitieux qui le consultaient, aucun ne se doutait du tour.
Il n'y avait, continue Lucien, qu'un cas où la chose présentât quelque
difficulté : c'était lorsqu'on remettait au prétendu devin des tablettes sur
lesquelles la question était écrite dans une langue barbare. Alexandre
ouvrait bien les tablettes; ce n'était pas là ce qui l'embarrassait; mais il
I. De Galatia provincia,p. jo.
i88 De la disparition de la langue gauloise en Galatie.
ne s'en trouvait point beaucoup plus avancé , il fallait ensuite déchiffrer
et comprendre ces mots étranges. Renoncer à répondre, c'aurait été
compromettre sa réputation, se discréditer aux yeux de la foule; il n'y
songeait donc pas ; il se bornait à prendre du temps. Sous un prétexte
quelconque, il différait sa réponse jusqu'au moment où il pourrait mettre
la main sur quelque voyageur, sur quelque étranger qui sût la langue
dont s'était servi son client. La chose finissait par se rencontrer, et alors,
après s'être fait traduire la question, il y répondait en grec, mais parfois,
par coquetterie, il mêlait dans sa réponse des mots empruntés à la langue
dans laquelle était rédigée la demande. C'est ainsi que Lucien nous cite
sa réponse à un Scythe, réponse où se rencontrent quelques mots inin-
telligibles pour nous et qui sont ou qui voulaient être du Scythe.
C'est dans ce passage que se trouvent les quelques lignes sur les-
quelles, d'après M. Diefenbach, vous avez appelé mon attention, je les
traduis et je les cite ' : « Il rendit souvent aussi des réponses à des bar-
bares si quelqu'un d'entre eux l'interrogeait dans son idiome national,
soit en langue syrienne soit en langue celtique, Alexandre ne rencontrait
pas aisément dans le pays des compatriotes de ceux qui lui^avaient remis
ces demandes : il s'écoulait alors un assez long temps entre la remise
des tablettes et la réponse de l'oracle. Il lui fallait tout cet intervalle
pour résoudre tout à loisir l'énigme et trouver des gens qui pussent lui
traduire chaque demande. «
Nous n'avons pas à chercher ici dans quel dialecte sémitique et avec
quel alphabet devaient être rédigées les questions posées à Alexandre en
langue syrienne, 1,'jpiG-î; mais quant à IvEA-ia-ïf, en langue celtique,
cela ne peut désigner, selon moi, que la langue celtique telle qu'on la
parlait bien loin du séjour habituel de notre sorcier, en Occident, sur les
rivages de l'Atlantique, en Gaule et en Bretagne. J'affirme que si M. Die-
fenbach, au lieu de citer le passage, comme il l'a sans doute fait, d'après
quelque autre ouvrage qui l'avait détaché du contexte, avait lu tout le
traité, il serait arrivé à cette même conclusion. Voici mes raisons.
Trois ou quatre fois, dans le cours de cette biographie, il est question
de la contrée que nous appelons aujourd'hui la Galatie et de ses habi-
tants. Aux chapitres 9, 18 et 30 il est dit que l'on vient sans cesse, de
Galatie, consulter Alexandre ; la Galatie est citée, avec la Bithynie et la
Thrace, parmi les pays qui lui envoient le plus de dupes. Au chapitre 44,
I. § Ji: 'A>.)>à xai PapSàpoi; TroÀ),à>ciç I/priTEv, sî Ttç ir\ iraTpi't.) êpoiTO 9_wv^
l'jpiiTTt Y] KcXtittC, où paStwç é^îupÎTXwv Tivà; èTcw-(i|j,oOvTa; ôiAoeâvsïç toï; Ô5Swx6c7i '
oià TùÙTO xal TToXù; 6 èv jAÉrTfo yçovo^ ï)v xyj; xs ôôffEO); twv piêXîwv xat x^ç XP^H'^'W"
oiaç, (l)ç èv TorroÛTfo xaxà a^o^riv Xùoivxô x£ oî /çy)(!\i.o\ à(7<paX(«);, xai eOpîffxotvxo oi
ép|j.Y)vEÛTa( ôuvàjiEvot 2xa(Txa...
De la disparition de la langue gauloise en Galatie. 189
Lucien parle d'une accusation qui fut portée, d'après des indices fournis
par Alexandre, devant le gouverneur de Galatie. Partout dans ces pas-
sages, c'est des mots FaXaTta et YxXi-on que se sert Lucien. L'emploi
de KtK-i'j-i, au § $1, n'avertit-il pas tout d'abord qu'il s'agit ici d'autre
chose, d'une langue parlée par des gens que Lucien aurait appelés
KÉATX'. ?
Ajoutez à cela que Lucien n'en vient à parler de ces réponses faites
à ceux qu'il appelle des Barbares qu'après avoir mentionné, au chapitre 3 1 ,
ceux qui viennent de l'Italie même pour consulter Alexandre. Il semble
qu'il suive là un certain ordre qui s'est présenté de lui-même à son
esprit. D'abord figurent les gens de la Paphlagonie et des provinces
voisines, parmi lesquels sont comptés les Galates, qui frappent à chaque
instant à la porte du devin, puis les Italiens, qui font tout exprès le voyage,
enfin des Barbares, parmi lesquels il place, à côté des Scythes, ceux qui
parlent Kt'kv.^-i. Y a-t-il apparence qu'il ait pu songer à ranger parmi
les barbares, avec les Scythes, les habitants de Pessinunte, Ancyre et
Tavium, villes qui, dans la seconde moitié du second siècle, ne différaient
point par leur richesse, leur goût pour les arts et les lettres grecques,
leurs habitudes civilisées, de Pruse, de Pergame, de Smyrne, de Caesarée
ou de Sinope ?
Il y a plus : ce passage, loin de confirmer l'assertion de saint Jérôme,
me fournit une nouvelle raison de la révoquer en doute. Lucien nous
montre Alexandre en rapport continuel avec les Galates d'Asie Mineure,
habitants d'une province qui touche à la Paphlagonie ; or il va de soi
qu'un certain nombre de Galates devaient s'être établis dans les villes
paphlagoniennes, que beaucoup d'entre eux devaient voyager sans cesse
en Paphlagonie, pour leurs affaires, devaient la traverser pour gagner
les ports de la côte. En même temps, Lucien nous cite ceux qui « posent
la question en langue celtique » parmi les indiscrets qui embarrassent fort
le charlatan et qui le forcent à prendre de longs délais, à retarder sa
réponse jusqu'à ce qu'il ait enfin rencontré en Paphlagonie, ce qui ne
s'y présentait pas aisément, quelqu'un qui sût cette langue barbare. Je
vous le demande, si l'on eût encore parlé celtique de Tavium à Pessi-
nunte, Alexandre n'aurait-il pas pu, au bout de quelques heures, s'être
fait traduire la demande par quelque marchand galate du bazar?
Il ne peut donc être question ici de Galates de l'Asie Mineure, qui
tous savaient le grec, posant leurs questions en celtique, et l'extrême
difficulté que rencontrait Alexandre à se faire traduire, dans une ville de
Paphlagonie, une question écrite en langue celtique, démontre qu'au
second siècle les Galates ne savaient plus un mot de leur vieille langue.
Si l'usage s'en était conservé quelque part, une question posée par un de
190 De la disparition de la langue gauloise en Galatie.
ces Celtes occidentaux que Lucien appelait Kih-y.'. et qu'il comptait
parmi les barbares aurait tout d'abord trouvé ici un interprète.
On se rejettera sur la différence des dialectes; mais d'après ce que
l'on sait des rapports étroits qui unissent entre eux tous les idiomes de
la famille celtique, cette différence aurait-elle pu être si marquée que
quelques lignes écrites par un Aquitain, un Belge ou un Breton fussent
inintelligibles pour un Celte de l'Asie Mineure tant que s'était conservé,
dans cette lointaine colonie, l'idiome apporté de l'Occident ? D'ailleurs,
l'assertion de saint Jérôme qu'acceptent, comme fondée sur les faits, les
partisans de la théorie que je combats, est que, de son temps, les Calâtes
d'Asie Mineure parlent une langue qui ne diffère que par quelques légères
altérations de celle qui est en usage chez les Trévires. Deux siècles plus
tôt, personne ne le niera, ces différences auraient dû être encore moins
sensibles ; le rapport entre l'idiome des Trévires et celui des Calâtes
aurait été encore plus étroit.
Vous admettrez donc, je l'espère, avec moi, que ceux qui posaient en
langue celtique au devin paphlagonien ces questions qui lui donnaient
tant d'embarras ne pouvaient être que des Occidentaux, des marchands
ou des légionnaires que les exigences de leur commerce ou du service
militaire avaient conduits, de la Caule ou de la Bretagne oi^ ils étaient
nés, sur les côtes de l'Euxin. La difficulté avec laquelle on trouve un
interprète pour leurs élucubrations prouve qu'il ne se parle plus alors, en
Asie Mineure, de dialecte qui soit frère de celui que ces étrangers appor-
tent de la vieille patrie celtique.
M. Diefenbach indique encore, parmi les textes qui peuvent contenir
des mots appartenant à un dialecte celtique parlé, vers la fin de l'empire,
en Asie Mineure, les passages des auteurs ecclésiastiques relatifs à des
hérétiques du quatrième siècle, qui auraient été très-nombreux^, vers le
quatrième siècle, à Ancyre et dans les environs '. Ces hérétiques nous
sont cités sous les noms de Tascodrougitae, Ascodrogiîae, Ascodrougoi et
autres variétés du même mot. La première partie du nom nous est donnée
dans les manuscrits, tantôt sous la forme Tasco, tantôt sous la forme
Asco, ce qui constitue un premier embarras. De plus, parmi les auteurs
anciens qui nous ont transmis ce nom, les uns disent qu'il appartiendrait
à la langue des Calâtes, les autres l'attribuent à celle des Phrygiens.
Quant aux philologues modernes qui ont cherché à expliquer par ce que
l'on sait du celtique ces deux mots tasco ou asco et drouggo, ils ne sont
arrivés jusqu'ici qu'à des conjectures très-hasardées et dépourvues de
toute valeur scientifique. Jusqu'à nouvel ordre, nous avons autant de rai-
I. Die alten Vœlker Eiiropas, Lexique, n' 310 ^p. 426).
De la disparition de la langue gauloise en Galatie. 1 9 1
sons de croire à l'origine phrygienne qu'à l'origine celtique du nom porté
par ces hérétiques. Sans doute, et nous l'avons marqué plus haut, le
phrygien comme le lydien, n'existait plus, après la conquête romaine, à
l'état de langue indépendante; mais dans le grec vulgaire de ces con-
trées, parlé par des gens dont l'immense majorité n'avait pas dans les
veines une goutte de sang grec, il avait dû rester un assez grand nombre
de mots empruntés aux anciens idiomes qui se parlaient dans le pays
avant l'invasion et le triomphe de l'hellénisme. On trouve dans les ins-
criptions funéraires de l'Asie Mineure, du temps de l'Empire, bien des
noms propres qui ne se résolvent pas en éléments tirés du grec.
Nous avons commencé par saint Jérôme; revenons à lui, au terme de
cette discussion. Comment nous expliquerons-nous qu'il ait affirmé d'une
manière si positive un fait que nous avons prouvé être contraire à toutes
les vraisemblances ? Cela étonne d'autant plus que, d'après une phrase
voisine de celle que nous discutons, il semble avoir été à Ancyre '. Mais
ce n'est pas à Ancyre, cette grande ville toute grecque que Libanius et
Themistius représentent, vers cette même époque, comme une sorte
d'Athènes orientale ^ ce n'est pas à Ancyre qu'il a entendu parler ce qui,
de toute manière, n'aurait plus été qu'un patois tout au plus conservé
dans les campagnes reculées. Pour qui, là encore, ne se contente pas du
passage cité partout, mais va le chercher dans saint Jérôme lui-même,
l'explication se présente aussitôt, très-simple et très-vraisemblable. Tout
ce préambule du second livre de son Commentaire à l'épitre aux Calâtes
forme une sorte d'introduction oij il a capricieusement réuni des rensei-
gnements historiques confus et des étymologies puériles. Il y dit lui-
même, vers le début , au moment de citer Varon : « pour l'avouer
franchement, il y a déjà bien des années que nous avons cessé d'étudier
ces matières »3. Il va donc un peu au hasard, puisant dans les souvenirs,
déjà vagues et brouillés, de ses lectures profanes d'autrefois, puisant
aussi dans de nombreux commentateurs qui se sont avant lui occupés de
cette épitre et dont il a les ouvrages sous les yeux; il cite entre autres
cinq livres d'Origène. Est-ce à sa mémoire, est-ce à quelqu'un de ces
commentateurs qu'il a emprunté l'assertion que nous combattons ? je
l'ignore, et il n'est pas probable que l'on arrive jamais à en retrouver la
source. Selon moi, sa phrase contient un renseignement qui a dû être
1. p. 429 : « Scit mecum qui vidit Ancyram metropolim Galatiaa civitatem, quot nunc
usque schismatibus dilacerata sit, quot dogmatum varietatibus constuprata. »
2. Liban. Epist. 6i, 242, 640, 662, 668, lUh "OJ, '322- Remarquez surtout le
curieux portrait que Themistius fait des Calâtes dans son discours XXIII, intitulé loçiTTr,;
(p. 299, éd. Hardouin); il donne une très-haute idée de leur culture et de leur mouve-
ment d'esprit.
i. « Et, ut simpliciter fatear, multi jam anni sunt quod hase légère desivimus. »
192 De la disparition de la langue gauloise en Galatie.
exact trois ou quatre siècles plus tôt, qui ne devient faux que par l'ap-
plication qu'en fait saint Jérôme à son temps. C'est à quelque écrivain
contemporain de Mithridate ou d'Auguste, à quelque historien grec ou à
quelque auteur latin du dernier siècle de la république ou du premier de
l'empire, que doit être empruntée cette observation qui avait alors sa
vérité et son intérêt. Quelque grec voyageur comme Polybe, Posidonius
ou Strabon, quelque officier romain intelligent et curieux comme Hirtius
ou LoUius, put être frappé des rapports que présentaient le dialecte gau-
lois parlé chez les Trévires, les noms propres que portaient leurs chefs,
et cet idiome qu'il entendait encore retentir, autour des tétrarques galates,
d'un Ortiagon, d'un Déjotare, d'un Amyntas. Il constata cette ressem-
blance, et, de sa relation, le fait passa dans d'autres livres et fut répété
bien des fois sans que l'on songeât à se demander si les choses, depuis
le temps où avait été faite cette remarque, n'avaient point changé. Les
exemples d'erreurs analogues abondent dans l'histoire. Saint Jérôme n'a
eu qu'un tort, c'est d'employer ici le présent au lieu de l'imparfait, c'est
d'appliquer, à son temps, par irréflexion et par manque de critique, ce qui
ne convenait qu'au premier siècle avant notre ère. Que lui importait
d'ailleurs? Son commentaire est une œuvre de théologie. Il jette en pas-
sant ce renseignement, sans s'arrêter à en vérifier l'exactitude ; qu'il soit
vrai ou faux, pourvu que les chrétiens trouvent dans ce livre de quoi
s'instruire du dogme et édifier leurs âmes, son but sera atteint.
J'espère, mon cher directeur, que cette discussion vous paraîtra con-
cluante et que vos lecteurs partageront cette impression. La Revue se pro-
pose de déblayer le terrain des études celtiques, d'en débarrasser les abords
d'une foule de préjugés et d'assertions hasardeuses qui reposent sur des
erreurs de date, sur des attributions fausses et des enthousiasmes irréflé-
chis : il faut qu'ici, comm.e en toute recherche scientifique, l'imagination
cède le pas à la critique. Tout étranger que je sois à la philologie cel-
tique, je serai heureux si, pour ma faible part, en tirant au clair cette
question, j'ai pu dissiper une illusion, et vous donner une preuve de
l'intérêt que je porte à votre entreprise et du succès européen que je lui
souhaite. Je crois, et j'en ai donné les raisons, que l'idiome gaulois ap-
porté en Asie Mineure par les conquérants a dû y tomber en désuétude
dans le courant du premier siècle de notre ère; permettez-moi, en finis-
sant de vous signaler une question qu'il appartient à vous ou à l'un de
vos collaborateurs spéciaux d'examiner et de résoudre. La seconde partie
de l'assertion de saint Jérôme est-elle plus vraie que la première ^ Parlait-
on encore chez les Trévires, au quatrième siècle, un idiome celtique ?
Agréez, etc.
G. Perrot.
FIONN'S ENCHANTMENT,
The following short story is part of the so called history of the Feinn, now
called Fenians in Ireland and elsewhere. As the history now exists in oral tradi-
tion in the Highlands of Scotland, wild mythical adventures are told in prose
over the fire to children and they partai<e of the nature of other popular taies.
Having set a man above ail the world the next step is to get him into some
grievous strait and rescue him by the superior prowess of an inferior. In this
form the Scotch heroes seem to be related to Norse demigods. Like them,
Welsh worthies who appear in the Mabinogion share in adventures which in
the Edda are attributed to Thorr, and probably the whole northern panthéon
including Thorr, Arthur and Fionn had some common origin in Aryan mytho-
logy or in some other early source. They hâve much in common now in popular
taies and in old writings at ail events. To Fenian prose taies as they now exist
belong Ossianic verses which are sung when the narrator happens to know
enough of them. Thèse are c Fenian ballads » and some which now survive
were written in 1 520 by Dean Mac Gregor in Scotland. Thèse as they exist in
manuscript, and orally amongst the peasantry, correspond to the Irish popular
poetry of which a great deai has appeared in the publications of the « Ossianic
Society d of Dublin. The 6th volume contains a long poem on the enchantment
of Fionn. On ancient ballads and upon the traditionary history of the Feinn the
fam.ous epic Ossian was probably founded. But when or by whom it is impos-
sible now to say. In 1762 part of the poem of Temora was printed in «the
original gaelic.» Many of the ballads can be seen through the epics, but the epic
Ossian itself has not been found in any ancient writing and is unknown to
modem tradition. Because of the language it seems probable that the epic
Ossian is more modem than the Ossianic ballads and the prose taies which be-
long to them. This is a sample of a prose taie with two lines of a verse atta-
ched (I Fionn in the house of the yellow face — unable torise or to sit ». The gaelic
was written by Donald Mac Pherson, a Lochaber man, who has published a
volume of popular poetry and gaelic songs, and the story was told by his
grandmother long ago. The translation is close and the gaelic is given as it
came to me in iune 1870.
J. F. C.
194 Fionn's Enchantment.
FIONN IN THE HOUSE OF THE YELLOW FACE,
UNABLE TO RISE OR TO SIT,
On a day when Fionn Mac Chumhail ' and the rest of the Feinn were
in the mountains of the chace, there came on snowing and drifting, and
before they had got the game gathered, the evening came upon them.
Tired and wearied as they were, they took to their way to go down to
the houses. As they were going on heavily and moodily they came to a
gray hut in the top of a glen and they went to rest in it. They made
a fire. The lads fell into a noisy mood and till the bird-stew was ready
they began to drive the drinking horns and to tell taies of the olden
times. The memory of the prowess of their ancestors made them exalt
themselves as is usual, and they ail said together that the man or beast
was to be pitiedthat should corne to trouble the Feinn that night, or that
would offer to insuit Fionn. In the very middle of this talk in cornes a
slender brown hare and without care or fear turns a turn or two on the
embers and tosses up the ashes to the rafters and out she goes *.
But if she did so, that did not make them less valiant. They made a
dark leap out after her ; but they went into a mist so great with the dark-
ness that came upon them that they could not see each other. Fionn
and his twelve lads foUowed the hare over stump and stone over the
shoulder of the glen and they never lost sight of her till she sprang in at
the window of a rickety house that came in their way at the side of a
green knoll. And what house should this be but the house of the Yellow
Face, a giant that lived upon enchanted boars and the flesh of men.
In they go to take the news, but they found no trace of the hare.
There was within a woman baking, for the Yellow Face had not come
home from the mountain chase. She gave them méat and drink and
said that now they had best begone, before the Yellow Face came.
Fionn said that he never had fled from man and that they would not
begin with the Yellow Face and they came farther into the house.
« Stop till the end, » said the wife. If it be true, they had hardly
settled themselves when they heard clitter clatter at the door and who
was there but the Yellow Face and his lads with a great big deadly
toothy boar on his back ! He gave himself a great big bittle shake to
I. There is a wide field for investigation in this name. It seems to mean « Pair Son
of Subjection » but that ineaning will hardly fit tlie commander in chief of the Feinn who
conquered the whole world in arms according to many legends and poems. There are
names in Mythology which seem more appropriate, but on them I will not venture.
Fionns Enchantment. 195
FIONN 'AN TAIGH A' BHLAIR-BHUIDHE
GUN CHOMAS ÊIRIGH NO SUIDHE.
Là dh'an robh Fionn mac Chumhail 's a'chuid eile de Vz Fhéinn anns a'
bheinn-sheilg , dh' 'eirich car 'us cathadh; 's mu 'n d' jhuair iad an
î-sealg a chair cruinn, thàinig an t-anmoch orra. Sgitb, airtealuch mar a bhà
iad, thog iad orra gu téarnadh gu baile. Mar a bha iad a' gabhail air an
aghart gu. trôm, athaiseach, thàinig iad air boîhan fàs 'am bràighe glinne;
agus ghabh iad gu tàmh ann. Dh' fhadaidh iad teine, 's chaidh nagillean air
sùrd gréidheidh; 's gus am biodh an t-eunbhruich uilamh thàisich iad air
iomairt nan corn, 's air seanchus mu'n 'am bho shean. Chuir cuimhn' air
cliu an sinnsire togail fôpa mar a b'àbhaisî ; 's thuirî iad uile cruinn-a-
càmhluath gu'm b' e ma thruaighe daine no beathach a îliigeadh a chur dragli
air an Fhéinn an oidhche sin ; no a theannadh ri îàir' a îhoirt do dh-Fhionn.
'An teis-meadhoin na bruidhne seo, thigear maigheach chaol, ruadh a's taigli;
agus, gun jhiamh gum umhail, cuirear car no dlià dli'i air a' chagailt, 's
togar an luath munasparran; agus thugar a mach oirre ! Ma thug cha
deachaidh sin air mh-thapadh dhaibhsam; thug iad daoidh-léum a mach 'as'
a deoghaidh; ach chaidh iad 'n am bràth-cheb cho mor le dorchadas a
thàinig orra, 's nach ba leur dhaibh a chéile. Lean Fionn 's a dhà ghille
dhiag i a bhun 's a lorg thar guallainn a' ghlinne; 's cha do chaill iad sealladh
oirre gus 'na léum i 's taigh air sgùid de thaigh ùdlaidh a thachair orra aig
bun slthein. De'n taigh a bha 'n seo, ach taigh a' Bhlàir-Bhuidhe, famhair a
bha 'tighinn beo air tairc-nimhe 's air feèil dhaoine! Rachar a's taigh, 'us
gabhar sgial; ach cha d' fhuaras forfhais air a' mhaighich. Cha robh 's
taigh ach a' bhean 's i fuineadh. Cha d' thàinig am Blar-Buidhe dhachaigh
'as a' bheinn-sheilg. Thugi biadh 'us deoch dhaibh; 'sthuirt i gu'm b' fhèarr
dhaibh a nis a bhuth 'falbh, mu'n tigeadh am Blàr-Buidhe dhachaigh. Thuirt
Fionn nach do îheich iad romh dhuine riabh, agus nach deanadh iad toiseach
de'n Bhlàr ; 's theann iad na b' fhaide 's taigh. Feith ri dheireadh, os a'
bhean. Mar a b' fhior, cha d' jhuair iad iad fhéin a shocruchadh ach gann,
tra a dh' fhairich iad stùirn-stàirn aig an dorus. Co bha 'n siod ach am
Blàr-Buidhe 's a ghillean, 's torc-nimhe màr,fiaclach aig air a mhuin! Thug
e crathadh beag mor air fhéin a chur an t-sneachda dheth, 's chuir e crith fo
'n ursainn 'sfo shuidheachan an taighe. Tha mi 'jaireachduinn fàilidh fhar-
2. It is common to suppose that witches take the shape of hares ; but in this case the
intention is to rebuke boasting. A hare might really corne into a turf hut on a hill side
and run out, and a party of drunken lads might chase her in a snow storm.
14
,«)WV*MaK
1 96 Fionn's Enchantment.
drive off the snow and he made the threshold and foundations of the
house tremble. « I smell the smell of the stranger before me, wife !
Whom. hâve you hère ? » said the Face. The wife told him of the guests
that had corne to visit her since he went. « Out with yourlads, Fionn,
to take off our burdens, » said the Face. Fionn never gave a refusai to
man, so six of them were sent out to the Face. But scarce had they
passed the threshold when the Face struck them with his rod of magie 5
and they were pillars of stone and he set them at the north side of the
door to stop the sleety wind. There he left them and he and his lads
took in the boar 4. They did but wait to give a rough scraping over him
and the wife put him on in the great kettle, the carcase as it was.
Before it got a boil and a simmer the Face stuck the flesh sîake into it
and there he had it out on the floor and without more delay he and his
/i^yi, ^^'^^ ^^^ about it. Each bone as they picked it, that they threw to Fionn
and his men. It was bad feeding but there was no help for it. Fionn""
was silent and pondering and no wonder. When the tearing was donc
and that was not long, Yellow Face bade his wife bring out the golden
apple sothat Fionn might pass the long winternight. She brought down
the apple and gave it to him s. They began at each other with the apple
and if they did is not long before the Face put an end to ail Fionn's
lads. Then the Face perceived that he could not manage Fionn with the
apple and he said that they must wrestle. To grips they go; but though
they should be wrestling till now he could notshake Fionn 6.
When the Face saw that his match had come^ he bade his wife put
on the griddle 7 so that Fionn's feet might be warmed, for surely he was
cold in this cold frosty night. The griddle was put on till it was a glow-
ing red blaze and they ail got about Fionn (that was the time when
he said, «A man is no man alone »), and they set him on the griddle till
his legs were burnt to the hips. Now was he unable to sit. The Face
gave a hoarse laugh and he stuck the flesh stake through both his hams
and then he could neither rise nor sit. The Face thought that he had not a
gasp of breath in him and cast him aside in a corner. Fionn never was in a
greater strait than this but at the time he was between Want and Déniai^,
and he remembered that he had the horn^ ofthe worthies and that it could
3. Hereis another word which may set Celtic scholars to work. It looks like Druid's
rod, but the giant is exceedingly like a frost giant or a hill ogre from Scandinavia,
4. Is'this the boar on which heroes feasted in Walhalla or is it some other? In any
case he is very common in gaelic stories.
j. This is another bit of inachinery whidi greatly needs explanation, for it constantly
appears in this class of stories. If thèse be solar Aryan heroes, the golden bail may be the
sun, according to modem authors, or lightning; but it seems more probable that some
^"^ntiO* ^i^rtA^yvxt^,^ tA4~-ClyL<,S^i^ C^cf^r- '
' VW<_ {C~fÙ!i: -/vzc4 Cx/^ ^/vv<_ ^ ^K/J'Vt^ £û^2^^
Fionn's Enchantmenî. 197
bhalach romham, a bhean; cà seo îh' agad a nochd, os' am Blàr? Dh'
innls a bhean na h-aoidhean a thàinig air choimheadachd oirre bho 'na dk'
flialbh e. A mach do ghillean, 'Fhinn, a thoirt na h-eallaiche dhiam, os' am
Blàr. Cha d' thug Fionn an t-'euradh do dhuine riabh, agus cuirear siathnar
a mach dhiubh far an robh 'm Blàr. Mu'n gann a bha iad seach an stairs-
neach bhua'd am Blàr slat-na-draoidheachd orra, 's bha iad 'n an colbh-
cloiche; 's chuir e air taobh-tuath an doruis iad a chur stad air a' ghaoth-
dheathaich ! Dh' fhàg e 'n sin iad; 's thug e fhéin 's a ghillean a's taigh an
tore. Cha d' fhuirich iad ach ri robladh lomaidh a thoirt air, 's chuir a'
bhean air e 's a' choire-mhor, 'n a chlosaich mar a bhà e! Mu'n d'
fhuair e ach goil 'us leth-goil, spàrr am Blar bior na feol' ann,
's bha siod aig air an ùrlar; 's gun îuille dàlach shuidh e fhéin 's
a ghillean mu'n cuairt da. Gach cnàimh mar a chreidhmeadh iad thilgeadh
iad siod gu Fionn 's gu 'ghillean. B' olc a' bhiatachd è, ach cha robh comas
air. Bha Fionn 'na thosd 's 'na chuimhne 's b' ion dà sin. An uair a bha 'n
roic thairis, 's cha b' fhada chuige, dh' iarr am Blàr-Buidhe air a mhnaoi an
t-ubhal-oir a thoirt a nuas gus an oidhch' fhada gheamhraidh a churseachad
air Fionn. Thug i nuas an t-ubhal, 's thug i dhà e. Thoisich iad air a
chéile leis an ubhal, 's ma thoisich, cha h' fhada gus 'na chuir am Blàr as
do'n iomlan de ghillean Fhinn. Thuig am Blàr nach deanadh e 'n gnothuch
air Fionn leis an ubhal, 's thuirt e gu'm feumadh iad dolaghleachd.'An dro-
mannan a chéile gabhar iad; ach, ged a bhiodh iad fhathast a' gleachd, cha
tngadh e glideachadh air Fionn. Tra a chunnaic am Blàr gu'n do thachair a
sheise ris, dh' iarr e air a mhnaoi a' ghreideal a chur air gus an rachadh
casan Fhinn a gharadh, gu'r cinnte gu'n robh efuar, 's an oidhche chruaidh,
reodht' a bh' ann. Chaidh a' ghreideal a chur air gus an robh i 'na caoir
dheirg ; 's dh' iadh iad uile mu Fhionn {sin tra a thuirt e : Cha duine,
duine'na aonar), agus spàrr iad air a ghreidil e gus'n loisga chasan gu ruig
nan sléisdean ! Bha e nis gun chômas suidhe. Leig am Blàr rochd gàir' 'as,
agus spàrr e stol-na-feàla tromh chàrn a dhà mhàis ; 's bhà e 'n sin gun
chômas éirigh no suidhe. Shaoilleis a' Bhlàr gun robh e gun phlosg analach,
's thilg e seachad 's a chàil e.
Cha robh Fionn riabh roimhe 'an gaile na bu mhutha na seo, ach an uair
earthly projectile was meant. Indra slew his foes with a wheel taken from the chariot of
the sun.
6. So Thorr wresties with old âge in the house of Utgaard Loki.
7. An iron plate for baking oat cakes.
8. This siory 1 do not know.
9. This is another article that needs exptanation. The ordinary meaning is a bugle
enlarged, but some narrators call itthe Hammer of Fionn which could be heard over ail
Ireland. That looks like thunder.
198 Fionn's Enchantment.
be heard in the five fifths of Erin.When the housetook. a resthe crawled
out, dark dumbly and still, to the top of a hill and he blew the hornthree
times. Ail this time the other set of the Feinn were tearful and sad in
search of Fionn. They left neither corner nor thought unsought, seeking
himfor dead. At last when they had given yielding and black yielding,
Brown Diarmaid '°, his sisters'son, heard the horn, and if he did it was
not unanswered. He knew that deadly need made Fionn sound the
horn. He understood that the matter was ill and he gave a word and a
vow upon his sword that méat nor drink should go over his breath till
he should aid the brother of his mother. He took up his burden he and
his lads; each straight was bent for them over hill and plain and though
il was far away they were not long going there. Fionn they found in a
sad case, unable to sit or rise, in the lee of a bush.
Diarmaid asked what had befallen him. « No matter, » said Fionn,
and he told him each turn as it happened : how the Yellow Face had slain
his lads and the ill treatment that he had got from him, and he counselled
him to turn home before the same should happen to him. He was as he
was at ail events. Diarmaid vowed and said that he would not turn till
he took out the shame; and without saying more he betook him to the
house ofthe Face. In the house was but the woman baking and she
gave them méat and drink and took their taie. She told them that the
Yellow Face was in the mountain chase and that they had better begone
before he came home or that it might happen to them as it happened to
Fionn. « Be that as it may, said Diarmaid, we will not go till we hâve
taken out the shame » and they sat within. <> Stay till the end then »
said she.
They were but a short time thus till they heard clitter clatter at the
door, Who was there but the Face and his lads with a great venomous
toothy boar on his back. He gave himself a little big lift to shake off
the snow and he shook the threshold and foundations and cried : « I
smell the smell of the stranger before me, wife ! Whom hâve you hère to
night.'*» She told him Diarmaid and his set of lads. «Out with your lads,
Diarmaid, to take off cur loads,» said the Yellow Face. Diarmaid himself
went out and before the Face had looked hither or thither he slew the half
of his lads and set them heap on top at the south side of the door opposite
to Fionn's lads. « You're an ill guest, » said the Face. « If you see no
worsefrommebeforedaycomes, you need not complain,» said Diarmaid;
and without more speech he took in the boar. They dressed it well and
10. In ail Fenian stories Diarmaid plays the part of Launcelot to Fionn's Arthur.
Fionn's Enchantmenî. 199
a bka e eadar an t-euradh 's aimbeairî, agus cuimhnichear e gu'n robh corn-
nam-fiùth alge, 's gu'n cluinnieadh e 'an côig choigean na h-Eireann. 'Nuair
a ghabh an îaigh gufois, mhàgair e mach gu dubh-balbh-sàmhach gu mullach
cnuic 'us shéid e 'n corn trï uairean. F ad an ama seo bha 'chuid elle de'n
Fhéinn gu dubhach, déurach air îoir Fhinn. Cha d' fhàg iad cùil no cial
gun sireadh, 's iarraidh-mhairbh aca air. Mu dheireadh thall, 'nuair a thug
iad géill 'us dubh-ghéill, chuala Di.irmad Donn mac a pheathar an corn ; 's
ma chuala cha bu rabhadh gun fhreagairt. Bha fias aige gur h-'eiginn-bhàis
a bheireadh air Fionn a shéideadh. Thuigegu'n robh an gnothuch gu h-olc;'s
thug e bôid 'us briathar air a chlaidheamh nach rachadh biadh no deoch îhar
'anail gus an coibhreadh e air bràthair a mhàthar. Thog e air efhéin 's a
ghillean, 's bu cham gach dïreach leotha thar chnoc us shloc; 's ge b' fhada
bhuap' e, cha b' fhada ga ruighinn iad. Fhuair iad Fionn 'na dheoiridh
îruagh gun chômas éirigh no suidhe am fasgath tuim. Dh' fharraid Diarmad
dheth ciod a dh' fhairich e. Is coma sin, osa Fionn; 's dh' innis e dha gach
car mar a thachair: mar a mharbh am Blàr Suidhe na gillean, agus an droch
ghiullachd a fhuair e fhéin bhuaithe; 's chomhairlich e dhàsan tilleadh dha-
chaigh mu'n 'eireadh an cleas ciadna dha; gu'n robh esan mar a bhitheadh e
cia-dhiùbh. Bhoidich 'us bhriathraich Diarmad nach tilleadh e gus an d' thu-
gadh e mach an aicheamhail; 's gun tuilleadh a ràdh thug e taigh a' Bhlàir
Bhuidhe air.
Cha robh 's îaigh ach a bhean 's i 'fuineadh. Thug i biadh 'us deoch
dhaibh ; agus ghabh i an sgial. Dh' innis i dhaibh gun robh am Blàr Buidhe
's a bhéinn-sheilg 's gu'm b' fhèarr dhaibh a bhith Jalbh mun tigeadh e dha-
chaigh, no gun 'eireadh dhaibh mar a dh' éirich do dh-Fionn. A roghainn
b'iodh dhà, osa Diarmad, ach cha 'n fhalbh s'inn gus an toir s'inn a mach an
aicheamhail; 's shuuih 'iad a'staigh. Feith ri dheireadh, ma ta, os ise. Cha
robh iad ach goirid mar sin tra a dh' fhairich iad stuirn-stairn a'ig an dorus.
Co bha siod ach am Blàr 's a' ghillean, 's torc-nimhe mor fiaclach aig air a
mhuin. Thug e togail bheag mhôr air fhéin a chrathradh an t-sneachda
dheth, s chu'ir e crithfo'n ursainn 'sfo shuidheachan an taighe! Ghlaodh e:
Tha mi 'faireachduinn fàilidh fharbhalach romham, a bhean; Co seo 'th'
agad a nochda? Dh' innis a bhean gu'n robh Diarmad 's a chuid gillean. A
mach do ghillean, a Dhiarmaid, a thoirt dhiam na h-eallaiche, os am Blàr.
Léum D'iarmad e fhéin a mach; agus mu'n d' fhairich am Blàr thall no bhos
e, mharbh e 'n dama leth dhe ghillean, s chuir e turrach iad air tao' h-deas
an doruis mu choinneamh gillean Flùnn! Is olc an t-aoidh thu, os am Blàr.
Mur f aie thu nas miosa na s'iod dhiam mu'n t'ig an latha, na b'ith 'gearan,
osa Diarmad; 's gun tuilleadh bruidhne, thug e 's taigh an tore. Ghréidh
iad an tore gu math gu ro mhath, 's ghabh e fhéin s a ghillean an leàr dheth.
200 Fionn's Enchantment.
right well and he and his lads took enough of it : each bone that they
picked bare they cast to the Face and to his lads. « You're an evil guest »
said the Face. « If you see no worse than that from me before the day
cornes, dont complain, » said Diarmaid, and heaskedfor theappleto pass
the long winter night for the Yellow Face. The wife brought down the apple
and the game began. At the first cast that Diarmaid made he slew two
thatwere on the right hand of the Face. « You are an ill guest » said the
Face. « If you see no worse than that from me before the day comes^
dont complain, » said Diarmaid. The Face cast the apple backbuthe did
no harm to Diarmaid's lads. But Diarmaid made the next cast with the
apple and slew two on the left hand of the Face. And so it went on
till he had slain the last of them while the Face kept continually saying,
(( You are a bad guest » and Diarmaid as constantly answered as before.
When they were tired ofthe game of the golden apple, Diarmaid said
to the Face that they had better wrestle a turn ; and if they did the fight
did not hold long before the Face was on the ridge of his back on the
bare flags of the floor. « You're an ill guest » said the Face as he gave
a tortured grunt. « If you see no worse from me before day, dont com-
plain « said Diarmaid and he bade the wife put on the griddle for him
to warm up the Face, for surely he was cold newly corne from the moun-
tain chase. The griddle was made red-hot and Diarmaid gave the Face
a lift and there he was at the next turn upon the griddle. « Oiteag, oit,
oit, )) said the Face « Take it easy, said Diarmaid, your yellow bones
would burn unless I helped you « and he held him on the griddle till his
legs burned to the hips. Now the Face was unable to sit, and swift
Diarmaid stuck the spit through both his hams and then he was without
power to sit or rise and he cast him on his side in the corner. When
he was seven times tired of hearkening to the groanings of the Face^
Diarmaid seized him by the hands and said « Death is upon you, old
man! What's your erici'
Death is upon you, old man, and what's your eric? and take ofî from
me the worth of your game. » « Oh! Oh! alas! said the Face, I hâve
no ransom but a cup of balsam that is at the foot of yonder rock and it
will heal Fionn. » When Diarmaid heard of the cup he staid to seek no
other ransom. It seemed to be too long for his uncle to be crouched at
the lee of the bush and so he went to the cave. He laid his first hand
upon the cup and off he strikes with it to Fionn. He washed his wounds
from it three times. The first time his legs grew to the knees; the second
time they grew to the ankles; and the third time Fionn was unhurt,
Fionn's Enchanimeni. 201
Gach cnàimh mara lomadh iad, îhilgeadh iad siod do'n Bhlàr 's dh'a ghil-
lean. Is olc an t-aoidh thu, os am Blàr. Mur faic thu nas miosa na siod
dhiatn mu'n tig an taîha, na bith 'gearan, osa Diarmad; 's dh' iarr e an t-
ubhala thoirt a nuas gus an oidhch'fhada gheamhraidh a chur seachad a'
Bhlàr-Bhuidhe. Thug a' bean a nuas an t-ubhal, agus thàisich an cleas. Air
a' chiad tilgeadh a thug Diarmad don ubhal, mharbh e ditliis de na bh' air
laimh-dheis a' Bhlàir. Is olc an t-aoidh thu, os am Blàr. Mur faic thu nas
miosa na siod dhiam mu'n tig an latha, na bith 'gearan, osa Diarmad. Thilg
am Blàr air 'ais an t-ubhal, ach cha d' rinn e dochunn 's a bith air gillean
Dhiarmaid. Thug Diarmad an t-ath-thilgeadh do'n ubhal 's mharbh e dithis
de na bh' air làimbh-chlith a Bhlàir agus mar sin gus 'na mharbh e am fear
mu dheireadh dhiubh ; 's am Blàr gun tàmh ag ràdh : 'sole an t-aoidh
thu ; agus amhuil sin Diarmad 'ga fhreagairt. Mu 'n uair a bha iad sgith
de chluith an ubhail oir, thuirt Diarmad ris a Bhlàr gum b' fhéarr dhaibh
dol a chur car gleachd. Chaidh nafir a ghleachd ; 's ma chaidh, cha robh an
gleachd fad air chumail, ira a bha 'm Blàr air claisneach a dhroma air
leacan loma 'n ùrlair. Is olc an t-aoidh thu, os am Blàr, 's thug e cnead
ghoint' as! Mur faic thu nas miosa na siod dhiam mun tig an latha, na bi
'gearan, osa Diarmad, 's dh' iarr e air a' mhnaoi a ghreideal a chur air gus
an rachadh casan a Bhlàir a gharadh gur cinnte gun robh e fuar an deigh
tighin dachaidh 'as a' bheinn-sheilg, Chaidh a ghreideal a dheanamh dearg;
's thug Diarmad îogail do'n Bhlàr, 's bha e an siod 'na sgug buidhe air a ghrei-
dill Oiteag, oit, oit, os am Blàr! Gabh air do shocair e, osa Diarmad, crea-
naidh do chnaimhean buidhe air mu'n cobhair mis' ort, 'schùm e air a ghreidil
e gus 'na loisg a chasan gu bun nan sléisdean ! Bha 'm Blàr a nise gun
chômas suidhe, agus ghrad-spàrr Diarmad stob na-feola tromh chorn a dhà
mhàis, 's bha e 'n sin gun chômas éirigh no suidhe; 's thilg e air shlisnich
'sa' chùil e!
Tra bha iad seachd sgith ag 'eisdeachd oiteagail a' Bhlàir, rug Diarmad air
sprogan air, 's thuirt e : Am bas air do mhuin, a bhodaich, ciod è t'
éirig?
Am bas air do mhuin, a bhodaich, ciod è t'éirig? 'us tog dhiom brigh do
chluith. Oiteag, oit oit ! as am Elàr, cha'n 'eil a dh' éirig agams , ach cuach
iocshlaint a tha 'm bun na creig ud thall, agus leighisidh i Fionn !
'Nuair a chuala Diarmad mu'n chuaich, cha d' fhuirich e ri tuille chumhlaid
iarraidh bu ro-fhada leis a bha bràthair a mhàthar 'ga chuaradh aig bun an
tuim, 's chaidh e do'n uamha. Thugar a' chiad làmh air a'chuaich, 's buai-
lear leatha gu Fionn. lonnlaidear a cfiréuchdan aisde tri uairean. A' chiad
uair dh' fhàs a chasan gu ruignan glùn; an dàrna h-uair dh'fhàs iad gu
:o2 Fionn s Enchantmenî.
mig nan aobrunn ; 's an treas iiair hha Fionn gun cliron, giin chiothrom cho
beô, slàn 's a bhà e riabh!
Rinn aon bhoiseag do dh-uisgc na cualche geasan nan gillean a bhristeadh,
's thug e am Blàr air. A chulaidh-thruais, osa Diarmad ris, boidich nach
iomir thu tuille de gheasan no 'chleasan air an Fheinn. Bhoidich am Blàr siod
'us ioma rud eile bharrachd, 's thug Diarmad gu suairce dha jhéin 's dha
ghillean an diol dh-nisge na cuaiche 's ghabh iad an cead dheth chéile. A
dheanamh sgiala goirid dheth, lean a chuach ris an Fhéinn 'us dh' fhàg
mis' ac' il
Donald MACPHERSON.
Instinlees Cottage, Dalkeith. April 27, 1870.
Note. — This gaelic has some of the dialectical peculiarities of Sutherland, such as
os for arsa « said », cliiith for duich « play »; and other peculiarities common to ail
northern gaelic dialects, such as sgial for sgeul « a taie ». Thèse are uniinportant diffé-
rences. Hector MAC LEAN.
Ballygrant, Islay.
unharmed, whole and alive as he ever was. One palmful of the water of
the cup was enough to break the spells of the lads. Then he went to
the Face : <( Misérable wretch, said he, swear thatyou willnever play your
tricks or lay spells on the Feinn. » That the Face swore and many
things more, and Diarmaid generously gave him and his lads their fill of
water from the cup, and then they took leave of each other. To make a
long story short, the cup staid with the Feinn and I left it with them.
In al! the P'enian stories inention is made of Fionn's healing cup with which
he cured ail ills and wounds. It is the same as the Holy Graal of course, and
al! that has been said about the origin of that Myth applies to Fionn's cup.
According to other stories, Fionn's cup was the hollow of his joined pahns held
as they are used for drinking in the wilds. Whosoever drank from Fionn's joined
palms was healed. According to Highland traditions, the Campbell Clan are
descended from Brown Diarmaid and from him take their old names of Clann
Diarmaid and Clann 0' Duibhne, Many historical personnages bore the name of
Diarmaid in Ireland and elsewhere, but this legend is enough to prove that
Fionn, Diarmaid and the rest of the family are as mythical as king Arthur and
his knights. They are Celtic heroes and beiong to comparative mythologists. So
there I leave them.
J. F. CAMPBELL.
Niddry Lodge, Kensington, London; July 20, 1870.
WELSH PHONOLOGY,
I shall confine my remarks at présent to that branch of my subject,
which has been called « the Infection of Vowels. »
Although this term may sound strange to the English ear, I adopt it
in déférence to the high authority of the Crammalicu Ccltica (Gr. C.^,
p. 5 and s.^, .
Infection is the term used to dénote those systematic mutations of
consonants and vowels, which are, to a great extent, peculiar to the
Celtic tongues [Gr. C.^, p. 38).
Vocalic, as well as consonantal mutations, hâve necessarily engaged
the attention of native grammarians. Accurate and comprehensive (if
not exhaustive) tables of them hâve been made. The author of the
Grammatica Celtica has explained the causes of them.
What I propose is a new classification, based upon their origin and
function. In conlrast to the Grammatica Celtica, I shall base my observa-
tions upon the authorized pronunciation ofthe modem Welsh; conse-
quently I shall not be particular in referring to authorities for my
examples.
There are three kinds of vowel infection in the Welsh tongue, and
they may be denominated respectively. — i Compensation. 2 Assimi-
lation. 3 Harmonization. Thèse dépend severally upon différent influences
and follow their particular rules.
Compensation is the modification of a vowel in conséquence of a
syllable being affixed, e. g. llawr, lloriau; twr, tyrau.
Assimilation is that kind of modification which a vowel undergoes,
when in the course of etymological inflection, it actually or theoreti-
cally coalesces with another, and is in conséquence assimilated to that
other in sound, e. g. brych, brcch ; cwn, cron : ffoi, ffy ; angel, engyl;
canu [canodd,, cenais (for ''canasi), cenaist for "canastij.
Harmonization is an infection produced in certain vowels by the
proximity of certain others, e. g. cam, ceri ; malu, nielin ; llamu,
llanwch.
204 Welsh Phonology.
Before proceeding to investigate the spécial rules applicable to each
kind of infection, I shall first endeavour to clear some points which may
cause misapprehension, and to state a few principles wich apply to
vocalic infection in gênerai.
There is one point which has been considerably mystified by the
contrivance of those who invented our présent Welsh orthography.
I refer to that arrangement by which two distinct vowel sounds hâve
been represented by one character y. This letter has its proper sound
in the alphabet, and in the language ; and the other sound attributed to
it is properly represented by the character u. The simplest way of
avoiding the perplexity caused by this arrangement is to ignore its exis-
tence, and stick to the orthography. But since I apprehend that, in this
case, the sound is the substance and the written character the shadow,
I shall endeavour to clear the matter, without altering the established
orthography on the one hand, and without sacrificing the substance to
the shadow on the other.
The Welsh sounds of /, u are similar to the French sounds of the
same letters ; y has two sounds in Welsh ; the one like the sound of the
French diphthong eu, and the other exactly like u ; the former being
called its proper, and the latter its borrowed sound. Lhuyd, in his
Archaeologia, represented the borrowed sound of y by an undotted i.
This is merely a mechanical contrivance, I allow, to suggest the real
truth ; but I can do no better than adopt it, with this small modifica-
tion; I shall use u instead of / to represent the borrowed sound of y.
Moreover, I shall confine the use of l;, in that capacity, to the examples.
The character u, therefore, will, in my examples, represent the letter y
with the sound of u ; but in the dissertations y and a will always keep
their proper sound.
It may be interesting to observe that the three sounds i, u, y, are
continually confounded together in some parts of Wales, and especially
of South Wales. In Cardiganshire, the three are commonly pronounced
as i, 80 that the phrase « Du yw dy dy di. » (Black is thy house) would
be there sounded « Di hv di di di ». To make matters worse, in other
places, / is sometimes pronounced u, e. g. Tur for tir, and sometimes
y, e. g. Pryfair for Prifair; u is pronounced y, e. g. Rhyfain for Rhufain,
and y is improperly sounded u, e. g. dunion for dynion.
Welsh Grammarians hâve enunciated a very arbitrary rule, namely :
— that u is absolutely immutable. The fact is that the sound u is one
of the most changeable in the language. It was in order to make their
theory consistent with fact that orthographists hâve been cbliged to use
Welsh Phonology. 20 5
)' to represent u, which they hâve done in every instance where the
Sound of the latter is mutable.
Perhaps there is another reason for using two characters to represent
this one sound, viz, its double origin. This would hâve formed a pretty
strong reason, had it been more clear and certain. The immutable u
seems to be derived. i). From long u, e. g. funen, fr.fûnis; pur, fr.
pUrus; Llun, fr. LUna; 2). From 0 long, e. g. Rlmfain, fr. Rcma;ffurf,
fr. forma ; Sul, fr. Soi ; pechadur, fr. peccator. The mutable u is derived;
— 1). From e, e. g. celfjdd, fr. celmed ; Powjs, fr. poues; rlmch, fr. rec\
2). From /, e. g. p'jg, fr. pix\ dusg, fr. disco; S'jch, fr. siccus; Ibfr, fr.
liber ; pbg, fr. plico ; rlud, fr. rit. The numerous exceptions to thèse
rules make them too inconstant to base any theory upon them.
The following are some of the gênerai laws which govern vowel
infection.
I. It does not extend to phrases like consonantal infection ; but is
confmed to single words, roots and compounds ; and in the modem
language mostly to the ultima and penult of those words. See the
exceptions under the spécial rules.
II. It is neither produced nor prevented by the influence of any
consonants.
III. The efïect précèdes the cause. The cause works backwards. The
infected vowel therefore précèdes the infectant power. See the examples
already given, and the exceptions under Harmonization.
IV. Vowels, in regard to infection, are of three classes. In order to
avoid using too many new terms, I shall call them active, passive and
neuter. By « active » vowels I understand those which, under spécial
circumstances, produce infection; by <( passive » vowels, I mean those
which undergo infection; and by «neuter m vowels, I mean those sounds
which are produced by infection. For simplicity's sake I shall, for the
présent, ignore the diphthongs.
Perhaps the following modified triangle will represent the system of
Welsh vowels.
a
y e
0 i
\v u
As some vowels belong to more ihan one class, they cannot be conve-
niently distributed under différent orders. But taking them singly, we
may observe that a is passive, / active, and y neuter ; e and 0 are
2o6 Welsli Phonology.
both passive and neuter ; w is passive and active ; and u is active,
passive and neuter.
Active : /. w. u.
Passive : a. e. o. w. u.
Neuter : y. e. o. u.
More particularly, and with examples, a is changed into e and u,
e. g. can, ceni; cadarn, cedurn (and ai, dafad, defaid);
e and o are changed into u, e. g. caled, cehd\ corn, cjrn {gosod,
gesud);
w is clianged into y, e. g. bwnt, bryntion;
u is changed into u and e, e. g. con, cynion; bruch, brech\
i is passive in briîh, hraith and perhaps bretivjn ; tri, îryd'jdd ; chwi,
chwychwi; mi, myfi, and a few others.
We shall now proceed to discuss the différent kinds of infection
separately.
I. HARMONIZATION.
This kind of Infection is confined to the vowel a. It changes it into e,
and takes place when / follows in the succeeding syllable, e. g. par, péri;
gwan, gwendid; gardd, gerddi. Exe. can, canig; and préfixes, trist,
aîhrist, amliw, anfri, anwir (sometimes enwir ; and prepositional pronouns,
ati, arni, and certain names and nicknames. Mari, Mali, Siani, Cadi. In
a few instances o is changed into e before u. e. g. gosod, ges'jd ; camog,
cameg'jdd.
The change or infection is very gênerai, but not so constant, before
w, y and the diphthong ai. e. g. cd.r, cerwch ; rlian, rhenwch ; carcg,
cer\>g\ arf, erfjn; dafad, defaid; can, cenaist. Exe. words that hâve li--,
as a part of the root; cadw, manv ; préfixes, adf-jd; adyn; irajhvnc,
anair.
a is not affected, when / follows in the same syllable, in modem
Welsh, e. g. rhai, liai, bai, naill, paid ; nor in compounds, e. g. rhan-
dir, cad-hs, tal-grjf. Exe. cem-lyn.
Infection is originated only in the penultimate, but is sometimes
continued in the antepenult, e. g. call, callineb; hacli, bachig-jn. Thèse
do not change the root vowel a, because the dissyllable affixes incb, and
igjn, throw it into the antepenult. Similarly, verbs of the class having
-au or -han in the Infinitive, do not change the radical a, but change
the ci oftheultima, e. g. casiiau, cashci, cashcir; gwaghau, gwaghcwch,
gwagheid. Only one syllable is infected, e. g. calan, calenig; cadarn,
Welsli Plionology. 207
cadernid; Exe. llafar, llefenvch, Ueferjdd. This ruie does not hold in
ancient and middle Welsh.
Harmonization works backwards, seldom forwards. It is the latter
of two vowels that infects the former, and not the former the latter, e. g.
trigaf, llinach, Uithricaf.
There seem to be many rather obscure, but interesting, exceptions to
this gênerai rule. Let us notice a few.
In the démonstrative pronouns. hwnw, hono, hywj, derived from hwn,
hon, Ivjii, the terminations ))', 0, y seem to perform precisely the same
office ; they change the idea of présence into that of absence. It is pro-
bable, therefore, that the three are really the same affix, but that the
inflectional vowel is harmonized with that of the root.
May not this principle account also for the différent forms in which
the pronominal part of the prepositional pronouns appears ? e. g. arnaf,
ataf, tanaf ; imi ; ohonof, îrosof, trwof,ynof, rhyngof, erof; wrtivjf. But
geri'jf from gan appears against the supposition, and is quite anomalous,
as we hâve also, sing. fem. ganddi, but masc. ganddo.
Perhaps we may also suggest that this law of harmonization may
account for the différent terminations of Nouns, formative und inflec-
tional ; and for the numerous Infmitive endings of Verbs, e. g. Verbs
having 0 or e in the root or penult as tor, med, agor, or w after the
root, as meddw, take i rather than u as their Infmitive endings, e. g. tori,
medi, agori, meddwi (cf. Latin, -ibilis, -ab'disj.
There is a class of words in Welsh, ending in two consonants, the
latter of which is l, n, or r. From ancient orthography it appears that
thèse two consonants were originally separated by a short vowel, and
the vulgar pronunciation still adhères to that orthography. Now, the
vowel supplied is always either the same as that of the root, or nearly
related to it. e. g. cafan, casgal, gwadan\ chwedel, eger ; rhigil, migin;
dog'jn, gogor, pobol ; budur ; gwjd-jn, llyfjr. The reason for dropping this
short vowel is, that it is elided in the course of inflection, e. g. cafnaa,
casgUad, gwadnu, dnvedleiia, egrach, rhiglo, mignedd, dognedd, gogrynu,
pobloedd, budreddi, gwydnach, llyfrau. Exe. ainul and amai
Although i changes a preceding a into e there is no infectional power
that can change e into a, e. g. medi, medaf, medom, There is no disin-
fecting power. Exe. lleidr, lladron; neidr, nadrodd; gwraig, gwragedd;
chwain, chwanen.
The same remarks will apply to j as to ;, e. g. adar, aderjn ; llanerch,
lleri'jrch; nant, nentjdd; iacli, ieckjd; cadarn, cedjrn-, aîul, et'J \ aro$,
epjs'y caru, cerjm, cerjch, cerunt.
2o8 Welsh Phonology.
In the case of w, the harmonization is more uncertain, and takes
place only in Verbs, and that not quite constant, e. g. barnwr, camvr ;
cadw; but cenwch, cenvch, in préférence to canwch, canrch ; and canwn
or cenwn; carwn or cerwn optionally.
The influence of the diphthong ai is more constant, especially in
Nouns; — e. g. car, ceraint; dafad, defaid; arall, eraill; in Verbs,
taflu, teflais; caru, ceraist; amlhau, amlheaist. Exe. Cdrai,givanaidd, carrai.
It is remarkable that e has no influence on the foregoing vowel ;
although ai is its équivalent as aw is the équivalent of o. We bave a
great number of double forms oscillating between ai and e, e. g. dar-
llain, darllen; ychain, ychen; and in most parts of Wales both ai and au,
when suffixes, are pronounced e, e. g. pêne, dyrned, for penau, dyrnaid.
The diphthong ae is in a few cases infected : saer maen ; seiri meini.
We shall now consider the second kind of Infection.
II. ASSIMILATION.
Assimilation afïects certain vowels in the course of the inflection of
différent parts of speech. Itis as wide in its influence, as Harmonization,
and at the same time more obscure in its rationale, and more impor-
tant in its functions, than that délicate kind of infection.
The mutations produced by assimilation are the following:
g. bran, train; dafad, defaid ;
g. bardd, beirdd ; iar, ieir ;
g. cadarn, ced'jrn ; alarch, ebrch ;
g. caled, celud; bachgen, bechg'jn.
g. pared, parwududd.
g. corn, cjrn ; gosod, ges\jd; ffoi,fy, aros, erus ;
g. bor, ber; soch, sech ; trydudd, trydedd ;
g. asgwrn, esgurn;
g. llwm, llom ; crwn, cron;
g. gadael, gedu.
The function of the modification a - ai is to form the plural of nouns,
and, in a few instances, the Fut. Ind. 3 p. sing. of verbs e. g. sefJl, saf,
saif. The change of a into ei serves the same purpose; e. g. Hall, lleill;
dal, deil. The modification a - y forms the plural of nouns and adjec-
tives, as above; e -y also forms the plural of nouns and adjectives as
above, in one instance comparison, e. g. Un, lun, and derivatives from
ancient forms, and from cognate languages : e. g. celmed, celfodd ; e -
^vy in dérivation, EglwMS, fr. ecclesia ; cwur, fr. cera ; ffrwun, fr. frenum ;
a ml
0 ai; — e.
—
ei; — e.
—
u ; — e.
e
u; — e.
—
wu? — e.
0
y; ~ e.
y
e; - e.
w
u?; — e.
-~
0; — e.
ae
u.^; — e.
Welsh Phonology. 209
0 - u forms the plural of nouns, and the future of verbs as above ; u -
e distinguishes the féminine from the masculine of adjectives; w - u
shows the plural in one instance as above ; w - 0 \s a. common sign of
gender inflection, and ae - y is an exceptional formative of the future.
There are other anomalous mutations, such as, w - ei: dwfr, deifr; a -
0 : cadw, gwarchod; a- y - e: bach; bychan, hechan; lied, llydan; oe - ae :
troed, traed; i-w: ci, cwn; u-ue: cudd, amgueddfa; wu-o, cwjd, codi
(cLcyfjd, cyfodf); oe-wu: croen, cnvjn.
Some of thèse changes may be accounted for upon the principle, that
internai inflections are produced by the absorption of external suffixes,
and the rest are presumed to be theoretically effected by the same cause.
To illustrate this theory we will consider a few instances of vowel
transposition. From Maria we hâve M air, where we observe the / of
the original termination transposed into the body of the word. Similarly,
in the first and second persons singular of the past tense, active voice,
the / of the pronominal termination seems to be absorbed by the sign
as of the tense, e. g. cerais, ceraist, are equal to *caresi, "caresti, and
appear to have^been formed from them. So also the féminine
braith is derived from the masculine brith through the intermediate
theoretical form *britha (and tri, tria ^=^ tair); A being the Îndo-Celtic
sign of the féminine. Upon the same principle, the masc. brwnt becomes
{brwnta, brawnt =) fem. bront ; and, brjch {brycha, brandi =) fem. brech.
We hâve many plurals formed by the affix /;, e. g. trefi, celfi, blwuddi,
llw'jni, which is generally joined to stems in e and its cognate wy as will be
observed. This will accountîorp\ura\ssuchassaint, bychain;geifr, heirdd.
The case of a, e, 0 changing to u, to form plurals of nouns and
adjectives, and the future of verbs, is not so easily explained. Thèse
mutations are exceedingly numerous in the language, and must be accep-
ted as facts however they may be explained. They are produced by
dérivation as well as inflection. Dérivation of sounds is a kind of deve-
lopement, rather than any amalgamation. Perhaps some of thèse inflec-
tions were produced by analogy from developement. e. g. rec has
developed into rhjch, and from analogy gwared is inflected into gwerjd;
caled into cehd; and cadwen, cadwjni^
Perhaps it will be objected that my Harmonization should not be
separated from my Assimilation, since both may be accounted for upon
the same principle, i. e. the amalgamation ofvowels; e. g. ceni may
hâve undergone an intermediate change by the insertion of i in the stem
to harmonize with the / of the affix, thus, can - caini = ceni; car- cai-
raint = ceraint.
210 Welsh Phonology.
But, not to distinguish between an inserted and a transposed /, 1
base my classification upon the fonctions of the différent changes, and
maintain that the observance of this classification tends to simplify the
rules for inflection. It is assimilation alone that has anything to do with
inflection ; while harmonization and compensation are merely euphonie.
The rules for the declension of nouns and verbs are numerous and com-
plicate enough in Welsh, but grammarians hâve unwittingly made them
much more so by confounding the différent kinds of consonant und
vowel inflections.
III. COMPENSATION.
Although this kind of mutation is very common and gênerai through-
out the language, it is the simplest of the three, and may be disposed
of in a very few lines.
Compensation, like harmonization, has nothing to do with etymology,
and that distinguishes it from assimilation. It does not dépend on the
quality or class of the succeeding vowel, and that distinguishes it from
harmonization.
Compensation takes place in the vowels w, ii, and most of the
diphthongs.
w is infected by compensation into y, e. g. iwr, lyrau; dwrn, dyrmvr;
dwjr, dyfroedd;lln'gr, llygredig;twm, tryimxf; twrf, tyrfii; tnvrn, îrymhau,
cwsg, cysgwn.
Exe. cwrw, bwrw, bwgan, Iwlen, bwriaf.
Final w is not considered to form a separate syllable, as it coalesces
with affixes, e. g. marw, mawol, garw, ganvach.
In some instances compensation is double, e. g. cwlwm, cylymu;s]rmbn'l,
symbylir; cwmwl, cymylog; inwdwl, mydylau.
u is infected by compensation into y, e. g. d'jn, dynion; cruf, cryfach;
prm, prynu ; hn, Ay/iuC?) — and into o, e. g. un, onen ; ci»//, collen.
The changes of the diphthongs are numerous and constant; ai becomes
e/, e. g. trai^ irelo; liai, lleiaf; bai, beiau; au becomes eu, e. g. cnau,
cneuen ; gau, geudeb ; eau, ceubren; ceudwll; hau, heuodd; aw becomes o,
e. g. brawd, broder; anffawd,anffodion; llawd, dodi ; tnawl, moli\ nawdd,
noddfa.
Exe. cnawdol, gwawdio, cawgiau.
John Peter.
Bala, North Wales.
ÉTUDE PHONÉTIQUE
SUR LE DIALECTE BRETON DE VANNES.
(deuxième article '.)
Le vannetais a dans les trois mots suivants un / qui manque dans le
dialecte de Léon.
136. Ugent, « vingt » (Troude, Lag.); — en vannetais uigent
(Troude), huiguênnt (Larm.), uîgent (C\\k\.; Guillome, Gramm., p. 27,
écrit toutefois uéguend). Cet /, conservé par le vieil irlandais fichet,Tpar le
latin viginti, le grec ei-Ax-i, elV.oct, le sanscrit vïçati, a disparu dans les
documents gallois les plus anciens, où l'on trouve uceinî, mais on ren-
contre le comique igons (Gr. C. 2, p. 319; Ebel, Beitr., I, 432-, II, 161;
Cuno, Beitr., IV, 105).
137. Mouarenn, « mure; » — en vannetais mouwrenn (Troude), mou-
yarenn (Larm.), mouyarenn (Châl.); gallois moderne mwyar, comique
moyar. Le latin morum, le grec [j.cpcv ne contiennent pas d'r, mais, malgré
leur ressemblance, les mots néo-celtiques ne peuvent être issus de ces
mots latin et grec ; les lois du vocalisme s'y opposent. L'o bref primitif
donne en armoricain, 0, e, eu {Gr. C. ^, p. 90-91).
138. Goanv, «hiver;» — en vannetais gouian (Troude, Larm.),
1. Voir le numéro précédent pp. 85-105.
2 1 2 Etude phonétique sur le dialecte breton de Vannes,
gouihian (Châl.). Vi appartient à la racine qui est ghi d'où le sanscrit
[gyii-ma, « neige, « le grec -/iwv, qui a le même sens, le latin [g]hicms,
et avec renforcement de Vi le grec -/sTixa, le latin hîbernus pour ghci-
bernus, le vieil irlandois gaiin, le vieux gallois gaein pour ga/'m, le moyen
gallois gajfl/, le moyen comique goyf {Gr. C.^, p. 37, 104; Stokes,
Beitr., V, 4$o).
Au lieu de 1'/ léonnais on trouve quelquefois dans les mots vannetais
correspondants un a qui, primitif ou non, paraît avoir été conservé ou pro-
duit par l'influence de la consonne suivante, / ou n.
139. Silvidiguez, « salut, » silvidigaez (Lag.); — en vannetais salve-
digueah (voir plus haut no 34), dérivé du latin salvus.
140. Grignol, « grenier; « — en vannetais gragnel(Trouàe), granniéle
(Larm.) qui conserve la voyelle primitive de la racine sanscrite g^ar, gr,
gàr, d'où le latin granum, granarium, en français « grenier « (Curtius,
Gr. Etym.2, p. 161).
141. Inoui, «ennuyer, » enoeiff (Lag.); — en vannetais anneein,
ehanneein (Troude), annaiein, ehannaiein (Larm.), du français «ennui «
sur l'étymologie duquel on peut voir D\ez (Wœrterbuch^, I, 291-292) et
Littré (Dictionnaire, s. v.)
142. Hini dans ann hini, « celui-ci, » hon-hini, « le nôtre, « pc-hini,
« qui, » etc. ; en vannetais hani, en moyen armoricain hcni, dont Ve
remplace probablement un u primitif (Gr. C. 2, p. 395).
Vi léonnais a e pour équivalent dans un certain nombre de mots
vannetais ; savoir :
i) Des infinitifs de verbes qui ont en léonnais assimilé leur voyelle
radicale à la désinence.
143. Birvi, « bouillir, » birviff (Lag.), part, bcrvct; — en vannetais
berc^houein (Troude), beruein (Troude, Larm., Châl.); vieil irlandais
bervad, gallois moderne berwi, latin fervêre ; comparez fermentum de la
racine bhar (Corssen, Kritische NachlrcCge, p. 226-229, d'accord avec
Stokes, Beitr., V, 221); voir pourtant Pott, Wurzel-Wœrterbuch, I, 1203.
144. Dibri, « manger, « dibriff(].ag.), part, debreî; — en vannetais
debrein (Troude), daibrein (Larm., Châl.); vieux gallois diprim, « je
mange, » moyen comique diberi (Voc.'), plus tard debry, dibry (Stokes,
Beitr., IV, 393).
2) Des pluriels qui en léonnais ont assimilé la voyelle radicale à celle
de la désinence.
145. Irvi, « sillons, « pluriel d'ero; — en vannetais crri (Troude),
arhui (Larm. ; Châl. admet irvî); gallois moderne erwau, pluriel d'erw.
Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes. 2 1 ?
146. Biniou, « musette, » pluriel de benvek, « outil, instrument; « —
en vannetais benieu (Troude, Châl.; benieu et banieu suivant Larm.).
5) Les mots suivants où 1'/ du dialecte de Léon est encore produit par
l'assimilation de la voyelle radicale à celle d'un suffixe ou du second
terme d'un composé.
147. Milin, «moulin; » — en vannetais melin (Troude et Châl.),
melein f'Larm.), gallois moderne et moyen comique melin, Lagadeuc dit
encore melin. Les formes irlandaises s'expliquent par un primitif molina
(Stokes, Thr. Ir. gi, p. xxiv; cf. Ir. gi, p. 88, n^yoi ; Ebel, Beitr., II,
163).
148. Tignouz, « teigneux, » tingnous (Lag.) ; — en vannetais tegnous
(Troude), teignouss (Larm.j, du français « teigneux. »
149. Binniga, « bénir, » binniguet, « béni » (Lag.); — en vannetais
benigein (Troude), béniguein (Larm.), beniguein (Châl.), pour bennigein =--
bendigein, du latin benedicere dont le c est resté guttural et n'est pas
changé en sifflante. On trouve encore dans la « Vie de sainte Nonne ;>
Ve de la première syllabe beniguet (Gr. C. -, p. 147.
Ve vannetais est dû à l'influence d'une spirante gutturale qui suit
dans :
150. Skuiz, «fatigué,)) iCU}'z(Lag.); — en vannetais iAuec'/^ fTroude),
squeh Larm.), scueh (Châl.), comique squyh.
151. Striz, « étroit )) (Troude^, Lag.) ; en vannetais streih (Troude),
streh (Larm., Châl.), du latin strictus.
I du dialecte de Léon devient ei dans quelques cas.
152. Histrenn, « huitre; )) en vannetais eistrenn (Troude, Larm., Châl.),
moyen comique estren (^Voc.). Ce mot ne peut venir du latin ostreum
puisque Vo primitif donne en armoricain 0, e, eu {Gr. C. ^, p. 90-91). Il
s'explique par un primitif ostrin-, la voyelle initiale s'est assimilée plus ou
moins complètement à la voyelle du suffixe; comparez 147 milin.
153. Nij, « vol, » nig (Lag.); — en vannetais neij (Troude), neige
(Larm.), neig ou nége (Châl.); comique nyge, « voler. ))
1 54. Evit, « pour )) (Troude et Lag.); — en vannetais aveit (Guillome,
Gramm., p. 90).
/ léonnais est remplacé par u dans :
155. Sizun, «semaine» (Troude et Lag.); — en vannetais suhun
(Troude et Châl.}, suhunn (Larm.) du latin septimana. Vu vannetais est
dû à une assimilation qui ne se trouve ni dans le moyen comique seithum
2 14 Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes.
(Foc), ni dans le comique plus récent scithun; vieil irlandais sechtmaine
« septimanag » (Gr. C. 2, p. 68).
§4-0.
0 léonnais est remplacé par a dans les exemples que voici où il est
suivi d'une nasale.
156. Kompez ou kampoez, « uni, » compoes (Lag.); — en vannetais
kampoez (Troude), campouiss (Larm.)^ campouizein, « unir » (Châl.);
comique compas, gallois moderne cymhwys. Le préfixe est com, par con-
séquent la voyelle la plus ancienne est celle de Léon.
157. -omp, suffixe de la première personne du pluriel du présent de
l'indicatif; — en vannetais amb. La forme primitive paraît avoir été um,
om (Gr. C., p. $00; cf. Guillome, Gramm., p. 57^ 63, 64, 66, 69, 73,
8$, 87; le verbe bout, m être, » conserve l'o : omb, p. 45, 77). — amb
est aussi employé comme pronom suffixe de la première personne du
pluriel (Guillome, Gramm., p. 30).
Zeuss a établi que l'o primitif fléchit en e dans un grand nombre de
mots bretons (^Gr. C. ^, p. 90-91). Cet affaiblissement de la voyelle
originaire s'est produit en vannetais dans le mot suivant qui y a échappé
dans le dialecte de Léon :
158. Kostezenn, « côte, « costenn et costcz (Lag.); — en vannetais
kestad (Troude), questatt (Larm..), qucstat (Châl.), du latin costa. On dit
aussi en vannetais costeen (Larm.) ou costene (Châl.).
Il y a d'autres mots qui ont un 0 dans le dialecte de Léon et un e en
vannetais; mais il n'est pas toujours aisé de déterminer quelle est dans
ces mots la voyelle primitive :
1 59. Garmelod, « fresaie, » gannelot (Lepel.); — en vannetais, gar-
melet (Lepel.), garmeled (Troude, Le Gon.).
160. Hogen, «mais, « hoguen (Lag.); — en y annelâis h ego n (Troude);
moyen gallois hagen {Gr. C, p. 694).
161. Omp, « nous, « pronom suffixe de la première personne du
pluriel; — en vannetais emp (Troude), emb (Guillome), concurremment
avec omh et amb. L'ancien irlandais a deux formes de ce pronom : i"m,
2" un, qui fléchit quelquefois en on (Gr, C. ^, p. 333, cf. p. 14). Nous
rattachons à la première le léonnais imp, à la seconde le léonnais omp, et
les trois formes vannetaises omp, amb, emp (Gr. C. 2, p. 90-91); toute-
fois on pourrait considérer omp vannetais comme une forme affaiblie du
léonnais imp, en vieil irlandais in (Gr. C. 2, p. 88-89).
Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes. 2 1 5
162. Fron, (.( narine, » froan (Lag.); — en vannetah frenn (Troude),
frênn (Larm. ), fren (Châl.); en gallois moderne /ro^n. La forme galloise
et celle que donne Lag. établissent que Vn final de ce mot a d'abord été
précédé de la diphthongue oe, oa dont ici l'origine n'est pas connue d'une
manière certaine (Gr. C. *, p. 103); comparez : iMe moyen comique
fruc (Voc) et le comique moderne frig qui permettent de supposer la
suppression d'une gutturale, 2° l'ancien irlandais srôn (Gr. C. ', p. 23,
80; Stokes, Beitr., V, 223 ; Curtius, Gr. Etym. ', p. 317) qui se dirait
par conséquent pour srocn (?).
Vo du dialecte de Léon devient ou dans les mots suivants :
163. Heor, « ancre; » — en vannetais heour, hiour (Troude), chour
(Larm.), iour (Châl.); — on dit aussi en vannetais heor, hivor (Troude),
ivor (Larm.). En gallois moderne angor, du latin anchora.
164. Zo, « est, )) en moyen armoricain so (Stokes, Middk breton irrcg.
Verbs, p. 8-9); en vannetais zou (Troude, Larm.).
16 j. Kroc'henn, « peau,» crochenn (Lag.); — en vannetais kourc'henn
(Troude) crohenn, crouhenn (Larm.), courehen, crouhen (Châl.); on dit
aussi crohenn (Larm.); vieil irlandais crocenn, moyen gallois croen, croyn
{Gr. C. ^, p. 103), comique crochen, croin (Voc).
166. Ho, « leur; » — en vannetais ou (Troude, Larm.; Guillome,
Gramm., p. 34, écrit hou et ou); vieil irlandais an, a; moyen gallois eu,
comique aga{Gr. C.^, p. 337, 340, 387).
167. Ho, hoc'h, « votre, » plus anciennement hoz (Gr. C. ^, p. 58$);
— en vannetais hou, houç (Troude, Larm., Châl.; Guillome, Gramm.,
p. 34); moyen gallois an'ch , moderne gallois eich, ych, comique as
(Gr.C.^ p. 385).
168. Eno, «là» (Troude et Lag.); — en vannetais inou (Larm.),
ancien et moderne gallois yno, comique y no (Gr. C., p. 574).
169. Enor, (( honneur « (Troude, Lag.); — en vannetais inourr
(Larm.), inour (Châl.), du latin honor.
On remarquera qu'il s'est produit ici un phénomène contraire à celui
qui s'observe souvent quand du dialecte de Léon on passe à ceux de
Cornouailles et de Tréguier. Souvent en effet Vou de Léon devient 0 en
Cornouailles et dans le pays de Tréguier, exemple kaloun, « cœur, « kalon;
doun, « profond, « don; dourn, « main, » dorn. Nous parlerons plus
en détail de cette substitution de lettre en nous occupant de la voyelle ou.
0 du dialecte de Léon devient u dans les mots suivants du dialecte de
Vannes.
2 16 Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes.
170. Solier, « galetas, » solyer, alias suler (Lag.); — en vannetais
suler (Troude), sukrr (Larm.); moyen comique soler (Voc); du latin
solarium (Jr. g/., p. 91, n" 740).
171. Lano, «marée, plei-ne mer; » — en vannetais Ivm (Troude),
lannhué (Larm.); gallois moderne llanw, ce mot paraît un dérivé de
l'adjectif leun, « plein, » primitivement lân forme qu'on trouve en ancien
irlandais (Gr. C. ^, p. 16, 93, 94, 96). En irlandais moderne lâin mara
veut dire « marée, haute mer, « et lain, « plénitude, » est un substantif
dérivé de l'adjectif lân, « plein. » Llanw serait une exception à la règle
qui veut que, dans les dérivés, l'a soit représenté en gallois par ô (Gr.
C. 2, p. 94). La consonne du suffixe de lano, lanu, llanw, aurait été
primitivement un m ou un i» (Gr. C, p. 751-734, 788; 75 1-752, 802).
172. Maro, « mort; « — en vannetais maru (Troude), nmrhuc (Larm.
et Châl, qui écrit aussi marv); dans Lag. et la Vie de sainte Nonne, on lit
maru; en vieil irlandais marb, moyen gallois maru (Ebel. Bcitr., II, 163 ;
Gr. C.2, p. 84, 129; Mise, p. 33).
173. Hano, « nom, » en moyen armoricain hanu ou hanv (Lag.); —
en vannetais /za/zu (Troude), hanhue (Larm.), haniiein, «nommer « (Châl.),
vieil irlandais ainm, moyen gallois enw (Gr. C. 2, p. 4, 41, 115 ; Ir. gi,
p. 1 1 $, no 991 ; Gl. Taur., p. 68; Ebel, Beitr., II, 1 5 $, 1 59). La voyelle
finale 0, u tient lieu d'un m, lettre initiale d'un" suffixe qu'on ne peut
restituer que par hypothèse.
174. Ero, « sillon, » en moyen armoricain erv ou eru (Lag.); — en
vannetais eru (Troude), arliuë (Darm.), erii (Châl,); moyen comique
eru, gallois moderne env, moyen irlandais arba (Ir. gl., p. 119, n» 1038;
Gr. C. 2, p. 131).
175. Baro, « barbe, » barff (Lag.); — en vannetais baru, barhu
(Troude), barhuï (Larm.), barix (Châl.); moyen comique barj, barefCVoc);
gallois moderne barf, du latin barba (Ebel, Beitr., II, 141).
176. Treo, « église succursale, » treff(Lag.y, — en vannetais trclm
(Troude), trxhu (Larmery) du gaulois treba dâus A-treba-tcs; comparez le
vieil irlandais atreba, « habitant, possident « ; vieil armoricain trcb,
moyen gallois et gallois moderne trcf, comique trev, « village, habitation «;
irlandais moderne treabh, «tribu», gaélique treubh, même sens : on croit
reconnaître le même mot dans le latin tribus et le gothique thaurp {Gr. C.*,
p. 10, 137; Gluck, K. N., 39-40; Ir. gi, p. 68, n" 315),
177. Hon, tior, hol, « notre; » hon (Lag); — en vannetais, hun, hur
(Troude, Larm., Guillome, Gramni., p. 34); en vieux gallois et en cor-
nique an, en vieil irlandais arn {Gr. C. ^, p. 336, 384).
178. Beo, « vif, » beu ou bev (Lag.); — en vannetais biliuc (Larm.);
Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes. 2 1 7
vieil irlandais biu, vieux gallois biu, gallois moderne biw, sanscrit g'tvas,
gothique quius, grec |iio; pour "h'.Fcç, latin vivus (Gr. C. ^^ p. 35, 37,
Ebel, Beitr., II, 160; Curtius, Cr. Etym. ^, p. 418).
L'o du dialecte de Léon qui devient u en vannetais est un 0 primitif
dans l'article 170, un b ou un m dans les articles 171-176, un v dans
l'article 178. Dans l'article 177 la voyelle primitive paraît être un a.
A l'o léonnais, ut correspond en vannetais dans :
179. Tomm, « chaud; » lomder, « chaleur, » autrefois fofm, toemder
(Lag.); — en vannetais tuemm, tuemder (Troude); tuêm, tuemdér (Larm.);
tuem, tuemdér (Châl.); gallois moyen et moderne twym, moyen comique
toim (Koc). Dans ce mot une longue a précédé la diphthongue, c'est un
ê. Or \'è devient régulièrement en breton armoricain oe, oa, dialecte de
Léon, oe, ue, dialecte de Vannes. Le dialecte de Vannes a conservé pour
ce mot une forme plus complète que le léonnais moderne (Gr. C. 2,
p. 97-98, cf. W. Stokes, Beitr., IV, 390 et V, 226, qui compare avec
raison le thème sanscrit îigma-, a chaud, » « chaleur » et le vieil irlan-
dais tinwii pour 'tigmi. La longue ê serait donc issue d'/ par allongement
compensatif. L'irlandais timmi est le dernier mot du vers 32, p. 72 du
recueil intitulé Goidilicà):
§ $. OU voyelle.
Ou léonnais devient e dans :
180. Louzaoucn, « herbe, légume, » lousouenn (Lag.), — en vanne-
tais lezeuenn (Troude), lézeuenn (Larm.), lézéiienn (Châl.). La voyelle
primitive est un u qu'on trouve dans l'irlandais et le gaélique lus, et dans
le pluriel comique lusow. Cet u s'est affaibli en y dans le gallois moderne
llysiaw, en e dans le moyen comique les {Voc) et dans le mot vannetais
que nous venons de citer (/r. gi, p. 98, no 810; Gl. Taur., p. 59; cf.
Gr. C. ^ p. 92).
Ou devient eu en vannetais dans :
181. Dour, « eau » (Troude, Lag.); — en vannetais deur (Troude),
deure (Larm., Châl.); gaulois dubron, vieux gallois dubr, gallois moderne
dwfr, moyen comique dur ou dour (^Voc), vieil irlandais dobur, dobhar
{Gr. es p. 109, 136, 138; Ir. gi, p. 70-71, n° 375; Thr. !r. gl,
p. xvj; Gluck, K. N., p. 51),
182. Soûl, « chaume, » soulenn (Lag.); — en vannetais seul (Troude),
seule (Larm., Châl.); gallois moderne sofl, comique soûl, le même mot
2 1 8 Élude phonétique sur le dialecte breton de Vannes.
que le latin stipula, comparez le grec gtéç^vs; (W. Stokes, Middlc breton
irregular Verbs, p. 9 note : Curtius, Gr. Etym.^, p. 194).
183. Deoa, « droit, » opposé à gauche; en vannetais deeu (Troude),
déheu (Larm., Châl.); vieux gallois dehou, gallois moderne deheu, moyen
comique dehou (Gr. C.^, p. 107, 12$).
184, Poultr, « poussière » (Troude et Lag.); — en vannetais peudr
(Troude), peudre (Larm., Châl.), du vieux français « pouldre» aujour-
d'hui « poudre » qui vient lui-même du latin pnlverem.
18$, Ankou, « mort, » ancou (Lag.); en vannetais ankeu (Troude),
anqueu (Larm.), « fantôme; » comique ancow; moyen gallois angheu,
gallois moderne angeu, « mort » {Gr. C. ^, p. 107, 129).
186. Genou, «bouche,» guenou (Lag.); — en vannetais geneu
(Troude), guineu (Châl.); gaulois Genava, moyen comique gf/j^a (Voc),
vieux gallois, genou, gallois moderne ge/jau (Ebel, Beitr., II, 167; Gluck,
K. N., p. 104-107; Gr. C. 2, p. 129, 1^1).
187. Bizou, « bague; « — en vannetais t/zeu (Troude), biseu (Larm.),
bizeii (Châl.); moyen comique bisou (Foc), comique moderne besaw,
gallois moderne byson (en français « bijou «); dérivé de bis, (( doigt »
ÇGr. C. ^, p. 1 109; Diez, Wœrterbuch^, II, 219; Stokes, Beitr., V, 446),
188. Goulou, «lumière, » golou (Lag.); — en vannetais go/ru (Troude,
Larm.), vieux gallois lou-ber, « splendor, « di-goleu-ichetic, « ad lucem
editus; » gallois moderne go/eu, moyen comique golou {Vocj, comique
moderne golow {Gr. C. ^, p. 106).
189. Argourou, «dot» (Troude, Lag.); — en vannetais argouvreu
(Troude, Larm., Châl.).
190. -ou suffixe du pluriel; — en vannetais eu; vieux gallois ou,
moyen gallois eu, gallois moderne au; moyen comique ou, comique mo-
derne ow {Gr. C. 2, p. 284-288), Dans ce suffixe, comme dans les mots
qui précèdent, sauf 181 Dour 184 Poultr et peut-être 182 Sonl , ou
léonnais, eu vannetais remplacent une ancienne diphthongue, la diph-
thongue gauloise ou que les inscriptions romaines écrivent ordinairement
au{Gr. C. 2, p. 32, 106),
Dans les mots suivants le vannetais a conservé Vo armoricain qui se
trouve dans le Catholicon de Lagadeuc et que le dialecte moderne de
Léon a changé en ou.
191. Hou-man, «celle-ci,» houn-nez, «celle-là;» homan, honnez
(Lagadeuc, cf. Gr. C. *, p. 297); en vannetais ho-nan, hon-nec'h (Troude),
hona, honeh (Larm., Châl.), hon en gallois et en comique {Gr. C. ^ 394-
39$)-
Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes. 219
192. Goulaouen, «chandelle,» golou, «lumière» (Lag.); — en
vannetais goleuenn (Troude, Larm.), comparez le vieux gallois digoleui-
cheîic « dilucidatus » (Gr. C. ^, p. 106).
193. Kourreza, «corroyer, » corrccu, «courroie» (Lag.); — en
vannetais korreein (Troude), correyein (Larm.), corréein (Châl.), du fran-
çais « corroyer » dont l'étymologie est discutée par Diez, Wœrterbuch 2,
I, 34?-
194. Choum, « rester, » chom (Lag.); — en vannetais chom (Troude);
chomm (Larm), chommein (Châl.), du français « chômer » dont l'étymo-
logie a été étudiée par Diez, Wœrterbuch ^, I, loi.
195. Kounnar, « rage, » connar (Lag.); — en vannetais konnar
(Troude), gonare (Larm.), connar (Q\k\.)\ en gallois moderne cynddaredd,
de ovn autrefois cun pluriel de ci « chien » {Gr. C. '•, p. 293) et de
daredd, « bruit tumultueux » dérivé de dâr, « bruit; » Vu, w du premier
terme s'est changé en y suivant la règle (Gr. C. ^, p. 92). L'armoricain
connar vient de con, pluriel de ci, « chien » {Gr. C. ^, p. 294) et de dâr,
« bruit » qui n'existe plus en armoricain que dans ce composé et dont le
d initial s'est assimilé à Vn précédent.
196. Ploum, « plomb,» plom (Lag.); — en vannetais plomm (Troude,
Larm.), plom (Châl.); comique plom, gallois moderne plwm. Le mot cor-
nique et le mot gallois vient du htm plumbum. L'armoricain /)/om peut être
issu ou du français « plomb » ou du mot latin {Gr. C. 2, p. 91-93).
Le mot suivant a dans Lagadeuc un ou qui tient lieu d'un 0 primitif
que le vannetais a gardé.
197. Koulm, « pigeon, couhn (Lag.); — en vannetais klomm (Troude),
clomm (Larm.), clom (Châl.), avec une métathèse de 1'/; vieil irlandais
colum, comique colom, gallois moderne colomen, en latin columba (Stokes,
Ir. gi, p. 56, n" 203).
Voici encore un mot écrit avec on par Lag.; cet ou conservé en léon-
nais moderne provient d'un u primitif et il est devenu 0 en vannetais.
198. Houc'h, « porc, » houch (Lag.); — en vannetais /îoc'/i (Troude),
hoh (Larm., Châl., au mot morhoh), moyen gallois hucc, gallois moderne
hwch, moyen comique hoch. Vh initial remplace un s primitif. Comparez
le latin sus, le grec Iq, le sanscrit sùkara {Gr. C. ', p. 91 ; Ebel, Beitr.,
II, 175; W. Stokes, Ir. gl., p. 118; Curtius, Gr. Etym. 2, p. 343).
En voici deux où les deux dialectes armoricains sont dans le même
rapport sans que nous sachions quelle est la lettre primitive.
199. Tousek, « crapaud, » toucec (Lag.); — en vannetais tosek
(Troude), tossêg (Larm.).
220 Étude phonétique sur le dialecte breton de Vannes.
200. Poulc^henn, « mèche, » pourchenn (Lag.); — en vannetais por-
c'henn (Troude), porhenn (Larm., Châl.).
Dans celui-ci Vou léonnais devient indifféremment soit o soit eu en
vannetais; mais la forme écrite avec o est commune au vannetais et aux
autres dialectes armoricains ; la forme en eu est seule propre au vanne-
tais.
201. Doun, «profond; » — en vannetais don (Troude), deun (Le
Gon.), donne, deune (Larm.), done, deiïne (Châl., qui écrit aussi donne);
gaulois dumnos, « profond », vieil irlandais domun, a le monde », moyen
gallois dwfyn, gallois moderne dwfn, « profond », comique down, « pro-
fond ». Ce mot est écrit don dans la « vie de sainte Nonne j) {Gr, C. ^,
p. 1 14, 1 16; Gluck, K. N., p. 68-74; Cuno, Beitr., IV, 220).
Ou léonnais devient u en vannetais dans :
202. Aotrou, i( seigneur, monsieur », autrou (Lag.); — en vannetais
eutru (Larm., Châl.). Troude et Le Gon. écrivent eutreu, êutrêu; en moyen
comique altrou, « beau-père », gallois moderne altraw, « parrain »,
irlandais moderne altra, « père nourricier », gaélique altrach, « celui qui
nourrit, élève ». De la racine al qui se trouve dans le latin ah, le gothique
alan, l'allemand ait {Gr. C.^, p. 108, note. Cf. l'anglais lord, Max Mul-
1er, Lectures^, p. 126).
Ou léonnais devient aussi u en vannetais dans les diphthongues iou,
oue, oui, dont il sera question plus loin.
§6. U.
Vu léonnais se conserve ordinairement en vannetais. Cependant il
devient ê dans :
205, Bruzuna, « émietter; » — en vannetais brec'honcin (Troude),
berhonenein (Larm.), brchonnein (Châl.), morzeel (Châl.).
U devient 0 dans le même mot et dans :
204. Muzel, « museau, » musell (Lag.); — en vannetais moje, morzell
(Troude), moge, morzell (Larm.). L'o est la lettre primitive, car ce mot
n'est autre que le bas-latin morscllus diminutif de morsus (Diez, Wœrîcr-
buch ^, I, 287; Ducange, edit. Henschel, IV, 551).
U devient / dans :
205. Lugernuz, k brillant; » lugerni, « briller, » luguacrniff (Lag.);—
en vannetais ligernuz, Ungernuz, ligcrncin (Troude), ligucrnuss, ligncrncin,
linguêrnein (Larm., qui admet aussi higucrncin ; Châl. ne donne que
luguernein et luguernus), gallois moderne Uygorn, «lampe,» moyen
Ëtude phonétiejue sur le dialecte breton de Vannes. 22 1
comique liigarn {Voc), même sens. La forme liiacharn du vieil irlandais
(Gr. C, p. 23) s'explique par un thème plus ancien lôcarno dont l'ô est
devenu ua en irlandais, u en comique et en armoricain suivant la règle
{Gr. C. 2, p. 22, 99-100). Vy gallois s'explique par un u bref, celui du
latin lucerna (Gr. C. ^, p. 92), 1'/ vannetais par l'w long d'un hypothétique
liicerno (sur / = ù voir Gr. C. 2, p. 100).
La conclusion de cette partie de notre travail sera celle que nous avons
annoncée. Quand la voyelle vannetaise est différente de celle du dialecte
de Léon, cela tient ordinairement à l'une ou à l'autre des trois causes
suivantes : 1° le dialecte de Vannes a conservé une voyelle ancienne que
le léonnais a modifiée; 2" la voyelle vannetaise a subi l'influence de la
consonne qui suit; 3" le dialecte de Vannes a subi la tendance propre à
son vocalisme qui est de préférer la voyelle / ou une voyelle qui s'en
rapproche. De là la substitution fréquente de Ve à Va, de Vi à Ve, de \'e
et de Von à l'o, d'eu et d'n à ou.
H. d'Arbois de Jubainville.
SAINTE TRYPHINE ET HIRLANDE.
Il me semble qu'on n'a pas encore remarqué la ressemblance qui existe
entre le Mystère Breton de « Sainte Tryphine et le roi Arthur ' •» et
l'histoire de la duchesse Hirlande de Bretagne telle que l'a racontée
le Père René de Ceriziers ^ dans son livre les Trois Estais de l'Innocence,
souvent réimprimé depuis 1640 ?.
Cette histoire est racontée par Ceriziers avec de grands dévelop-
pements, et dans un style alambiqué. La voici en résumé :
1. Sainte Tryphine et le roi Arthur, mystère Breton en deux journées et huit actes, tra-
duit, publié et précédé d'une introduction par F. M. Luzel, texte revu et corrigé d'après
d'anciens manuscrits par M. l'abbé Henry. Paris, Schulz et Thuillié, 1863, in-8°. Prix
5 fr.
2. Né a Nantes en 1603, mort en 1662.
3. Je me suis servi de l'édition suivante : Les trois Estais de l'Innocence, contenant
l'histoire de la Pucelle d'Orléans, ou l'Innocence Affligée. De Geneviève, ou l'Innocence Reconnue.
D'Hirlande, ou l'Innocence Couronnée. Par le sieur de Ceriziers, aumônier du roi, à Paris, chez
Estienne Loyson, au Palais, au nom de Jésus. M. DCC. VI. Avec approbation des doc-
teurs. In-8°. Ce livre a été traduit en Anglais par W. Lower en 16J4 et a été traduit en
allemand « par un Père de la Société de Jésus » sous le titre de Die Unschuld in drey
unterschidlichen St£nden. Dillingen, 1685. Cf. J. Zacher : Die Historié von der Pfalzgrdefin
Genovefa. Kœnigsberg, 1860, pp. 10 et 12. — Il existe aussi une traduction italienne
d'Hirlande, qui porte le titre suivant : L'Irlanda, ouero l'Innocenza Coronata,Del Signore
di Cerisiers, Limosiniere del Rè, autore dell' Innocenza Riconosciuta. Tradotta dalla lingua
Francese nell' Italiana dal Sig. Capitano Lodovico Cadamosto. Bologna, Gio. Batt. Va-
glierini; sans date, in-12. L'avant-propos de l'éditeur nous apprend qvie cette traduction
avait été précédée d'une traduction italienne de « Geneviève ou l'Innocence reconnue »
qui avait eu plusieurs éditions.
De même que l'histoire de Geneviève, l'histoire d'Hirlande (sous forme abrégée) est
devenue livre populaire en Allemagne. J. Gœrres dans son livre Die Teutschen Volks-
biicher (Heidelberg, 1807) cite (p. 146) une édition qui porte le titre suivant : Die iiher
die Bosheit triumphirende Unschuld, das ist: Hirlanda eine gebohrne Hcrzogin von Britanien,
jganzerJahre als eine Dienstmagd nnter dem Vick, nachmalen u'iedernach Hofberufen, doch
durch Verlceumdung Unes Scinragers zum Scheiterhauf verdanimt, von ihrem Sohn unbekann-
ter Weise errettet. Vorgestellt in einer anmuthigen Historié, gezogen aus des Herrcn Renatus
Cericius franzœsischer Geschichte, au/s neue ûbersehen, vermehrt und zum Drucke befcerdert
von einem Liehhabcr der Historien. Kœln. La bibliothèque de Weimar possède une édition
du dernier siècle dont le titre concorde avec celui que je viens de citer, à cela près qu'il
se termine par les mots : « Vorgestellt in einer anmuthigen Historié, gezogen aus einem
franzœsischen Geschichtschreiber. Gedrukt zu Kœln am Rhein. » M. Karl Simrock a repu-
blié le livre populaire d'Hirlanda dans sa collection de livres populaires allemands, tome
XII, pp. 27-82 (Francfort-sur-le-Mein, 1865).
Sainte Tr^iphine et Hirlande. 22 j
Le roi d'Angleterre ' est malade de la lèpre, et, d'après l'avis d'un
médecin juif, ne peut guérir que s'il se lave avec le sang d'un enfant
de haute naissance non encore baptisé et s'il en mange le cœur. Gérard,
frère du duc Artus de Bretagne, se trouve justement à la cour du roi
Anglais. Il sait que sa belle-sœur, la femme du duc Artus, touche au
moment de sa délivrance, que son frère est absent et parti pour la
guerre avec le roi de France; il prend la résolution de dérober l'enfant
qui va naître et de s'en servir pour guérir le roi d'Angleterre. Il se
rend en Bretagne et corrompt la sage-femme et la nourrice. Hirlande
donne le jour à un fils, et comme elle est sans connaissance après les
douleurs de l'accouchement, la nourrice prend l'enfant et s'enfuit, et la
sage-femme dit plus tard à la mère qu'elle a mis au monde un enfant
mort.
La nourrice doit passer secrètement en Angleterre avec l'enfant ;
mais elle tombe au pouvoir d'un abbé Bertrand de Saint-Malo, auquel
un ange a ordonné de se rendre à la côte et de sauver l'enfant. Gérard
reproche à la duchesse .après son accouchement d'avoir été « homicide
de son fruit «; « il disait que si elle eût eu autant d'amour pour son
mari qu'elle en avait pour un certain gentilhomme voisin, elle n'eût pas
si mal ménagé les espérances de sa maison.» Une chambrière, corrompue
par lui, doit confier à la duchesse que Gérard a été chargé par le duc
de la tuer. Hirlande s'enfuit et se réfugie dans un château de Nor-
mandie (f où elle avait soin de tout le ménage de la basse-cour. » Au
bout de sept ans, un noble breton, le seigneur d'Olive, vient par hasard
voir la maîtresse du château qui est sa tante, et il reconnaît la duchesse
dans la servante. Hirlande retourne auprès 'de son mari et ils vivent
heureux pendant sept ans. Au bout de ces sept ans, Hirlande met
au jour une fille. '< Gérard, voyant que la succession de son frère
lui échappait par la naissance de cette héritière, entreprit d'en
rendre la conception suspecte. » Il corrompt un chevalier et accuse
la duchesse auprès du duc de liaison intime avec le seigneur d'Olive.
Hirlande est condamnée au bûcher si un combattant ne se pré-
sente pour défendre son innocence et ne défait son accusateur en
combat singulier. On allait au jour fixé mettre le feu au bûcher, quand
tout à coup un jeune chevalier se présente, combat le faux accusa-
teur, le blesse mortellement, et, avant qu'il expire, lui fait confesser
I Ceriziers ne le nomme pas. Il dit (p. 208 de mon édition) : « Mon Lecteur, ne vous
estonnez pas si je vous cele son nom, je n'ay pas moins de honte que d'horreur à le sçavoir,
et pleust à Dieu que jamais il n'eust esté connu de l'histoire.» Le livre populaire allemand
donne au roi d'Angleterre le nom de Richard, le Mystère Breton l'appelle le roi Abacarus.
2 24 Sainte Tryphine et H Irlande.
l'innocence de la duchesse. Cet adolescent est le fils du duc et de la
duchesse auquel l'abbé de Saint-Malo a donné au baptême son propre
nom de Bertrand, et qu'il a élevé. Un ange a ordonné à l'abbé d'armer
son filleul et de l'envoyer défendre sa propre mère. L'adolescent se fait
reconnaître de ses parents remplis de joie ; l'abbé et la nourrice expli-
quent son histoire. On saisit le perfide Gérard, on lui coupe pieds et
mains, et on le jette dans un cachot où il meurt bientôt.
A cette analyse le lecteur du Mystère Breton reconnaît l'histoire de
sainte Tryphine. Tryphine est une princesse d'Irlande', Ceriziers ne
dit rien de l'origine d'Hirlande, mais ce nom même ne semble pas autre
chose qu' « Irlande » ^ Au duc Artus de Bretagne 3 correspond dans
le Mystère le roi Arthur de Bretagne; à Gérard, Kervoura qui n'est
pourtant pas comme Gérard, frère d'Artus, mais bien de Tryphine; à l'abbé
de Saint-Malo, l'évêque de Saint-Malo; au seigneur d'Olive qui découvre
la duchesse chez sa tante en Normandie, le gouverneur qui retrouve la
reine chez sa tante la duchesse Jean à Orléans. Kervoura apprend d'une
sorcière que le roi Abacarus d'Angleterre guérira de la lèpre s'il mange
la chair et boit le sang d'un dauphin âgé de six mois. Kervoura détermine
le roi Abacarus à inviter le roi Arthur à sa cour. Pendant son absence
Tryphine accouche ; l'enfant est dérobé, mais tombe ainsi que sa nour-
rice entre les mains de l'évêque de Saint-Malo auquel un ange avait
ordonné de se rendre à la côte et d'élever un enfant qu'il y trouverait
avec sa nourrice. Kervoura écrit d'Irlande au roi Arthur que Tryphine
a tué son enfant et machine contre la vie du roi. Arthur le croit et
prend la résolution de faire juger sa femme ; une chambrière qui a vent
de la chose, l'apprend à Tryphine qui s'enfuit. Elle se rend à Orléans,
et pendant six ans sert chez la duchesse Jean, d'abord comme fille de
cuisine, puis comme gardeuse de vaches et de pourceaux, et enfin
comme fille de chambre. Dans le récit de Ceriziers, Hirlande unie de
nouveau à son mari passe avec lui sept heureuses années, et alors seu-
lement a lieu la nouvelle trahison de Gérard. Dans le Mystère c'est au
bout d'un an que Kervoura trouble le bonheur des époux réunis, après
que Tryphine a donné le jour à une fille. Soupçonnée d'adultère à
1. Dans un des prologues (pp. 222-3) Tryphine est appelée Islantez dans le texte
breton et Islandaise, dans la traduction française. C'est évidemment une erreur pour
Irlantez et Irlandaise; cf. pp. 2 et 5.
2. Ceriziers dit (p. 183). « Hirlande duchesse de Bretagne (à la façon que je conjec-
ture dans mon Avant-propos)... » Dans l'avant-propos de mon édition je n'ai rien trouvé
qui éclaire ces paroles.
3. Ceriziers (p. 184) dit d'Artus ; « Je veux ainsi nommer un inconnu, puisque ce
nom est ordinaire dans la maison de Bretagne. »
Sainte Tryphine et Hirlande. 225
l'instigation de Kervoura, Tryphine passe un an au cachot et comparaît
ensuite devant le parlement de Rennes qui la condamne à être déca-
pitée. Un ange apparaît à l'évêque de Saint-Malo, et lui ordonne d'équi-
per en chevalier le jeune Malouin, fils d'Arthur et de Tryphine, et de se
rendre avec lui à Rennes. Ils arrivent au moment où Tryphine va être
décapitée. Le jeune Malouin — ■ qu'il faut se représenter ici comme un
enfant d'environ neuf ans, tandis que le Bertrand de Ceriziers en a
quinze ' — provoque son oncle en duel et le blesse mortellement. Avant
d'expirer, Kervoura avoue son crime.
Le Mystère, sinon dans sa rédaction actuelle, du moins dans une
rédaction antérieure, est probablement plus ancien que le livre de Ceri-
ziers, et comme Ceriziers est né en Bretagne (à Nantes), il n'est pas
impossible qu'il ait connu le Mystère et qu'il en ait tiré l'histoire d'Hir-
lande. D'un autre côté si l'on admet que le Mystère est de date plus récente,
son auteur aurait pu mettre à profit le livre très répandu de Ceriziers.
L'auteur du Mystère et le Père Ceriziers peuvent aussi ne se rien devoir
l'un à l'autre ; dans ce cas le savant auteur des Trois Estats de l'Inno-
cence aura mis à profit une oeuvre plus ancienne qui nous est inconnue ;
l'auteur du Mystère en aura fait autant, ou aura peut-être puisé à la
source d'une tradition orale répandue dans le peuple.
Weimar. Reinhold Kœhler.
I. Dans un poème anglais un adolescent monté sur un cheval blanc combat contre sir
Aldingar qui a faussement accusé d'adultère la reine Elinor et la sauve ainsi du bûcher.
Cet adolescent est un ange envoyé de Dieu qui disparaît immédiatement après le
combat. On raconte également qu'une princesse danoise, Gunild, femme de l'empereur
allemand Henri, ayant été faussement accusée d'adultère, son accusateur, homme vigou-
reux et de haute taille, est vaincu par un enfant ou un nain. Voyez Sv. Grundtvig : Danske
Garnie Folkeviser t. 1. pp. 177 et seq. où M. Grundtvig traite particulièrement des femmes
qui, innocentes, ont été accusées d'infidélité, et cite (p. 189) le livre populaire allemand
d'Hirlanda.
TRADITIONS et SUPERSTITIONS
DE LA BASSE-BRETAGNE.
La Bretagne conservera plus longtemps qu'on ne pense ses mœurs,
ses coutumes et son langage. Il n'en est pas de même, hélas! de ses
traditions qui disparaissent avec une désolante rapidité. Le moment est
venu de rechercher les derniers débris de ces naïves et poétiques
légendes du passé, qui peuvent fournir à l'histoire de précieux éléments.
Des écrivains de talent ont, il est vrai, recueilli il y a déjà bien des
années quelques traditions bretonnes, mais au lieu de les publier telles
qu'on les leur avait racontées, ils les ont fait servir de thèmes à des
fantaisies, fort gracieuses sans doute, mais sur lesquelles la critique
historique ne saurait s'exercer. Les renseignements qui suivent sont de
simples notes de carnet recueillies dans mes longues pérégrinations à
travers la Bretagne bretonnante. Je les donne telles qu'elles ont été
écrites, sans y joindre de commentaires. C'est seulement lorsque l'on
sera parvenu à réunir toutes les traditions existant encore chez les
peuples de race celtique qu'il sera possible, en les comparant à celles
des autres pays, d'en tirer des déductions qui, à mon avis, seraient
aujourd'hui prématurées.
LES NAINS.
Les traditions les plus populaires de la Bretagne sont celles qui se
rapportent aux Nains. On peut dire qu'elles sont répandues dans toutes
les communes où l'on parle le breton, mais ces êtres mystérieux y sont
désignés sous des noms différents suivant les localités. Ainsi, dans les
départements du Finistère et du Morbihan, on les nomme généralement
Corrikêt, pluriel de Conik, diminutif de Corr, « Nain ' ; » féminin Cor-
I. Corr., g. corre, 1. nanus. — J. Lagadeuc, Catholicon.
Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne. 227
rigan, « petite Naine »S pluriel Corriganed, et par abus, sur la limite sud
du Finistère, Corniganed, et même Torriganed. La forme féminine Corri-
ghez, pluriel Corrighczcd, est moins usitée. Dans tout l'ancien évêché de
Tréguier, dans le Haut-Léon et dans une partie des Montagnes-Noires,
surtout à l'est de la ville de Châteauneuf-du-Faou, on les appelle Corran-
doun ou Corrandon ^, « Nain des (lieux) profonds», pluriel Corrandouned
ou Corrandoned, par abus Cornandoned ; féminin, Corrandounez ou
Corrandonez, « Naine des (lieux) profonds « ; pluriel : Corrandounezed ou
Corrandonezed, par abus Cornandonezed. On les désigne encore sous le
nom de Paotred-ar-zabbat, «garçons du sabbat», dans le Léon ?, et sous
celui de Boudiked, dans une partie des montagnes d'Are 4. H existe,
tout près du bourg de Brennilis, en la commune de la Feuillée (Finis-
tère), une belle allée couverte que M. René de Kerret a achetée récem-
ment pour la préserver de la destruction et que l'on nomme dans le
pays Ty-ar-Boudiked, maison des Nains s. Je ferai observer toutefois
que le nom de Boudiked s'applique dans d'autres parties du Finistère,
comme on le verra plus loin, à une catégorie d'Esprits entièrement
différents des Nains. J'ajouterai que l'on attribue assez souvent à ces
derniers des méfaits que l'on doit mettre à la charge des lutins.
Les Nains forment en quelque sorte la transition entre l'homme et
les êtres surnaturels. Comme lui ils naissent et meurent sur la terre où
"ils vivent en société sous l'autorité d'un chef unique. Ils sont conformés
comme les hommes dont ils ne sont cependant que la caricature. En
effet, sur un corps noir, très-petit et mal fait, ils portent une tête énorme
et hideuse, mais ils sont doués d'une force sans limites. Leurs demeures
sont placées le plus souvent sous les Dolmens que l'on nomme presque
partout en Basse-Bretagne Ty-Corriked, « maison des Nains, » ou Loch-
Corriganed, «loge des Naines », demeures qu'ils balayent toutes les nuits
1. Pour éviter la confusion je traduis littéralement Corrigan par Naine au lieu de le
traduire par le mot Fée, comme on le fait ordinairement. Il y a entre ces deux classes
d'êtres surnaturels une différence essentielle. La Corrigan est toujours une affreuse créa-
ture, tandis que la Fée est souvent douée d'une beauté surhumaine.
2. Corrandon, g. cornandon, ou nain; 1. antipos, nanus. — J. Lagadeuc, Catholicon.
3. Cette dénomination paraît mieux convenir aux lutins. Dans le Léon et dans le pays
de Tréguier, les traditions relatives aux Nains ont disparu ou sont très-altérées. On les
confond souvent avec les Viltansed et avec d'autres esprits.
4. J'écris ^rc et non Arrès ni Arhés, comme on le fait communément, parce que c'est ainsi
que ce mot est écrit dans les titres du XV et du XVl'' siècle, et parce que c'est ainsi que
le prononcent les habitants de ces montagnes.
5. Ce mot peut venir de Pot, forme cornouillaise de Paotr « garçon, » et dont le
diminutif est Potik. Le pluriel de ce mot, s'il était usité, serait Potiked, et l'on dirait
avec l'article ar Botiked, comme l'on dit ar Botred îles garçons). Si cette étymologie était
admise Bodiked ou Boudiked signifierait les petits garçons et serait à peu près synonyme
de Corriked.
16
228 Traditions et Superstitions
avec le plus grand soin '. D'autres ont leurs habitations dans les
cavernes naturelles, sous les Menhirs et sous les larges pierres plates
que l'on rencontre fréquemment dans les landes isolées. Ils y vivent
dans la terre « comme les lapins dans leurs terriers. » On ne les voit
ordinairement que le soir sur la lisière des bois sombres, au milieu des
bruyères désertes ou au sommet de rochers élevés. Ils redoutent le
froid et ne sortent guère de leurs demeures souterraines pendant l'hiver.
Un refrain que l'on chante souvent en berçant les enfants mentionne
cette habitude :
Bin, ban, Coniganan, Bin, ban, Naine,
Pelec'h e moc'h epad ar goan ? Où es-tu pendant l'hiver '
— 'Ban un toullic, 'ban an douar — Dans un petit trou, dans la terre, |
Da gortoz an amzer douar. Pour attendre le temps tiède.
Quoique la plupart des Nains se tiennent pendant le jour à distance
des lieux habités, il en est un bon nombre qui ont des rapports directs
avec certaines personnes dont ils réclament au besoin les services; et,
dans ces circonstances, ils leur adressent toujours la parole en vers ou
plutôt en bouts-rimés. Plusieurs même, abandonnant ceux de leur race,
viennent s'établir au milieu des hommes dont ils adoptent plus ou moins
imparfaitement les mœurs. Quelques uns se marient parmi eux et
apprennent souvent un métier. Mais d'autres, ne pouvant vaincre leur
nature rebelle à la civilisation, gardent, tout en vivant dans les villes et
dans les bourgs, une grande partie des coutumes de leur nation. Dans
tous les cas, ils conservent toujours, dans leur nouvelle condition,
certains traits caractéristiques qui permettent de les reconnaître à
première vue.
Voilà par quels côtés imparfaits les Nains se rapprochent de l'huma-
nité. Ils s'en éloignent par des facultés qu'ils tiennent d'un pouvoir
occulte et qui sont une sorte de compensation à leur infériorité physique.
Ainsi, ils ont le pouvoir de se rendre invisibles, ils comprennent le
langage des oiseaux; paiens et sorciers eux-mêmes, ils sont constamment
en rapport avec les sorcières de race humaine, et c'est par leur inter-
médiaire qu'elles possèdent l'art des enchantements et de la divination.
I. D'après dom Le Pelletier (Did. breton-français, verbo Liac'h), ces monuments étaient
désignés dans l'évêché de Léon, au commencement du XVIII^' siècle, sous le nom de
Liac'h ou Leac'h. Quelques habitants des communes d'Argol et de Trégarvan (arrond. de
Châteaulin, Finistère) les appellent encore aujourd'hui Liaven (en trois syllabes), et l'on
trouve assez fréquemment dans ces communes le nom de Parc Liaven et de Coareni Liaven
appliqué à des pièces de terre qui renferment un de ces monuments. Pour la signification
des mots Liac'h et Liaven, voir Owen Pughe's Welsh and English Did., verb. Llech et
Llechfaen. Dans les communes que je viens de citer, les Dolmens sont aussi appelés Dol-
ar-C'horriket, «table des Nains».
de la Basse-Bretagne. 229
Les Nains ont parfaitement conscience de la supériorité physique des
hommes sur eux. Ils en ressentent une jalousie extrême qui se traduit
par des vexations de toutes sortes qu'ils font éprouver à ceux que le
hasard fait tomber entre leurs mains, ou qui ont le malheur d'exciter
leur rancune. Celui qui veut se venger d'un ennemi peut se rendre le
soir près de la demeure d'une famille de Nains, et là, exposer à haute
voix ses griefs. Les Nains, engeance maudite dont le seul plaisir est de
faire le mal, s'empresseront de répondre à son appel, et la personne
dénoncée ne tardera pas à ressentir les effets de ce pacte. Une seule
chose les effraie et les met en fuite, sans qu'on en puisse exphquer la
cause. C'est la petite fourche de bois dont les cultivateurs se servent
pour nettoyer le soc de leur charrue du fumier et de la terre qui s'y
attachent et que l'on nomme Carspren dans le Léon, Caspren en Cor-
nouaille et Capren dans le pays de Vannes '. Cet instrument porte aussi
en Bretagne le nom de Baz-an-Arar, bâton de la charrue. Ils joignent à
leurs malices et à leurs actes de cruauté un raffinement de sarcasme et
d'ironie qui dénote la joie qu'ils éprouvent à tourmenter les hommes.
S'ils sont assez heureux pour attirer dans leurs rondes infernales un
voyageur imprudent, ils lui laisseront un moyen d'en sortir. Mais
comme ce moyen est une énigme à deviner, il arrivera que leur victime
succombera presque toujours. On les verra parfois la nuit labourer un
champ avec tant de soin qu'il semble qu'après le travail il n'y ait plus
qu'à y semer le grain, mais le lendemain toute trace de culture aura
I . Lorsque l'on n'avait en Bretagne que des charrues très-courtes à un seul manche ter-
miné par une fourche à son extrémité libre, le Carspren était fixé à ce manche, à portée
de la main du laboureur qui pouvait s'en servir lui-même pour nettoyer le soc, et au
besoin pour aiguillonner les bœufs. Le Carspren de bois est aujourd'hui remplacé presque
partout par une petite fourche de fer qui est ordinairement manœuvrée par un enfant. Le
Carspren, ou Baz-an-Arar, qui met l'homme à l'abri des malices des Nains, le protège
également contre les entreprises de tous les Esprits malfaisants, à quelque catégorie qu'ils
appartiennent. Aussi, en Cornouailles^ lorsque plusieurs personnes doivent se rendre le
soir à une « veillée de mort », le garçon de ferme a-t-il soin de prendre en sortant le
Carspren, ordinairement placé derrière la porte de la maison. Muni de cette sauvegarde,
il se met hardiment en route en disant à ses compagnons : « Nous n'avons rien à craindre
maintenant, le bâton de la charrue est avec nous, n Les chevaux sont souvent tourmentés
pendant la nuit par une sorte de lutin appelé Boudik, dont il sera question plus loin. Il
suffit, pour les garantir contre ses attaques, de placer le soir le Carspren dans leur râtelier.
On ne doit jamais frapper un animal du Carspren, car les blessures qu'il occasionne sont
mortelles, ou ne guérissent que très-lentement. Il est bien difficile d'émettre une opinion
sur l'origine de cette croyance à la vertu du Carspren. Si cet instrument était fait d'une
essence de bois particulière, on pourrait à la rigueur supposer que sa vertu réside dans
cette essence de bois. Mais il n'en est rien ; car on fait indifféremmient des Carspren en
saule, en noisetier, en châtaignier, etc. Cette croyance n'aurait-elle pas pris son origine
dans cette idée morale que, par une permission divine, l'homme occupé d'un travail indis-
pensable à son existence, tel que celui de la culture de la terre, ne pourrait être inquiété
par l'Esprit du mal ? Dans cette hypothèse, l'idée de protection attachée primitivement à
l'œuvre elle-même aurait fini par s'appliquer à l'un des instruments servant à l'accom-
plir.
230 Traditions et Siiperstitions
disparu. S'il leur arrive, dans un moment de joyeuse humeur, de rendre
un service à un honnête homme, ce service ne sera jamais complet ; la
griffe du diable y apparaîtra presque toujours. Je dois dire cependant
qu'ils sont très-accessibles à la vanité et que l'on peut, en les flattant,
en tirer quelques services. Il suffit, par exemple, de se rendre près de
leurs tanières, et d'implorer humblement de leur bienveillance, soit une
charrue, soit une paire de bœufs, ou toute autre chose dont on peut
avoir besoin, pour qu'ils s'empressent de mettre ce qu'ils possèdent à
la disposition de la personne qui a recours à eux. On est sûr de trouver
le lendemain matin à sa porte l'objet demandé. Mais il faut le leur rendre
avant le coucher du soleil, ou l'on s'expose aux plus grands malheurs.
Une de leurs habitudes est d'enlever les enfants dans leurs berceaux et
de mettre à leur place leurs affreux rejetons, dans l'espoir d'améliorer
leur race et de faire dégénérer celle des hommes. Le pouvoir qu'ils ont
de se rendre invisibles leur permet de vivre sans travail, car ils pénètrent
partout, dans les foires, dans les maisons, et prennent tout ce qui est à
leur convenance. Aussi se nourrissent-ils comme des « rois » et sont-
ils vêtus comme des « princes. »
L'origine des Nains est complètement inconnue, mais l'opinion géné-
rale en Bretagne, en raison de leur propension au mal, est qu'ils sont
les suppôts du diable, et que c'est de lui qu'ils tiennent leurs facultés
surnaturelles. Un couplet d'une chanson que j'ai recueilli dans la com-
mune du Trévoux (Finistère), et que l'on chante en dansant le bal,
mentionne un pays des Corriganed, sans indiquer où il est situé :
Hon-man ' zo ur balic a zo cz, Voici un petit bal qui est facile,
Ha'n ve ket canet goall allez, Et qui n'est pas chanté bien souvent,
Deut euz ar vro ar C'horriganed II est venu du pays des Naines,
Gant ar marc'hadourien ronseed. Avec les marchands de chevaux*.
On croit encore fermement en Bretagne à l'existence des Nains. J'ai
1 . Le Bal est la danse qui termine la gavotte bretonne. Ce mot est indiqué dans le
dictionnaire de Le Gonidec, comme étant du masculin. Je l'ai écrit au féminin sous la
dictée du paysan qui m'a chanté ce couplet au bourg du Trévoux (Finistère) en 1858.
2. Les marchands de chevaux qui fréquentent aujourd'hui les foires de Bretagne, viennent
pour la plupart de la Normandie ou de l'Espagne. Les rapports entre les Bretons, les Basques
elles Espagnols ont été fréquents au moyen-âge; M. Luzel a publié un chant {Cwcrziou
Breiz-Izel, p. 121) où il est question d'un saint Jacques de Turquie. J'ai découvert depuis
dans la petite église de Pouldavid, près Douarnenez (Finistère), un saint Jacques de Tur-
quie (sant Jakez an Turkez), placé en regard d'un saint Jacques d'Allemagne. Ce saint
Jacques de Turquie tient un bourdon à la main et est revêtu d'une robe de pèlerin garnie
de ces coquilles que l'on nomme vulgairement coquilles de saint Jacques [Pccten Jacobœus
Lam.). Ce sont là évidemment des souvenirs qui datent de l'époque de la domination
des Maures en Espagne. La statue que je viens de mentionner présente une particularité
curieuse. Elle porte, en effet, au-dessus de sa tête, un fer à cheval fixé à l'extrémité d'une
tige de métal; ne serait-ce pas une réminiscence du croissant turc?
de la Basse-Bretagne. 2 3 1
rencontré bien souvent des vieillards qui, non-seulement, prétendaient
en avoir vu, mais qui affirmaient avoir été enlevés par eux dans leur
enfance, et n'avoir dû leur salut qu'à la prompte intervention de leurs
parents. Cependant, si !a plupart des Bretons sont convaincus que cette
race a existé, ils pensent maintenant que bien qu'il se trouve encore
quelques Nains disséminés dans les villes et dans les bourgs de la Bre-
tagne, la masse de la nation a émigré, depuis bien des années déjà,
pour une contrée aussi inconnue que celle dont ils sont originaires. On
verra ci-après, dans les récits destinés à développer quelques-uns des
faits mentionnés dans ce préambule, de quelle manière on les obligea à
quitter le pays.
La Pierre merveilleuse. — Une Corrigan se trouvant sur le point
de donner le jour à un enfant fit chercher une vieille sage-femme de sa
connaissance à la ville la plus voisine de sa demeure. Après la naissance
de l'enfant, et lorsque la sage-femme l'eut emmaillotté à la manière
ordinaire et se fut assise au coin du foyer pour le chauffer, la mère lui
dit, aussitôt qu'elle put recouvrer la parole :
Claskit aze, Gommer, e cornik an arbel, Cherchez là, ma commère, au coin de
Hag e cafot ur vilien ; l'armoire,
Frotit anezhi deuz daoulagat va hiigel. Et vous y trouverez une pierre ronde ;
Frottez-en les yeux de mon enfant.
— Que signifie ceci .? se dit la sage-femme, cette pierre aurait-elle
donc quelque propriété m.erveilleuse .'' Elle l'appliqua sur les yeux de
l'enfant et, pour s'assurer si elle possédait quelque vertu, elle s'en
frotta aussi l'œil droit. Elle ignorait que cette pierre précieuse, qui
était parfaitement polie et dont la forme était celle d'un œuf, avait la
propriété de donner aux personnes dont elle avait touché les yeux la
faculté de voir les Nains lorsqu'ils se rendaient invisibles. A quelque
temps de là, il advint que la sage-femme fut à une grande foire qui se
tenait dans un bourg voisin. Le nom de ce bourg varie suivant les loca-
lités où l'on raconte cette histoire. Quelle fut sa surprise en y arrivant
d'apercevoir sa commère la Corrigan, furetant dans les boutiques les
plus richement garnies, et prenant parmi les marchandises celles qui lui
plaisaient le plus, sans que les marchands parussent en être surpris. Le
soir, en s'en retournant chez elle, la sage-femme rencontra en chemin
la Corrigan, portant un lourd panier rempli d'étoffes de la plus grande
richesse. «Ah! commère, lui dit-elle en l'abordant, vous avez fait
aujourd'hui une rude brèche aux étalages et aux boutiques d'étoffes, et
pourtant elles ne vous ont pas coûté bien cher. » — Oh ! oh ! lui
répondit la Corrigan :
2 3 2 Traditions et Superstitions
C'houi peuz va guelet oc'h ho fea .' Vous m'avfu. vue les payer,
Ha gant pe lagat em gouelet-hu brema ? Et de quel œil me voyez-vous maintenant ?
— « De l'œil droit, lui dit la sage-femme. « C'était celui qui avait
été en contact avec la pierre mystérieuse. Aussitôt la Corrigan enfonçant
un de ses doigts dans l'œil que sa malheureuse commère venait de lui
désigner, l'arracha de son orbite en lui disant avec un ricanement dia-
bolique :
N'emguelfot mui brema! Vous ne me verrez plus à présent!
Obs. — Cette tradition était répandue autrefois dans toute la Cor-
nouaille où je l'ai entendu raconter souvent dans mon enfance. Il est
aujourd'hui assez difficile de l'y retrouver complète. Dans une autre
version, qui paraît n'être qu'une altération de celle-ci, les personnages
du récit sont une femme dont la condition sociale n'est pas indiquée et
un Corrik qui ont nommé ensemble un enfant et qui sont par suite com-
père et commère. D'après cette version, le don de seconde vue dont
jouit la femme serait la conséquence du lien de compérage existant entre
elle et le Corrik.
Les enfants volés. — On commence ordinairement ce récit par un
conseil qui s'adresse aux mères : « Il n'est pas bon de laisser les enfants
seuls à la maison pour aller voir les feux de la Saint-Jean et de la
Saint-Pierre. » — Une femme qui avait les deux plus beaux garçons
du monde commit un jour l'imprudence d'aller voir le feu de la Saint-
Jean, abandonnant les pauvres petites créatures seules dans leurs
berceaux. A son retour, elle remarqua avec effroi qu'un grand change-
ment s'était opéré en eux pendant son absence. A la place des deux
charmants enfants qu'elle avait quittés un instant auparavant, elle trouva
deux petits êtres difformes, à la figure vieillotte et renfrognée. Elle ne
pouvait se rendre compte de cette métamorphose. Cependant elle
attendit quelque temps sans se plaindre. Mais voyant que les mois se
succédaient, que plus d'une année s'était écoulée, et que malgré cela
ses enfants ne grandissaient pas et ne prononçaient pas même une
parole, elle s'en fut toute désolée raconter ses peines à une de ses
voisines. Cette voisine était une femme de bon conseil et qui avait vu
bien des choses depuis qu'elle était dans le monde. — « Pauvre com-
mère! lui dit-elle quand elle lui eut fait connaître la cause de ses cha-
grinS;, vos enfants ont été volés par quelque Corrigan. — Que faire
alors pour qu'ils me soient rendus ? reprit la mère. — Retournez bien
vite chez vous, et dès que vous serez arrivée, ayez l'air de vous plaindre
de n'avoir pas le temps dç préparer à dîner pour les douze hommes qui
de la Basse-Bretagne. 2J5'
font l'écobue dans votre village (an daouzek maref). Pendant ce temps
nous irons, moi et deux ou trois amies, vous porter du lait et nous
vous demanderons si votre dîner n'est pas encore préparé. Vous pren-
drez alors une coque d'œuf et vous y mettrez de la pâte en disant à
haute voix, après l'avoir mise sur le feu : Il faut que je me hâte, car je
suis en retard. Quand votre bouillie sera cuite, faites mine de vous
rendre à la garenne où travaillent les écobueurs, en ayant soin de fermer
derrière vous la porte de votre maison. Mais gardez-vous de vous éloi-
gner, demeurez sur le seuil et écoutez avec la plus grande attention
ce que diront les enfants. » La mère se conforma ponctuellement aux
recommandations de sa voisine, et voici ce qu'elle entendit les Nains se
dire entre eux lorsqu'elle fut sortie de sa maison :
Nin hor beuz guelet hada dervennou Coat- Nous avons vu semer les chênes du bois de
ar-zal, la Salle,
Dansai da hanUrnoz ellcc'h maknn Brezal, Danser à minuit au lieu où est l'étang de
Hogen en hor huez n'hor beuz guel't ke- Brezal'.
mend ail. Mais dans notre vie nous n'avons vu pareille
chose.
— « Ah ! vous parlez maintenant, dit la mère en rentrant aussitôt, je
vous reconnais, maudits Nains, à votre voix cassée. » Puis, prenant une
branche de genêt vert, elle les fouetta de toutes ses forces jusqu'à ce
que la Corrigan, accourant à leurs cris, lui rendît ses enfants en lui
disant :
Dal, rounflezi, n'am euz ket gret kemend ail da'z re.
Tiens, ogresse, je n'en ai pas fait autant aux tiens.
Obs. — De toutes les traditions relatives aux Nains, celle-ci me paraît avoir
été la plus répandue en Bretagne. Je ferai cependant ici la même obser-
vation que pour celle qui précède. Il est aujourd'hui assez difficile de la
trouver complète. Dans la plupart des communes on n'en retrouve que
des fragments, mais ils suffisent à démontrer combien elle a dû être
populaire autrefois. Il en est des traditions du peuple comme de ses
chants; elles ne disparaissent pas brusquement d'un pays. Leur souvenir
1. La seigneurie et le château de Brezal (colline de la Salle), étaient situés dans la
paroisse de Plouneventer (arrondissement de Morlaix, Finistère). Ce château a dû être
fondé sur les ruines d'un établissement romain, car on trouve neuf fois sur dix des ruines
romaines dans les localités appelées la Salle (ar Zal) ou les Salles (ar Zalou). Le mot
Buzit, en français la Boissiere ou la Boixière, a la même valeur comme indication archéo-
logique. Le .mot Breon Bren qui signifie colline, éminence, n'existe plus en breton dans le
langage usuel, mais on le trouve fréquemment en composition comme dans les mots
Bre'nhanvec, Bre'ngal, Brehoulon, Bre'nilis. etc.
2. Les Bretons prononcent ordinairement Ronfez. Ils appliquent cette épithète aux
femmes d'une forte corpulence, et douées d'un grand appétit, et aussi, au figuré, aux
femmes brutales et méchantes. Ce mot me paraît être le féminin de Rounfl, ogre. C'est le
Ronfle des vieux contes français.
2J4 Traditions et Superstitions
s'y maintient au contraire très-vivace, et lors même qu'elles sont assez
effacées pour qu'on n'en puisse plus reproduire le récit que d'une
manière très-incomplète, on se rappelle les avoir entendu raconter dans
son enfance à des vieillards morts depuis longtemps. On sait fort bien
maintenant le cas que l'on doit faire de ces prétendus chants populaires
aussi parfaits dans la forme qu'ils sont remarquables par leur intégrité,
et dont on ne peut retrouver un seul vers quelques années seulement
après l'époque où l'on prétend les avoir recueillis. Une version plus
connue, peut-être, que celle-ci en diffère en ce qu'il n'y est question
que d'un enfant volé. D'après cette version, lorsque la mère place sur le
feu la coque d'œuf pour préparer le repas des laboureurs, le Nain surpris
lui adresse la parole, et une conversation s'engage entre eux'. Mais
cette conduite du jeune Nain me semble en contradiction avec la prudence
ordinaire à ceux de sa race, car malgré la curiosité que doivent lui
inspirer les préparatifs du singulier dîner dont il est le témoin, il est trop
rusé pour se hasarder à faire entendre sa voix cassée qui le trahirait
aussitôt. On comprend fort bien au contraire que, suivant la version que
je donne ici, les deux Nains, croyant leur prétendue mère bien loin, s'en-
tretiennent en toute sécurité des choses extraordinaires qu'ils viennent
de voir.
La danse et la chanson des Nains. — Un des grands divertisse-
ments des Nains est de danser la nuit au clair de lune, autour d'un grand
feu. C'est dans les landes désertes qu'on les voit se livrer avec une sorte
de frénésie à cet exercice, en chantant les premières paroles d'un cou-
plet qu'ils n'achèvent jamais eux-mêmes. Il semble, au reste, qu'il y ait
dans ces paroles plus de rimes que de raison, car elles consistent unique-
ment dans l'énumération des premiers jours de la semaine. Les voici
telles qu'ils les chantent :
I, M. Tranois, ancien proviseur du lycée de Saint-Brieuc, a encadré cette version dans
un récit d'une lecture fort attachante publié en 1834 dans le tome IV' de la Revue de
Bretagne, recueil devenu très-rare aujourd'hui et dont l'existence a été de courte durée.
Comme les paroles qu'il place dans la bouche du jeune Nain diffèrent de celles que j'ai
données plus haut, je les reproduis ici en modifiant légèrement l'orthographe du texte qui
me paraît incorrecte :
Me am euz guel't coat Brezal; J'ai vu le bois de Brezal,
Me am euz ho guel't t mez hag e guial; Je l'ai vu en glands, je l'ai vu en gaules ;
Me am euz ho guel't e soliou e maner Brezal; Je l'ai vu servir de poutres au château de
Ha biscoaz n'am euz guel't kemend ail. Brezal ;
Et jamais pourtant je n'en ai vu autant.
Je crois que c'est sur le récit de M. Tranois que repose le pastiche qui figure dans le
Barzaz-Breiz, sous le titre de V Enfant supposé. Ceux qui sont assez lieureux pour posséder
la Revue de Bretagne, pourront comparer les deux pièces.
de la Basse-Bretagne. 2J5
Dissul, Dimanche,
Dilun, Lundi,
Dimeiirs ha dimerc'her, Mardi et mercredi,
Diriaou ha dirgucner. Jeudi et vendredi.
Si, pendant qu'ils dansent ainsi, un passant attardé a la mauvaise
fortune de traverser la lande où ils font leurs ébats, ils l'appellent par son
nom, et s'il a l'imprudence de répondre, il est entraîné dans le tourbillon
de leur ronde, jusqu'à ce qu'épuisé de fatigue, il tombe mourant sur le
sol. Il a cependant trois moyens de se soustraire au sort qui lui est
réservé. Le premier est d'achever le couplet que chantent les Nains, en
y ajoutant un ou deux vers. (Cette tradition est répandue dans toute la
Cornouaille). Ils ne sont pas exigeants pour la rime; de simples asson-
nances suffisent à les mettre en gaieté. Le second consiste à placer ses
sabots en entrant dans la ronde, de telle façon qu'après le premier tour
de danse, il puisse y mettre à la fois les deux pieds. S'il ne réussit pas
au premier tour, ce moyen lui échappe, il ne peut plus recommencer '.
Le troisième est de planter un bâton en terre, à l'endroit où il commence
à danser, et de le saisir de la main, en finissant le premier tour. (Com-
munes des environs de Saint-Pol-de-Léon et de Quimper et commune du
Trévoux, Finistère.)
Les histoires que l'on raconte en Bretagne des rencontres de voya-
geurs avec les Nains ne sont pas très-variées. En voici quelques-unes
qui donneront une idée des autres.
Un habitant de la commune de l'Hôpital-Camfront (Finistère) s'en
revenait un soir du bourg, portant sur la tête une grande tourte de pain
de seigle 2, lorsqu'en traversant une lande il fut arrêté par les Nains qui
l'obligèrent à danser et à chanter : — Dissul, Dilun, Dimeurs Im Dimer-
c'her, Diriaou ha Dirguencr! disait-il avec eux. — Après ! lui criait-on ;
— ha Dissadorn, ha Dissul! répondait-il — Après ! après ! cela ne rime
pas. Il suivait haletant les mouvements de la danse portant toujours sur
la tête sa tourte pesante, sans qu'il lui vînt à la pensée que ce que les
Nains exigeaient de lui était une rime au mot Dissul. On le fit danser si
1. D'après une version que j'ai recueillie dans la commune de Saint-Eloi (^Finistère),
c'est après le troisième tour que l'on doit sortir de la danse.
2. La grande tourte de pain de seigle que l'on trouve dans toutes les fermes bretonnes,
enveloppée dans un linge et recouverte d'un panier à un des bouts de la table, pèse quel-
quefois près de quarante kilogrammes. On emploie pour la couper un coutelas long
d'environ soixante centimètres, muni d'un manche court et terminé par un anneau qui
sert à l'accrocher à la muraille. Pour en faire usage on appuie le pain contre la poitrine,
et tenant le couteau à deux mains, on enlève en le tirant à soi des tranches minces ou
épaisses selon les besoins. Dans quelques communes, entre autres dans celle de Clohars-
Carnoët (Finistère), ce grand coutelas est remplacé par un instrument à lame recourbée,
ayant à peu près la forme d'une faucille et tranchante des deux côtés.
2 j6 Traditions et Superstitions
longtemps et faire tant de bonds désordonnés que la tête du pauvre
patient finit par passer à travers le pain, qui lui tomba comme un collier
sur les épaules. On s'imagine bien quelle piteuse mine il devait faire
dans cet état. Les Nains le firent tourner encore pendant quelque temps
en riant aux éclats, et finirent par le chasser hors de leur cercle, en le
poursuivant de leurs huées.
Cette aventure avait mis les Nains en trop joyeuse humeur pour qu'ils
ne cherchassent pas l'occasion de la renouveler. Ayant réussi peu après
à attirer dans leur danse un autre homme qui portait aussi sur la tête une
tourte de pain de seigle, ils s'imaginèrent qu'ils en auraient aussi bon
marché que de leur première victime. Ils se trompaient; car à peine
étaient-ils arrivés au quatrième vers de leur chanson, que le nouveau
venu s'écria :
Dissadornik* ha Dissul Samedi et dimanche,
Vo laket an tonik var ar mul ! On mettra la tourte sur le mulet!
Ils virent alors qu'ils avaient affaire à un homme d'esprit et ils le con-
gédièrent sans lui faire aucun mal. J'ai recueilli cette tradition dans les
communes de Hanvec, de Saint-Eloi et d'Argol (Finistère).
Une autre histoire bien plus populaire que la précédente est celle de
ce vieux tailleur bossu qui, surpris la nuit par les Nains et forcé de danser
avec eux, compléta ainsi leur chanson :
Diriaou ha Dirguener Jeudi et vendredi
Oa arfoar 'bars e Kemper!" U y avait foire à Quimper!
Les Nains, émerveillés de son talent de rimeur, prièrent leur chef de
lui enlever sa bosse. Ce qui fut fait. Dans la même soirée, il arriva qu'un
jeune homme fort bien mis et paraissant avoir une haute idée de sa per-
sonne, rencontra cette même bande de Nains. S'il avait des avantages
physiques que le tailleur ne possédait pas, il était du côté de l'esprit
moins bien doué que lui. Longtemps il dansa, longtemps il chanta sans
pouvoir trouver une rime pour terminer la chanson. Les Nains le puni-
rent de sa sottise en l'affublant de la bosse qu'ils avaient enlevée au vieux
tailleur. (Communes de Châteauneuf-du-Faou, de Laz, de Saint-Goazec,
etc., Finistère.)
Il existe plusieurs versions de ce conte. D'après l'une de ces versions.
1. Diminutif de Dissadorn, dimanche, employé ici pour la mesure.
2. Une autre manière de terminer la chanson des Nains, qui m'a été indiquée dans
les communes d'Argol et de Tregarvan (Finistère), est celle-ci :
Diriaou ha dirguener, Jeudi et vendredi,
Pephini a ia d'ar ger! Chacun s'en va chez soi!
de la Basse-Bretagne. 2J7
les deux personnages étaient tailleurs et bossus tous deux ; de sorte que
la victime sortit de la danse le dos chargé de deux bosses au lieu d'une.
Une autre version diffère des précédentes en ce que les deux héros du
conte sont tailleurs et que le vieux bossu, au lieu de finir la chanson des
Nains par les mots Oa ar foar 'bars e Kemper, la termine ainsi :
Ha dissadorn ha dissul,
Setu ma achu ar zun !
Et samedi et dimanche,
Voilà la semaine finie!
Selon M. Tranois, qui a le premier publié cette version ', les Nains
sont condamnés par une puissance inconnue à une longue pénitence qui
ne doit finir que lorsqu'un passant surpris par eux ajoute à leur chanson
les mots setu ma achu ar zun, «voilà la semaine finie«. Je n'ai nulle part
rencontré cette tradition. Les exemples que je viens de citer prouvent
que l'on peut terminer de différentes manières le couplet que chantent
les Nains pourvu qu'on ne néglige pas la rime, quelle que soit d'ailleurs
l'insignifiance du fond. Il y a peu de communes en Bretagne où l'on ait
conservé l'air de la chanson des Nains. On la chante cependant encore
dans les Montagnes-Noires, entre Châteauneuf-du-Faou (Finistère) et la
limite de ce département. Cet air est des plus simples. La première
mesure se chante piano ; puis la voix s'élève jusqu'à la fin, par un crescendo
si rapide que les dernières notes ressemblent plus à des cris qu'à un chant.
En voici la musique telle qu'un ami a bien voulu la noter pour la
Revue Celtique.
Dis-sul, Di - lun, Di - meurs ha Di-merc'h-
fe^^i-^^^^^^^
— er, Di - ziaouha Dir-gue-ner, ha Dis-sa-dorn ha Dis-
É— -- -~-rr p^Dacapo.
- sul, se -tu ma a-chu ar zun. Dis - sul, Di.etc
I. Sous le titre de Histoire de Coulotimer et de Gu:lchand. dans le tome IV de la
Revue de Bretagne, publié à Rennes en i8^? et 1854- E. Souvestre en a fait le sujet
d'un conte intitulé Les Korils de Plauden, inséré dans son Foyer Breton. Je ferai observer
en passant que je n'ai jamais entendu dans la Bretagne bretonnante désigner les Nains par
les mots Korils, Poulpilcets ou Poulpicans.
2j8 Traditions et Superstitions
Le chapelet bénit. — Une bande de nains s'amusait depuis quel-
que temps à prendre les chevaux, les bœufs et la charrue d'un fermier
et à labourer ses champs pendant la nuit. Cela plut d'abord au fermier
qui voyait déjà dans ses greniers la récolte que les nains lui préparaient
ainsi. Il fut bien vite désabusé ; car quoique le travail parût fort bien
fait au moment où il s'exécutait, le lendemain non-seulement il n'en
restait plus de traces, mais les champs paraissaient n'avoir pas été cul-
tivés depuis de nombreuses années. « Bleud an diaoul a ia da vrcn ', «
se dit le fermier, et comme il était bon chrétien et qu'il voulait se venger
de ces ouvriers du diable, voici l'expédient qu'il imagina pour les con-
traindre à faire pour lui, d'une manière utile et sans danger pour son
salut, la besogne qu'ils avaient si souvent faite dans l'unique but de se
moquer de sa crédulité. Un soir, à l'heure où les nains commençaient
leur travail habituel, il se glissa derrière eux, muni d'un chapelet bénit,
et aussitôt que la charrue eut atteint l'extrémité du premier sillon, il
posa son chapelet sur le sol fraîchement remué. Il recommença cette
opération après le labourage de chaque sillon, et le lendemain tout le
champ se trouva parfaitement cultivé, au grand contentement du fermier
et à la confusion des nains, qui renoncèrent pour toujours à ce genre
d'amusement. (Arrondissements de Brest et de Morlaix, Finistère).
Le nain cordonnier. — Il était une fois un veuf qui avait épousé
une veuve. Chacun d'eux avait une fille, et celle du mari était chargée
de la garde des vaches de la ferme. Un jour qu'elle les avait menées
paître dans une lande et qu'elle se reposait sur une pierre, elle aperçut
tout à coup à ses côtés une vieille femme qui filait. « Il y a déjà bien
des années que je suis morte, lui dit la vieille, mais avant de m'ouvrir la
porte de son paradis, le bon Dieu m'a imposé pour pénitence de revenir
sur la terre pour y filer autant de chanvre que j'en ai volé pendant ma
vie. Ma pénitence va bientôt finir; mais comme vous ne paraissez avoir
aucune occupation pour vous distraire, si vous le voulez, je vous appren-
drai à filer. ■)■) La jeune fille accepta cette offre avec empressement, et
un jour que les deux femmes travaillaient assises l'une près de l'autre,
un nain s'approcha d'elles et invita la jeune fille à danser. Elle y con-
sentit, ce qui fit grand plaisir au nain ; et comme il était cordonnier de
son état, il fit pour elle une paire de souliers, et lui donna en pré-
sent un beau Justin ^ tout neuf. Il fut ensuite la demander en mariage à
1. Farine du diable tourne en son. — On croit dans les communes d'Argo! et de Tre-
garvan (Finistère) que les Nains sont des enfants morts sans baptême, qui ne pouvant
voir Dieu, sont condamnés à demeurer sur la terre.
2. Sorte de gilet à manches à l'usage des femmes.
de la Basse-Bretagne. 239
son père, qui n'eût voulu pour aucun prix donner sa fille à un être de
cette espèce. Cependant craignant la vengeance du nain, il feignit d'agréer
sa demande; mais le jour du mariage il substitua à sa propre fille celle de sa
femme. Tout allait fort bien, lorsqu'en faisant la toilette de la fiancée on
s'aperçut que les vêtements qu'elle devait porter et qui étaient ceux qui
avaient été donnés par le nain étaient trop étroits pour elle. Il fallut donc,
pour qu'elle pût les mettre, couper les talons de ses souliers et fendre son
Justin dans toute la longueur du dos. Pendant que les deux futurs époux
se rendaient au bourg pour se marier, les pies, les merles et d'autres
oiseaux chantaient tout le long de la route, pour se moquer du nain:
« Son dos est coupé! ses talons sont coupés! — Comprenez-vous,
lui demanda la jeune fille, ce que disent ces oiseaux.'' — Oui, dit le
nain, en regardant les vêtements de sa compagne, ils disent que vous
n'êtes pas celle que je veux épouser.» Puis lui ayant fait ôter les souliers
et l'habit qu'elle portait, il s'en retourna à la ferme et exigea qu'on lui
donnât pour femme la jeune fille qu'il avait demandée en mariage. L'his-
toire ajoute que la noce fut très-gaie et que les nains, qui y furent in-
vités en grand nombre, y dansèrent beaucoup, en chantant leur chanson
ordinaire. (Commune de Pluguffan, Finistère.)
La vache du pauvre homme. — Quelques nains, après avoir dansé
une partie de la nuit au clair de lune, se sentant en appétit, entrèrent
dans la maison d'un pauvre journalier qui ne possédait d'autre bien
qu'une vache. Us y allumèrent un grand feu, et après avoir dépecé
l'animal et l'avoir fait rôtir, ils commencèrent à le dévorer avec leur
gloutonnerie habituelle. — « Donnez-m'en au moins un morceau, leur
dit le pauvre homme, qui voyait de son lit disparaître rapidement les
débris du seul bien qu'il eût au monde, et dont la faim était peut-être
aiguisée par l'odeur du rôti. — Ah! tu veux être de la fête, s'écrièrent
les nains en riant, tiens, voici ta part du festin, mange, et si tu es un
joyeux convive, nous te promettons de te rendre ta vache vivante. )> Le
pauvre diable ne se fiait pas trop à la promesse de ses hôtes ; toutefois
faisant contre fortune bon cœur, il parut manger de bon appétit la part
qu'il avait reçue des nains. Dès qu'il fit jour, il courut à sa crèche, et
grande fut sa joie d'y apercevoir sa vache. Elle ne fut pas de longue
durée. Sa vache était bien vivante, mais il lui manquait, hélas! le mor-
ceau qu'il avait mangé pendant la nuit ' . (Commune de Beuzec-Cap-
Sizun, Finistère.)
I. M. Ducrest de Villeneuve a inséré dans son roman intitulé Le Bandoullier, une tra-
dition recueillie par lui dans l'arrondissement de Lannion (Côtes-du-Nordl et qui a avec
240 Traditions et Superstitions
Les nains du Torghen-de-Laz. — Au village du Merdy, dans la
commune de Laz^, quand on voulait servir la soupe pour douze personnes,
il fallait mettre treize écuelles sur la table, car l'une d'elles disparaissait
toujours sans que l'on pût savoir ce qu'elle devenait. Une famille de
nains avait, il est vrai, fixé sa demeure dans des rochers au sommet d'un
Torgen ', à peu de distance du village, mais elle paraissait vivre en
bonne intelligence avec les voisins, qui n'avaient jamais eu à s'en plaindre.
Il y avait déjà longtemps que les gens du Merdy subissaient cet impôt
forcé, lorsqu'un jour le fermier, en passant pour se rendre chez lui, à
peu de distance de la demeure des nains, entendit une voix qui sortait
du milieu des rochers lui crier ces paroles :
Pa viot arru e penn ar roz, Quand vous serez arrivé au bas du coteau,
Lavarit da Bipi bihan eo maro Pipi goz. Dites à petit Pierre que le vieux Pierre est
mort.
A partir de ce moment, on ne remarqua plus à la ferme d'irrégularités
dans le service des repas, et l'on en conclut que l'invisible mangeur de
soupe était le fils du nain du Torghen; que chassé de la maison paternelle ■
pour une faute inconnue, il s'était réfugié au village du Merdy, où il
vivait à l'aise, et qu'enfin son père étant mort, sa mère l'avait fait pré-
venir de rentrer dans sa famille dont il devenait naturellement le chef.
(Commune de Laz, Finistère.)
Le BATON DE LA CHARRUE. — Un fermier de Plemeur possédait un
troupeau de petites vaches jaunes et blanches dont il était très-fier, car
elles étaient les plus belles et les meilleures de la paroisse. Il paraît
qu'elles furent du goût d'une tribu de nains qui rôdaient dans les envi-
rons, car un soir, en entrant dans la prairie où il les avait conduites le ■
matin, le fermier vit qu'elles étaient entourées d'un grand nombre de petits
celle-ci un rapport éloigné. En voici la substance : Un fermier a perdu ses bœufs, ou :
plutôt les Nains les lui ont volés. Il va près de leurs terriers et leur dit : « Rendez-moi ,
mes bœufs. » Le lendemain, il trouve ses bœufs à sa porte, mais ils n'ont plus de cornes, i
Il retourne à la demeure des Nains et les prie de nouveau de lui rendre ses bœufs ,
avec toutes les parties de leur corps, dont il fait l'énumération en oubliant cependant de ,
mentionner la queue. Le lendemain, ses bœufs sont encore à sa porte, mais ils sont
dépourvus de queue. Il fallut l'intervention du curé pour faire rendre au fermier ce qu'il
avait perdu.
I. Ce mot signifie tertre, butte, éminence, soit naturelle soit artificielle. Il sert géné-
ralement avec le mot Run, à désigner les tumulus et les mottes féodales. Peu d'e-xpres- i
sions varient autant que celle-ci dans la manière de les écrire et de les prononcer. En l
voici les principales formes : Torgan, Torgen, Torchai, Tosken, Tossen, Turchen, Tusken,
Tuchen, Tussen. On trouve dans le Catholicon de J. Lagadeuc, Touchai, g. gazon, 1. ,
cespes. C'est le mot français la Touche. On donne souvent par erreur le nom de Torche de
Penmarc'h à une anfractuosité de rocher oîi la mer se brise avec fracas. La véritable Torche
de Penmarc'h est un grand tumulus situé à peu de distance de ce rocher, à l'extrémité
d'une pointe qui s'avance dans la mer. ^
de la Basse-Bretagne. 241
êtres dont il n'eut pas de peine à reconnaître la nature. A son approche,
nains et vaches disparurent dans un trou, et le fermier n'eut plus devant
les yeux que l'herbe verte de la prairie. Après avoir attendu vainement
pendant plusieurs heures, il s'en retourna chez lui tout désappointé, mais
avec l'espoir de ramener son troupeau le lendemain. Il n'en fut rien
malheureusement, et toutes les tentatives qu'il fit pour recouvrer ses
vaches furent inutiles. De loin il les voyait paître comme à l'ordinaire,
mais dès qu'il s'en approchait elles disparaissaient aussitôt. Il se décida
enfin à aller consulter un savant du pays qui lui dit : « Cessez de lutter
avec les nains comme vous l'avez fait jusqu'ici, vous succomberez tou-
jours. Si vous voulez rentrer en possession de vos vaches, vous n'avez
qu'un moyen de vaincre les nains, c'est de les combattre avec le Baz-
an-Arar (le bâton de la charrue). » Il suivit le conseil du savant, et dès
qu'il entra dans la prairie, les nains à la vue de l'instrument dont il était
armé s'enfuirent épouvantés en criant :
Lez hi, lez hen, Laissez-la, laissez-le,
Baz an arar zo gant hen; Le bâton de la charrue est avec lui;
Lez hen, lez hi, Laissez-le, laissez-la,
Baz an arar zo gant hi. Le bâton de la charrue est avec elle.
Le fermier victorieux ramena joyeusement son troupeau. Quant aux
nains ils avaient disparu, et depuis ce moment on ne les a jamais revus
dans la paroisse. (Communes de Plemeur, Guidel, etc., Morbihan. — On
connaît aussi le pouvoir du bâton de la charrue dans plusieurs communes
de la Cornouaille.)
Mariages et migration des nains. — Les actes de cruauté commis
par les nains avaient rendu si timides les populations des campagnes, que
ces païens, ne mettant plus de bornes à leur insolence, prirent l'habitude
d'entrer pendant la messe dans les églises chrétiennes, et d'y célébrer
leurs mariages, suivant le rite de leur nation. Voici comment se prati-
quait cette cérémonie. Au moment où le prêtre publiait les bans, le nain
qui voulait se marier prenait sur ses bras sa fiancée, comme un enfant,
et faisait trois fois le tour de l'église en criant :
Gan-en 'ma ma flandrik, Avec moi est ma bien-aimée,
Piou na lavaro grik? Qui dira mot?
On se gardait bien de rien dire, car on savait que celui qui eût fait
une seule observation aurait eu les yeux crevés par le nouveau marié.
Cependant le nombre des nains augmentant de jour en jour, et avec eux
leurs vols et leurs rapines, la Bretagne était entièrement ruinée, et ses
habitants plongés dans la consternation. Les Bretons s'adressèrent alors
à leur évêque, pour le prier de délivrer le pays de ce fléau. Il y parvint
242 Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne.
de la manière suivante : Plusieurs personnes avaient remarqué à la messe,
que pendant la lecture de l'évangile, les nains perdaient une grande
partie de leurs forces, et semblaient s'affaisser sous l'action d'une puis-
sance supérieure. On fit part de cette observation à l'évéque, qui ordonna
aux prêtres de toutes les paroisses de faire lire une seconde fois l'évan-
gile, à la fm de la messe. Les nains ne purent résister à cette épreuve.
Plusieurs d'entre eux y succombèrent, mais la masse de la nation aban-
donna le pays et n'y reparut jamais C'est depuis cette époque que s'est
établie la coutume de lire l'évangile à la fm de la messe. (Commune de
Pluguffan, Finistère.)
En terminant ces récits, reproduits dans toute leur simplicité, je
voudrais soumettre au lecteur une observation qui s'est plusieurs fois
présentée à mon esprit et qui, si elle n'explique pas l'origine de la
croyance à ces êtres surnaturels, peut cependant faire comprendre pour-
quoi les traditions qui s'y rapportent se sont mieux conservées en Bre-
tagne que dans les autres pays.
On sait combien sont nombreux en Bretagne les monuments funéraires
appelés Dolmens ou allées couvertes. Lorsque ces monuments sont restés
enfouis sous l'éminence factice qui les enveloppe, les paysans y attachent
généralement l'idée d'une sépulture, mais quand par suite de la dispari-
tion des terres qui les recouvraient, ils se trouvent visibles en tout ou en
partie, ils ne représentent plus pour eux la même idée. A leurs yeux ce
sont des maisons, et certes plusieurs sont des palais, si on les compare aux
tanières gauloises et à beaucoup d'habitations du moyen-âge. Or ce premier
fait admis, voici les conséquences qui pour eux en découlent nécessai-
rement. Ces maisons étant très-basses ne peuvent être habitées que par
des gens de petite taille. Comme elles sont formées d'énormes matériaux,
les petits êtres qui les habitent et qui les ont sans doute construites,
doivent être malgré leur petite taille doués d'une force extraordinaire.
D'un autre côté, comme on ne voit jamais dans ces maisons ceux qui y
demeurent, ils doivent avoir la faculté de se rendre invisibles. De plus
le nombre de ces maisons étant très-considérable, leurs habitants sont
nécessairement fort nombreux et constituent une véritable peuplade. Je
ne voudrais pas tirer de cette observation une conséquence trop absolue.
Mon intention est seulement de montrer qu'il n'est pas impossible que
les gens de la campagne soient arrivés par ce simple travail de synthèse
à se former un canevas sur lequel l'imagination a pu ensuite broder ses
plus riches fantaisies.
R. F. Le Men.
PROVERBES ET DICTONS
DE
LA BASSE BRETAGNE
Les travaux consacrés à faire connaître les proverbes des Bretons Armori-
cains ont été peu nombreux jusqu'à ce jour. Le seul recueil, digne de ce nom,
que possède la Bretagne, est le livre de Brizeux, intitulé Fiirne: Breiz, Sagesse
de Bretagne, ou Recueil de proverbes bretons par A. Brizeux, suivi d'une notice sur
Le Gonidec, par le même; — i vol. in- 12 de 108 et 18 pages, Lorient, Gousset,
1855. — Le même ouvrage a été réimprimé dans les œuvres complètes de
Brizeux, 2 vol. grand in- 12, Paris, Michel Lévy, 1861. Il occupe la fin du
premier volume (pages 541-412). — C'est un travail sérieux, fait avec une
entière bonne foi, mais qui, de l'aveu même de son éminent auteur, est fort
incomplet. Il ne renferme guère que deux cents proverbes, puisés tant aux sources
orales qu'aux sources écrites. Parmi ces dernières, il faut citer au XVIII' siècle,
les Dictionnaires de Grégoire de Rostrenen et de Larmery, le Buguel Fur, et le
Voyage dans le Finistère de Cambry; au XIX', le Dictionnaire de Le Gonidec,
les livres de Souvestre sur la Bretagne et le Barzaz-Breiz.
Avant le recueil de Brizeux avait paru (à Morlaix, chez Guilmeri, sans nom
d'auteur et sans date, mais vraisemblablement vers 1830, une petite brochure
dont le titre peu exact est Proverbou Spagnol, troet e Verzou Brezonnec, gant
M'"" (in-12 de 12 pages, renfermant 156 proverbes). Dans cette brochure de-
venue très-rare, et que Brizeux n'a pas dû connaître, se trouve un certain
nombre d'adages plus populaires à coup silir en Bretagne qu'en Espagne. Quel-
ques-uns même ont été empruntés presque littéralement au dictionnaire de Gr.
de Rostrenen, et au Buguel Fur. D'autres appartiennent à la tradition bretonne,
et il ne serait pas impossible de les retrouver presque tous. Telle était aussi,
sans aucun doute, l'opinion de M. LeMoal, ancien curé de la paroisse de Saint-
Martin, à Morlaix, qui en a donné une édition sous le titre de Meur a lavarou
koz ha talvoudec, à la suite d'un Chemin de Croix {Hcnt ar Groaz, gant prede-
rennou var ann ene, in-8', Morlaix, Lédan, 1843). M. Le Moal ne dit mot des
Proverbou Spagnol, bien qu'il n'ait fait que les reproduire, en les paraphrasant
quelquefois. Je dois ajouter, pour être exact, qu'il en a refait complètement le
texte, exilant sans pitié les mots français, et enjolivant le tout d'une orthographe
barbare qui est à elle seule une véritable curiosité.
Depuis quinze ans la parémiologie bretonne ne s'est enrichie d'aucun travail
important. Il convient toutefois de citer parmi les publications qui ont fait une
place aux proverbes, YAlmanach de Quimperlè, pour 1862, et le Dictionnaire
français-breton de M. Troude.
244 Lavarou Koz a Vreiz Izel.
LAVAROU KOZ A VREIZ IZEL.
KENTA STROLLAD.
I.
1 Kaout choant a zo galloud.
2 Neb na oar a gavo da ziski.
î Kassid ann ero da benn.
Seul gentoch,
Seul welloch.
Ar c'henta,
Ar gwella;
Na zale-ta
D'ober da dra.
Red eo gouzanv da gaout skiant,
Labourât tenn da gaout arc liant.
Red eo d'ann den n'Iien eux netra
Labourât tenn, ha nanngouela.
Ann den iaouank en diegi
A zastum poan war benn kozni.
Ar gwella bara da zibri
A vez gounezet o cliouezi.
IL
Deuz da glevcd ann alc'houedez
'Kana he zon d'ar goulou-deiz.
Evit paka louarn pe gad
Ez eo red sevel minîin mad.
Da louarn kousked
Na zeu îainni boed.
Labourit pa gousk ann dibreder,
Ho pezo ed leun ar zolier.
■
Proverbes et Dictons de la Basse-Bretagne. 245
PROVERBES ET DICTONS DE LA BASSE BRETAGNE.
PREMIÈRE SÉRIE.
I.
1 Vouloir c'est pouvoir.
2 Qui ne sait trouvera à apprendre.
5 Menez le sillon à bout. (C'est-à-dire : n'interrompez pas l'ouvrage
commencé.)
4 Tant plus tôt,
Tant meilleur.
5 Le plus tôt
C'est le mieux ;
Ne tarde donc pas
A faire ta besogne.
Il faut souffrir pour acquérir science,
Travailler d'ahan pour acquérir argent.
Il faut à l'homme qui n'a rien
Travailler d'ahan, et non se lamenter.
Jeune homme qui vit dans la paresse
Amasse tourments sur la tête de sa vieillesse.
Le pain le meilleur à manger
C'est en suant qu'on le gagne.
II.
Viens entendre l'alouette
Chanter sa chanson au point du jour.
Pour attraper renard ou lièvre
Il faut se lever de grand matin.
A renard endormi
Ne vient point morceau de viande.
Travaillez quand dort le fainéant,
Vous aurez du blé plein le grenier.
246 Lavarou Koz a Vreiz Izel.
14 'Nn hini n'eus ket c'hoant kaout naon
Na chomm ket re-bell war lie skaon.
1 5 Neb na laka poan hag akeî
N'hen devezo madou na boed.
16 0 c'hortoz ar ieod da zevel, e varv ar zaout gand ann naon.
1 7 Red eo terri ar graouenn
Evit kaout ar voedenn.
18 Ann hini vezoch aoza iod
'N euz ann tamm kenta 'vid he Iod.
ni.
19 Ar pez a zo gr et gant va zad
A zo gret mad.
20 Lagad ar mestr a lard ar mardi
Hag a laka ed barr ann arc' h.
21 Ar mestr mad a ra ar mevel mad.
22 Ann hini na oar ket senti
Na oar ket komandi.
2 ^ Na gemerit evit merour
Nag eur char nag eur tràitour.
24 Kaz maneget na dalv netra da logoia.
25 Ki besk ha kaz diskouarnet
N'int mad nemet da zibri boed.
26 Laerez he amzer hag he voed,
Brasa peched a zo er bed.
27
Gwell eo eun obérer
Evit kant lavarer.
28
Dibaod ar c'balvez
A labour heb danvez
29
Gant netra
Na reer ira.
Proverbes et Dictons de la Basse-Bretagne. 247
14 Qui ne veut avoir faim
Ne demeure trop longtemps sur son banc.
1 5 Pour qui ne met peine et attention,
Point d'argent et point de pain.
16 En attendant que l'herbe pousse, les vaches meurent de faim.
17 II faut briser la noix
Pour en avoir l'amande.
18 Celui qui prépare la bouillie
A la première portion pour son lot.
Ce qu'a fait mon père
Est bien fait.
L'œil du maître engraisse le cheval
Et comble la huche de blé.
Le bon maître fait le bon serviteur.
Celui qui ne sait pas obéir
Ne sait pas commander.
Ne prenez pour fermier
Ni un parent ni un traître.
Chat ganté ne vaut rien à chasser souris.
Chien sans queue et chat sans oreilles
Ne sont bons que pour manger.
Voler son temps et sa nourriture,
Le plus grand péché qui soit au monde.
Mieux vaut un faiseur
Que cent diseurs.
Rare est le charpentier
Qui travaille sans matériaux.
De rien
On ne fait rien.
248
Lavarou Koz a Vreiz Izd.
IV.
30
Bepred dïdalvez
A gav digarez.
Heb ar skodou hag ar c'hoat-tro
'Ve muloc'h kllvlzlen hag a zo.
Meur a hlnl a gav mad pesket dizreinet.
Anez labourât, breac'h dldorr.
Falla hlbll a zo er char a wlgour da genta
Klanv hep glac'har,
Kamm kl pa gar.
î6
Da zadorn ez eo bet ganet,
Ebad gant-han al labour gret.
?7
Ma c'hoan em c'hof me garfe ve noz,
Ar zul warc'hoaz, ha gouel antrônoz.
38
Meurlaje ! Meurlaje !
Î9
Me garfe 'badje bemde,
Ann eost ter gwech ar bla,
Gouel Mikel bep seiz via.
Eat war vloaz,
Emoc'h en noaz.
40 Pa vo ho roched oc'h ar bod,
E vo dlzolo ho sac'h-iod.
41 Dldalvedlgez
Mamm ar baourenlez.
42 Dioc'h he labour
Ar mlcherour.
43 Hanter-douget eur bec'h gret-mad.
N'euz labour nheller da verrad
En eur gemer dre ar penn-mad.
Proverbes et Dictons de la Basse-Bretagne. 249
IV.
50 Toujours fainéant
Trouve prétexte.
] I N'étaient les nœuds et le bois tordu,
Il y aurait plus de charpentiers qu'on n'en voit.
32 Plus d'un trouve bon le poisson sans arêtes (mot à mot désarêté).
]] Si ce n'est pour travailler, bras infatigable.
54 La plus mauvaise cheville du char fait du bruit la première.
5 5 Malade sans affliction,
Chien boiteux quand il veut.
56 C'est un samedi qu'il est né.
Il se réjouit de la besogne faite.
57 Mon souper dans mon ventre je voudrais qu'il fût nuit.
Que dimanche vint demain et fête après demain.
38 Carnaval! Carnaval!
Je voudrais qu'il durât toujours.
Que la récolte vint trois fois l'an,
La Saint-Michel tous les sept ans'.
L'an écoulé
Vous êtes à nu.
Î9
40 Quand votre chemise pendra au buisson.
Découvert restera votre sac à bouillie.
41 Paresse
Mère de pauvreté.
42 D'après l'œuvre
L'ouvrier.
43 Fardeau bien fait est à demi porté. —
Il n'est travail que l'on ne puisse abréger
En le prenant par le bon bout.
I. C'est à la Saint-Michel que se paient ordinairement les fermages et que l'on
change de serviteurs.
2^0
Lavaroii Koz a Vreiz Izel.
44 Ann hini a ia jounnuz a ia pell;
Ann hini a ia difounn a ia well.
45 • Kanig a dro
A denn bro;
Karrig a red
Na bad ket.
46 Na hiskoaz den na ente re
Na rafe re neubeud goudc.
47 Etre re ha re neubeud eman ar muzul jiist.
48 Kentoc^h e skuiz ar freill evit al leur.
49 Ann hini na zecli ket he bal
'Tle bep mare sec' ha he dal.
50 Ann hini a cViouitell bepred a zizec'h he veg.
5 1 Na dalv ket ar boan sutal, pa na fell ket d'ar marc'h staotat.
j2 Ho labour a ielo da labour wenn.
5 3 Eur poent a zo evit pep tra.
54
Pa weler diouskouarn ar cliad,
N'e ket re abred he vazata.
5 5 Pep tra hen euz he gentel.
56 Gant kolo hag ainzer
E teu da eogi ar mesper.
57 Neubeut tra, neubeud,
Hinkin a ra neud.
58 Gand ar boan hag ann amzer
A-benn a l ep-tra e teuer.
59 Eun dra gret na tle neîra d'eun dra da obcr.
60 Warlerc'h ar mercVier ema r iaou :
Paket ar zizun cr c'hraou.
61 Nep a gign he vaout er bloa-ma
A ve kuit da vloa d'hen touza.
Proverbes et Dictons de la Basse-Bretagne. 25 1
44 Qui va vite va loin ;
Qui va lentement va mieux.
45 Petit char qui tourne
Tire du pays (c. à d.: fait du chemin);
Petit char qui court
Ne dure point.
46 Jamais homme ne fit trop
Qui plus tard ne fit trop peu.
47 Entre trop et trop peu est la juste mesure.
48 Le fléau se fatigue plus tôt que l'aire ' .
49 Qui n'essuie sa pelle
Doit à chaque instant essuyer son front.
50 Qui siffle toujours se dessèche la bouche.
5 1 Ce n'est pas la peine de siffler, quand le cheval ne veut pas pisser.
52 Votre travail tournera en travail blanc. (C. à d.: Vous travaillerez en
pure perte.)
55 II y a temps pour tout.
^4 Quand on voit se dresser les oreilles du lièvre,
Il n'est pas trop tôt de l'assommer.
5 5 Chaque chose porte son enseignement.
56 Avec de la paille et du temps
Les nèfles mûrissent.
57 Petit à petit
Fuseau fait fil.
58 Avec de la peine et du temps
On vient à bout de tout.
59 Chose terminée ne doit rien à chose à faire
60 Après le mercredi, le jeudi :
Voilà la semaine dans l'étable. (C. à d.: Ne vous découragez
pas; plus que deux jours de travail, et dimanche viendra.)
6 1 Qui écorche son mouton cette année
Sera quitte de le tondre l'année prochaine.
I. Se dit surtout des rapports conjugaux.
252
Lavarou Koz a Vreiz Izel
62
Prena keuneud 'zo re zivezad
Pa vez red c'houeza er hiziad.
63
Allez euz a furnez
A zen ar gonegez.
64
En noz e kemerer ar ziliou,
Dale a ra vad a-wesiou.
VI.
65 Va mab, re goz ann douar evid ohcr goah anezhi.
66 Beg ar zoiic'h, beg ar vronn,
Gand ho daou e vevomp.
67 Tri beg 'zo 0 soutenn ar bed :
Beg ar vronn, beg ar zoc'h,
Hag ar beg ail 'vel ma ouzoc'h.
68
Diwar breac'li al labourer 'ma ar bed holl 0 veva
69
En douar f ail 'mafall ann éd.
70
Al louzoufall a drec'h atao.
7«
Gwell eo ijin eget nerz.
72
Dre balat sounn
Ez a ar c'hlaz dounn.
7Î
Douar askol, — douar ed;
Douar raden ne-d-eo ket.
74
Douar treaz, — douar ed;
Douar brulu ne-d-eo ket.
7i
Douar meinok,
Douar greunok.
76
Diwar ann treuz-ieod e vez ed,
Diwar ann onkl na vez ket.
77
Gand ar prajou ez eo a vager al loened,
Al loened a ro teill hag ann teill a ro ed.
78
Pa vez ker ar bleud
A vez kezek treud.
Proverbes et Dictons de la Basse-Bretagne. 2 $ )
62 C'est trop tard acheter fagots
Quand il faut souffler dans ses doigts.
6j Souvent de sagesse
Vient lenteur.
64 C'est la nuit qu'on prend les anguilles,
Attendre est bon quelquefois.
VI.
65 Mon fils, trop vieille est la terre pour qu'on se gabe d'elle.
66 Pointe du soc, pointe du sein,
Toutes les deux nous font vivre.
67 Trois pointes soutiennent le monde :
La pointe du sein, la pointe du soc,
Et l'autre pointe que vous savez.
68 Sur le bras du laboureur s'appuie le monde entier pour vivre.
69 En mauvaise terre mauvais blé.
70 Mauvaises herbes l'emportent toujours.
7 1 Mieux vaut adresse que force.
72 En bêchant verticalement
On enfonce la motte de gazon.
75 Terre à chardons^ — terre à blé,
Terre à fougères ne l'est pas.
74 Terre mêlée de sable, — terre à blé ;
Terre à digitales ne l'est pas.
75 Terre pierreuse.
Terre graineuse.
76 Où pousse chiendent poussera blé,
Où pousse avoine à chapelets, blé ne poussera.
77 Avec les prairies on nourrit le bétail,
Le bétail donne du fumier, le fumier donne du blé.
78 Quand la farine est chère
Les chevaux sont maigres.
254
Lavarou Koz a Vreiz Izel.
79
Bezin louet ha teill brein
Ra d'ar c'houer sevel he gein;
Bezin brein ha teill louet
Lak' ar c'houer da giask he voed.
8o
Na espern teill met espern had ;
Ha mar feuz hadet eun dournad,
Te hen àevezo eurfalsad.
8i
Teill denved hag hada dioc'h-tu
A lak' ann heiz da veza dru.
82
Teill a grogadou,
Segal a bochadou.
83
Pa hadi kass had,
Pe losk dihad.
84
Hada lann e pep mi:,
Nemet e miz eost ha pa vez avel viz.
8$
Ann hini 'ved hag 'had soudenn
'Goll eur bar a war bep ervenn.
86
Ar falla gounid euz a Vreiz
A zo gwiniz warlerch heiz.
87
Coude gwiniz gounid heiz
Gwella gounid a zo e Breiz.
88
Heiz dibell ha gwiniz pellek
A lak' ann arc' h da veza barrek.
89
Ne deuz netra 0 paea ann dud e par ann amzer
90
Dioc'h a reot,
E kavot.
9'
Etouez ar muia drein
Eman W gaera rozen.
92
Sotoc'h evit ann den
A-wesiou her c'helenn.
93
Pa vez avel krenv, niza ;
Pa vez kalm, tamoeza.
94
E peb amzer kelenn,
A-wesion goure hemenn.
Dasiiimcl ha troct c gallck gant L. ¥ . Salvet.
Proverbes et Dictons de la Basse-Bretagne. 2 ^ 5
79 Goémon moisi et fumier pourri
Font que le laboureur se redresse ;
Goémon pourri et fumier moisi
Mettent le laboureur à chercher son pain.
80 N'épargne pas le fumier mais épargne la semence;
Et si tu as semé une poignée,
Tu récolteras une brassée. (Mot à mot : une faucillée; c.àd.
tout ce que peut abattre un coup de faucille.)
81 Engraisse avec du fumier de mouton et sème aussitôt,
Tu auras de l'orge à foison.
82 Fumier à pleines fourches,
Seigle à pleins sacs.
8^ Quand tu sèmes, porte de la semence.
Ou laisse en jachère.
84 Sème l'ajonc en tout mois,
Si ce n'est au mois d'août et quand le vent souffle du nord-est.
85 Qui moissonne et sème aussitôt
Perd un pain sur chaque sillon.
86 La plus mauvaise culture de Bretagne,
Froment après orge.
87 Après le froment semer de l'orge,
La meilleure culture de Bretagne.
88 Orge sans balle et froment à balle
Font que la huche devient comble.
89 il n'est rien à l'égal du temps pour payer les hommes.
90 Comme vous ferez,
Vous trouverez.
91 Oià il y a le plus d'épines
Sont les plus belles roses.
92 Plus sot que l'homme
Lui donne quelquefois des leçons.
9^ Quand le vent est fort, vanne ton blé ;
Quand il est calme, tamise-le.
94 En tout temps enseignement.
Quelquefois commandement.
Recueilli et traduit par L. F. Sauvé.
MÉLANGES
MYTHOLOGICAL NOTES.
The following brief notes are hère published in continuation of those
printed in the préface to Three Irish Glossaries, pp. xxxu-xli, and in my
édition of 0' Donovan's version of Cormac's glossary, pp. 19, 35, 63,
71, 107.
I. The Lnchorpàn.
This meaningofthisname « parvumcorpusculum n, — from hir=ilaghu.,
s-Aay6, and corpàn, a diminutive of corp = corpus, — appears clearly
from the commentary on the Senchas Mâr (I, 70. 71) where abac
« dwarf )) is thrice used as its équivalent :
Fecht naen ann iarsin liiid Fergus ocus a ara Muena a ainni dochum mara.
seicis ocus rocoîailsit for bru in mara. Dolotar immorro luchorpain cusin rig
conambertaiar asa carpat ocus rucsaî a cloidem uad i tosach. Ronucsat
iaram corainic a muir * ocus rosnairig Fergus iarsin à rdncatar a chosa a
muir. Dofiuclitradar lasodain ocus rogab îriar dib .i. fer cechtar a dâ
Idm *" ocus fer for a bruinnib . Anmain in anmain [.i. anacal]. Tartar ma
tri drinnroisc [.i. roga] ol Fergus. Rotbiah ol int abac acht ni *" bcs
ecmacht duind. Rochuinne Fergus fair eolus foberta fo lochaib ocus iindaib
ocus muirib. Rotbiah ol int abac acht aen urchuillim airiut ni deochais fo
loch Rudraidhe fd it crich feisin. Tobertatar na lucuirp luibe do iarsin ina
cluasa ocus imteged ko fo muirib. Atberat araile is int abuc atbert a brat do
ocus atcartad Fergus fo cenn ocus imteghed fo muirib samhlaidh.
i( One time then thereafter Fergus and his charioteer (Muena his name)
set out to the sea, reached it, and they slept on the sea-shore. Now
luchorpain came to the king and bore him out of his chariot and they first
took his sword from him. They afterwards took him as far as the sea
* Printed muire
** Printed da lai m
'" Printed ni
Mélanges. 257
and Fergus perceived them when his feet touched the sea. Whereat he
awoke and caught ihree of them, to wit, one in each of his two hands,
and one on his breast. <( Life for life « (i. e. protection) say they. « Let
my three wishes (i. e. choices) be given « says Fergus. « Thou shalt
hâve, says the dwarf, save that which is impossible for us ». Fergus
requested of him knowledge of passing under loughs and linns and seas.
« Thou shalt hâve, says the dwarf, save one which I forbid to thee: thou
shalt not go under Lough Rudraide (which) is in thine own country ».
Thereafter the luchuirp (littlebodies) put herbs into his ears and he used
to go with them under seas. Others say it is the dwarf that gave his
cloak to him and that Fergus used to put it on his head and thus go
under seas. »
The origin of the luchorpàin is thus stated in the Lehor na huidrc,
p. 2 a :
De senchas na îorothor .i. na lucrupan 7 najomorach insâ sis.
Fechtas rohoi nôl intabernacuil ina choîlud arnôl fhlna y ishé lomnocht
cotdnic a mac adochom .i. cam conaca amal rohdi 7 conderna gdri imhi 7
coroinnis diabrdîhrib .i. do iâfeth 7 do sém 7 dodeochatarside 7 a ail rempo
arnaictls féli anathar 7 doraisat a étach taris. Atracht noi iarsin asachotlud
7 rojallsiged de cam diafochaitbiud [7 romallach cam'] iarsin 7 robennach
indis aile. Conid hé cdm deside cetduni romallachad iarnilind 7 conidhé
comarba câin iarnilind 7 conid huad rogenatar luchrupain 7 fomôraig 7
goborchind 7 cecli ecosc dodelbda archena fil fordoinib.
V Of the history of the Monsters, /. e. the Lucrupdin and the Fomôraig,
this below :
On a time was Noah in the tabernacle asleep after drinking wine, and
he was stark naked, and his son came to him, to wit, Ham, and saw
how he was, and made laughter at him and related to his brethren, to
wit, to Japhet and to Shem, and they came backwards that they might
not see their father's shame and they put his raiment over him. Noah
arose thereafter from his sleep and it was shewn to him that Ham had
mocked him [and he cursed Ham] thereafter and blessed the other two,
so that Ham is the first person who was cursed after the déluge; and
so that he is Cain's successor after the déluge; and so that
of him were born Luchrupain and Fomôraig and Goborchinn (horse-
heads?) and every unshapely appearance moreover that is on human
beings. »
The name has been strangely corrupted, lucharban, luracdn, lupracân
(whence the Anglo-Irish leprechaun') and in the Highlands luspardan.
258 Mélanges.
II. The Rosualt.
This sea-monster is called Ruasuall in O'Clery's Glossary s. v.
Rochûaid, where it is stated that it has a hole through its head. In
Lebor na huidre, p. 1 1, we find the old form of the name :
Rosualt .i. ainm do beist bis isindairci 7 isiat so a airde side .i. intan
sceas j a aged fritir domma 7 terca isintir sin cocend .uii. mbliadan no
isinbliadainsin namma. Mad si'ias domma 7 mortlaid isind aeor sin. Mad sis
domma 7 mortlaid for mi la in mara. Noinnised iarum runa ind anmannaisin
dodoinib combetis innafoimtin.
« Rosualt, to wit, a name for a monster that is in the sea (Jairce) and
thèse are his characteristics : when he vomits and his face to land,
poverty and scarcity in that land to the end of seven years, or in that
year only. If it be up, poverty and mortality in that air. If it be down,
poverty and mortaHty on the beasts of the sea. He [Columbcille] used to
relate the secrets of that animal to men so that they might be expecting
him. »
A fuller notice of this monster is found in the Dinnscnclias of the Bock
of Leinster, fo. 118 a. 2.
Mag murisci unde nomen? NinsQ. Muriasc mbr dianid ainm rosualt joch-
eird in muir and jotiiir. 7 isi ari'iin indanmannaisin noaisnided colum cille
docliâch .i. trisceitlii dognid . et ba inairddi cecli sceith dib .i. sceith immuir
7 a etliri inardda . 7 bddud curacfi 7 bdrc 7 âr joranmanna inmara sindbh-
adain sin. Sceith in aér 7 aerr* sis . 7 adcuired suas asceith âr joranmanna
foluamnacha indaéoir sinbliadain sin . Sceitli dan aile fothir combrenad intlr .
7 drfor daine j forcethri sinbl'iâàam sin.
« Magh Murisci, unde nomen ? Not difficult. A great sea-fish, named
Rosualt, the sea flung there ashore. And it is the secret of that animal
that Columcille used to déclare to every one. To wit, three vomitings
which it would make, and aloft was every vomiting of them, to wit, a
vomiting in sea, and his tail on high, and drowning of boats and ships,
and slaughter on the beasts of the sea in that year. A vomiting in air,
and his tail below, and his vomiting used to put slaughter above on the
flying animais ofthe air in that year. Another vomiting, then, ashore, so
that the land stinks, and slaughter on men and on cattle in that year. »
Like notices are found in the Liber Hymnorum, fo. 27 a. and in H. 2,
16, col. 693. The name seems unceltic, and is probably identical with
the German wall-ross, English wal-rus.
* cf. Ohg. ars, Gr. ôp^o;.
Mélanges. 259
III. Names for « God».
In a glossary called Dihl Laithne, of which a copy, in the handwriiing
of Dudley Mac Firbis, is preserved in the library of Trinity Collège,
Dublin, (H, 2, i $, p. 116) appears the foUowing entry :
Teo no tiamud no daur .i. dia.
Teo seems formed like Skr. tavas « strong )>, by gunation from the
root TU «to be powerful», whence by vriddhi the Irish tuath «people».
Tiamud has perhaps lost initial s and may be connected with Skr.
stimita « immoveable ».
Daur is possibly, as Siegfried thought, borrowed from the Old-Norse
Thôrr. But I should prefer to regard it as a derivative from the root dhar,
whence Skr. dharaiia « preserving », dhartri, dharitn « supporter ».
Dia, the old-Welsh duiu, is of course = deva, deus.
Other Celtic words for « god )> are 1) the Irish f-stem com-diu, gen.
coimded, ace. coimdith-n, Gr. C.^, 257, which is perhaps cognate with
the Latin Dis, Ditis; 2) the Irish ant-stem fiada, gen. fédot, fîadat, which
seems to mean « the Knower », from the root vm; 3) the old-Welsh su
(in su-ccat gl. deus belli, Fiacc's hymn), now Hu, which (as the diph-
thong oi regularly becomes u in Welsh) may be = Gaulish Soius (Beitr.
III, 197), from the root si « to bind », whence also the Welsh hud
« magie » = 0. Norse seidhr « incantatio magica ».
The most interesting, perhaps, of Celtic godnames is the u-stem Ësus,
which M. d'Arbois de Jubainville (Revue Archéologique, Juin 1870) has
rightly referred to the root is, Skr. ish « desiderare, velle ». The pri-
mary meaning of the word would seem to be simply « a wish » (cf. tar-u
« arbor », dâr-u « lignum », vs7.u-ç, acu-s, etc.). That a god should be
called by a word meaning « wish » will not surprise any one who remem-
bers the following passage from the Deutsche Mythologie 2 1 26 : « Hiermit
zusammenhaengend, also ùberrest altheidnisches Glaubens, scheint mir
nun, dass unsere Dichter des 13. Jh. den Wunsch personificieren und
als ein gewaltiges, schœpferisches Wesen darstellen ».
But possibly Êsus may, like Osci (one of the Eddaic names for Odin)
mean « der die Menschen des Wunsches, der hœchsten Gabe theilhaftig
machende ».
IV. Cenn Cruaich.
Dochôid patricc iarsin tarsinusce do maig slécht hali iraibi ardidal nahcrend
.i. cend crùaich cuindachta 0 ôr ~ argat 7 dû idal deac aili cumdachta 0
200 Mélanges.
umai imme. Oîconnairc patricc inidal on uisciu dianid ainm guthard (.i.
gabtha a guth) 7 0 rochomaicsigh dond idal conuargaih a lâim do chur
bachla Isa fair 7 nocorala acht dorairbert siar doninniuth[?] fora leith ndeis
arisi(^n)dess robdi a agald à. do temraig 7 maraidli slicht inna bachla ina
leith dm béos. 7 araidi nochoroscaig in bachall a lâim paîncc 7 rolluicc in
talam inna di arracht déac aili conici a cinnu 7 atdtfonindus sin i comardugud
indferta 7 romallach don deomon 7 ronindarb ind ijernd 7 dorogart patricc
inna huili cum rége lôegairi. it hésidi roaidraiset ind idal 7 atconnarctar in
na hule hé (.i. démon) 7 roimeclaigset anepiltin mane chuireth patrkc hé (in
iffernd). Rawl. 505, p. 171, col. b '.
(f Thereafter went Patrick over the water to Mag Slecht, a place
wherein was the chief idol of Ireland, to wit, Cenn Cruaich, covered
with gold and silver, and twelve other idols about it, covered with
brass. When Patrick saw the idol from the water whose name is
Guth-ard (/. e. elevated its voice) and when he drewnigh unto the idol,
he raised hishand to put Jésus' crozier upon it and did not reach [it],
but it bowed westwards to turn on its right side, for its face was from the
south, to wit, to Tara. And the trace of the crozier abides on its left
side still, and yet the crozier moved not from Patrick's hand. And the
earth swallowed the twelve other images as far as their heads, and they
are thus in sign of the miracle, and he cursed the démon, and banished
him to hell, and Patrick called them ail cum rege Loegaire; thèse are they
who adored the idol. And they ail saw him (i. e. the démon) and they
feared their destruction, should not Patrick put him into Hell. «
IV. Spirits speaking from weapons.
Babés leu dan diag inna comraime ferthain indôenaig. rind aurlabra cechfir
nomarbtais do thabairt innambossân. 7 dobertis aur'labrai nacethra doilugud
nacomram hisudiu 7 dobered càch achomram and sin ôsaird acht bd càch
arùair. 7 isamlaid dognitis sin 7 aclaidib forasUastaib intan dognitis
incomram. Arimsbitis aclaidib friu intan dognitis gùchomram. Deithb'w
on arnolabraitis demna friu dianarmaib cowidde bâtir comarchiforro anairm.
« It was a custom with them (the Ulstermen) then, after thetrophies,
to hold the assembly. The point of the tongue of every man they siew to
bring in their pouch ; and they used to bring the tongues of the cattle to
multiply the trophies therein, and every one then openly used to produce
his trophy, but it was every one in turn. And it is thus they used to do
that, and their swords on their thighs when they used to make the
I. Anothercopy from Egerton 93 in O'Curry's Lectures, p. 538.
Mélanges. 261
trophy, for their swords used to turn against them when they made a
false trophy. Reasonable (was) this; for démons used to speak to them
from their arms, so that hence their arms were safeguards. » Seirglige
Conculainn, Leb. na huidre, p. 4^3.
For talking swords see the fine Danish ballad Hxvnersvxrdct (Grund-
tvig, Danmarks Garnie Folkeviser, I, 350), Schiefner's Kalcvala, runo 36,
and Proc. R. I. Academy, Mss, séries, I, 198.
V. The Bull-feast.
Dognither iarom tarbfes leo andsin cofîastais esti cia diatibertais rigi.
ISamlaid dognithe inîarbfessin .i. tarb find domarbad 7 benfer docathim
asatha dia (f)éoil 7 da enbruthi. 7 cotlud dô fônsaithsin 7 ôrfirindi do
cantain docethridrudib fair 7 atchiîhe dô inaslingi innas indfir norigfaide and
asadeilb asatuarascbail j innas indoprid dognith. Diuchtrals infer asachotlud
7 adfiadar ares donarigaib .i. mbethodach s£r sonairt condacris derca tairis
7 se osadart fir isirc inemain mâcha.
« Then a Bull-feast is made by them there, so that they might know
thereout unto whom they should give (the) kingdom.
rt Thus used that Bull-feast to be made , to wit, a white bull to kill
and one man. to eat his fulness of his (the bull's) flesh and of his broth,
and sleep to him under that fulness, and an 6r(?) of truth to say over him
by four druids, and by him in vision used to be seen the kind of man
who should be made king there, from his shape and from his description,
and the kind of work he was doing.
The man awoke from his sleep and makes known his dream 1 to
the kings. To wit, a young champion, noble, strong, with two red
girdles over him, and he above (the) pillow of a man in sickness in
Emain Mâcha. » Ib., ib., p. 46.
Compare the poet's mode of divination, Imbas forosnai, Cormac's
glossary, p. 94.
VI. Man octipartite.
In Three îrish Glossaries, p. xl, is printed from an Irish codex in the
British Muséum, a myth which tells how Adam was madeof eight parts :
his flesh of the earth, his blood of the sea, his face of the sun, his
thoughts ofthe clouds, his breath of the wind, his bones of the stones,
his soûl of the Holy Ghost, his piety of the Light ofthe World. The
1. kes. Hence rcsaigthiu fgl. somniato), Tur. Mr Hennessy would connect the French
rêve, resve, as to which Diez {Etym. Wcert. ij, 400") is not very satisfactory.
iGi Mélanges.
mythographer goes on to state the results of excess in each of the eight
components. I hâve lately found in the Deu/sc/^e Mythologie, 1218, the
foUowing citation from a Parisian ms. of the 1 ^th century, which reads
like a literal translation of the Irish myth. Both are probably versions of
one original to me unknown.
{( Adam fu forme ou champ damacien [= ager damascenus], et fu fait
si comme nous trouuons de .viii. parties de chosez. La première partie
fu du limon de la terre, la seconde de la mer, la tierce du soleil, la
quarte des nues, la quinte du vent, la sisiesme des pierres de la terre,
la vu" du sainct esprit, luitiesme de la clarté du monde. La première
partie qui fu du limon de la terre fu la chair, de la seconde qui fu de la
mer fu le sangc, de la tierce qui fut du soleil furent les yeux, de la
quarte qui fu des nues furent les pensées, de la v° qui fu du vent furent
les allaines, de la sixte qui fu des pierres furent les os, de la viit qui fu
du sainct esprit fu la vie, de la viii'' qui fu de la clarté du monde signifie
crist et sa créance. Saichiez que sil y a en lomme plus du limon de la
terre il sera paresceux en toutez manières, et se il y a plus de la mer
il sera sage, et se il y a plus du soleil il sera beau, et se il y a plus des
nues il sera pensifz, et se il y a plus du vent il sera yreux, et sil y a plus
des pierres il sera dur auer et larron, et se il y a plus du sainct esprit
il sera gracieux et remply de la divine escripture, et se il y a plus de la
clarté du monde il sera beaux et amez.' »
Whitley Stores.
UN AUTOGRAPHE DE MARIANUS SCOTTUS.
Marianus Scottus n'est pas un nom inconnu. Un moine Irlandais de
ce nom dont le nom véritable était Maclbrigte « servus Brigitse « vivait
au Xle siècle à P'ulda et plus tard à Mayence. Il écrivit une chronique
fort estimée de ses contemporains.
Vers la même époque un de ses compatriotes qui était son homonyme
vint également en Allemagne. Il avait quitté son île en 1067 pour aller
en pèlerinage à Rome : mais il s'arrêta à Ratisbonne où il fonda un
couvent sous l'invocation de Saint-Pierre, couvent d'où sortirent plus
tard les fondateurs d'autres couvents Irlandais. Nous trouvons quelques
renseignements sur ce Marianus dans une légende que nous ont con-
I. See Paulin Paris, Manuscrits françois de la Bibliothèque du Roi, IV, 207. — |Ms.
de l'anc. fonds fr. n" 7044, fol. 130, verso. Ce passage est cité d'une façon incomplète et
incorrecte par Griinin et par M. Paulin Paris. Nous le citons d'après le Ms. — H. G.J
Mélanges. 26}
servée les Acta Sanctorum (Febr. vol. II, pp. 365 et s.) où on loue
avant toute chose son habileté calligraphique et le zèle qu'il mettait à
copier des manuscrits. La légende raconte même qu'une fois, la lumière
s'étant éteinte^, les doigts de sa main gauche brillaient tellement qu'il
put continuer d'écrire.
Quelques-uns des mss. copiés par ce Marianus nous ont été con-
servés. L'un d'entre eux se trouve à la Bibliothèque Impériale de
Vienne, coté : cod. 1247 (olim Theol. 287). Denis l'a décrit avec exac-
titude dans son très-estimable ouvrage Codices manuscripti theobgici
bibliothecx palatins Vindobon. Vol I, pp. 127-131; mais il commet
l'erreur, ainsi qu'avant lui Lambecius, de considérer ce Marianus et le
chroniqueur comme une seule et même personne. Ce ms. renferme les
épitres de saint Paul avec gloses et commentaire ; il s'y trouve quelques
gloses Irlandaises que Zeuss a expliquées et traduites dans sa Gramma-
tica Celtica (p. XXIV). Denis a publié les paroles finales du copiste :
« In honore indiuiduae trinitatis Marianus Scottus scripsit hune librum
» suis fratribus peregrinis. Anima eius requiescat in pace. propter deum
» deuote dicite. Amen. XVI. Kl. iunii hodie feria VI. anno domini.
)) M.LXXVIIII j).
Denis ne dit rien du caractère particulier de l'écriture et comme
j'étais curieux de voir l'écriture de ce calligraphe Irlandais si vanté, je
me fis à Vienne montrer ce ms. Il est en effet très-bien écrit en une
minuscule grande, pure et distincte oiî ne se rencontrent pas les particu-
larités bien connues de l'écriture Irlandaise employée pour les gloses
Irlandaises du même ms. De ces gloses, Denis en a passé une, qui se trouve,
dans la phrase que je viens de citer, au-dessus du nom de « Marianus
Scottus ». Les caractères en sont quelque peu effacés et la glose en est
par là devenue indistincte. Je ne l'avais même pas lue exactement du
premier coup lorsque M. Gaidoz me suggéra une correction dont un
nouvel examen du ms. me fit reconnaître la justesse. La glose commence
par le signe .i. pour « id est » et nous fait attendre le vrai nom Irlan-
dais de Marianus. Le voici en effet :
mniredach trog macc robartaig
c'est-à-dire : « Marianus miser, filius Robartaci». Cette qualification de
« miser », Marianus se la donne aussi dans les gloses latines du ms.,
et elle est assez fréquente chez ces moines Irlandais qui parcouraient le
continent.
Comme me le fait remarquer M. Gaidoz, le nom Muiredach est formé
du thème muir= gaul. mori, lat. mare. On l'a traduit en latin tantôt par
« Pelagius », tantôt par « Marianus » (Martyrology of Donegal, p. 456).
264 Mélanges.
« Marianus » est également la forme latinisée de Maelmuire « servus
Mariae » (^op. cit. p. 186. n. 1). Mais le nom de Muircdach n'a rien de
commun avec celui de la Vierge Marie, bien que sans auCun doute une
apparence de rapport avec « Maria » fit préférer le nom latin de « Maria-
nus ». Le nom de Muiredach existe encore aujourd'hui sous la forme angli-
cisée Murray, et le nom du père de Marianus, Robarîach, se rencontre
encore, anglicisé en Rafferty.
W. Wattenbach.
UN OPUSCULE GRAMMATICAL DE SEDULIUS'.
Sedulius, abbé de Kildare, mort en 829(Lanigan, Ecdesiastical History
of Ireland, III, 255) est un auteur irlandais auquel on attribue, entre
autres ouvrages, des commentaires sur les seize premiers livres de
Vinstitutio grammatica de Priscien, sur l'ar^ major de Donat et sur Vars
d'Eutychius. Le Commentaire sur Eutychius se trouve dans le manuscrit
de la Bibliothèque Nationale 78^0 (xii'' siècle) : f" 17. « Incipit com-
mentariolum Sedulii in artem Eutitii Çsic) grammatici. Quoniam in arte
Euticis grammatici que de discernendis coniugationibus practiculatur —
f" 50, liquide patet quod ipsa verba de nominibus sint traducta. Explicit.
Deo gratias. « Un manuscrit de Tours ^ contient un commentaire de
Sedulius sur Vars ininor de Donat, que le copiste, qui paraît être du
XII'' siècle, n'a pas achevé : fol. 7$. « Incipit tractatus Sedulii scotti in
arte Donati de octo partibus orationis. Septem sunt species peristaseos,
id est circumstantie, sine quibus nulle questiones proponuntur id
est persona, res vel factum, causa, locus, tempus, modus, materia vel
materies sivefacultas... f° 75 v° Partes orationis quot sunt? hec oratiun-
cula peusis est, — f" 101, varie dictiones per quas magistri tradunt
veteres Romanorum iurare (cf. Grammatici Latini(Kei\), IV, ^62, 30). »
Sedulius fait parade de ses connaissances en grec. Il emploie des mots
grecs sans nécessité : il traduit en grec une partie de la définition du
pronom (fol. 8^ v") : a In quibusdam codicibus kgiiur pcrsonam inter-
1. [Avec l'autorisation de M. Thurot nous empruntons cette notice d'un opuscule
jusqu'ici inconnu de Sedulius, à son travail intitulé : Documents relatifs à l'histoire de la
Grammaire au Moyen-Age et publié dans les Comptes-rendus de l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres, i" série.; t. VI, 1870].
2. Ce manuscrit, qui est aujourd'hui à la Bibliothèque de la Ville de Tours sous le
n° 416, et qui a appartenu autrefois au chapitre de Saint-Gatien de Tours, est formé de
six opuscules grammaticaux écrits du xi" au xiv° siècle.
Mélanges. 265
dum recipit, tumque nulla generis inconsequentia apparet. Unde hic locus
melius in greco legitur Kat IIPcCcoNsCoo ~t alIAAcsye-ai (c'est-à-dire
y.ix\ TcpcffioTTov £v(oT£ àîrooé/sTat) , quod interpretatur et perso nam interdum
recipit. » Il adopte la théorie du pronom donnée par Priscien, le seul
des grammairiens latins qui ait suivi sur ce point Apollonius Dyscole,
et Tattribue à Donat qui suivait une tradition toute différente (f" 85 v") :
« ïàeo pêne dixit (cf. Donat 3 57_, 2 (pronomen est) pars orationis quae
pro nomine posita tantundem pœne significat) quia substantiam tantum
significat, non tamen qualitaten, quomodo nomen. « Cette interpréta-
tion du texte de Donat a généralement prévalu au moyen-âge.
Ch. Thurot.
SUR L'ETYMOLOGIE DU NOM D'ABÉLARD '.
Dans le n" 830 des manuscrits latins de Sorbonne (Bibliothèque
Nationale, mss. latins, n" 15451), se trouve le traité de Guibert de
Tournai, auteur du xiii« siècle, intitulé De modo addiscendi^. A la p. 227
dudit manuscrit, nous lisons ce qui suit : « Habetis enim et habere
potestis ad manum Boecium de Disciplina scolarium^ Quintilianum de
Institutione oratoria, Petrum filium Alardi quem Abaelart vocant Ad
filium, etc. »
Cette explication étymologique n'est pas un fait isolé au xiii* siècle.
J'ai souvenir que, quand j'étais employé au département des manuscrits
de la Bibliothèque Nationale, M. Paulin Paris, dont la table était voi-
sine de la mienne, me montra un jour un glossaire de ce temps, à la
première page duquel^, on lisait « Ahdardus, id est filius Alardi. « M. Paris
a le même souvenir. Mon savant confrère n'a pu me retrouver le
numéro du manuscrit. Je consens donc à ce qu'on tienne ce texte
pour non avenu; mais en voici un autre, quia été découvert par M. Hau-
réau, et qui rapproché du passage de Guibert de Tournai, est, on peut le
dire, décisif.
Ce nouveau texte est d'Alexandre Neckam , philosophe et poète
anglais, né vers 1150^, huit ans par conséquent après la mort d'Abélard,
et qui enseigna à Paris de 1 180 à 1 186 5. Dans le manuscrit latin 376
1. [M. Renan avait envoyé le texte principal qui fait l'objet de ce mémoire au Congrès
celtique de Saint-Brieuc, tenu en 1867. Dans les Comptes-rendus de ce Congrès, p. 55,
le résultat est indiqué, mais les sources étant alléguées sans précision, la note des
Comptes-rendus est à peu près sans valeur. — H. G.J
2. Voir Hist. lin. de la Fr., t. XIX, p. 138-142.
3. Hist. lin., XVUI, p. 521-523.
266 Mélanges.
de Saint-Germain, se trouve un ouvrage bizarrement intitulé : Suppletio
dcfccîmim operis mag. Alexandri Neckami quod deservit Laudi sapientm
divine. Rappelant en vers les noms des plus illustres docteurs du
xii" siècle^ Neckam s'exprime ainsi :
Et Porretanus, Albricus, Petrus Alardi.
Nul doute parle contexte que ce Petrus Alardi ne soit Abélard. Par
conséquent, Neckam regardait Abslardus comme signifiant /î//!i5 Alardi.
Qu'on ne dise pas que ce peut être là un écourtement de mots comme en
font souvent les versificateurs latins du moyen âge (par ex. Vitalis Blcsis
pour Vitalis Blesensis, etc.) Si telle eût été l'intention de Neckam, il eût
écrit Petrus Alardus.
La philologie est tout à fait d'accord avec les textes qui viennent d'être
cités. Ab en gallois signifie « fils » et entre dans la composition d'un
très-grand nombre de noms gallois du moyen âge ' . Quoique la forme
basse-bretonne pour « fils » soit mab, Ab se trouve encore en Bretagne
au commencement de beaucoup de noms propres. Je ne me rappelais
qu'un seul exemple dans ma ville natale, Tréguier; c'est le nom à'Abgrall
(fils de Grallon). Je m'adressai à mon ami, M. Luzel, qui m'écrivit, à
la date du 1 1 décembre 1 869 :
<( Vous désirez savoir si je connais, dans le pays, d'autres noms
commençant par Mab ou Ab. — Je n'en connais pas qui commencent
par Mab; du moins, je n'en ai aucun présent à la mémoire, bien que je
sois persuadé qu'il en existe, en petit nombre pourtant.
« Quant aux noms commençant par Ab, rares dans le pays de Tréguier
et la Cornouaille, ils sont très-communs dans le Léon, le Bas-Léon sur-
tout. Je me rappelle encore que ce qui m'étonna le plus en visitant la
petite ville de Lesneven, il y a quatre ans, ce fut la fréquence de cette
syllabe précédant les noms propres sur les enseignes de cette localité.
Voici ceux de ces noms que j'ai retenus :
Abalea,
Abalan,
Abiven, i
Abeven,
Abolier,
Abgrall.
« Ce dernier nom est très-répandu. Il existe aussi des Alard et des
Hellart dans le Finistère; j'en connais )>.
I . Voir les listes de Gallois au service de la France données par Augustin Thierry,
la suite de son Histoire de la Conquête, parmi les pièces justificatives.
Mélanges. 26j
Le 2 janvier 1870, M. Luzel m'écrivait encore :
« Un ami qui habite en Léon et à qui je m'étais adressé pour avoir
les noms du pays commençant par Ab, vient de m'adresser la liste sui-
vante, que je m'empresse de vous faire parvenir.
Abarnou, commune de Plouguerneau.
Appriou (Ab-Riou), —
Aprioual (Ab-Riwal), —
Abgrall^ —
Abjean, —
Abguillerm, —
Abiven, —
Abiliou, . —
Abernot, —
Abautret, —
Abalea, —
Abily. —
Abhamon, en Cléder.
Abeguile. —
Abhervé, Plouniventer.
« Je vous ferai remarquer que tous ces noms appartiennent au Bas-
Léon. Mon ami me dit aussi que le nom Allard est fort répandu dans
tout le Finistère. «
Cet ensemble de faits concordants nous paraît établir avec certitude
que le nom d'Abélard est bas-breton, et signifie « fils d'Alard o. A cela,
pourtant s'opposent des objections tirées des écrits mêmes d'Abélard.
M. Hauréau les a très-bien exposées dans un essai encore inédit sur
diverses particularités relatives à Abélard. Mon savant confrère me
permet de citer ici textuellement sa précieuse monographie :
« Dissertant lui-même sur la valeur des noms, qu'il considère comme
d'institution humaine, Abélard s'exprime en ces termes : « Hoc voca-
« bulum Abxlardus mihi in eo coUocatum est ut per ipsum de substantia
« mea agatur » ' . Dans l'épître célèbre où il fait le récit de ses mal-
heurs 2 le triste amant d'Héloïse nomme son père et sa mère: son père,
châtelain du Pallet, s'appelait Béranger, et sa mère Lucie.
«Suppose-t-on, pour se tirer d'embarras, Bérangerfils ou petit-fils d'Alard,
et transmettant lui-même à son fils aine le surnom patronymique d^ Abé-
lard^ C'est une supposition démentie par notre docteur, qui, dans son
traité des Divisions et définitions, parlant des mots employés pour désigner
1. Cousin, Ouvr. inédits d'Abélard, p. 212.
2. Œuvres, t. I, p. 7, édit. Cousin.
208 Mélanges.
une seule substance singulière, cite cet exemple : Ut Abalardus, quod
mihi uni adliuc convenire arbitrer '. Personne, il le déclare, n'avait, à
sa connaissance, arbitrer, porté le nom d'Abélard avant lui, adhuc. Ce
n'est donc pas un surnom patronymique. »
Si l'objection se bornait au passage de VHistoria calamitatum , je
ferais observer que plus d'un indice porte à considérer cet ouvrage,
ainsi que la correspondance d'Héloise et d'Abélard , comme un
roman. Quoi qu'il en soit de cette question, les deux autres passages
prouvent bien qu'Abélard ne regardait pas son nom comme renfermant
celui de son père. Nous ne prétendons nullement, en effet, qu'il résulte
du nom ù'Ahélard que le père du célèbre philosophe s'appelât Alard.
On n'a jamais parlé breton à Nantes, ni surtout au Pallet. Il n'est pas
admissible qu'un enfant naissant au Pallet au xi'' siècle ait porté le nom
de son père précédé de Vab breton. Telle n'est pas notre thèse. Nous \
disons seulement que le nom d'Abélard, quand il a été formé, a été ,
composé de Ab et de Alard, et que cette formation a eu lieu primitive- '
ment en basse Bretagne. Il n'est pas rare que l'origine de tels noms \
soit avec le temps totalement oubliée ; on s'en sert alors comme de i
simples appellatifs sans égard pour leur étymologie. Il en fut sans |
doute ainsi dans le cas de notre philosophe. Son père Béranger l'appela i
Petrus, et comme déjà vers la fin du xi« siècle, l'usage des surnoms j
était établi, il y ajouta, pour une raison que nous ne savons pas, le sur- ;
nom é.'Abdardns. Alexandre Neckam, qui savait cette étymologie et i
qui n'avait pas lu VHistoria calamitatum, en a conclu que le père d'Abé- !
lard s'appelait Alard. C'est là de sa part une conclusion erronée.
Barthélémy signifie « fils de Ptolémée » (Bar-Tolmaï), et cependant
parmi les nombreuses personnes qui de nos jours s'appellent Barthélémy, ,
il n'y en a pas une seule dont le père se soit appelé Ptolémée.
Il s'en faut;, du reste, que le nom diAbélard ait été porté par le seul '
philosophe du Pallet. M. de Rémusat et M. Hauréau ont montré que '■
l'usage de ce nom s'est conservé jusqu'à nos jours. On peut se demander, \
il est vrai, si l'usage de donner aux enfants des noms tirés des romans à j
la mode, usage qui a si fort répandu le nom d'Héloise, n'a pas propagé !
aussi le nom d'Abélard, d'abord comme prénom, puis comme nom de '
famille. Je ne crois pas cependant que cette explication suffise ; car la
grande vogue romanesque des noms d'Héloise et d'Abélard est d'une
époque trop moderne pour que de tels noms aient eu le temps de devenir
noms de famille. Ernest Renan.
I. Ouvrages inédits, p. 480.
Mélanges. 269
ZEUSS ET LE MANUSCRIT DE CAMBRAI
DE l'histoire ecclésiastique des francs.
Zeuss a signalé la présence d'un ch dans quelques noms armoricains
rapportés par Grégoire de Tours aux livres IV, V et IX de ['Histoire
ecclésiastique des Francs. Il n'a pas hésité à déclarer que, suivant lui, \'h qui
suit le c avait été introduite par erreur et était dépourvue de toute
valeur phonétique ÇGr. C, p. 90; Gr. C.^, p. 78).
Les érudits qui se sont occupés d'histoire mérovingienne savent en
quelle haute estime les paléographes tiennent le manuscrit de l'Histoire
ecclésiastique des Francs, conservé à la bibliothèque de Cambrai.
Malheureusement ce manuscrit, dont un fac-similé a été donné par
D. Bouquet dans le tome II de son Recueil des historiens des Gaules, n'a
pas été sérieusement utilisé jusqu'ici. M. le D'' Arndt, collaborateur de
M. Pertz pour la publication des Monumenta Germanie, a collationné ce
manuscrit avec l'édition publiée au nom de la Société de l'histoire de
France. Il a relevé d'innombrables variantes qui rendent à Grégoire,
défiguré par les inintelligentes corrections des éditeurs, la langue du
temps où il vivait. Il a eu l'obligeance de me communiquer son travail ;
j'ai remarqué trois cas où l'/z admis jusqu'ici dans le texte et repoussé
par Zeuss ne se trouve pas dans le manuscrit : Winnocus au lieu de
Winnoclms, V, 22; Warocus au lieu Warochus, V, 16; Warocoin au lieu
de Warochum, V, 27.
Il n'est donc pas téméraire d'émettre l'hypothèse que les h rejetées
par le savant celtiste auront été introduites dans le texte par l'ignorance
des scribes, postérieurement à la rédaction primitive.
Signalons aussi, IV, 3, l'orthographe Bn/f^î^zi, par deux t, au lieu de la
leçon Britanni par un seul /, forme démentie par les mots Breiz, Breizad,
brezounek qui supposent un double t [Gr. C.^, p. 1 51).
H. d'Arbois de Jubainville.
NOTE A L'ARTICLE DE M. HENNESSY.
En relisant récemment l'intéressant ouvrage d'Emile Souvestre inti-
tulé Les derniers Bretons, j'ai trouvé une tradition relative aux corbeaux
qui tient de près à celles que M. Hennessy a rapportées dans son récent
travail The ancient Irish goddess of war. « C'est, dit Souvestre,
270 Mélanges.
une opinion généralement répandue que deux corbeaux président à
chaque maison. Tous deux sont liés à l'existence des chefs de la famille,
et si la mort menace l'un de ces chefs, vous voyez l'oiseau sinistre per-
ché sur le toit et jetant son appel lugubre. Il y restera jusqu'au moment
où le cadavre, placé dans sa bière, aura dépassé la porte; alors on le
verra s'envoler pour ne plus revenir, car c'était le génie attaché à la
destinée de celui qui vient de trépasser. » (Ed. de 1866, tome I, p. 60.)
Comme Souvestre, généralement vrai au fond, exagère quelquefois pour
embellir et poétiser son sujet, je m'informai auprès de M. Luzel de
l'authenticité de cette tradition. Il me répondit qu'elle est parfaitement
exacte et qu'il se rappelle l'avoir souvent entendu mentionner dans son
enfance. Il y a là un intéressant point de rencontre entre la mythologie
irlandaise et la mythologie armoricaine. — Sur une tradition d'un autre
genre relative au même oiseau, voir Luzel : Chants populaires de la Basse-
Bretagne, p. 94, note.
H. G.
BIBLIOGRAPHIE,
Inscriptions antiques de la Haute-Savoie; épigraphie gauloise,
romaine et burgonde, par Louis Revo.n, conservateur du musée et de la
bibliothèque d'Annecy, etc. 50 pages gr. in-4% 1870. Annecy, Thésio; Paris,
Franck. — Prix : 10 fr.
Il serait à désirer qu'on fit pour chacun de nos départements ou tout
au moins chacune de nos provinces un recueil semblable à celui qu'un
savant zélé a publié pour la Haute-Savoie, l'ancien pays des Allobroges.
Des travaux de ce genre où sont classées topographiquement les reliques
épigraphiques du passé sont de la plus grande utilité pour l'étude de nos
antiquités nationales. Conservateur du musée d'Annecy et directeur de
la Revue Savoisienne, une des bonnes publications archéologiques de
France, M. Revon était parfaitement préparé à ce travail par ses études
et par ses occupations. Toutes les inscriptions qui existent dans le
département ont été estampées par lui pour arriver plus sûrement à une
complète exactitude. Quelques-unes des inscriptions de son recueil sont
encore inédites : la plupart avaient été publiées de différents côtés, mais
souvent avec de fausses leçons. La publication de M. Revon en fixe
définitivement le texte en représentant par la gravure les monuments
eux-mêmes qui les contiennent. Les réductions ont été opérées à l'aide
du pantographe, et les planches, gravées avec un grand soin, sont au
dixième de la grandeur réelle. M. Revon a divisé son recueil en trois
parties. Il donne dans la première, classées par arrondissements et
cantons, les inscriptions encore existantes; dans la seconde les inscrip-
tions transportées à l'étranger, détruites ou incertaines; dans la troisième
les noms et marques sur poteries, sur métal et sur pierre. Chaque
inscription est suivie d'une description du monument, de renseigne-
ments sur sa provenance, d'une discussion du texte quand la lecture
peut donner lieu à contestation, de notes archéologiques et topogra-
phiques et d'une bibliographie. On ajoutera avec profit au commentaire
de M. Revon quelques notes de M. Mommsen publiées dans la Prévue
Savoisienne ' .
1. Note sur les inscriptions de la Haute-Savoie, par M. Th. Mommsen, dans la Revue
Savoisienne du ij janvier 1870.
272 Bibliographie.
Deux inscriptions seulement de ce recueil, les n"* 27 et 87, se rap-
portent à l'époque burgonde ; toutes les autres sont gallo-romaines ou
romaines. Sous le no 47 nous trouvons l'inscription de [cyithubodua que
nos lecteurs connaissent par le récent article de M. Hennessy. D'autres
inscriptions contiennent bon nombre de noms gaulois d'hommes et de
divinités; certains sont nouveaux et viennent enrichir le domaine de
l'onomastique gauloise. Quelques unes apportent d'utiles renseignements.
Ainsi l'inscription no 44, découverte en 1853, donne d'une façon pré-
cise (CEVTRONAS, à l'accusatif) le nom d'un peuple des Alpes dont
l'orthographe était incertaine dans les manuscrits, et que les éditeurs de
César et de Pline écrivaient;, les uns Ceutrones^, les autres Centrones.
M. Gluck s'était rallié à cette dernière forme parce qu'il lui trouvait plus
facilement une étymologie (K. N., p. 62). L'inscription savoisienne a
fourni à M, L. Renier l'objet d'une dissertation (Revue Archéologique,
'^59> P- 3 53"364) qui ferme la controverse sur le nom de ce peuple,
et après laquelle on est surpris de voir M. Ebel, dans la nouvelle
édition de la Grammatica Celîica (p. 42), écrire Centrones et rapprocher
ce nom du gaélique cinteir, « calcar ».
H. G.
Etudes philologiques sur les inscriptions gallo-romaines de '
Rennes, — Le nom de peuple « Redones, » — par Robert Mowat, ,
Paris, A. Franck, 1870, in-8°, 25 pages et 2 planches. — Prix : 2 fr.
Ce mémoire est consacré à l'étude de deux fragments d'inscriptions
romaines et d'une inscription romaine complète, conservés dans la ville
de Rennes. La sixième ligne du second de ces fragments consiste en
huit lettres ITASRIED. M. Mowat restitue [CIV]ITAS RIED[ONUM],
cité de Rennes. Si l'on avait, dans cette inscription, suivi l'orthographe
généralement reçue, on aurait écrit RED[ONUM] au lieu de RIED
[ONU M]. Mais M. Mowat fait observer avec raison que Ve de Redones
était long (comparez rhëdd), et qu'en irlandais, Vê long, gaulois ou
latin, a pour équivalent le groupe ia. On peut ajouter que l'(" long gaulois
étant ordinairement une contraction du gouna de 1'/ (c. à d. d'ai, d'c/), ia
et ie employés au lieu de cet r long nous offrent une métathèse et non
un développement du son primitif. On a déjà cité un autre exemple de
l'emploi du groupe ie au lieu d'e dans une inscription de la Gaule.
Le nom de Sens, Agcdincuni ou Agedicum, est écrit AGIED dans une
inscription signalée par M. de Longpérier. Le savant M. Gluck (K. N.
p. 16', note) trouve cette leçon étrange. Le groupe ie, dit-il, était
Bibliographie. 27^
inconnu aux Gaulois. L'exemple de RIED[ONUM] établit le contraire'.
Suivant M. Gluck \'e à^Agedincum était bref, ce qui contredirait notre
système sur le rapport du groupe ie avec 1'? long. Mais M. de Longpérier
a trouvé une monnaie avec la leçon AFIIA ; c'est une autorité supérieure,
quoi qu'en dise M. Gluck, à celle des éditions de Ptolémée où le nom
de Sens est écrit 'Ay£C'.-/.ov, et cela montre que Wilberg a eu raison de
préférer 'AYr,oi-/.:v.
Le groupe ie existe en français, il tient lieu de \'e bref accentué : c'est
un phénomène moderne qu'il ne faut pas comparer à celui dont nous
parlons ici, où il s'agit bien de Ve accentué, mais de Ve long. Je dis ac-
centué : en effet \'c de Rcd'ônes * était accentué, puisqu'il a donné « Rennes ■» ;
Vc d^Agcdicum, Agedinciim, l'était aussi probablement, comparez Vapincum
qui a donné « Gap ». En breton armoricain moderne Vë long accentué
donne ordinairement la diphthongue oa, et Roazon, accentué sur la pre-
mière de ses deux syllabes, est le nom breton de Rennes. Le même
phénomène se produit souvent en français : comparez « toile » de tela,
« roi » de regem.
Je termine par une observation. C'est avec raison que M. Gluck
préfère pour l'ancien nom de Sens la forme Agedincum à la leçon ordi-
nairement reçue Agendicum. Les Gaulois ont dû à\reAgedincon,Agiédincon,
avec accent sur l'antépénultième bien que la pénultième fût longue par
position : c'était contraire aux lois de l'accentuation latine de l'époque
classique et des bas temps, et la métathèse de l'n, l'orthographe Agen-
dicum, a eu probablement pour objet de soumettre ce mot aux lois de
l'accentuation latine. H. d'à. de J.
[P. -S. — Nous croyons être agréable au lecteur en donnant ici
quelques additions à la brochure de M. Mowat que nous communique
M. Mowat même ;
Page 13, I. 13. — Le collationnement de divers manuscrits a fourni à M. L
Renier les variantes qui suivent (voir Géographie de Claude Ptolcmce.
dans l'Annuaire de la Société des Antiquaires de France, année 1848,
page 264, note 14) :
'Ptr,5ovE?, Biblioth. Nation., mss. 1401; 1 19, du Supplément; 1402:
337, du fonds Coislin; 2413; ms. Palatin n''2 ;
'P-otoôvEç, Bibl. Nat., mss. 1404; 1403; Palat. n° i.
1. On peut encore citer d'autres exemples, comme Vienna, Adietuanus, Vetienus, Bitieu;
mais dans ces mots la valeur phonétique du groupe ie serait difficile à déterminer.
2. M. Mowat constate très-justement l'existence en Gaulois d'un suffixe -ïin- par
p bref; il donne avec raison comme exemples Rïd'6nes,Turones, Lingoies, mais c'est par
inadvertance qu'il cite Suessiones, Soissons.
274 Bibliographie. «
Sous des formes diverses, la transcription grecque a évidemment
cherché à reproduire la diphthongaison indigène que César, tout puriste
qu'il était, a été inhabile à rendre ; les manuscrits qui nous restent de
ses écrits, ne portent en effet que Redones ou Rhedones, suivant les uns
ou les autres.
P. 1 5. ligne 10. — Ajoutez encore les mots forensis, circcnsis, amnensis, osdensis,
portuensis, de forum, cirais, amnis , ostium, Ostia, portas, tous appel-
latifs qui présentent à l'esprit une notion de lieu.
P. 23, ligne 1 1 en remontant. — Mais il est une objection plus décisive encore;
toutes les personnes qui ont habité ou visité la Haute-Bretagne, et
particulièrement les environs de Rennes, savent que tout ce pays
est trop accidenté pour qu'on ait jamais songé à le qualifier de
plaine.
P. 26, ligne 5 en remontant. — Cet exemple n'est pas isolé; Dom Morice
mentionne des documents du XIV° siècle dans lesquels on trouve les
noms de Pierre de Morzelle (ann. 1301), Guillaume de Morselle (ann.
1351), Olivier de Morzelles (ann. 1553). Voir les « Preuves de l'Hist.
de Bretagne, tome I, col. 1138, 1469, 1487.]
L'Archéologie Irlandaise et Mlle Stokes.
L'intéressant mémoire de M. Unger ayant familiarisé nos lecteurs
avec l'histoire de la miniature irlandaise, nous voulons signaler à leur
attention les beaux travaux que Mlle Stokes a consacrés à cette branche
de l'histoire de l'art. Mlle Stokes n'a pas moins bien mérité de l'art
irlandais que M. Whitley Stokes de la philologie celtique, et on pourrait
croire que le frère et la sœur se sont, de propos délibéré, partagé entre
eux les trésors de l'antiquité irlandaise. Ce sont ses goiâts d'artiste qui,
amenant d'abord Mlle Stokes à reproduire par le crayon et par le pin-
ceau les plus belles pages des manuscrits à miniatures, l'ont peu à peu
poussée à en étudier l'histoire. Le talent avec lequel sa main habile et
exercée reproduit les enchevêtrements les plus délicats de la fantaisie
irlandaise a été loué par les juges les plus compétents, et le D' Stuart
a pu dire sans exagération que « le manteau des anciens enlumineurs
irlandais est tombé sur les épaules de Mlle Stokes '. »
La première en date de ses publications est le Cromlech de Howth *.
1. Sculptured Stones of Scotland, t. Il, p. Lxxxn, n.
2. The Cromlech on Howth, a poem by Samuel Ferguson, Q^ C, M. R. 1. A., with
illuminations from the Bocks of Kells and of Durrovk', and drawings from nature, hy M.
S. [Margaret Stokes]. With notes on Celtic Ornamental Art, revised by George Pétrie,
LL.D. London, Day and Son. 31 p. gr. in-4 avec 15 planches chromo-lithographiées et
sept aquarelles.
Bibliographie. 275
Ce magnifique volume est une édition du poème de M. S. Ferguson,
sur planches chromo-lithographiées, où chaque strophe commence par
une initiale ornée, empruntée par Mlle Stokes au célèbre manuscrit de
Kells ou à celui de Durrow. Quelques aquarelles représentant le crom-
lech et divers paysages de Howth accompagnent le poème et lui servent
d'illustrations dignes de lui. A la suite du poème vient une notice étendue
sur l'ornementation irlandaise où Mlle Stokes décrit les principaux
manuscrits à miniatures d'origine irlandaise (p. 9-19), et analyse le
système d'entrelacs propre à ces miniatures (p. 20-3 1). Cette dernière
partie de son travail est une des études les plus approfondies qu'on ait
écrites sur les détails de cette ornementation.
Quelque temps après, Mlle Stokes reproduisait des pages entières du
manuscrit de Kells, du manuscrit connu sous le nom de « Guirlande de
Howth » et du Psautier de Ricemarch, pour accompagner un travail de
M. le D'' Todd sur ces manuscrits^ publié par la Société des Antiquaires
de Londres '.
Parmi les pages reproduites par Mlle Stokes avec une admirable
patience et une remarquable fidélité, se trouve celle du manuscrit de
Kells qui renferme le monogramme du nom du Christ. Quand on a vu
cette page si riche en dessins harmonieux, en coloris variés, où l'habileté
la plus exercée se mêle à l'imagination la plus luxuriante, telle enfin que
la plume d'un Th. Gautier pourrait seule en donner l'idée, on est saisi
d'admiration à la fois pour un art aussi accompli à une époque aussi
barbare et pour le talent de l'artiste qui, en quelque sorte, crée un pareil
chef-d'œuvre à nouveau.
Le même art d'ornementation, dont Mlle Stokes suit l'histoire avec
une sollicitude presque affectueuse, s'appliquait avec le même soin à
tout ce qui servait au culte. Deux objets de ce genre, le reliquaire de
Saint Moedoc et l'évangile de Saint Molaise, lui ont récemment fourni
l'objet d'un mémoire publié dans le recueil de la Société des Antiquaires
de Londres 2. Ces objets n'ont sans doute pas appartenu, comme le
voudrait la tradition, aux saints dont ils portent le nom, mais ils étaient
conservés dans des églises placées sous le patronage de saint Moedoc et
de saint Molaise : de là l'erreur de la tradition. Après avoir rappelé en
1. Descriptive remarks on illuminations in certain ancient Irish manuscripts, by the
Rev. J. H. Todd. D.D., etc. London, 1869, 16 p. gr. in-folio avec quatre planches
chromo-lithographiées. — Extrait du tome VI des Vetusta Monumenta de la Société des
Antiquaires.
2. On two Works of ancient Irish art, known as the Breac Moedog (or shrine of St.
Moedog'; and the Soiscel Molaise (or gospel of St. Molaise). Communicated to the Society
of Antiquaries by Miss Stokes. London, 1871, 20 p. in-4 avec 8 planches. — Extrait de
The Arch<£ologia, vol. xliu, pp. 1 31-150.
»9
2^6 Bibliographie.
peu de mots l'histoire des deux saints, Mlle Stokes décrit les deux
objets en détail. Le reliquaire de Saint Moedoc, qui a conservé le sachet
de cuir dans lequel on le portait, est fait de bronze pâle ; il affecte la
forme d'un édifice aux proportions élémentaires et il n'est pas improbable
qu'il représente l'église primitive à laquelle il était destiné. Il est couvert
de figures, au nombre de vingt-et-une, qu'il est difficile d'identifier
toutes, mais qui offrent les caractères communs aux personnages
sacrés que l'ancien art irlandais aimait à représenter dans ses œuvres.
— Le nom d'évangile de Molaise désigne un coffret, fait de plaques de
bronze de différentes couleurs, destiné à renfermer une copie des évan-
giles. Une inscription qu'il porte encore, quoique à demi effacée, nous
donne la date de sa fabrication (fin du x« siècle ou commencement du
xi*^). Le nom de l'artiste y est conservé : Gillabaithin '. Les entrelacs de
l'ornementation de ces objets leur donne un caractère tout irlandais.
L'accueil favorable fait aux travaux de Mlle Stokes l'a encouragée à
marcher dans la voie des études archéologiques. Nous avons déjà
annoncé (p. 177) le recueil qu'elle préparait des inscriptions chrétiennes
de l'Irlande. Nous apprenons avec plaisir que le premier volume de
cette importante collection a paru pendant le siège de Paris et que le
second est sous presse. H. G.
The Fireside Stories of Ireland, by Patrick Kennedy. xij-i74p. in- 12.
Dublin, Me Glashan ; London, Simpkin; 1870. — Prix : i sh. 6 d.
Irish Folk Lore : traditions and superstitions of the country ; with humo-
rous taies, by Lageniensis. x-3 12 p. in- 12. Glasgow, Cameron and Fer-
guson [1870].
Ces deux publications témoignent de l'intérêt éclairé que les écrivains
irlandais prennent aujourd'hui à l'étude des traditions populaires. Aucun
pays n'est plus riche que l'Irlande en antiques légendes et en curieuses
superstitions, mais bientôt peut-être on en trouvera malaisément la trace.
L'Irlande de nos jours n'est déjà plus l'Irlande de Crofton Croker et de
Carleton. Les anciens usages s'effacent en même temps que disparait
l'ancienne langue. Les écoles primaires, les nécessités de la vie et de
l'émigration répandent de plus en plus l'usage de l'anglais qui amène
après lui des idées plus modernes et plus pratiques : les chemins de fer
créent une circulation plus favorable aux intérêts matériels qu'à la poésie
des souvenirs, et les Celtes d'Irlande perdent insensiblement l'antique
1. Et non Gillubaithin, comme lit M"'' Stokes; l'a n'est pas douteux, du moins dans
le dessin qu'elle donne.
Bibliographie. 277
patrimoine de leur langue, de leurs usages et de leurs traditions. Aussi
verrons-nous toujours avec plaisir apporter de nouveaux matériaux à
l'étude encore peu tentée de la mythologie celtique. — M. Kennedy,
à qui nous devons déjà un fort intéressant volume sur ce sujet ' nous
donne aujourd'hui un recueil de contes populaires fait avec soin et accom-
pagné de quelques rapprochements, principalement avec les contes
écossais de M. Campbell et les contes allemands des frères Grimm. Sa
préface promet un troisième volume consacré aux légendes relatives aux
saints et aux héros ossianiques. — L'ouvrage de Lageniensis (pseudo-
nyme sous lequel se cache un ecclésiastique distingué de Dublin) a
surtout pour but de faire apprécier au grand public le côté poétique et
pittoresque des traditions irlandaises. L'auteur les passe toutes en revue
dans des récits d'une lecture agréable et qui donnent une idée assez
fidèle de l'ensemble du Folk Lore irlandais, mais qui n'approfondissent
pas le sujet.
H. G.
Miscellaneous Poems translatée! into Gaedhiic, by the Rev. Edward Mac
CoY. Dublin, Fowler, 1869, xj-206 p. in- 12.
Les productions littéraires dans la langue nationale sont trop peu
nombreuses aujourd'hui en Irlande pour que nous ne signalions pas avec
empressement un volume de poésies irlandaises publié récemment par
M. Ed. Mac Coy. Ce sont des traductions de pièces choisies parmi les
chefs-d'œuvre de Th. Moore, Burns^ Byron, Davis et autres poètes.
Cultiver la langue nationale qui tombe de plus en plus au rang de patois,
tenter de l'épurer, de la relever de la vulgarité, d'en faire l'organe d'une
vie littéraire, est d'un patriotisme trop rare en Irlande pour que les
celtophiles ne sachent pas gré à M. Mac Coy de sa courageuse tenta-
tive. Nous désirons que son volume soit lu dans le public qui parle irlan-
dais et qu'il y répande l'amour de la langue nationale. Malheureusement
l'écart est aujourd'hui fort grand entre la prononciation et l'orthographe
de l'irlandais, et pour que l'irlandais devint de nouveau langue littéraire
et moyen de communication intellectuelle, il faudrait, pensons-nous,
qu'une réforme orthographique rendit le langage écrit plus ressemblant
au langage parlé. C'est un sujet d'étude qui mérite d'attirer l'attention
des patriotes qui, comme M. Mac Coy et M. Ulick Bourke, voudraient
rendre au gaélique d'Irlande son éclat et sa vitalité.
H. G.
1. Legendary Fictions of the Irish Celts, London, 1866.
278 Bibliographie.
Libérien hag Avielen, or the catholic epistles and gospels for the day up to
Ascension translated for the first into the brehonec of Bnttany : also in three
other parallel columns a new version of the sanie into Breizounec (conimonly
called breton and armorican), a version into Welsh mostly new and closeiy
resembling the breton, and a version gaelic or manx or cernaweg, with illus-
trative articles by Christoll Teurien and Charles Wari.ng Saxton D. D.
Ch. Ch. Oxford. — Londres, Trûbner, petit in-folio oblong, 70 feuillets
sans date.
Il y a dans ce volume deux parties à distinguer, l'une consiste en
traductions d'épîtres et d'évangiles, l'autre en dissertations.
Les traductions d'épîtres et d'évangiles sont disposées sur quatre
colonnes, bien que le titre n'en annonce que trois. La première colonne
contient une traduction galloise dont une partie qui ne porte pas de
signature est empruntée à la bible galloise de la Société Biblique de
Londres, édition de 1864, et dont l'autre partie signée des noms de
MM. Silvan Evans, R. Williams et James Johns, est nouvelle comme le
titre l'annonce. La seconde colonne renferme une traduction en breton
de Vannes non signée, mais due probablement à la plume de M. Terrien
qui est né dans le Morbihan et à qui l'on doit déjà la traduction de
l'évangile de saint Mathieu, en breton de Vannes, publiée à Londres,
en 1857, aux frais de Louis-Lucien Bonaparte. Mais la traduction
donnée dans le volume dont nous rendons compte est différente de celle
qu'a éditée le prince Louis-Lucien Bonaparte. La troisième colonne est
occupée par une traduction en dialecte de Cornouailles et de Léon que
l'on peut, je pense, encore attribuer à M. Terrien. Dans la quatrième
colonne on trouve presque partout la traduction en gaélique d'Ecosse,
imprimée à Edimbourg pour la Société Biblique de cette ville, par
Stevenson et C'% en 1854, sous les titres de Leahkraichean an t-seann
tiomnaidh et de Tiomnadh nuadh. Toutefois la traduction de l'épître et
de l'évangile du premier dimanche de l'Avent a été refaite par M. Th.
Mac Lauchlan, et la traduction en gaélique d'Ecosse a été remplacée par
une traduction en dialecte de l'île de Man pour l'épître du second
dimanche de l'Avent et pour toutes les épîtres et tous les évangiles, à
partir du 3" dimanche après Pâques. La traduction en dialecte de l'île
de Man est empruntée à la Bible, publiée dans le dialecte de Man par
la Société Biblique, sous ce titre : Yn Vible Casherick., ny yn Chenti
Chonaant, as yn Conaant Noa, Londres, 1819. J'ignore la provenance de
la traduction de l'évangile du second dimanche de l'Avent, la seule, si
je ne me trompe, qui soit écrite en comique.
L'intérêt principal du livre se trouve dans la facilité de comparer les
traductions d'un même original en quatre dialectes différents.
Bibliographie. 279
Je ne puis apprécier jusqu'à quel point les auteurs des parties nou-
velles de la traduction galloise ont amélioré la traduction de la Société
Biblique. Je ne m'aventurerai pas à critiquer la traduction vannetaise de
M. Terrien : mais quand il a prétendu confondre en un seul dialecte,
les deux dialectes de Cornouailles et de Léon, et nous donner, lui
vannetais, un texte rédigé en un dialecte autre que le sien, il a fait acte
d'irréflexion et de témérité. Je vais donner quelques exemples. Je les
prendrai dans l'évangile de la messe de l'aurore à Noël (S' Luc, II,
I $-20). Le texte gallois est emprunté à la Société Biblique de Londres,
le texte gaélique à la Société Biblique d'Edimbourg. Le premier a rendu
les mots 0'. Tro'.y.éveç (bergers) par y bugeiliaid, le second par na
buachaillean. M. Terrien, dans la traduction vannetaise s'est servi des
mots er vugulien qui ont le même sens et la même étymologie (voir
Stokes, Ir. GL, p. 81, n""* 583, 584). Mais lorsque dans la traduction
en dialecte de Cornouailles et de Léon il emploie les mots ar vugulien, il
me parait bien hardi. S'il ne voulait pas dire comme Le Gonidec ÇBibl
Sanîel, t. II, p. 434) ar veserien, il fallait, comme le fait M. Troude dans
son Nouveau Dictionnaire pratique français et breton, recourir à une péri-
phrase et écrire ar bugale an denved. Bugel, pluriel bugale et non bugulien,
a en dialecte de Léon perdu son sens primitif de bubulcus et veut dire en
général (( garçon )> ou « enfant. » Au vers 1 7 aCiToTç (à eux) est rendu
par wrtiiynt en gallois^ par dehai en vannetais, par dezai en dialecte de
Cornouailles et de Léon. En léonnais on dit dezho. Au vers 19, sv ty;
7.7._:c'x rj-r,i (dans son cœur) devient en gallois yn ei chalon, en vanne-
tais en lie halon, en dialecte de Cornouailles et de Léon en he cVialon :
c'est du cornouaillais; en léonnais on dirait, au lieu de c halon, chaloun.
Au vers 20 ooziZ'ynt: (glorifiant) en gallois gan [g]ogoneddu est traduit
en vannetais par en ur rein gloer (en donnant gloire) périphrase identique
à celle du gaélique a' tabhairt gloire. M. Terrien a voulu employer en dia-
lecte de Léon et de Cornouailles une formule identique en eur ri gloar,
mais « donner )> se dit en léonnais rei, en cornouaillais roei et non ri.
Il me resterait à parler des rares dissertations latines de M. Saxton,
de celle où par exemple cet honorable théologien attaque M. Max Mùller,
l'appelant : pontifex ille maximus mercurialium virorum qui more sagans,
etc. Il me resterait à apprécier les nombreuses dissertations françaises
de M. Terrien qui par exemple, folio 2 H, vo, cite à propos des runes,
trois mots gothiques en les écrivant de manière à prouver qu'il n'a pas
de cette langue l'idée la plus élémentaire, puis continue en vers :
Oui je vous le dis tout bas.
Tout bas, en cachette,
28o Bibliographie.
Oui je vous le dis tout bas,
Mais n'en parlez pas.
Enfin, suivant plus ou moins son idée, il nous entretient des Gaulois
à main légère et porteurs de cannes, qui payaient les taverniers romains,
A la façon de Bar-bari
Biri-Biribi
A la façon de Bar-bari
Mon ami.
Ceux de nos lecteurs qui voudront s'instruire devront se borner à lire
les textes néo-celtiques édités par MM. Terrien et Saxton; et, après y
avoir consacré les heures sérieuses, réserver les dissertations françaises
pour les heures de récréation.
H. D'A. DE J.
Gramadeg o laith y Cymry; a grammar of the Welsh language, by
William Spuruell. Third édition. Carmarthen, W. Spurrell, 1870. yii)-2o6 p.
in- 12. — Prix : 5 sh.
« Prétendre à une grande originalité en mettant au jour une gram-
maire galloise serait vain, lorsque tant d'écrivains ont traité ce sujet,
tandis que les principes de la langue demeurent sans changement. »
Ainsi s'exprime M. Spurrell dans sa préface : nous croyons au contraire
qu'un grammairien gallois pourrait « prétendre à une grande originalité »
en exposant d'une façon scientifique les lois qui président au dévelop-
pement de sa langue. Un pareil travail, qui aurait pour base et pour
point de départ la Grainmatica Celtica de Zeuss devrait séduire quelqu'un
des écrivains gallois familiarisés avec l'étude de I2 philologie celtique.
Une grammaire historique de la langue galloise serait une œuvre utile
et bienvenue auprès du public gallois lui-même qui porte un si vif intérêt
à sa langue nationale'. Les écrivains gallois y gagneraient même à
mieux connaître leur langue et ne parleraient pas par exemple, comme
le fait M. Spurrell, d'un préfixe ys dans les mots ysbryd (spiritus) elys-
baid (spatium)! Les grammaires galloises existantes ne sont guère que des
manuels pour l'étude pratique de la langue. Ces réserves faites, disons
que la grammaire de M. Spurrell est une des meilleures et méritait
d'arriver à une troisième édition. Les lois de la syntaxe et les règles du
changement des consonnes initiales sont exposées avec clarté. En outre,
I. Voir notre article Les Celtes du pays de Galles et leur littérature dans la Revue des
Deux Mondes à\x i" mars 1871.
Bibliographie. 281
l'auteur présente parfois des observations dont les philologues peuvent
tirer profit, par exemple sur la ressemblance d'idiotismes gallois et français
(p. 17$), sur certaines particularités de prononciation provinciale
(passim), sur des exemples de métathèse (p. 40) et quelques autres
points encore.
H. G.
Llyfryddiaeth y Cymry : yn cynnwys hanes y llyfrau a gyhoeddwyd yn
yr iaith Gymraeg, ac mewn perthynas i Gymru a'i thrigolion, o'r flwyddyn
I ^46 hyd y flwyddyn iSoo; gyda chofnodau bywgraffiadol am eu hawduron,
eu cyiieithwyr, eu hargrafFydion, a'u cyhoeddwyr. Gan y diweddar Parch.
William Rowiands (Gwilym Lleynj; gyda chwanegion a chyweiriadau gan y
Parch. D. Silvan Evans/B. D. Llanidloes, Pryse, 1869. xxxij-762 p. in-8.
— Prix : 21 sh.
Un des secours les plus utiles à l'histoire littéraire est une bonne biblio-
graphie; aussi sommes-nous heureux de voir paraître l'important ouvrage
en langue galloise dont nous venons de transcrire le titre (en français :
« Bibliographie Galloise, contenant l'indication des livres en gallois, et
de ceux relatifs au pays de Galles ou à des Gallois, publiés de 1 $46 à
1800; avec des notes biographiques sur les auteurs, éditeurs, impri-
meurs ; par feu William Rowiands (Gwilym Lleyn) avec des additions
et des corrections par M. D. Silvan Evans. ») Les éclaircissements
qui accompagnent l'indication de chaque ouvrage font de ce livre une
véritable histoire de la littérature galloise pendant les trois derniers
siècles. M. William Rowiands avait consacré quarante années de sa vie à
ce travail bibliographique, et après sa mort son manuscrit fut confié à
un des scholars les plus distingués de la Principauté, M. Silvan Evans,
qui le revit et le compléta. Cette compilation était d'autant plus difficile
à mener à bien qu'il n'existe pas de grande collection de livres gallois et
qu'il a fallu en réunir les éléments en fouillant les bibliothèques parti-
culières et en dépouillant les catalogues de livres d'occasion. C'est dire
qu'il ne pouvait être absolument complet, comme en convenait M. -Silvan
Evans dans sa préface. Nous même avons noté quelques lacunes et
M. John Peter nous en a signalé d'autres. M. Silvan Evans, du reste, a
continué ses recherches depuis la publication de la Llyfryddiaeth et a
réuni assez de matériaux nouveaux pour un supplément. Nous sommes
heureux d'annoncer que ce supplément paraîtra dans la prochaine livrai-
son de la Revue Celtique. Un travail de ce genre appelle le concours de
tous : aussi, dans l'intérêt même des études galloises, engageons-nous nos
lecteurs gallois qui connaîtraient des livres omis dans la Llyfryddiaeth,
à en envoyer l'indication à M. Silvan Evans (à Llanymawddwy, Merio-
282 Bibliographie.
nethshire). Nous adresserons une prière du même genre aux biblio-
graphes du continent. Faute de moyens d'information, l'ouvrage de
MM. W. Rowlands et S. Evans ne signale hors des iles Britanniques
aucun livre concernant le pays de Galles ; et pourtant si peu de relations
que le pays de Galles ait eues avec le reste de l'Europe, il nous sem-
blerait étrange qu'il n'eût été publié en Europe de 1 546 à 1800 aucun
ouvrage parlant^, même incidemment, de la Principauté^ ne fut-ce qu'un
récit de voyage. Nous faisons appel au bon vouloir des érudits qui
s'occupent de recherches bibliographiques et nous publierons dans la
Revue toutes les communications qu'ils voudront bien nous adresser à
ce sujet.
H. G.
Gwaith y Parch. Walter Davies, A. G. (Gwallter Mechain). Dan olygiad
y Parch. D. Silvan Evans, B. D., Periglor Llan ym Mawddwy, Meirion.
Caerfyrddin, W. Spurrell; Llundain, Simpkin, Marshall, a'u Gyf. 1868. 5
vol. 10-8° de xxiv-552, vij-600 et xij-600 p. in-8°. — Prix : 24 sh.
Cette volumineuse publication, par sa valeur comme par son étendue,
tient une place distinguée dans la littérature galloise contemporaine.
M. Walter Davies (né en 1761, mort en 1849), plus connu sous son
nom bardique de Gwallter Mechain, a été un des écrivains gallois les
plus éminents de ce siècle, et c'est aussi bien dans un intérêt littéraire
que dans un but de piété envers un mort qu'on a pensé à réunir ses
œuvres dispersées. On a laissé hors de cette collection les éditions qu'il
a données d'anciens poètes gallois (Huw Morris et Lewis Glyn Cothi) et
celles de ses oeuvres dont le caractère n'était pas purement littéraire,
telles que des traductions de l'anglais, et un ouvrage étendu sur l'agri-
culture du pays de Galles; mais il restait assez pour un vaste recueil.
De ces trois volumes, les deux premiers contiennent les œuvres galloises
de Walter Davies (prose et vers), le troisième ses œuvres anglaises et
sa correspondance. Il ne nous appartient pas de parler de la partie poé-
tique, mais nous pouvons dire qu'elle est tenue en grande estime par le
public gallois. Les œuvres en prose (galloises et anglaises) ne traitent
guère que de sujets gallois. Walter Davies s'occupait avec un amour
tout patriotique de l'histoire, de la littérature et de la langue de son pays.
A côté de notices consacrées à l'histoire de différentes paroisses, à la
nomenclature des rivières de South Wales, nous remarquons un essai
sur les institutions bardiques de Caermarthen et de Glamorgan, de nom-
breuses lettres sur l'orthographe galloise, des études critiques sur les
traductions galloises de la Bible des xvi" et xvii'; siècles. De nombreux
Bibliographie. 285
articles publiés par Walter Davies dans diverses revues galloises et réu-
nis dans ce recueil traitent en outre mainte question de littérature natio-
nale; on y a joint des rapports sur les concours littéraires de différents
Eisteddfodau et des discours prononcés à ces cérémonies. La variété des
sujets traités par Walter Davies dans les limites de l'histoire et de la lit-
térature de son pays est une nouvelle recommandation de ses œuvres
auprès des personnes qui s'intéressent au pays de Galles et qui en com-
prennent la langue. Cette publication a été faite par les soins de M. Sil-
van Evans, qui a, çà et là, ajouté quelques notes. — Il serait injuste de
n'en pas louer, en terminant, la belle exécution typographique, qui fait
grand honneur aux presses galloises de M. Spurrell.
H. G.
Brittany and its Byways : some account of its inhabitants and ils an-
tiquities, during a résidence in that country , by Mrs Bury Palliser, with
numerous illustrations. London , Murray, 1869, X-314P. in-12. — Prix:
10 sh. 6 d.
M'"*" Palliser est un écrivain de talent à qui l'histoire des arts doit
des publications fort estimées. Après une excursion en Bretagne, sa
visite de ce pays si curieux pour l'étranger lui a paru valoir la peine
d'être racontée à ses compatriotes. Nous croyons volontiers que la
lecture de son charmant volume donnera à plus d'un insulaire la tentation
de faire le même voyage. Elle raconte ce qu'elle a vu sans prétention et
sans longueurs, et, artiste, sait voir le côté pittoresque des choses; de
belles illustrations, représentant antiquités, monuments, paysages, types,
costumes, complètent le récit de l'intelligente voyageuse et font de son
ouvrage une œuvre des plus agréables aux yeux. M'"'= Palliser n'a pas
assez vécu en Bretagne pour connaître les mœurs de ses habitants et
la poésie de ses traditions, et elle a vu le pays plus que les habitants;
mais il ne faut pas demander trop à un livre de ce genre qui à l'agrément
du récit joint le luxe des illustrations.
H. G.
CHRONIQUE,
I
J. p. M. Lescour et Guillaume Lejean. — Celtistes morts au champ d'honneur.
— L'Académie Irlandaise et la Société Archéologique d'Irlande.— Destruction
du Musée de Strasbourg. — Incendie du Musée de Nancy. — Une poésie de
M. Luzel.
Alors même que la guerre n'aurait pas atteint les études celtiques dans les
hommes qui les cultivent et dans les monuments qui en transmettent la tradition,
nous aurions dû commencer cette chronique par de tristes nouvelles, la mort du
poète Lescour et celle du voyageur Guillaume Lejean. Jean-Pierre-Marie Lescour
(en breton Ar Skour, ce qui signifie « La Branche »), né le 2 mars 1814 à
Hanvec, arrondissement de Brest (Finistère), et mort à Morlaix le 19 août 1870,
avait pris le titre de « Barde de Notre-Dame de Rumengol » : Rumengol , un
des lieux de pèlerinage les plus fréquentés de la Bretagne, se trouve dans la
commune de Hanvec, où Lescour était né. Presque toutes ses œuvres poétiques
bretonnes se trouvent réunies dans les deux recueils qu'il a publiés sous le titre
de Telenn Remmgol (iSé-j, in- 12, Brest, Lefournier) et de Tclcnn Gwcngam ^
(1869, in-i2, Brest, Piriou). Il a encore écrit quelques chansons satiriques, telles
que Fistoulik, Ar Bris-Diod (publiées en feuilles volantes par l'imprimerie Haslé,
à Pvlorlaix). Lescour aimait la langue bretonne et s'intéressait vivement au mou-
vement de renaissance littéraire de la Bretagne; mais sa muse restait souvent
terre à terre et ne connaissait pas l'élan d'une inspiration véritable. — Une
perte plus grande pour les lettres bretonnes est celle de Guillaume Lejean (Ar
lann), bien qu'il ait peu écrit en Breton. Il est mort au mois de février dernier,
au retour d'un voyage en Turquie, dans le village de Plouégat-Guerrand (Fi-
nistère), où il était né en février 1824. Ses études du collège achevées, il était
entré comme employé à la sous-préfecture de Morlaix. « Pendant son séjour
dans cette ville (j'emprunte ces détails à une notice de M. Le Men), il publia
une histoire de Morlaix devenue rare aujourd'hui, et un volume intitulé La Bre-
tagne et SCS Historiens, qui fut couronné par la Société Académique de Nantes. A
cette même époque se rattachent encore divers travaux historiques et littéraires
publiés dans VÈcho de Morlaix et des traductions bretonnes de la Bible très-
appréciées et presque introuvables aujourd'hui. Il partit ensuite pour Paris où il
I . Le texte breton de ces recueils est accompagné d'une traduction française.
Chronique. 285
devint secrétaire de Lamartine, et fut attaché à la rédaction du journal Le Pays
qu'il quitta avec ses collègues après le coup d'état. » Dès lors, il se livra
entièrement à la géographie pour laquelle il avait une véritable vocation. Ce
n'est pas ici le lieu de mentionner ses travaux géographiques, ni de raconter ses
grands voyages en Asie et en Afrique et sa captivité chez le roi Théodoros. Bien
qu'il vécût en Orient plus qu'en Bretagne, il n'avait pas oublié son pays natal,
et lorsque la mort l'a surpris, il méditait un ouvrage sur la littérature populaire
de Basse-Bretagne. Nous ne pouvons mieux faire pour le louer que de citer
quelques mots écrits par M. Renan, à la nouvelle de sa mort : « La mort de ce
pauvre Guillaume Lejean m'a désolé. Il était une des gloires de notre Bretagne,
le plus intelligent et le plus courageux voyageur de France. Et, avec cela, homme
de grand cœur, esprit critique et plein de pénétration. Vous savez qu'il était
aussi fort versé dans nos études Bretonnes, et qu'il avait formé une collection de
chansons populaires de notre pays. C'est encore une grande perte que nous
faisons de ce côté-là. «
C'est entre deux campagnes que César écrivait son traité grammatical De
Analogia, et les officiers qui emploient leurs loisirs à des études de philologie ne
sauraient avoir un plus illustre patron. Les études celtiques ont été de tout
temps cultivées avec succès par des hommes adonnés au métier des armes :
M. Pictet et M. de Belloguet ont été officiers, le premier dans l'armée suisse, le
second dans l'armée française; officier dans notre armée est également M. Mowat
dont nous signalons plus haut (p. 272) une incursion dans le domaine de la phi-
lologie gauloise. Aussi devons-nous un souvenir et une parole d'adieu à de jeunes
officiers qui s'adonnaient à nos études et que la mort a enlevés avant qu'ils aient
eu le temps de rien faire pour elles. Le premier régiment de Tirailleurs Algériens
en comptait trois dont les noms se trouvèrent parmi les premiers souscripteurs
de la Revue Celtique : MM. Vuillemin, Belamy et Delaitre, les deux premiers
lieutenants et le dernier sous-lieutenant. Nous tenons d'autant plus à constater
que les études celtiques étaient cultivées par des Turcos, que ce corps a été de la
part de l'ennemi l'objet de calomnies toutes particulières. La mort héroïque du
lieutenant Belamy, tombé à Wissembourg, a été racontée dans un récit qu'un
turco, simple soldat, a donné de cette aiïaire'; et ce régiment a été si fortement
engagé à Wissembourg et à Wœrth , que nous avons tout lieu de craindre que
le sort de M. Belamy n'ait été celui de MM. Vuillemin et Delaitre. La Revue a
perdu un autre de ses souscripteurs dans la répression de l'insurrection parisienne,
M. Rajat, capitaine au y régiment d'infanterie provisoire, tué à l'assaut d'une
barricade. L'Allemagne n'est pas seule à regretter des savants tombés sur le
champ de bataille !
I. Souvenirs de campagne et de captivité, par Albert Duruy, dans la Revue des Deux
Mondes d\i r-' juin 1 871, p. 435.
286 Chronique.
Malgré notre répugnance à parler des événements de la politique contempo-
raine dans cette revue, à laquelle nous voulons garder un caractère à la fois
neutre et international , il serait ingrat de notre part de ne pas rappeler, sinon
comme témoignage de sympathie à la cause de la France, du moins comme
hommage aux droits de la civilisation, la conduite des deux savantes sociétés
qui représentent en Irlande les études celtiques, je veux dire l'Académie Irlan-
daise et l'Association Historique et Archéologique d'Irlande. Lorsque le siège de
Strasbourg eut montré quel péril la poliorcétique allemande faisait courir aux
collections scientifiques et artistiques qui sont le bien moins de la France que du
monde civilisé tout entier, l'Académie Irlandaise de Dublin protesta d'avance
contre le bombardement des monuments publics de Paris et l'Association Archéo-
logique et Historique d'Irlande suivit aussitôt son exemple'. Nous remercions les
sociétés irlandaises du sentiment qui a inspiré leurs démarches, mais nous ne
devons pas leur laisser ignorer que si le Louvre et la Bibliothèque Nationale ont
échappé au destin de la Bibliothèque de Strasbourg, ce n'est pas que leurs pro-
testations aient été entendues, mais parce que ces précieuses collections étaient
hors de la portée du tir des assiégeants.
La destruction de la Bibliothèque de Strasbourg dans la nuit du 24 août 1870
est en effet un des événements les plus douloureux de la dernière guerre et une
des pertes des plus cruelles, non-seulement pour l'Alsace, mais aussi pour la
science ^. Le gouvernement d'Alsace-Lorraine a eu la prétention de la remplacer
par une collection d'ouvrages modernes réunis de divers côtés, et les naïfs
peuvent croire que la Bibliothèque de Strasbourg est aujourd'hui ressuscitée de
ses cendres. Mais les érudits savent bien qu'on ne refait pas une bibliothèque
comme on rebâtit un édifice, et qu'on ne remplace pas une collection de 400,000
volumes, la plupart anciens, de 5,000 incunables et de 5,000 manuscrits. Ce
que surtout on ne remplacera pas, c'est l'admirable collection d'antiquités gallo-
romaines qui se trouvait dans le même local que la Bibliothèque, et qui a
presque entièrement péri avec elle. La vallée du Rhin a été habitée par des
populations celtiques avant d'être envahie par les tribus germaines, et les époques
gauloise et gallo-romaine y ont laissé, de ce côté du Rhin surtout, un grand
nombre de souvenirs. Ils avaient été réunis dans le musée de Strasbourg; il y
avait là, entre autres monuments, une précieuse collection de bas-reliefs mytho-
logiques du plus grand intérêt pour l'étude de la mythologie celtique. Quelques
uns ont fait l'objet d'intéressants travaux publiés par M.F.Chardin dans la Revue
Archéologique. M. de Barthélémy citait récemment l'un d'eux ici-même (p. 3).
1. Voir le Journal 0/ the Historical and Arch<£ological Association of Ircland, janvier
1871, p. 320.
2. Sur la destruction de la Bibliothèque de Strasbourg et sur la responsabilité du
général de Werder dans ce désastre, voir l'article d'un savant distingué de Strasbourg,
M. Rodolphe Reuss, dans la Revue Critique du i" septembre 1871.
Chronique. 287
Ces richesses sont probablement perdues pour la science celtique; car bien que
les objets de cette sorte résistent mieux que des manuscrits ou des livres aux
ravages d'un incendie, la ruine du bâtiment de la Bibliothèque a été telle qu'il
ne peut guère en survivre que des débris informes. Nous avons voulu nous ren-
seigner à cet égard, et voici ce que nous écrivait de Strasbourg, le 6 août, un
archéologue distingué de cette ville, M. le colonel de Morlet : « Il n'est pas
encore possible de préciser ce qui pourra être recueilli du musée de la Biblio-
thèque de Strasbourg : le bâtiment, effondré par le bombardement, doit être
entièrement démoli et reconstruit. Tout ce qui, trouvé dans les décombres, a
paru provenir du Musée, a été entassé à l'Académie, et il n'est pas encore
possible de réunir ces débris mutilés ; je crains bien que les bas-reliefs mytholo-
giques ne se retrouvent pas intacts; j'espèrecependant pouvoir réussir à retrouver
dans cette masse au moins le Mithra découvert il y a deux ans ; on m'assure
qu'il doit s'y trouver. » Nous tiendrons nos lecteurs au courant de ces travaux
de déblaiement ; mais déjà on en sait assez pour dire que peu de chose survivra
du musée gallo-romain de Strasbourg. Il importe peu aux maîtres de l'Alsace
que cette province ait perdu les titres de son ancienne nationalité gauloise; mais
nous avons le droit de les regretter doublement, comme archéologue et comme
Français. Ce qui avait survécu à l'invasion du quatrième siècle n'a pas été
épargné par celle du dix-neuvième, et nous pouvons, hélas! redire avec un auteur
ancien : les ruines mêm.es ont péri!
Ipsce periere ruina!
Un malheur analogue devait, dans d'autres circonstances, frapper la capitale
de la Lorraine. Dans la nuit du 17 au 18 juillet, le feu se déclarait, sans qu'on
en connaisse encore la cause, dans le palais ducal de Nancy, que les soldats
prussiens avaient évacué le 15. La Bibliothèque et le Musée, installés
dans ce vénérable monument, ont presque entièrement péri dans l'incendie : les
collections de Nancy étaient loin d'avoir l'importance de celles de Strasbourg; ce
n'en est pas moins un événement déplorable, pour la ville de Nancy surtout,
si durement éprouvée déjà par le long séjour de l'ennemi. Le musée
renfermait plusieurs objets gallo-romains. Voici ce que nous écrit , au sujet
de ce désastre, M. Ch. Cournault, conservateur du Musée Lorrain : « Il
existe au catalogue du Musée Lorrain, édition de 1869, pp. 16-34, n°' 92-250,
une énumération des objets en bronze, fer, terre cuite, etc., de l'époque gallo-
romaine, que possédait le Musée. Pour les objets les plus importants, il y aune
courte description, mais c'est surtout au journal de la Société Archéologique qu'il
faut recourir pour trouver, soit des descriptions détaillées, soit même des dessins
lithographies. Malheureusement la collection des catalogues et celle du journal
ont été brlilées dans l'incendie de la Bibliothèque. Quelques statuettes de l'époque
gallo-romaine ont pu être sauvées ainsi que le bras et la jambe de la Venus de
Scarponne, des haches ou ciseaux de bronze, des pointes de lance, quelques
1
288 Chronique.
fibules, des as de la république romaine, des anses de vase, etc.; mais tous ces
objets ayant passé par le feu , ont été soit fondus en partie, soit tordus ou
brisés. Leur patine a disparu complètement et ils se présentent dans l'état le plus
déplorable aux yeux de l'archéologue. Il serait impossible, à moins d'un long et
minutieux travail, de les décrire dans l'état oij ils sont. On les a tous déposés
dans une caisse, pêle-m.èle, à l'abri des regards du public, sous les voûtes de la
chapelle des Cordeliers, qui est fermée. On procédera plus tard à leur inventaire
et à leur classement; Toutes les antiquités en pierre, inscriptions, bas-reliefs,
tombeaux, étaient au rez-de-chaussée et n'ont pas été atteints par l'incendie. Les
vases en terre sont dans le même cas. »
Nous ne parlerons pas aujourd'hui des événements qui ont pu se produire
depuis l'an dernier dans le monde celtique, car il ne convient pas de mêler des
pensées profanes à tous ces .souvenirs de deuil. Nous terminerons en citant une
belle et touchante poésie de notre ami et collaborateur, M. Luzel, que nous
trouvons dans un journal de Bretagne, Le Lanmonnais du 29 juillet, et nous
espérons que le lecteur nous pardonnera, eu égard aux circonstances, d'empiéter
une fois en passant sur le domaine de la littérature celtique contemporaine. Nous
remarquons à ce propos que M. Luzel y écrit son nom Ann Uchcl en breton; Il
écrivait jusqu'ici Ann Huel; l'un et l'autre signifie littéralement « Le Haut. »
Les deux orthographes sont admises, mais la première {Ann Uc'bel) nous semble
meilleure parce qu'elle correspond au nom français Luzel (pour L'Uzel), où
l'aspirée c'h, anciennement. x (breton uc'hel = gaulois uxello-), a laissé sa trace
dans le z. Du reste, l'orthographe des noms propres n'est pas soumise à des
règles bien rigoureuses.
H. GAIDOZ.
AR VAMM GLANV.
Klewet : — Un intanves a oa chommet klanv-bra:
War hc gwele : he mab bete kcar a redaz,
Buhanna ma c'hallaz, da glask medesined
Ewit hi louzoai, ha iac'hâd he c'hknnd.
Na oa ket pinvidik, met n'hen doa kct damant
Ewit he vammig kei-z da roi he hall arc' liant.
Ma teuaz gant-han tri, ar re muia brudet
Hag ar muia gwiek, herve m'hen doa klcwct.
Pa digwczjont en ti, a tastonjont, gant mail,
Hag lie brcch, hag hejenn, hag hi chavjont klanv-fall.
— Rld a vô hi goada! — a lavaraz unann.
— Te a zo un azenii, ha na ouzoud foeltr mann !
Chronique. 289
A lavaraz ann eil : — Marw a ve kent ann noz
Mar tenfcs takcnn voad; na wcles kct penoz
Ez eo skornet he zreid! — Ro peuc'h din-me raktal,
Ann tân zo en he fenn ! Lak' da dorn war he zâl.
Me a lâr roi dour tomm! — Ha me 'lâr tenna goad!
— A^^ douMomm, na goada ! Rag goaveït er-vad
"Ve lac' ha ar vroeg paour ober 'vcl ma lâret :
Ar choiera hi deûz, ma c'hredet mar karet!
A laraz ann drived : — Penoz ar choiera ?
— la n'hoc'h met daou azenn, ha na ouzoc'h nctra!
— Ar vroeg a varvo, sur, mar komer ho louzou. —
— Ra varvo 'ta, kentoc'h eget heuil' ho komzou! —
Hag c kricnt ho zri, hag c skocnt ho zroad,
Hag ho zello a oa ker ruz cvei ar goad.
Ha keit-se ar vroeg paour, euz ur c'horf-marw henvel,
Na gomze, na fiache; ez oa 'vont da vervel.
He mab a oa eno 0 selaou, glac'haret,
Ha da louzouerienn hen eûz neuze lâret :
— « Na ranforz al louzou, gant ma vô va mamm iac'h;
Met, en hano Doue, gret prim, pa lâran dac'h! n
Met nhaljont dont a-benn nepred da cm giewet,
Diwarbenn ai louzou, nag iwe ar c'hlenved.
Hag ar mab a Idraz : — « It-kuit gant ar gounnar!
Me 'iac'hao ma mamm; c'hui hi lac'h/e, hep mar! i»
Ha war gorf ien he vamm neuze a em strinkaz,
Ha d'he zreid, d'he daou-dorn ha d'he zremm a pokaz,
Hag a skuillaz daero euz a wir garantez,
Hag a teuaz he vamm d'ar iec'hed, d'ar vuhez !
Selaouet : Ar vamm-ze pehini 'zo klanv-fall,
Gant gouliou spontuz, ez eo hor mamm Bro-C'halt :
Hag ai louzouerienn 'zo klasket var he-zro,
Mar na garant diwail, hi c'hasfont d'ar maro !
Kenvroïz ker, kredet, ewit torri ankenn
Ha klenvejou ur vamm, ar gwella louzouenn
Eo karout anezhi. — Bcomp 'ta unanct
Ewit karout hon bro, hag a vô c'hoaz zatwet. —
F. -M. Ann UC'HEL.
Plouaret, 16 ewen 1871.
290 Chronique.
UNE MÈRE MALADE.
Ecoutez : — Une veuve était restée dangereusement malade, sur son lit.
Son fds courut à la ville, le plus vite qu'il put, afin de chercher des médecins
pour lui donner des remèdes et guérir son mal.
Il n'était pas riche; mais il ne craignait pas de donner tout son argent pour
sa mère chérie. Il amena trois médecins, les plus renommés et les plus savants,
d'après ce qu'on lui avait dit.
En arrivant dans la maison, ils s'empressèrent de tâter le bras et la tète de la
veuve, et ils la trouvèrent très-malade. — Il faut la saigner, dit un d'eux. —
Vous êtes un âne ! vous ne savez rien du tout !
Lui répondit le second : — elle serait morte avant la nuit, si vous lui tiriez
une seule goutte de sang! Ne voyez-vous pas que ses pieds sont glacés. —
Laissez-moi en paix à l'instant ; elle a le feu à la tête ; mettez votre main sur
son front.
— Je dis qu'il faut lui donner de l'eau chaude! — Et moi, je dis qu'il faut la
saigner! — Ni eau chaude ni saignée! car sachez bien que ce serait tuer la
pauvre femme que de faire ce que vous dites : elle a le choléra! croyez-m'en si
vous voulez :
Dit le troisième. — Comment le choléra? — Oui; vous êtes deux ânes, et
vous ne savez rien! — La femme mourra sûrement, si elle prend votre remède!
— Eh! bien, qu'elle meure, plutôt que de vous écouter!
Et ils criaient tous les trois, et frappaient du pied, et leurs yeux étaient j
rouges comme le sang. Et pendant ce temps-là, la pauvre femme, semblable à 1
un cadavre, ne parlait ni ne bougeait : elle allait mourir.
Son fils était là qui écoutait, le cœur navré, et il dit alors aux médecins : '
— Peu m'importe le remède, pourvu que ma mère soit guérie ; mais, au nom de
Dieu, hâtez-vous !
Mais ils ne purent tomber d'accord, ni sur la maladie, ni sur le remède, et •
alors le fils dit encore : — «Allez au diable! moi, je guérirai ma mère, et vous,
vous la tueriez sûrement ! » —
Et il se jeta sur le corps refroidi de sa mère, embrassant ses pieds, ses mains
et son visage; il répandit de vraies larmes d'amour et il rappela sa mère à la '
santé, à la vie. ,
Ecoutez : — Cette mère qui est dangereusement malade, avec des blessures i
épouvantables, — c'est notre mère la France; et les médecins qui ont été i
appelés pour la soigner la conduiront à la mort, s'ils n'y prennent bien garde! i
O mes chers compatriotes, croyez-moi, pour soulager la douleur et les maux I
d'une mère , le meilleur remède c'est de l'aimer. — Entendons-nous donc dans '[
l'amour de la patrie, et elle Sera encore sauvée!
Plouaret, le 16 juin 1871. F. -M. LUZEL. j
Nogent-le-Rotrou, imprimerie de A. Gouverneur. i
Errata du premier numéro.
gne 24, au lieu de : Prémeaux lire : Pernanà
dafod laferyd bob gyeithred hynod, a
guiuglcd a uneithid truy dir cymru er
y s talm 0 amser. Ond os myfyrio a da-
munych ne darlain ar ych pen ych hû,
chui a gaech l'eiiis le cymyys i hynny,
er maint fy da i boetfini'r tes; nail ai
meun tai glei^ion hafaid, ne gar layr
dufr rhedegog meyn glyn ag irgoed,
ne meun dyphryn lysseuayg, ne ar ael
doldir meilionaug, ne meyn cadlas 0
fedy, ne 0 ynn planedig, ne ar fynyd
amlyg auelog, ne meyn rhyy gyfle ar-
al, le ni bydai na blinder naluded yr-
th yres yr binon. Ond ynghylch y dref
hon, nid oes dim tcbig; canys os i ogo y
cyrchych, ne i gilfach heb haid yn toy
ynnu vn amser arni,chyi a geych oer-
fel angheuayl, os yntau meyn le am-
^Vg y trigych, y brydni a dayd frain ag
adar, os aros a yneych yn iy, chyi a fy
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Laisj noed erail o'n hamgylch : etto ni chyn-
son hessa calon cymro yrtliynt, megis y gu-
~ nai urth lan dyfrduy , ne laur dyphryn
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Dit A phe bai'r le 0 hono ihun yn gystal ar
vo"^ fan ore yngliymru , etto e layenychai
fynghaloni yno yn gynt vrth gloued y
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gog yn canu, nog a ynai yma vrth glo
yed perbynciau'r eos, ne fy y niais brô-
So fraith, ne lathreidgan muyalch, ne pe
gunaid musig cysson cyfangan 0 gyd-
lais paradyyssaid hol adar y byd yn yr
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Errata du premier numéro.
gne 24, au lieu de : Prémeaux lire : Pernanà
a uyl fai le ni ho, a chariad ueithiau
a farna^r bai yn rhinued Urth hynny
Ira fo cimainî ych serch i gymru, an-
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lun i dim yel i difyrru^r amser na sia-
rad am bethau cymreig, ag edrych be
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fydai bofjbl i ni yneuîhur mal y gyna
eth layer o^r groegyyr, ar ladinyyr
gynt, pan yrrid nhuy ar darfysc i ryu
gilfach neultuaul i dario : yno'r scri-
fonnent hyy riy beîh i hyphordi gyyr i
gulad meun rhinyed, dysc, ne bethau
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^^'ê' thynhuy yn barod oi cynhorthyyau pâ
fydent meyn cyfinggyngor. Canys yr
ydoed genthynt yn i hiaith ihunan, i
vous gyfedach, ag imgynghori a hyy ni, ra-
madegyyr celfyd , ymryssymyyr ystroy-
gar, areithyyr ymadrodus, dadleuyyr
parabldoeih , philosophydion dyfndysc
Se fydygon coyraint, gyfreithyyr arder-
— Pt chayg, dinasuyr pyylaug, ryfelyyr en-
^^"' yog, a guyr godidaug ymhob celfydyd,
. ^ grady aîhreigl syd yn damyain ymysc
vous dynion, fal y galent gael, pan chyenny
Et chent yybodaeth am bob peth a dama
^^ son j^(,f^^^ (i chloijed dyledus henyau pob cy
santé , .
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Errata du premier numéro.
gne 24, au lieu de : Prémeaux lire : Pernanà
friy beth, gen baub yn i gylfydyd ihun
A ninnau syd heb yrun o'rhain gen-
nym, na chiiaith (am yn bod cyn beled
odi cartref) jod i graphu ar yr iaith
sathredig ymysc y cyphredin. 0 heru
y 4 hyn, pe galem gael gyybodaeth ur-
th darlen lyfrau 0 ieiîhiau erail , am
laver 0 bethau a datent i dyscu ai treu
thu, etto, e fyd caledi maur pan gei^i-
er cyfieuîhu a throi yr vnrhiu bethau
i'r gymraeg, am fod yn brin y geiriau
gènym, er bod yr iaith 0 honi ihun cyn
gyfoethocced ag un aral. Mo. Gedu-
ch ido, er nas galom yneuthur yn gy-
stal ag y damunem; ef aie y bernir yn
eyylys ni yn da am yneuthur a alem :
canys le palo'r grym eyylys da a hae-
da glod. Hefyd gyej , rhag bod yn
segur, ag i difyrru'r amser, siarad
am y gymraeg, yn gynt nog am
ofered
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290 Chronique.
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veuv ojereà gan na ad y hrydni anfei-
draul i ni yr ouran, studio dim a phru-
yîh yndo. Gr. Yn enii duy, gyfynnuch y
peth a fynnoch, minnau a'ttehaf yn
orau mettrijyf. Ond, yn fy marni, go-
rau oed yn gyntaf son am ramadeg :
^^'&' Canys 0 dyno bydau dechrau, os myn-
em i'r iaith gynnydu yn lyydianus.
Etto gan nad yu i'n bryd, ond son o'ra
Vou
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Laisf
pauv»
vous
Dit
vous bed amdani gofynnych y peth cyntaf a
ryngo bod iijch grybyyl 0 honof. Mo.
Minnau a dechreuaj gê hynny a gra
madeg, ag yno mi a ynaf fal y gyely-
— l
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Se yfachos.
-Pt
Dieu Deth yu gramadeg a phessayl rhann
M- arbennig syd idi. Cap. I.
alor'
YQ,.s DOedych ithe fely, yn eny duy, beth yy
Et gramadeg. Gr. Gramadeg y y celfy
et son dyd, i doedyd ag i 'scrifennu pob yma-
sante
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Errata du premier numéro.
gne 24, au lieu de : Prémeaux lire : Pernanà
drod yn gouir, ag yn gyfadas. Mo.
Pessaul rhan arbennig syd i ramadeg?
Gr. Pedair, a rhain a eliiir pedair co-
lofn Cramadeg. laynscrifenydUth,
Cyfiachydi^th, Cystrayi£th, Tonydi^th.
Mo. Beth yu laynscr? Gr. Rhan 0 Ramad-
eg yn dyscu a pim lythrennau y dylid
scrifennu a silafu pob galr. Mo. Beth
yu Cyjiach.? Gr. Rhan 0 Ramadeg yn
dangos megis iachan pob gair ar i bê
ihun al an 0 blethiad ymadrod : mal
manegi tadog£th epil, cenedl, rhij, trei
gliad gair cyn i roi meiin cymlheth ■
ymadrod. Mo. Gen dechraa onoch,
moessuch gloued descreifiad y duy go-
lof n erail. Beth yu Cystrauidith? Gr.
Rhan 0 ramadeg yn hyphordi vn i
gyssyldu yn iaun ag yn gysson ymrafael
rannau o'madrod ynghyd ijrth y cyn-
ghordiadau ai perthynas. Mo. Be
B lach
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lach i yneuîhur pê ar y pedair colofn
Vou doeduch beth yy Tonyduth^ Gr. Rlià
L, 0 ramadeg i gyfruydo dyn i adnabod
""^ ^ iaijn dô, a chymuys fessurau ymadrod.
At y, rhan lion y perthyn pob dosparth
_ ar gynghaned a inessurau cerd dajod.
saig. Mo. Ai digon gyybod y pedair rhan
pauv' y ma, i yneuîhur vn yn rhamadegur
perphaith? Pam nad digon? Canys os
medr vn scrifennu'n goyir, a silafu'n
iayn bob gair, ag adnabod i hanes, i
1 dreigl, ai eppil yn gyntaf ar i ben ihun
yedi hyny yn hyphord cystrayennu'r
geiriau yn gynghordiayl i yneuîhur,
j perpheidbleîh ymadrod, a chida hyn
Dieu dosparîhu îon, accen, meidir, a messu-
^ raa damuyniaul i^madrod ai rhanau
^°'' ni bydai diin yn ol a berîhynai aï suyd
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gramadegyr ardechaug. Mo. Yn
yir nid oes dim amgen oi ofyn ar i tau
Errata du premier numéro.
gne 24, au lieu de : Prémeaux lire : Pernanà
ef. Ond yroyrâ yedi iuch dangos me-
un ychydig 0 eiriau, beth yu grama-
deg ai phedair colofn, chiji a yrrasoch
arnaf flys cloued desparth manylach
ar bob un 0 honyn, i gyjryydo un a chu
ennychai scrifennu cymraeg, ai doe-
dyd yn iayn, ag i gadu yn hiaith rhag
i mynd ar gyfyrgol. Cr. Anayd ini
y ma yneuîhur hynny yn berphaith, 0
blegid y drapherth syd i'n gorthrymu,
Hefyd yr ydym ymhel alan o'n gylad,
ag a fuotn yn hir, jal na alom na go-
fyn cyngor erail na dal ar yr iaiîh yn
hunain. nid oes chuaith gennym neb
a'mcanod y lyybr hun yn y gymraeg
on blaen ni, fal y gelid yrtli ol i droed,
gael peth cyfryydyd. fely nid gyiu i
ninnau ar hyn 0 amser amcanu, a dy-
fei^^io phord a iyybr neyyd, ai duyn i
hen perphaitli a'runuaith , ag nis ga
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!o4 (med Aristoteles) yr vn gyr erioed
dychmygu celfydyd oi dechrau, ai gii-
neuthur yn berphaith hefyd. Mo.
Gyir diammau yy'r peth a doedassoch,
er hynny rhyglydus y y cychyyn gyaith
da, er nas galo dyn i dyyn ef i'r pen
S3'&' y damunai, Hefyd meyn ieithoed era-
il, nid oed i bob celfydyd ond dechrau
disas, ag ynol i dechrau vnyaith , erail
0 amser i ainser ai trefnod hyynt, ag
ai chyanegod nés i dyad 0 dechreuad
bychà amherphaith , i'r perpheithryyd
y maent yndo yr oyran. Ni bydai hyy-
S, rach ond dechrau onochyithau ar y
■ I gramadeg cymraeg, y canlhynai erail
a ynai ben ar y gyaith, ag ai try^iai le
methai gennychyi. Gr. Ni alafinnau
mo'r gyad, nad yy'r dihareb yn yn yir,
E dechrau'r gorchyyl yy ■ hanner y gya-
ith, a phan yeler cychyyn peth molian-
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nus rhagdo pob dyn dih'istr a fyd pa-
rod i gymorth, Am hynny , gan yeled
ych bod chyi yn chuennych, mi a unaf
oran galuyf : gyel gênyf yeled onochyi
yrth fyngyaith, fod diphig gain ynof,
na thybied ohonoch fod eisie eyylys i
yneuthur a orchmynnoch. Ag fely
edrychyn beth alom i doedyd ynghylch
y golofn gynîaf i ramadeg, ni a oedyn
i tair erail nés cael myy 0 ennyd a sei-
biant. Mo. Mosssych, yn eny duy , y
rhan yma yn gynîaf, a phan darpho
yych yneuthur pê ar hon, ni siariadyn
am y! ail.
laynscrif. aphessayl pync syd oi'styriay
yn i chylch. a phump peîh pyrihyn-
assol i lythyren oi draethu.
Cap. 2.
BElh syd raid i fanegi yrth dreuthu
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veuv launscr. Gr. 0 heruyd bod yn scrifen
Vou nu pob gair a lythyrennau, yn gyntaf
dim rhaid yu guneuthur dosparîh byr
ar y lythyrenau, ag ijedi hynny son am
y silafau ar geiriau. Mo. Pessaul pu-
_ ne syd oi'spyssu. yrth dosparth y lythy-
saig. rennau? Gr. Pump, yn gyntaf d'un da
P^"^' oed fanegi, beîh yu lythyren; yn yr ail
fan guedus oed doedyd y nifer syd o
honynî, yn y trydyd le cy fadas yu dan-
gos heny pob un; yn ol hynny cymhesur
oed dyyn ar dalt, pa yahan syd rhyn-
gîhyntf yn diuaeîha o'r cybl y hydai
fodus yspyssu y mod syd yy cyssyldu
_ I nhyy i yneuthur silafau. Mo. Beîh
Die. yxt lythyren. Canys am hynny mae'n
rhaid, yrth a doedassoch , cael adrybed
yn gyntaf. Gr. lythyren yy'r, elfen leiaf
ineyn ymadrod. Mo. Beth yy elfen?
et S( Gr. Rhan diuahanrhedaijl o beth cy-
jan-
Errata du premier numéro.
gne 24, au lieu de : Prémeaux lire : Pernanà
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fansodedig, a fo mor sengyl na elir moi
pharîhu i amrafaelion rannau erail
y ladinuyr ai geilu elementû : y cymru
elfyd, ne elfen. Mo. Vrthynny nid
ydiu dd. ph. ch. th. ll.lythyrennau, 0 her-
yyd i cyfansodi 0 dyy elfen. Gr. ydynt
er hynny i gyd. Canys nid oes ond galu
vn lyîhyren gan bob un 0 honynt, er i'
scrifennu a duy elfen, eisie i'r cymru
dychmygu vn fath ar elfen i yasaneu-
îhu tros bob un megis y gynaeîh y gro
egyyr yn le ph, th, a'r vn phunud yn le
dd, ag ch. A phe buassai sain. H. genth-
ynt, ni adousid dim honihithau heb i
lun sengl o'r neultu. Ond am gaelonô
ni yn lythyrenau gan y ladinyyr, e or-
fu clfttio hyn 0 diphig, nail aitryyfy-
ry, h, at lythyren, ne îryy dyblu'r un,
mal y mae'r arfer fyyaf etto, yn ydyy
yma, dd. //. Ond cynnhyyssach yy, (jna-
nyedig
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290 Chronique.
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veuv nuedig os mynnem breintio dim) roi
Vou titl dan odre. d. yn le. dd. dan odre. l. yn
L. le. II. ag. fely ta odre. u. yn [e'r chijeched
fogail; mal, lau duu : ne ryu nod hynod
meun man aral, imijared a gurîhun-
_ dra idyblu. Mo.
saig.
P^"^' Lun henyai a nifer. y lythyrennau.
Cap. ? .
— Maer [un ar henu syd i bob lythyren?
1 Gr. Vrth y dafylan yma e geir gyybod
'^°"' pob un 0 honynt. Ondefua^ai raid yn
c êy^^^f ào^àyd pessayl vn syd o'r lythy-
_ I rennau igyd, Canys hynny oed yr ail
bync a'dayyd i fanegi ynghylch y ly-
thyrennau : etto gan ofyn onoch yn gyn
taf am i luniau, ai heyau, mi a ynaf
ynol ych dysyfiant chyi delluch yn da
et s( ar y dafulan yma ag chyi a geych yc
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Mae lieblau'r rhain dair erail , nid '^^^ ,
'S lecteurs
ydyn lythyrennau cymraeg. s. penrh. Q_
X. Z. cyphr. q. x. z, henyaa, cuy, ecs,
zed. etlo rhaid vrth y dyy gyntaf i'scri
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yç^^ fennu ymbel air ladin, ag yrth y diya-
Vou ethaf i silafu rhyu air grocg a fenthy-
L. cier yeithie. Mo. mae'r phord i dait
y dafulan yma. Gr. Chyi a yelych dair
rhes i bob lythyren, yn y gyntaf mae lu
_ niau mayr idynt, a'r riieini a elyir pen
saig. rheithiayl, yn yr ail res mae luniaa by
P^"^' , chain, a^rheini a eluir lythyrennau cy
phredinaul, yn y dryded y mae heny-
YQy au pob vn. Mo. Paham y gijnayd
— dau lun i bobun o honynt? a oes le urth
l iaynscr. y dylid scrifennu'r nail a go-
chel y lai ? Gr. Oes : yn nechrau pob
rhessym cyflaun gyedus oed scrifennu
_ I 'rhai myyaf, a hefyd pob heny prio-
Die- dayl a dylid i dechrau ag vn or pêrhei
th.iaul, mal, lesu. Mair. Gruphyd. jun-
dain. Hafren : ag am i bod yn bcnnaf
yrth dechrau ^rhain, ei gelyir pen-
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Page I, ligne 24, au lieu de : Prémeaux lire : Pernanà
Page 3, ligne (>, — —
Page 5, ligne 10, — —
Page 56, ligne 7, au lieu de : Valkyrian lire : Valkyria
Page 73, ligne 37, au lieu de : trigium lire : triginn
Page 76, ligne 7, au lieu de : séc. lire : sec.
Page 79, dernière ligne, au lieu de : duaccradat lire : duacradat
Page 80, ligne 22, lire nuradinse (quae loquebar), prés. sec.
Page 83, ligne 7, au lieu de : th. masc, en u lire th. masc. en t
Page 85, ligne 5, au lieu de : français lire : français
— avant-dernière ligne, — —
Page 1 12, ligne 20, au lieu de : setu-inîWre : setu int
Page 1 14, ligne 20, au lieu de : gromzas lire : gomzas
Page 1 16, ligne 4, au lieu de strumm lire stutnm
— 5 , — ma oaoa digwêt, lire : ma oa digwêt
Page 120, ligne 17, au lieu de : gaut lire : gant
—
19, — hè — hé
Page
122,
ligne 1 1 , au lieu de : ijem lire : ijenn
—
12, — gaut — gant
—
16, — aun — ann
—
31, — enz — euz
Page
124,
ligne 22, au lieu de : gaut lire : gant
—
36, — griè... hè lire : grié... hé
Page
130,
ligne 1 4, au lieu de : gawd lire : gwad
Page
M7,
ligne 34, au lieu de : ruccaitgthe lire : ruccaigthe
Page
M9,
ligne 26, au lieu de : persuasis lire : peruasis
—
ligne 37, au lieu de : perrerantes lire : pererrantes
Page
172,
note 3 , ligne i , au lieu de : Le lecteur lire : Les lecteurs
TO OUR SUBSCRIBERS.
Owing to the late events, we hâve been for a very long tirae prevented
from issuing the ' Revue Celtique'; consequently, the subscripîion to
the first year will be continued until the end of the ist volume which
we shall endeavour to complète before 1872. From thebeginning of the
second volume henceforward, we shall do our utmost to bring out the
' Revue ' every third month regularly, as we promised in the prospectus.
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La Revue Celtique forme par an un volume d'environ 520 pages.
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Il est tiré quelques exemplaires sur papier de Hollande portant sur le titre le
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La direction de la Revue ne s'engage pas à renvoyer aux auteurs les
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tor, care of Mons. F. Vieweg, propriétaire de la librairie A. Franck,
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AND C, 8 and 60, Paternoster Row, E. C. London. » , .
The Editor cannot undertake to return communications which are
not asked for.
Nogent-le-Rotrou, imprimerie de A. Gouverneur.
J.ffc.^^.
ù-£M^
Les Numéros ne se vendent pas séparément.
A ^ PUBLIÉE V"^ ^
^ ^^
iQ^ AVEC LE CONCOURS DES PRINCIPAUX SAVANTS V^V
DES ILES BRITANNIQUES ET DU CONTINENT
DIRIGÉE PAR
H. GAIDOZ
Professeur de géographie et d'ethnographie à VÉcole des Sciences Politiques de Paris,
Membre de la Cambrian Arch<eological Association et de la Royal Arch£ological
Association of Ireland, etc.
N"' 3 et 4 — Décembre 1871 — Août 1872
LIBRAIRIE A. FRANCK (f. vieweg propriétaire)
6j, rue de Richelieu, PARIS
TRiJBNER AND C
8 and 6o, Paternoster Row, E.C., LONDON
J^mnberj^ are not sold separately.
SOMMAIRE DU PRÉSENT NUMÉRO :
Au lecteur.
Table des matières .
Liste des collaborateurs.
Liste des souscripteurs.
Les légendes des monnaies gauloises, par M. A. de Barthélémy.
La racine DRU dans les noms celtiques des rivières, par M. A. Pictet.
L'Ex-Voto de la Dea Bibracte (premier article), par M. J. G. Bulliot.
Influence de la déclinaison gauloise sur la déclinaison latine dans les documents
latins de l'époque mérovingienne^ par M. H. d'Arbois de Jubainville.
The manumissions in the Bodmin Gospels, by Whitley Stokes, Esq.
The Luxembourg Folio, by John Rhys, Esq.
Attodiad i Lyfryddiaeth y Cymry, gan y Parch. D. Silvan Evans.
Le Catholicon de J. Lagadeuc, par M. Whitley Stokes.
Proverbes et dictons de la Basse-Bretagne (deuxième article), par M. L. Sauvé.
Traditions et superstitions de la Basse-Bretagne (deuxième article), par M. R.
F. Le Men.
La véritable histoire de Bretagne de Dom Lobineau, par M. P. Levot.
Mélanges : Teutates, par M. H. d'Arbois de Jubainville.
Bibliographie : Hoimboe : Om Vildssviintypen ; — de Belloguet : Glossaire
gaulois (H. d'A. de J.). — Flechia : Di alcune forme de' nomi locali dell' Italia
superiore (H. G.). — Hucher : L'Art gaulois (H. d'A. de J.). — De Saulcy :
Lettres sur la numismatique gauloise (H. d'A. de J.). — H. Martin : Études
d'archéologie celtique (H. G.). — Zeuss : Grammatica celtica (H. d'A. de J.).
— Nigra : Reliquie Celtiche (H. d'A. de J.). — The poems of Ossian, éd. Clark ;
Ebrard : Handbuch der mittel-gaelischen Sprache (H. G.). — Bottrell : Tradi-
tions and hearthside stories of West Cornwall (Gaston Paris). — Wh. Stokes:
StMeriasek,a Cornish drama; Charnock: Patronymica Cornu-Britannica(H.G.).
— 0. von KnobelsdorfF : Die keltischen Bestandtheile in der englischen Sprache
(H. G.). — Thomas : Hanes Cymry America (H. G.). —Publications diverses.
Chronique, par M. H. Gaidoz (M. Wocel et M. de Belloguet). — L'inscrip-
tion d'HoeyIaert. —Articles de revues. — Lectures de MM. Mac Lauchlan,
Luzel et d'Arbois de Jubainville. — Publications annoncées.— Création d'une chaire
de philologie celtique à l'Université de Berlin).
Corrigenda et Addenda.
Note sur : Goidilica, éd. by Stokes (C. N.).
Supplément : Dosparth byrr ar y rhan gyntafi ramadcg cynutug [gan Gruffydd
Roberts, 1 567.] A fac-similé reprint. (This will be continued in regular instal-
ments, with a separate pagination, in ail subséquent numbers until the work is
completed).
J
LISTE
DES
MOTS RELEVÉS SUR LES MONNAIES GAULOISES
(1871).
De tous les monuments qui ont conservé des souvenirs épigraphiques
contemporains de l'époque gauloise, les monnaies sont les plus nombreux.
On sait combien sont peu communes les inscriptions gravées sur pierre
et sur métal; le Dictionnaire d'Archéologie Celtique, publié par la Com-
mission de la Topographie des Gaules, donne de celles-ci les représen-
tations les plus exactes.
Les légendes monétaires forment maintenant un appoint considérable
dont les celtistes, jusqu'à ce jour, se sont peu servi dans leurs travaux.
Il serait injuste de leur faire des reproches à ce sujet et de les accuser
de négligence ; les philologues n'étant pas numismatistes, la prudence
leur faisait un devoir de s'abstenir. En effet l'étude des monnaies gauloises
est récente; elle ne remonte pas au delà de l'année 1856, date de la
fondation de la revue spéciale créée par MM. Cartier père et de La
Saussaye. Pendant longtemps cette branche de la science n'a donné que
des résultats assez vagues. Il y avait des tâtonnements et des hésitations
dans le déchiffrement des légendes; le même mot était souvent lu de
de diverses manières, suivant l'état de conservation des pièces sur les-
quelles il était gravé, et aussi suivant l'habileté de celui qui tentait de le
deviner.
Je ne veux pas insister sur les essais faits jadis par MM. Breulier et
Monin pour interprêter les légendes monétaires gauloises; leurs conjec-
tures, aussi peu solides que celles de M. Pierquin de Gembloux^ n'ont
pas fait faire un pas à la science. Mais je ne puis omettre de noter qu'en
1858 encore, M. Roget de Belloguet reconnaissait qu'il croyait devoir
être très-réservé à l'égard de la numismatique, à cause de l'incertitude
de la forme, des continuelles variations et des difficiles lectures des
monnaies.
20
292 Liste des mois relevés sur les monnaies gauloises.
Il est cependant peu croyable qu'une collection de près de 400 mots ne
fournisse pas quelques éléments utiles aux savants qui cherchent à recons-
tituer une langue. On objectera que dans cette série les noms propres
d'hommes dominent; mais ces noms peuvent donner des indications
précieuses : ils doivent parfois être accompagnés de qualifications;
ils sont souvent composés de vocables qui ont une signification usuelle;
on peut saisir certains détails de prononciation. Je n'ai pas, du reste, à
empiéter sur le domaine de la philologie, devant me borner au modeste
rôle de numismatiste.
C'est aussi comme numismatiste que j'ai essayé de réviser toutes les
légendes des monnaies gauloises connues jusqu'à ce jour; de les présenter
sous la forme que je crois être la vraie; enfin de faire disparaître quelques
leçons erronées que l'on trouve encore parfois dans des livres sérieux.
Les monnaies gauloises à légendes sont relativement les moins an-
ciennes : ces pièces sont d'abord anépigraphes; puis paraissent des
lettres isolées, puis deux lettres réunies ou disposées en monogramme ;
enfin de véritables légendes plus ou moins abrégées. La numismatique
gauloise, proprement dite, finit avec le dernier siècle avant l'ère chré-
tienne.
Ces légendes sont généralement écrites en caractères grecs ou romains;
parfois, dans le même mot ces caractères sont employés concurremment.
Chez les Salasses, et chez les peuplades gauloises de la Haute-Italie, on
voit des monnaies porter des caractères qui procèdent de l'alphabet des
Etrusques et de celui des Latins, surtout du premier. Les lettres celti-
bériennes sont employées à Nîmes et chez quelques peuples de l'Aqui-
taine. J'aurai soin, du reste, de noter, lorsqu'il en sera besoin, les
caractères qui n'ont été empruntés ni au grec ni au latin.
Anatole de Barthélémy.
N. B. — J'ai indiqué par les signes AV, AR, et M, le métal des monnaies,
or, argent ou bronze.
ABALLO. Mauv. lect. p. Caballos. ACVSSROS, M. Rev. num. fr. i8}8. Pi.
ABVCATO, AV. Rev. num. fr. 1836. Pi. 2. XXl.
ABVDOS, AV. JE. Bituriges. Dict. d'arch. ADDEDOMAROS, ADDIDOM, AV. Britanni.
celt. pi. desmonn. n" 144, 14$. Lelewel, J. Evans, pi. XIV, 1,2 a 9. — Num.
VII, 44. Chron. 18(6, p. 1(9.
ACINCOVEPVS-PETRVCORI, OU PERRV- ADIETVANVS REX-SOTIOTA; AR. Sotia-
CORI, AR. Denier au cavalier. Musée tes. Dict. d'arch. celt. n" 47. — Ducha-
de Lyon. lais, p. 16.
ACVNO, M. Lambert. 2' partie, XVII, 14. adnamaTI, AR. Boii. Lelewel, III, 12.
Liste des mots relevés sur les monnaies gauloises.
295
ATHd, JE. Senones. Rev. num. fr. 1844,
p. 365. Dict. d'arch. celt. n" 24.
AESV, AR. Briîanni. J. Evans. PI. XV, 8.
ALABDOAIIOS-NIDE, AR. Lelewel, VI, I 2.
— Duchalais, p. 18.
AMBACTVS, JE. Lelewel. IX, 9. — Du-
chalais, p. 158.
AMBIE, JE. Type des Abvdos. Coll. de
Saulcy.
AMBILLI-EBVRO; AMBILO-EBVR, AR.
Denier au cavalier. Dict. d'arch. celt.
n" 82. — Lelewel, VI, 17.
AMBIORIX, mauv. lect. p. AMBILLI. —
Lelewel, VIII.
AMEN, AV. Salasses (caraci. étr.-lat.). Rev.
num. 1861. p. J44.
AM; AMMI; AMMINVS-DVN, AR, JE.
Britiinni. J. Evans, p. 209; pi. V, i et 2.
ANDECOMBO-ANDECOM, AR. Lelewel,
III, 44, 45 ; IV, 47. Dict. d'arch. celt.
n° 72. — Duchalais, p. 116.
ANDOBRV. Voy. GARMANOS.
AND; ANDO; ANDOC; ANDOCO. AV, AR,
JE. Britanni. J. Evans, p. 217 et pi. V,
4, 5, 6.
ANDVGOVONl-CELIICORIX, JE. Andecavi.
Dict. d'arch. celt. n" 68. (Saulcy.
annaroveci-annaroveci, je. Coll. de
ANNICOIOS, JE. Lelewel, IX, 23.
.^KORBO. Voy. Dubnorex.
ANTEÔ ; ANTEDRIGV ; ANTED, AV, AR.
Britanni. J. Evans, pi. 1, 7 et 8; pi.
XV, 9, 10, II.
ANTin. AHM. JE. Antipolis. Dict. d'arch.
celt. n° 4. — Duchalais, 85. — La
Saussaye, 11 à 17.
AOYE, AYE, AR.^vt'n/o.La Saussaye,Num.
de la Narbonn. n" 17; Dict. d'arch. celt.
n" 3. — Lelewel, VIII, 32. — Duchalais,
p. 20.
ARKAN; ARCANTODAN-ROVECA; AR-
CANTODA-MAVFENN, AE. Lambert, 2=
partie, XVI, 16. - Rev. num. fr. 1859,
p. 313; 1868, p. 410.
ARDA-ARDA, JE. Lelewel, IX, 31 à 34.
Dict. d'arch. celt. n" Ç)G.
AREC. Voy. VOLCAE.
AREMACIOS (ou GIOS), JE. Duchalais,
p. 255.
APHTOI.VMOI-NAMA, JE. Duchalais, p.
81 et 83.
ARIVOS. Voy. Santonos.
ARTOS, JE. Carnutes. Rev. num. fr. 1842,
pi. XXI.
ARTVE-COMVN. Mauvaise lecture d'une
monnaie de Passtum de Lucanie, attribuée
fautivement à la Gaule. Cf. Rev. num.
fr. 1848, p. 351 et Lelewel, IX, 15.
ARVS. Voy. Segvsia.
ACTIKO. Mauv. lecture pour KACriAO.
ATAV, Stat. d'or. Coll. Saulcy.
ATECTORI, JE. Pictavi. Lelewel, IX, 24.
ATEPILOS. Voy. TovTOBOCio.
ATEVLA-VLATOS, AR. Lelewel, III, 43;
V, 10.
AGIIDIACI-A. HIR. IMP, AR. Dict. d'arch.
celt. n" 120.
ATISIOS. Voy. REM9S.
?,A TNALIOS, JE. Edui. Coll. Saulcy.
AHORI. Britanni. Rev. num. VII, 373.
ATPILI. Voy. Orgetorix.
ATTA, AR. Bail. Lelewel, I, 12 et III, 11.
AVARIICO, JE. Lelewel, VII, 72. Ducha-
lais, p. 7, lisait AVACIICO.
[AViARICI. Mauv. lect. Voy. Vmiciv.
AVAVCIA, JE. Aduatuci. Lelewel, IX, 26.
Dict. d'arch. celt. n" 1 1 j.
AVDAIACOS, AR. Type du denier au cava-
lier. Rev. num. 1847, p. 26J, pi. XI.
AVDOS, JE. Rev. num. 1838, p. 412.
AVLIRCVS; AVLIRCO-EBVROVICO. Au-
lerci Ehurovici. JE. Lelewel, IX, 47 et 46.
— Dict. d'arch. celt. n" 70.
AVLOIB. Voy. IIAVLOIB et SOLIMA. Rev.
num. fr. 1846, p. 116, pi. VII.
AVN, AR.^.fin?rtn«(. J.Evans,pl.XVlI,8.
AVOT (ou TOVA), JE. Coll. Saulcy.
AVSCRO. Voy. DvRNACOS.
AVSCROCOS; AVSCROCVS; AVSC, AR.
Lelewel, VII, 32.
BELINOS, AR. Lelewel, Vil, 4. — Du-
chalais, p. J.
BIIINOC, AR. Voy. Belinos. Duchalais,
p. J : quelques numismatistes pensent
qu'il faut lire BPIINOC.
BHTAPPATIS, JE. Betarra. Dict. d'arch.
celt. n° M. — Duchalais, p. 84 à 86.
BIATEC, AR. Boii. Lelewel, I, 4; III, 15.
BIRAGOS, AR. Coll. Saulcy.
BISO, JE. Lelewel, VII, 73.
BITOVIOS BACIAEr,.*:. Biterrenses ou To-
losates.
BITOVKOC BACIAErS, JE. Id.
BODVO : BODVOC, AV. AR. Britanni. Le-
lewel, VIII, 18, 19. — John Evans, p. 13$,
pi. I, 2, 3.
BQKIOC. Voy. AOrrOIT.\AHTQN.
BOYIBIION, AR. Musée de Rouen. Lam-
bert, r" partie, pi. ix, 4.
BRIIN(NOS), AR. Lecture très-douteuse.
Voy. BiuNOs. Lambert, i" partie, XI,
16.
BRICA, JE. Coll. Ledain, à Metz.
BRIC-COMAN. BR-COMAN; BRICO-COMA,
AR. Lelewel, III, 49.
BRIGIOS, JE. Amrni. Lelewel, VII, 1.
BVGIOS, JE. Mus. de S' Germain. Dict.
d'arch. celt. n' 153.
BVSV; BVSVMARV, AR. Boii. Lelewel,
111, 14.
CABALLOS, JE. Mus. de St. -Germain.
CABE COL, AR. JE. Cabellio colonia. Dict.
d'arch. celt. n° 2. — Lelewel, VIII, 14,
16; — Duchalais, p. 21.
294
Liste des mots relevés sur les monnaies gauloises.
CAL-MOR, AR. Mon. du Sud-Est; sér. des
den. au cavalier. Rev. num.i86o, p. 417.
CALEDV, AR. Lelewel, III, (i et IV, 51.
CALEDV-SENODON, AR.
CALIIDV, JE. Amrni. Dict. d'arch celt.
n" I (0. — Lelewel, VU, 1 1 .
CALI AGIIIS, M. Carnutes? Dict. d'arch. celt.
CALITIX. Voy. Cosii. jn" 158.
CALLE. Voy. Eppil.
C.4A0Y, CAAOYA-MAN, m. m. de Saulcy
propose de déchiffrer ainsi la légende
assez incertaine de monnaies qui se
trouvent surtout dans le Châlonnais; il
voit le nom du chef Suession appelé
Galba par les historiens. Après avoir
étudié plusieurs exemplaires je n'ai trouvé
que NKYOVS ou SVOYKN au droit, et
au revers M AN.
CaM, AR. Lelewel, VIII, 2.
CAMBIL, M. Bituriges? Dict. d'arch. celt.
monn. n" 135.
CAMBOTRE, AR. Lelewel, V, II. Ducha-
lais, p. 8.
CAMVL-CVNOBELI; C.\MV-CVNO; CAMV-
CVN; CAMVLODVNO-CVNO, AV. AR.
JE. Britanni. Lelewel, VIII, 51, s 5» 54i
JS, 56: — J. Evans, pi. IX, I, 2, 3 à
14; pi. XI, I à 4; pi. XII, 9314;
pi. XIII, I à 4.
CANTORIX. Voy. TVRONOS.
CARMANOS. Voy. GARMANOS.
CARSICIOS- ...MMIOS, AR. Duchalais ,
p. 25.
CAS, AV. Arverni. Rev. num. XIll, ijo. —
Peghoux.
CATAL, AE. Musée de St.-Germain.
CATAV, AE. Lelewel, VII, 40.
CATTI, AV. Britanni. AV. Lelewel, VIII,
17; — J. Evans, pi. I, 4.
CATTOS. Voy. Cisiambos.
CAV. Mauv. lect. p. AVSC.
CAVDVRO. Britanni.
CAVNO. Lelewel. Mauv. lect. p. CN.VOL.
CELIICORIX. Voy. Andvgovonni.
CEVARIX. Voy. Varixce.
CICIIDV.BRI-IIPAD, AE. Arverni. Dict.
d'arch. celt. n" 134. — Duchalais, p. $.
CINCIVNV, AE. Carnutcs. Lelewel, V, 17,
et Rev, num. 1848, p. 344.
CISIAMBOS; CISIAMBOS CATTOS VERCO-
BRETO, AE. Lexovii Lelewel, VII, 41 et
42. Dict. d'arch. celt. n" 78.
CISIARECO, baron Marchand. Mauv. lect.
p. CISIAMBOS.
CN. Voy. VOLVNTILLVS.
COBROVOMARVS, AR. Boii.
COGESTLVS, AR. Boii. Lelewel, VII, 38.
COIOS. Voy. Orcitirix.
COISA, AR. Boii.
COL. Colonia. V. Cabe, Nemavsvs.
COMAN. Voy. Cosii, Brico.
COMMIOS. Voy. Carmanos, Carsicios,
TiNo, ViRi, Verica. Lelewel, VI, 29.
COMMIOS, AV. Britanni. J. Evans, pi. I,
10.
COMVX, AV. Britanni. J. Evans, pi. 1, s.
CONA, AR. Rev. num. 1847, p. 266, et
1844, p. 404-
CONE...D, AE. Coll. Saulcy. Dict. d'arcl,.
celt. n"ii2. — Lambert, r^' partie, IX,
4-
CONGE; CONGESA, AR. Boii.
CONNO EPILLOS. — SEDVLLVS, AE.
Coll. Saulcy,
CONTOVTOS, AE. Lelewel, V, 13. — Du-
chalais, p. 17.
COOV-COV, AR. Denier au type du cava-
lier du S.-E. Rev. num. 1860, p. 417.
COPO, AR. Boii.
CORIARCOC iCllVICOVIJ. — A. IMP.HIR,
AE. Lelewel, VI, 36.
CORILISSOS Mauv. lect. p. Coriarc-m
COSll-COMAN, AR. Denier au cavalier.
COSII-CALITIX, AR. Denier au type '
cavalier du S.-E. Rev. num.iS6o,p. 41 7.
COVED.., AR. Type des deniers des VoIc.t
Tectosages. — Coll. Saulcy. On connaÏ!
aussi une obole, au type de la croix, se
rattachant au type massaliète, et qui
porte la légende COVE. Mus. de St.-
Germain.
COVS, obole d'argent trouvée à Vieille
Toulouse, et conservée dans la coll. de
M. de Saulcy.
CRAB, AR. Britanni. J. Evans, pi. V, 5, et
p. 214.
CRICR; CRICRV; CRICIRO; CRICIRV,
AV. AR. AE. Betlovaci. Lelewel, IV, )i\
VI, 40. — Dict. d'arch. celt. n° 113.
CRITVRIX-A.IMP.HIR, AE. Musée Je
Lyon.
CVBIO, AR. Coll. de Saulcy.
CVNOBELI. Voy. Camvl, Tascio.
CVNOBELI-CVN; CVNO-SOLIDV; CVNO-
BELINVS REX-TASC; CVNOBELINi-
TASCIO; CVNO-TASCF; CVNO-TASCiO;
CVNOBII-TASC.FIL; CVNOBELINI-
TASCIOVANI.F ; CVNOB-TASCIIOVAN-
TIS, AR. AE. Britanni. Lelewel, VIII,
S7, s8. — J. Evans, pi. XX, i à 14, XI.
6 à 14; pi. Xll'. 1 à 7.
CVNVANOS, AE. Arverni. A. Peghoux,
PI. II, 17.
DARA. Voy. DlARlLOS.
AEIOVIGIIAGOC; AEIVIGAG, AE. Diviiui-
cus. Dict. d'arch. celt. n" 109.
AEIOVN-AEIV.., Divona selon Crazannes;
mauv. lect. p. Dciouvigiiagoc.
AEIOYIN. Mauv. lect. voy. le mot précé-
dent. — Duchalais, p. 13.
AHM. Voy. Antipolis.
DEY, Britanni.
DIAOVLOS. Mauv. lect. p. DIASVLOS.
DIARILOS-DARA, AR. Dict. d'arch. celt.
n" 184. — Lelewel, VII, 15.
Liste des mots relevés sur les monnaies gauloises.
295
DIASVLOS, AR. Dict. d'arch. celt. n° 149.
— Leiewel, VII, 13. M. de Saulcy croit
pouvoir lire DIVISAFOS
DIAV, AE. Edui. Dict. d'arch. celt. n" 92.
DIAVCOS, AE. Edui. Id. n" 227.
Q^DOCI.SAMF; C^DOCI; DOCI. AR. AE.
Sequani. Dict. d'arch. celt. n" 177.
DICOM. Pellerin. Bouteroue. Mauv. lect. p.
DIKOI, AR. Gaule cisalpine, ou Salassi.
Lambert, 2' partie, XVII, 15, 16, 17.
DONNAM, AE. Arverni. Coll. Saulcy. —
A. Peghoux, n" 38,
DONNVS. Voy. DvRNACVS.
DONNVS-ESIANNI, AR. Denier au type
du cavalier du S.-E.
DRVCCA-TVRONA, AE. Musée de St.-
Germain.
DVBNOCOV. Voy. Dubnoreix.
DVBNOREIX; DVBNOREIX-DVBNOCOV;
DVBNORX; DVBNOREX-ANORBO, AR.
Dumnorix. Dict. d'arch. celt. n'" 6j, 66,
163. — Leiewel, IV, 45, 46; VI, 19.
DVBN; DVBNO; DVBNOVIILLAVNOS, AR.
Boii.
DVBNO; DVBNOVIILLAVN; DVBNOVEL-
LAVNOS, AV. AR. AE. Britanni. Leie-
wel, VIII, 20. — J. Evans, IV, 6, 7, 8,
9, 10, II, 12.
DVMN-TICIPSENO, AV. Briannit. J.
Evans, pi. XVII, 3.
DVMNOCOVEROS. Voy. Vousios.
DVMN0VER03, AR. Boii.
DVMNOVEROS, AV. Britanni. J. Evans,
pi. XVII, 2.
DVN. Voy. AMMINVS.
DVRAT-IVLIOS, AR. Pictavi. Dict. d'arch.
celt. no 20. — Leiewel, VII, 12. Ducha-
lais, p. 14.
DVRNACVS-DONNVS; DVRNAC-EBVROV;
DVRNAC-AVSC, AVSCRO, AVSCROCOS;
DVRNACVS-ESIANNI, AR. Dict. d'arch.
celt. n° 83, 167. — Leiewel, IV, $2;
VI, 18, p. 30. Denier au cavalier.
DVRNOCOV. Mauv. lecture p. Dubnocov.
IIAROS', AE. Type de Abvdos.
EBVRO; EBVROV. Voy. DVRNACO, AM-
BILLI, RlCANT.
ECCAIOS, AE. Dict. d'arch. celt. n" 86.
ECCAIO; IICCAIO, AR. Boii.
ECEN; ECE, AE. Britanni. J. Evans,
pi. XV, I, 2 à J.
HCOYArEFl, AE. Coll. de Saulcy.
EDVIS-ORGETIRI, AR. Edai , Orgetorix.
Dict. d'arch. celt. n"' 63-64. — Leiewel,
VII, 87. — Duchalais, p. 112. — La
Saussaye, Inst. arch. de Rome, 1846.
T. XV.
EIVICIAE, AE. Coll. de Saulcy.
_i. Il ne faut pas oublier que le double
I équivaut à un E.
EKPIT, AE. Leiewel, V., 59.
EAKESOOVIX-TASGUTIOS, AE. Carnutes.
Dict. d'arch. celt. n" 73. — Leiewel, IV,
57-
ELIOCAOI - SVTICOS, AE. Vdiocasses.
Dict. d'arch. celt. n" /^^. — Lelewel,VII,5.
ELVIOMAR,AR. Boii.
EPAD, AR. AE. Arverni, Epasnactus. Dict.
d'arch. celt. n' 91-133. — Leiewel, VI,
21. — Duchalais, p. i.
IIPAD. Voy. ClCUDVBRI.
EPATI; TASCIF-EPATICCV, AV. AR.
Britoms. J. Evans, pi. VIII, 12, 13, 14.
EPENOS: EPENVS; EfTHNOC, AE. Meldi.
Dict. d'arch. celt. n° 43. — Leiewel, VI,
44, 4J-
EPILLOS. Voy. Rev. num. 1838, p. 306;
1847, p. 373; Leiewel, pi. VII, n" 2. —
Voy. aussi Conno.
EPPIL COMF; EPPILLVS COMF; EPPI
COMF; EPP. REX GALLE; EPPI, Bri-
tanni. AV. AR. AE. Leiewel, VIII, 8, 7,
9, 40.— J. Evans, pi. III, 8, 9, 10, 11,
12, 13; pi. IV, I, 2, 3, 4, 5.
ERCOD-ERCOD, AR. Duchalais, p. 169.
IIPOMIIAOS, AR. Bituriges. Duchalais, p.
91, 92, lisait à tort Eromclos.
ESIANNI. Voy. DoNNVS.
IISVPaS. Britanni.
EVOIVRIX, AR. Boii.
FABIARI, AR. Boii.
GARMANOS-COMIOS ou COMMIOS. AR.
Dict. d'arch. celt. n" 89. — Duchalais,
p. 87.
GARMANOS-ANDOBRV, AE. Leiewel, III,
50. — Lambert, 2'= partie, XVI, 11. —
Duchalais, p. 86 et 67.
GELISVC. Mauv. lect. pour SEGISVC.
GERMANVS-INDVTILLir,AE.rrmn.Dict.
d'arch. celt. n" 118. — Leiewel, IV, 2j.
GIAMILOS; GIAMILO SIINVI, AE. Leie-
wel, VII, 3.
TAAMKfiX, AR. Clanum. Dict. d'arch.
celt. n" 7. — Leiewel, III, 8. Cab, de
France.
GOTTINA, AV. Treviri. Leiewel, IV, 23.
A. HIR, AE. Treviri. Dict. d'arch. celt. n"
117. — Leiewel, IX, 14.
A. HIR.IMP. Voy. Mirfii.'xrn, Coriarco,
Criturix.
IBRVIX, AE. Rev. num. 1863, 306.—
Leiewel, IX, 44. — Duchalais, p. 122.
irOHn-MACCA, AE. Massalietes. Rev.
num. 1847, 267.
lEMEP. Mauv. lect. p. CMEP.
IFELITOVESI. AR. Gall. Cisalpina. Leie-
wel, pi. VII, 8.
IFNKOVE, AR. Call. Cisalpina. Duchalais,
p. 109.
296
Liste des mots relevés sur les monnaies gauloises.
INAM, AV. Britanni. J. Evans, p. 149.
INDVTILLl. Voy. Germanvs.
IMIOCI, AR. Rev. num. 1862, pi. i.
lOTVIRlX, AR. Boii. Rev. num. Xll, 267.
ISVNIS, AE. Bituriges. Dict. d'arch. celt.
n" 147.
IVLIVS. Voy. ToGiRix.
IVLIV. Voy. Onomopatis.
IVLIOS. Voy. DvRAT.
KABALA. Statère d'or, coll. Saulcy.
KAIANTOAOY. BASiAEtîS, AE. Bebryces,
ou Tolosates. Dict. d'arch. celt. n° 31.
Lelewel, IX, 54.
KALMKHTQN, AR. Caenicenses. Coll. de
France et de Saulcy. Dict. d'arch. celt.
n° I. — Lelewel, 111, 9.
KAA; KAARTEAOV, hK.Aedui. Dict.d'arc.
celt. n" 62. — Lelewel, IV, 40, 41.
KAPI0A, AE. Camutes.
KAPNITOC ou KAP0NT0C-1..CII. Mauv.
lect. de Duchalais.
KACriAO (r. KAAV), AE. Ko^.Samnaget.
KASILOI, AV. Salassi. Rev. num. 1861,
P- 344-
KAT, AV. Sûlassi. Rev. num. 1861, p. 344.
KERAT; KERATI ; KERATIX. Britanni.
Rev. num. XV, 24 j et 358. — Mauv.
lect. Voy. EPATI.
KOIIAKA, AE. Camutes.
KRACCVS, AE. Duchalais, p. 277. Rev.
num. VII, 223.
KPAMITOC. Mauv. lect. de Mionnet. Voy.
Kapnitoc.
KPISIO. Mauv. lect. p. KPIZZ. (Musée de
Marseille). AE. Le Crest?
AAKYAQN, AR. Massalia. Lelewel, VII,
28. — Duchalais, p. 27.
LAVOMARVS, AR. Boii.
LEXOVIO. Voy. Semissos.
LIBECI, AR. Libici de la Cisalpine, carac-
tères italiques, légende tracée de droite à
gauche.
LIHOVI-MACCA. Mauvaise lecture pour
Massalia. Voy. lyorju.
LITA; LITAV; LITAVICOS, AR.Aedui. Dict.
d'arch. celt. n° 69. — Lelewel, VIII, 7.
— Duchalais, p. 115, 116.
LIXIOVATIS, AE. Lexovii. Dict. d'arch. celt.
n° 77.
AOrrOCTAAHTQN; BwKIOC ou AOV-
KOTIOC-AOITOSTAAII-I'AVIU» (ces
5 lettres en caract. celtibér.), AE. Lon-
gostaleti. La Saussaye, Narbonn. — Dict.
d'arch. celt. pi. des monn. n" 29. — Du-
chalais, p. 90 et 91. — A. Heiss, p. 438.
AOM. AE. Coll. de Saulcy.
AOYKOTIOC. Voy. AoYTO(7Ta>>7iTwv.
LVCIOS; LVCCIO. AR. Lelewel, IX, 37,
58.
LVCOTIOS, AV. Trevin ou Rtmi. Lelewel, IV,
IWGWDWm, kK. Lugdiinum. [21.
LVXTIIPIOS, AE. Cadurci. Dict. d'arch.
celt. n" 71. — Lambert, i" partie. IX,
II. — Duchalais, p. 13.
MA, AE. Mandubiil
MADVBUNOS. Mauv. lect. p. Matugenos.
MAGVRIX ou MAGVROC,AE. Dict. d'arch.
celt. n" 229.
MAGVS. AR. Lelewel, VIII, 11. Monnaie
d'authenticité douteuse. \salia.
MACCA; MAXSA; MAIÏ.VATHTQN. Mas-
MATVGIINOS, AE. Leuci. Lelewel, VI, 43 .
— Duchalais, p. 170.
MAVC. Voy. NiNNOS.
MAVFENN. Voy. Arcantodan.
MEDIO; MEDIOMA,AE.Mf^/oma?na. Dict.
d'arch. celt. n'> ici, 102. — Lelewel, VI,
41, 42.
MOR. Voy. VOLVNTILLVS.
MOTVIIDI. AE. Coll. Saulcy.
MV; MVRI..., AR. Mus. de Metz : on a
cru lire MVRINO, mais les deux dernières
lettres sont douteuses. — Lelewel, pi.
VI, 28; Rev. num. pi. XIII, 8.
L. MVNaT. Voy. Vlattv.
MVRIIIO, AR. Lelewel, VI, 28.
NAMA. Voy. Aretoilmos.
NAMAIAT. M. Nemausus. Dict. d'arch.
ceU. n° 12. — Lelewel, VII, 19. — Du-
chalais, p. 72, 73.
NEDEN (en caract. celt.). Mauv. lect. p.
Nerencn.
NEMAY, AE, Nemausus. Dict. d'arch. celt.
monu. n" 13. Duchalais, p. 72.
NEM. COL, AR. AE. Nemausus colonia.
Lelewel. VIII, 1$, 16. — Duchalais,
p. 73 à 82.
NEMET, AR. Boii.
NERENCN, AE. (caract. celtib.) Narboncn-
ses. Dict. d'arch. celt. pi. des monn. n"
30. — A. Heiss, p. 434.
NIDE. Voy. Alabdoaenos.
NINNO-MAVS...AIIOS, AR. Lelewel, IV,
26. — • Duchalais, p. 92.
NONNO; NONNOC ; NONNOS, AR. Boii.
NOVIIOD, AR. Coll. de Saulcy.
OISAM, AE. Sequani. Lelewel, VII, 47.
OLTIRIO, AR. Drachme salasse imitée des
Massaliétes. Rev. num. 1861, p. 345.
GAIV. IVLI... OMAPATIS, AR. Coll. de |
Saulcy. — Dict. d'arch. celt. n" iio.
OCII. Mauv. lect. de Pellerin; yoy. Kap-
nitoc.
OMAOS, AE. Duchalais, p. 223.
...OMONDON, AV. Arverni. Ch. Lenormant
lisait OMONOION. Coll. Saulcy.
ONOBA, AR. Type du cavalier. Coll. de
Saulcy. 1'
ONTHEGA, AR. (caract. cellib.) Agatha'
A. Heiss, p. 433. I
ORGET, AE. Cette légende et les trois sui- )
Liste des mots relevés sur les monnaies gauloises.
297
vantes sont gravées sur des pièces
éduennes.
ORCIITIRIX-COIOS, AR.
ORGETIRIX-ATPILLI.F, AR. Leiewel, IV,
50; VIII, 7.
ORGETIRIX-EDVIS, AR Dict. d'arch.
celt. n"' 75, 76, 65.
OVACIA. Mauv. lect. de Mionnet. Voy.
VACCA. [146.
OSNAII, AE. Bituriges. Dict. d'arch. celt. n"
OYI. KY, AR. Leiewel, VIII, 3. — Ducha-
lais, p. 9.
OYOAE. Stat. d'or attribué aux Leuci.
Coll. Saulcy.
riAPOS. Mauv. lect. p. IIAPOS.
PAVRP. Voy. AoYYO(jTa),r,Twv.
IIAVLOIB-SOLIMA, AV. Ane. coll. de La
Saussaye: mus. de Lyon. Leiewel, III, 31.
nKNNOOVI.NJiOC, AR. Coll. de Saulcy.
PETRVCORI. Voy. Acincovepvs.
PIRVKOI (caract. salass.), AR. Salassi.
Rev. num. 1861, 345.
PICTILOS, AR. Dict. d'arch. celt. pi. des
monn. n" 133. — Lambert, 2" partie,
XV, 31.
PIXTIL; PIXTILOC; PIXTILOS, M. Leie-
wel, VII, S9 à 63. — Lambert, i'" partie,
X, 8, 9, 10. 2= partie, XV, 22 à 30. —
Duchalais, p. 171 à 182.
T. POM-SEX.F, AE. Petruconi?
PRIKOV (caract. sal.), AV. SalassL Dict.
d'arch celt. pi. des monn. n" 32. — Rev.
num. 1861, p. 343.
Q.-DOCI-SAMIF, AR. AE. Sequani. Leie-
wel, IV, 3s, 36; VII, 45 et 46. Dict.
d'arch. celt. n».
RATVMACOS-SVTICOS,AE. Ke/(OMJj;.Dict.
d'arch. celt. n" 46. — Leiewel, VI, 34. —
Lambert, i" partie, IX, 5, 6, 7, 8.
REMO-REMO, AE. Rémi. Leiewel, IV, 9,
REMOS-ATISIOS, AE Rémi. Dict. d'arch.
celt. n"' 107-108. — Leiewel, VII, 10.
REX. Voy. Adietvanvs, Cvnobelinvs, Eppi,
Vrdo.
PirANTIKO,AE.Beb7<:«?Lelewel,VII,36.
RICANT-EBVRO, AR. Denier au type du
cavalier du S.-E.
RIKO, AR. Ricomagenses (cisalp.). Dict.
d'arch. celt. n" 48. — Duchalais, p. 69.
RICOV, AR. Drachme salasse imitée des
Massaliètes. Rev. num. 1861, p. 345.
RICON. Voy. Tas, Tascio.
ROOV. Voy. Cn. Volvnt.
ROVECA. Voy. Arcantodan.
ROVECA; POOYIKA, AR. AE. Meldi. Dict.
d'arch. celt. n° 80. — Leiewel, VI, 49.
— Lambert, 1' partie, XVI, 17, 19, 20.
— Duchalais, p. 182 à 186.
?RVFI, AE. Britanni. J. Evans, pi. Vil,
12; Vlll, I.
RVFS, AE. Britanni. i. Evans, pi. VII, 14-
COL. RVS. Mauv. lect. d'une monnaie de
Béryte, attribuée à Ruscino.
ROVICV, AV. 5uM.f/on«. Lecture douteuse.
Mus. de St-Germain.
SA, AV. Santones. Dict. d'arch. celt. n" 21.
SAEMV ou SAFMV, AR. Britanni. J. Evans,
pi. XV, 7.
SAM. Voy. Q. Doci.
Q^ SAM, AE. Sequani.
I.\MN.\rHT-r.KAAV. KACriAO, AE.
Samnagenses. Dict. d'arch. celt. n" 8. —
Leiewel, VII, 18.
SANTONOS; SANCTOS, AR. Santones. Dict.
d'arch. celt. n" 22. — Duchalais, p. 15.
SANTONOS-ARIVOS,AR.5rt«fonM. Leiewel,
V, 9. — Duchalais, p. 16.
SEDVLLVS. Voy. CONNO epilos.
SEGISA, AE. Leiewel, VII, 45 — Dict.
d'arch. celt. n"' 205 et 210
SEGO; TASCIO-SEGO, AV, AR. Britanni.
Leiewel, VIII, 47. — J. Evans, pi. Vlll,
10, II.
CErOBI, AR. Segovii. Coll. de Saulcy.—
Num. de la Narb., p. 121.
SEGVSI A-ARVS, AR. Segusiûvi. Dict. d'arch.
celt. U" 23. — Leiewel, VIII, S-
SEMISSOS PVBLICV LEXOVIO, AE. Lexo-
v/7. Coll. de France et de Saulcy.
SENAS (en caract. italiq.), AR. Leiewel, IX,
1,2. — Duchalais, p. 106.
SENODON. Voy. Caledv.
SIINVl. Voy. G1AMILOS.
SENVS; SlINVS, AE. Carnutes.
SEQVANOIOTVOS, AR. Sequani. Dict. d'ar-
ch. celt. n" 2j.— Leiewel, IV, 27: VI,
SEX.F. Voy. T. POM. [16.
CMEP, AE. Coll. de Saulcy.
SOBIVS. Voy. TociANT.
SOLIDV. Voy. CVNO.
SOLIMA; COLIMA, kV . kK. Bituriges .'OKI.
d'arch. celt. n°8i, 148. — Leiewel, lll,
29, 30, 3i;IV, 37, 38, 39.
SOLLOS, AE. Duchalais, p. 70.
SOTIOTA. Voy. Adietvanvs.
STRATOS, AE. Duchalais, p. 187.
SVEI, AE. Britanni. J. Evans, pi. i, 9.
SVICCA, AR. Boii.
SVTICOS. Voy. ELIOCAOI et Ratvmacos.
— Leiewel, IX, 43.
TAMBIL. Mauv. lect. p. Ambilli.
TASCIO. Voy. Cvnobelinvs; Sego; Epa-
Ticcv, Ver.
TAS: TASC;T ASCI; TASCIA; TASCIAVA;
TASCIOVAN; TASCIOVRICON: TASCI-
RICONI. TAXCI, AV. AR. AE. Britanni.
J. Evans, pi. V, 7, 8, 9, 10, n, 12, 13,
14. Pi VI, I, 2, 3,4, 5, 6, 7, 8, 9;
p. 268, pi. VIII, 6, 7, 8, 9.
TASGET, AE. Carnutes. Dict. d'arch. celt.
n- 74.
298
Liste des mots relevés sur les monnaies gauloises.
TASGIITIOS. Voy. Elkesoovix.
TATINOS, AE. Duchalais, p. iio.
TIGIPSENO. Voy. Dvmn.
TINC COMMIF; TIN-COMF. TINC-C.F;
TIN-COM, AV. Britanni. J. Evans, pi. I,
11,15, 14; pi. Il, I à 8.
TINDV, AV. Britanni. J. Evans, pi. 1, 10.
TOC-TOC, AE. Sequani. Lelewel, i, 7.
TOCIANT...-SOBIVS, AE. Coll. de St-Ger-
main.
TOGIRIX ; IVLIVS TOGIRIX, AR. Sequani.
Dict. d'arch. celt. n" 176. — Lelewel, IV,
48, 49. — Lambert, r» partie X, 12 à
27-
TOVA. (AVOT), AE. Coll. de Saulcy.
TOVTOBOCIO-ATEPILOS, AE. Carnutes.
Lelewel, VI, 35.
TRICCOS. Voy. TVRONOS.
TRICO (ou OKIPT), AR. Tricolli. Lelewel,
VII, 17. Dict. d'arch. celt. n° 14.
TTALV, AE. (VLATT?), au type du lion.
Coll. de Saulcy. Voy. Vlattv.
TVROCA-VIRODV, AR. Lelewel, VIII, 22.
TVRONA. V'ov. Drvcca.
TVRONOS-CÂNTORIX, AE. Turones. Lele-
wel, IV, 58. Dict. d'arch. celt. n° 26.
TVRONOS-TRICCOS, AE. Turones. Lelewel,
VI, 32 et 55. Dict. d'arch. celt. n"" 27,
28. — Lelewel, IX, 41.
VACCA. Mauv. lect. p. MACCA.
VADNIILOS, AE. Carnutes. — Sur quelques
exemplaires, on dit VADAHIILOS : en
comparant avec la légende qui suit et
qui accompagne un type identique, on
peut penser que la vraie forme de ce mot
est VANDALllNOS.
VANDIILOS, AE. Carnutes. Dict. d'arch.
celt. n" 1 57. — Lelewel, IV, j.
VARIXCE, AE. Lelewel, IV, $9. Je propo-
serais de lire CEVARIX, ou plutôt d'y
voir une mauvaise lecture du mot qui suit.
VARTICE,AE. Nervii. Dict. d'arch. celt. n°
VBIOS. Mauv. lect. p. CVBIOS. [104.
(V)CCETIO. Mauv. lect, p. TASGETIO.
VIID-COMA, AR. Denier au type du cava-
lier du S.-E.
VENEXTOC, AE. Metdi ou Parisii. Dict.
d'arch. celt. n" 1 14.
VEP-CORF, AV. Britanni. i. Evans, pi.
XVII, 5, 6.
VERCA, AE. .Arverni. Lelewel, VI, 47. Dict.
d'arch. celt. n» 90. — Duchalais, p. 3.
VERCINGETORIXS, AV. Arverni. Dictionn.
d'arch. celt. n" 69.
VERCOBRETO. Voy. Cisiambos.
VERIC COMF REX ; VERICA COMMIF
REX, AV. AR. Britanni. J. Evans, pi.
II, 12: III, 3, 5, 6.
VER; VER-DIAS; VER-TASCIA ; VER-
LAMIO; VlIR; V-TAS, AV. AR. AE.
Britanni. Lelewel, VIII, 48, 49. — J.
Evans, pi. VI, II, 12, 14; pi. VII, I,
2, 3, 7, 8, 9, 10, II.
VERO, AE. Lelewel, I, 8.
VEROSDVMNO. Voy. Dvmnoveros.
VllGOTAL. Mauv. lect. Voy. Vurotalo.
VIIPOTALO, AR. Dict. d'arch. celt. n°'
171-172. — Lelewel, VI, 20. — Du-
chalais, p. 4.
VINDIA, AE. Duchalais, p. 279.
VIRETIOS, AE. Pictavi. Coll. de Saulcy.
VIRI COF; VIR. REX COM.F; VIR COM
F. VI-COMF; VIRI (Voy. Verica), AV.
AR. Britanni. J. Evans, pi. II, 9, lo,
II, 13, 14. Pi. III, I, 2, 4, p. 184 et 185.
VIRICIV, AE. Lelewel, XI. — Duchalais,
p. 188 à 100.
VIRODV. Voy. TVROCA.
VIROS-VIROS, AV. Lelewel, IV, 17.
VIROT, AE. Lambert, 2'-' partie, XVI, s.
VIRRI-EPPI COMF, AE. Britanni. i.Evms,
pi. 111,7.
VLATOS. Voy. Atevla; Ttalv.
VLATTV-L. MVNAT, AE. Segusiaves. Dict.
d'arch. celt. pi. des monn. n" 119. Je
crois que la légende incomplète ..TTALV
donne le même nom. — C'est à tort que
l'on cru lire IVSSV.
VLKOS, AV. Salassi. Rev. num. 1861. p.
344- [VI, ^
VOCARANNA, AV. Treviriou Rémi. Lelewel,
VOCORIX ou VOCORIO, AV. Britanni. J.
Evans, pi. I, 6.
VOL; VOLC; VOLCAE-AREC ; VOLC.AR,
AR.etyï:. Volcae arecomici. Dict. d'arch.
celt. n" 10, II. — Lelewel, VI, 4; VII,
20, 31. — Duchalais. p. 71.
V0LlS10S-DVMN0C0VER0S,AV.Bn7ann(.
J. Evans, pi. XVII, I.
CN. VOLVNT; MOR-VOLVNT; MOR-CN.
VOL, AR. Denier du S. E. au cavalier.
VOOC, AR. Lelewel, VU, 16.
VOSIINOS, AV. Britanni. J. Evans, pi. IV,
13 et 14.
VRDORE (Viridorix ?), AR. Coll. de Saulcy.
— Dict. d'arch. celt. pi. d. monn. n° 84.
YLLYCCI,.?:. 5fnona.Lelewel,VI,46.Dict.
d'arch. celt. n" 174.
SUPPLEMENT.
Pendant l'impression de ce catalogue, on m'a signalé quelques mon-
naies gauloises présentant des légendes inédites :
ATVLLOS, AV. Boii. Heiss, p. 437.
BIATEC, AV. Boii. CXOKNl, M. Type des monnaies mention-
BRICTZE (caract. celtib.), K.. Bebryces. A. nées à l'art. CA.VOVA. Coll. Gariel.
LA RACINE c( DRU ,>
DANS LES NOMS CELTIQUES DES RIVIERES.
L'article qui suit est un fragment détaché d'un travail plus étendu sur
la nomenclature celtique des cours d'eau. C'est là une branche de l'ono-
mastique moins étudiée jusqu'à présent que celles qui concernent les noms
d'hommes et de lieux, et dont^ cependant, l'importance n'est pas
moindre. Les noms de rivières, en effet, surtout ceux des grands fleuves^
appartiennent en général aux temps les plus anciens, et nous reportent
très-haut vers les premières migrations des peuples et les origines des
langues, ils ont aussi cet avantage sur les autres noms propres qu'ils se
rattachent généralement à un nombre plus limité de significations carac-
téristiques, ce qui rend la recherche de leurs étymologies plus facile et
plus sûre. Pour le gaulois en particulier, que nous connaissons si peu
d'une manière directe, les noms de rivières transmis par les anciens sont
très-propres à nous révéler les affinités que le vieux celtique avait con-
servées, à un plus haut degré que les idiomes néo-celtiques insulaires,
avec ses congénères de l'Orient, le sanscrit et le zend. Ils nous éclairent
aussi plus d'une fois sur l'histoire des grands mouvements de la race
celtique en Europe^, restés qu'ils sont comme des témoignages d'un
séjour plus ou moins prolongé de cette race dans des régions occupées
plus tard par d'autres peuples. Le groupe que j'en détache ici est un
exemple remarquable de ce que l'on peut attendre d'un travail général à
ce sujet.
La racine verbale dru se trouve également en sanscrit et en zend.
Ainsi, en sanscrit, dru (dravatï) « courir, courir vite, fuir; courir sus,
attaquer vivement; se liquéfier^, fondre. » Au causatif, drâvay, «faire
courir, mettre en fuite, faire couler, liquéfier, fondre (act.) )>, et aussi, au
moyen, drâvayatê^ «courir, couler. » De même, en zend, dru «courir, m
dràvay, « faire courir, » etc.
20*
300 La racine « dru »
Comme substantif identique à la racine, dru signifie «cours, course, »
et forme des adjectifs composés, tels que raghudru, « au cours rapide, )>
miîadru, « au cours mesuré, régulier, » comme aussi les noms propres
de quelques rivières, Çaîadru, « aux cent cours, « le Sutlej actuel, Vita-
dru, « au vaste cours (?) » (de vi-tan, « expandere » pour vitata « ex-
pansus » ou bien pour Vîtadru, de vïta, «tranquille, » mais aussi « libre,
déchaîné » (Wilson. Dict.).
De toutes les langues congénères, la seule, à ma connaissance, qui ait
conservé cette racine comme verbe, sous la forme drav, développée de
dru devant une voyelle, c'est le gaélique écossais drabh, (prononcer
drav) à l'impératif « solve, dissolve, deliquesce, » à'oxx drabhadli, « dis-
solutio, labefactio. « Ce verbe existe sûrement aussi en irlandais^ où
l'on trouve les dérivés drabh , « rebut, » drabhadh, « séparation , »
drabhas, « boue, saleté, « etc., mais il manque dans les sources dont je
dispose. Le sens général de course, de mouvement rapide, se montre
encore dans l'irlandais drabh ^ drubh, « char » dérivé de dru, comme
currus de currere.
Dans les langues germaniques, Bopp croit à une affinité avec dru du
gothique dreiban, « agere, pellere, » ang.-sax. drifan, d'où draf, « ar-
mentum, » angl. to drive et drove (cf. Diefenbach, Goth. Wb., II, 640 ,
avec le sens causatif du sanscrit et zend drâvay. Pott y rattache de plus,
comme formes secondaires augmentées, deux autres verbes germaniques,
l'anglo-saxon driopan, angl. drop, scand. driupa, anc. allem. triufan,
« stillare, » avec un p causatif final; puis le gothique driusan (^driUis,
drusun) « cadere, » etc., dont 1'^ répondrait au désidératif sanscrit
dudrùsh (Pott. Wurzel Wb. I, 1064). Au sujet de ces rapprochements,
il faut observer que le dr initial échappe plus d'une fois à la loi germa-
nique de la mutation des consonnes, laquelle exigerait régulièrement ir
en gothique.
A côté de dru, le sanscrit possède encore deux racines de même sens,
et probablement alliées, savoir drâ et dram, « currere; « toutes deux
conservées dans le grec opa-vat, ot-opâ-cy.co , et op£[;,(o, cs-cpc'j.a,
opcp.oç, etc., tandis que dru manque complètement, aussi bien qu'en
latin et en lithuano-slave.
Je laisse de côté les dérivés divers qui n'ont que des acceptions secon-
daires. Ceux qui intéressent les noms de fleuves viendront à leur place
dans les rapprochements qui suivent.
i) Dravus {PYm. 3, 28, i), Apâl^cc (Strab. p. 260, 53; éd. Mûller
et Dùbner. Paris, 1863). Au ix*^ siècle, Travus, aujourd'hui Drau
(Fœrstemann. Altd. Orîsn. 429). La Drave, affluent du Danube.
dans les noms celtiques des rivières. joi
Ce nom est sûrement celtique, aussi bien que celui de Savus, et
d^autres de la Pannonie, occupée assez longtemps par des tribus gauloises.
Il trouve son corrélatif exact dans le sanscrit drava, adj. «qui court,
coule, fluide, » et comme substantif, au nominatif singulier, dravas,
« course, fluidité, mouvement rapide. » Pline déjà signale la rapidité de
cette rivière : Dravus e Noricis violentior.
Plusieurs cours d'eau en France, en Allemagne, et peut-être dans la
Grande-Bretagne, ont sans doute porté le même nom, conservé au
moyen-âge, et encore actuellement, sous des formes plus ou moins
altérées. Ainsi, en France :
Droa (au xiii'' siècle) aujourd'hui la Drouette (Eure-et-Loir. Dict.
topog. ' Cf. ibid. le nom de lieu Droa, Draavia, maintenant Droue).
Drouet (le), affluent du Chaudon (Alp. Marit. archiv. 2) diminutif
masculin moderne de Drou, comme Drouette au féminin.
Druivette (la), russeau affluent de la Salasse (Drôme^ archiv.), syno-
nyme de Drouette.
Dravey (le), ruisseau affluent delaGalaure, et qui charrie des pierres
(Drôme, archiv.).
En Ecosse :
Dru, affluent du Spey dans l'Inverness. — Il est douteux que ce nom
appartienne au groupe de dérivés qui précèdent, bien qu'il se rattache
sûrement à la même racine. Il faudrait connaître son orthographe gaé-
lique et ses formes anciennes pour savoir par la perte de quel suffixe il
s'est réduit à la racine simple; car on ne saurait l'assimiler directement
au sanscrit dru, « cours, course, » mentionné plus haut. Si, par ex., le
vrai nom était Druth, avec le îh quiescent, il se relierait à un groupe qui
se présentera plus loin.
En Allemagne :
Trave (la), rivière qui se jette dans la Baltique, à Travemùnde,
Holstein. Plus anciennement sans doute Trava, à côté du synonyme
Travena au x*" siècle (Fœrst. 429), qui reviendra plus tard. Le î pour d
est dû à l'influence germanique; et comme ce nom ne s'explique pas par
les anciens dialectes de la Germanie, il semble bien témoigner du séjour
des Celtes dans cette partie de l'Allemagne du Nord.
2) Druentia (Plin, 3, $, 2), ApcjEVTÎa; (Strasb. p. 169, 42), (Ptol.
1. Je désigne ainsi les Dictionnaires topographiques des départements publiés jusqu'à
présent par le gouvernement français.
2. Par archiv., j'en réfère aux rapports hydrographiques des archivistes des départe-
ments que j'ai reçus jusqu'à ce jour, au nombre d'une vingtaine seulement, par l'entremise
de la Commission de la Topographie des Gauks, et dont l'envoi a été interrompu par les
événements de la guerre.
^02 La racine « dru n
2, 10, 6) var. Axp'jév-'.aç (Strab. p. 966), Diirantia (Rolland. Sept. 6,
76). — La Durance, affluent du Rhône.
Dans mes Origines Indo-Européennes (I, 128), j'ai comparé déjà le
sanscrit dravanti, rivière en général, littéralement currens, et féminin du
participe présent dravant, de dru-ant, avec le développement euphonique
de u en av, comme dans drava et Dravus. Cf. zend drvanî, parsi darvaut,
houzvaresh darvand, « courant, se précipitant » (Justi. Altbakt. Wb.). —
La terminaison en tia est peut-être latine, la forme gauloise restant
inconnue.
On sait que la Durance est une rivière rapide, torrentielle^ et redou-
table par ses ravages ; ce qui a donné lieu au vieux dicton cité par
Papirius Masso (p. 442) :
Le gouverneur, le parlement et la Durance,
Ces trois ont gâté la Provence.
Son nom de Druentia la caractérise ainsi parfaitement. Comme celui
de Dravus, il a été certainement appliqué à plusieurs rivières dans les
pays habités par les Celtes. Ainsi, nous trouvons :
Drancia (xi" et xii'^ siècle); aussi Druentia dans les chartes du même
temps, à ce m'assure M. John Galiffe. La Drance ou Dranse, torrent de
montagne qui se jette dans le lac de Genève. Deux torrents du Vallais,
affluents du Rhône, portent le même nom de Dranse. Comme la dési-
nence latine anîia, entia, est devenue constamment ^/zcc, ence en français,
on peut admettre avec sûreté que Drancia est provenu de Dranîia, con-
tracté à «on tour de Dravantia ou de Druentia.
Un troisième nom, sans doute de même formation, se p/ésente en
Grande-Bretagne, au vu" siècle, dans :
Dorveniium, ou plutôt Dorvcntius, fluv. Britannise (Anon. Raven.
p. 438, 3 ; éd. de Parthey). Cf. Dcrventio, fluv. et loc. (BoUand. Jan. i,
302; et Itin. Ant. 466).
Deorwent et Daerenta, en 1043 (Boxhorn. Dict. ang.-sax.). Il y a
aujourd'hui trois rivières distinctes du nom de Derwent, dans le Derby-
shire, le Yorkshire et Surrey. L'intervention de dor, der, pour dro, dre,
est la même que celle de Durance pour Druance, et du parsi darvant pour
dravant (v. sup.). J'ignore si ces rivières de Grande-Bretagne ont un
cours rapide.
Enfin, un quatrième nom, d'une identité moins sûre, est celui d'un
affluent de la Vistule, savoir :
Drewenz (la), sans doute anciennement Dreventia d'après l'analogie des
changements de Radantia en Ratenza (Fœrst. 1 146), AlisontiaenAlscnzc,
dans les noms celtiques des rivières. joj
Brigantia en Bregens, etc. (Cf. Zeuss, Gr. C.^, 798). La ressemblance des
formes est frappante, mais ce nom peut-il être celtique ? Est-ce qu'il y
a jamais eu des Celtes près de la Vistule .? On peut croire du moins que
quelqu'une de leurs tribus a occupé les côtes de la Baltique vers l'ouest,
comme le nom de la Trave nous l'a fait présumer. Il faut se rappeler
d'ailleurs ce que dit Tacite des Aesiii ou Aestui, que leur langue se rap-
prochait plus de l'idiome britannique que de celui des Suèves, dont ils
avaient du reste les coutumes (De mor. Germ. c. XLV). La question
s'éclaircirait peut-être par un examen attentif de tous les noms de
rivières sur les côtes sud de la Baltique. Ce qui paraît certain, c'est que
ni le slave, ni le lithuanien, ni le germanique, n'offrent pour Drewenz une
étymologie probable '.
3) Droma, en 1203 (Cartul. de Die, p. 42, archiv.). — La Drôme,
affluent du Rhône, rivière rapide.
L'Inde ancienne nous offre, comme corrélatif parfait, une rivière
Drumâ (Vichn. Pour. Wilson, p. 18$), de dru par le suffixe ma. En
zend, on trouve le substantif analogue draoman, « élan, attaque, assaut,))
qui serait en sanscrit drôman. Ceci empêche de penser, soit à un rappro-
chement avec druma, arbre, bois = dru, dâru, de dar, <f fmdere, divi-
dere, » soit, pour la Drôme, à la racine dram, « currere, errare, »
cpé'j.d), opz[j.o:, etc.
Ce nom aussi se rencontre plus d'une fois en France. Ainsi :
Drome (la , qui se jette dans la Manche 'Calvados .
Dromé ilei, ruisseau de la Haute-Savoie, affluent au lac Léman
(archiv.).
Dromance (la' , affluent du Noireau : Calvados) . Cette dernière forme,
qui a dû être plus anciennement Dromantia, diffère par le suffixe, aug-
menté de mant, et analogue au latin mentum, dans augmenium, segmentum,
tormentum, etc. Le suffixe mant, secondaire en sanscrit, est aussi primaire
en zend 'Cf. Justi, 373, n" 274).
4) Druna (Auson. Mos. 423), Drona ix'^ siècle. Fœrst. 430). La
Drone, affluent de la Moselle.
Druna (vu" siècle), Truna [w" siècle. Fœrst. 430). La Traun, affluent
du Danube, près de Linz.
Druna ^Vales. 177, 187). — La Droune, affluent de l'Ain (Jura).
Druna x" siècle. Fœrst. 430), affluent de l'Alz, en Bavière.
Drona (xiv<-- siècle^ . — La Drone ou DronnC; affluent de l'Isle (Dor-
I. On pourrait penser, pour le slave, à dreva, drevo, « arbre, bois, » si le suffixe,
provenu d'un participe présent, n'exigeait pas un verbe comme racine.
304 L(^ racine « dru «
dogne et Gironde. Archiv.). — Cf. Dronona (Anon, Rav. 299, 5 .
Tous ces noms identiques dérivent de dru par le suffixe na, de même
que, en sanscrit, celui d'une rivière Drônî f. (Dict. de Pétersb.), à dis-
tinguer de drônî, drona, «. cuve, vase de bois, « provenu de dru, « lig-
num. « En zend, on trouve draonahh, « course, » qui serait dronas en
sanscrit. Le synonyme dravaiia, « course, flux, » a développé Vu en ar;
et il est intéressant de retrouver cette formation dans quelques noms de
rivières celtiques. Ainsi :
Trewina fix" siècle. Fœrst. 429). — La Drau, affluent de la Drave;
pour Dravina plus ancien.
Travena (x« siècle. Fœrst. it.). — • La Trave, dans le Holstein.
Drouvenne (xv" siècle), ruisseau très-rapide (Jura, archiv.).
Druon (xwf siècle), de Dravon, Druvon? — Aujourd'hui le Driou,
affluent de la Clouère (Vienne, archiv,).
5) Drotus (xiii" siècle). Dordogne, archiv. — Le Drot ou Dropt,
affluent de la Garonne.
Droude (la), ruisseau affluent du Gardon (Gard. Dict. top.
L'étymologie prochaine se présente ici dans le gallois drud, plus an-
ciennement drut, adj. « rapide, hardi, furieux, » et, comme substantif,
« un brave, un héros. » Le corrélatif irlandais druth a pris le sens défa-
vorable de fou (Cormac, Gloss. éd. de Stokes, p. 59; Senchus-Mor.
p. 124). C'est sans doute l'acception du gallois qu'il faut adopter pour
les noms d'hommes gaulois tels que Druîos, dans Druticnos, fils de D..
et Druta f. (Cf. mon Nouvel essai sur les inscriptions gauloises, p. 73).
Le gallois drut répond exactement au sanscrit druta, rapide, participe
de dru, d'où l'adverbe drutam, «vite, soudain.» Cf. zend drùta,
« courant, et couru » (Justi). C'est ici peut-être qu'il faut placer le nom
de la rivière Dru, en Ecosse, si, comme je Pai conjecturé plus haut, il
représente la prononciation usitée pour Druth, où le th est quiescent.
J'ignore si le Drouts, affluent du Dnieper, dans la Russie d'Europe,
a quelque connexion avec la racine dru.
6) Druise fia), cascade de la Gervanne (Drôme; archiv.).
Dreusse (la), torrent affluent du Paillon (Alp. Mar., archiv.).
Drousou (le), ruisseau affluent du Celé (Lot, archiv,). Je n'ajoute
qu'avec doute ces noms actuels, dont les formes anciennes sont incon-
nues, comme se rattachant à la racine dru. Ils rappellent singulièrement
le gothique driusan [draus, drusun), cadere, d'où drus, « chute, » driuso,
(c pente; » angl. sax. dreôsan, « ruere, » néerland, druysch, «impetus, »
etc., que Pott, ainsi que nous l'avons vu, rapproche du désidéraiif
sanscrit dudrûsli, de dru avec un sens intensitif ou fréquentatif. Une
dans les noms celtiques des rivières. ^05
forme analogue peut avoir existé en gaulois, où nous trouvons un Drusus,
Gallorum dux (Cicer. Brut. 28;, dont le nom aurait eu un sens rapproché
de Drutos'. Cf. Drauso,-onis, dans une inscription gallo-romaine 'Grut.
919, 8). Zeuss a comparé l'irlandais Druis, qu'il explique par ^r«5, drùis,
« libido « iGr. C.^ 24!. Il semble, toutefois, que d'après la règle posée
par lui-même 'p. $2, 786;, 1'^ aurait dû disparaître en irlandais. Il est
probable que drus, drùis, est provenu de drust, drusti, ce que confirme-
rait le nom propre Drust, Drost, Drest 'Martyrol. of Doneg. 29 ij et
Drosîân (IV Mag. Ann. 717). — Dès lors Drusus ne serait plus compa-
rable, et l'on pourrait penser, pour l'irlandais, à la racine sanscrite
dharsli, « audere, temerum esse, » d'oià dhrishu, dhrishta, « vaillant, »
dhrishti, « vaillance «, etc. Cf. gr, rcasûç, et ^xp^oz., goth. ga-daursan,
« audere, ; » ang. sax. ge-dyrst, anc. ail. ga-tursti, « audacia; » ail. mod.
dreist, « audax, » etc.
Je suis loin de donner ce premier travail comme complet. Je ne doute
qu'une hydrographie générale de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Ir-
lande, etc., n'y apporte encore de nouveaux éléments. Tel qu'il est, ses
résultats sont, à coup sûr, remarquables. La racine de mouvement dru,
qui, en dehors du sanscrit et du zend, n'a été conservée comme verbe que
par le gaélique, et, moins sûrement, par quelques formes germaniques
secondaires, ne nous a pas offert moins de cinq, et peut-être six groupes
de dérivés en gaulois, pour les noms de rivières seulement. Et de ces
dérivés par des suffixes également usités en sanscrit et en zend, trois
coïncident évidemment avec des noms de cours d'eau de l'Inde ancienne.
Il ne faudrait pas en conclure qu'ils en proviennent directement, mais
cela prouve que la racine dru a dû exister en cehique avec les forma-
tions diverses qui, déjà chez les Aryas primitifs, ont servi à désigner les
rivières en tant que courantes et rapides. Et cet exemple n'est pas
exceptionnel. Plusieurs autres racines de mouvement, général ou fluide,
offrent à des degrés divers des faits analogues, qui seront exposés dans
un travail plus étendu, s'il m'est donné de pouvoir l'achever.
Adolphe PicTET.
I. On peut se demander si le chef gaulois n'avait pas pris un nom romain, car celui
de Drusus a été celui de plusieurs personnages illustres. On trouve même à Rome, à l'an
112 av. J.-C, un consul Drusus qui n'avait sûrement pas un nom gaulois.
L' EX-VOTO
DE LA DEA BIBRACTE.
(Premier article, i
Dans les travaux de construction du séminaire d'Autun, en 1679, on
découvrit une plaque de bronze portant l'inscription suivante ' :
L'apparition du nom de Bibracte sur un monument épigraphique pro-
duisit dans le monde savant une certaine émotion au milieu des polé-
miques dont l'emplacement de l'oppidum Eduen était l'objet depuis un
siècle. Les partisans de l'identité de Bibracte et d'Augustodunum l'ac-
cueillirent comme un argument sans réplique, d'autres comme l'œuvre
d'un faussaire; et, quoique l'authenticité de ce bronze soit encore con-
testée par des juges éminents, on doit reconnaître qu'elle a été acceptée
par la majorité des auteurs. L'inscription, commentée dès lors avec plus
d'empressement que de critique, a été opposée dans toutes les disserta-
tions géographiques à ceux qui placent Bibracte hors d'Autun. Celle de
d'Anville, reproduite parWalckenaer et par tous ceux qui se sont armés
1. Nous devons à l'obligeante permission de la Commission de la Topographie des
Gaules de pouvoir reproduire le dessin de cette plaque donné dans le Dictionnaire d'Ar-
chéologie Celtique à l'article BIBRACTE.
Cex-voto de la Dea Bibracte. 507
de leur nom a fait loi. Elle mérite dès lors d'être citée de préférence,
comme résumant de la manière la plus complète la thèse que nous com-
battons. Notre intention n'est pas de discuter ici la question de l'identité
de Bibracte et d^Augustodunum, mais de réfuter simplement l'argument
tiré de l'ex-voto de la DEA BIBRACTE, en faveur de cette opinion.
« La DEA BIBRACTE, disait l'illustre géographe, est la ville même de
Bibracte divinisée; la présence de l'inscription à Autun établit l'identité
des deux villes et par suite la divinisation d'Augustodunum sous le nom
de Bibracte; donc Bibracte et Augustodunum sont une ville unique sous
deux noms différents et simultanément employés; » il étayait cette
théorie par des arguments spécieux : « Les anciens, disait-il, ont
souvent établi un culte religieux en l'honneur des villes, Rome a eu des
temples dans plusieurs villes de l'empire. » Et il continuait de la sorte :
« Des peuples particuliers déifièrent aussi leur capitale. Le peuple helvétien
honorait la déesse Avcntla, ou plutôt il rendait un culte à Aventicum comme
déesse, ainsi qu'il paraît par deux inscriptions qu'on a trouvées près des ruines
d'Avenche ou de l'ancienne ville Aventicum, qui était la capitale de ce peuple :
Civitas Hclvedorum Aventicus. Les peuples Aedui ont de même honoré comme déesse
la ville d'Autun qu'ils qualifient de son nom primitif DEA BIBRACTE.... L'in-
scription me paraît prouver invinciblement qu'Autun est l'ancienne ville de Bi-
bracte. P. Caprilius, sextumvir augustal, s'acquitte d'un vœu qu'il avait fait à
la Déesse Bibracte L'institution des sexvirs datant de Tibère, l'inscription
d'Autun dressée par un sextumvir augustal est donc tout au plus tôt du règne
de Tibère; elle peut être postérieure; or dès les premières années de l'empire de
Tibère, Autun était la capitale des AeJui, Augustodunum caput gentis, dit Tacite ;
et, par le témoignage de l'inscription, Bibracte était encore capitale des i4e^/ui sous
Tibère et peut-être depuis le règne de cet empereur. Autun ne peut donc être
une ville différente de l'ancienne Bibracte'.»
Nous avons, pour ne pas affaiblir l'objection, cité le texte même des
Éclaircissements géographiques.
La première erreur de d'Anville consistait à tirer d'un fait particulier et
mal compris une conséquence générale.
En voyant le nom de Rome, de la cité par excellence, associé à celui
du génie Auguste, il s'est cru autorisé à doter d'autres villes d'attribu-
tions analogues, sans remarquer que le culte de Rome, exclusivement
, politique et créé pour imprimer à la domination romaine un caractère
fatal et sacré, était une exception. La déesse Rome, de Virgile à Ruti-
lius, resta le génie de l'unité des peuples par la conquête, et, au déclin
1. D'KmïWe, Eclaircissements géographiques, p. 329, 550, 331.
joS L ex-voto de la Dea Bibracte.
de l'empire, son dernier poète empruntait le mysticisme des chrétiens
pour célébrer cette divinité qui s'effaçait avec le paganisme tout entier.
Mais rien de semblable n'existait dans la Gaule. Quel rapport pouvaient
avoir avec ce génie souverain les villes des provinces ? A quel titre pou- ,
vaient-elles s'élever des autels et réclamer des adorateurs ? Les recueils i
d'inscriptions ne citent parmi les génies tutélaires aucune ville divinisée, ;
mais des dieux : Jupiter, Apollon, Esculape, Hygie, conservateurs de la i
ville, Diane, la Fortune, Sylvain^, Hercule, Mars, les Nymphes salutifères, \
Sérapis, le Soleil, etc. Toutes les villes, d'après ces recueils, étaient i
pourvues d'un ou de plusieurs patrons sans être elles-mêmes divinisées. î
La seconde erreur de d'Anville était une méprise radicale sur la nature j,
de l'inscription qu'il commentait. f
Les nombreux monuments du culte des DE^ gauloises sont des ex- f
voto rappelant des guérisons ou des actes de dévotion. Presque tous i
proviennent des bords ou du voisinage de quelque source, parfois de '
temples consacrés à des dieux salutifères : Apollon, par exemple ', /'
preuve évidente qu'ils concernaient moins la politique que la médecine, j^
et lorsqu'on suit la filiation du culte des DEM, dans nos campagnes, on [
la retrouve aux fontaines sacrées que fréquentent encore les villageois, I
pour obtenir la cessation d'un mal, la santé des enfants, la prospérité du |:
bétail et des récoltes. Il existe bien peu de fontaines à pèlerinage près |
desquelles d'anciennes traces du culte des génies ne se révèlent soit par ifi
des restes de sanctuaires, de simulacres de toute nature, ou par des |
pratiques qui n'ont pas varié depuis l'antiquité ^. Cette religion était f
enracinée à un tel degré chez toutes les races celtiques que les apôtres '
de la Gaule comme de l'Irlande, saint Martin, saint Patrice 5, saint Colom-
ba 4, saint Eloi 5, étaient occupés à la combattre; Grégoire de Tours la >
mentionne*^; les conciles et les capitulaires la réprouvent et condamnent
ses sectateurs?; et cependant la tradition a conservé une telle puissance
1. Les ex-voto de la DEA AVENTIA le mentionnent, celui de la DEA BIBRACTE se ;
trouvait dans le temple de ce Dieu. j
2. Voir Le Culte des eaux sur les plateaux Eduens, par J. G. BuUiot, dans les Mémoires j
lus à la Sorbonne en 1867 (archéologie). Paris, Imprimerie Impériale, 1868, in-8, p. 1 1-32. j
3. Bolland. 17 mart.
4. Bolland. Vita S. Columb. ix jun.
J. Prïterea quoties aliqua infirmitas supervenerit , non qujerantur praecantatores , non ;
divini, non sortilegi, non caragi, nec per fontes aut arbores, vel bivios diabolica pliylac- ;
teria exerceantur S. Eligii Episcopi Noviomensis Vita a S. Audoeno Rothomagensi 1
Episcopo scripta, lib. 11, c. xv, dans Migne : Patrohgie, 2' sér. T. LXXXVll, p. 529. I
6. De Gloria confess. II. Vie de saint Hilaire de Poitiers. !
7. « Si in alicujus episcopi territorio infidèles aut faculas accendunt, aut arbores, fontes, j
vel saxa venerantur, si lioc eruere neglexerit, sacrilegii reum se esse cognoscat. » Labbe. '
Sacrosancta concilia. 1671. T. IV, p. 1013. 4" concile d'Arles, canon XXIII. !
« Siquis ad fontes aut arbores, vel lucos votum fecerit, etc. » (Capitulaire de 789, c. 31.1
L'ex-voto de la Dea Bibracte. 309
que dans chaque village du pays Eduen, à peu d'exception près, pour
ne pas sortir de la région d'où provient notre ex-voto, certaines sources
sont visitées encore aujourd'hui. Que devait-il en être du temps des
Gaulois ?
Telle était l'attribution de l'immense majorité des fées de la Gaule, et
c'est à contre-temps qu'on a cru voir dans les ex-voto de certaines DEM,
divinités propices par nature, des apothéoses de cités. Qu'on examine
en effet les monuments qui concernent les génies pris sans motif pour la
personnification de quelques villes^ on constatera invariablement dans
ces villes mêmes ou dans leur voisinage une source de même nom. C'est
à ce titre que le dieu Vasio ', le dieu Nemausus, étaient les génies des
sources de l'Ouvèze et de Némause, non la personnification des villes de
Vaison et de Nîmes^ pas plus que Vesunna, Aventia, Divona, Bibracte,
ne l'étaient des lieux où on a trouvé leurs ex-voto. Le culte des fontaines
connues sous ces noms, répandu dans l'antiquité la plus reculée par toute la
Gaule, explique bien plus naturellement les monuments votifs, quel'apothéose
gratuit de villes en faveur duquel l'histoire et l'archéologie sont muettes
et que la logique n'admet pas. La fontaine a précédé la ville et n'a pas
été divinisée par elle, mais c'est la ville au contraire qui a pris le nom
d'une source divinisée ou reçu dans ses temples les ex-voto offerts à son
génie.
Si les DEM eussent été la personnification d'un lieu, d'une ville, leur
nom serait exclusivement attaché à la localité même, intransmissible en
un mot. Mais partout le même génie gaulois est honoré dans vingt en-
droits différents, au Nord, au Midi, en Italie, en Bretagne; Grannus
avait des autels sur les rives du Tibre, de la Saône, du Doubs, de la
Moselle 2. Il n'était donc point la ville divinisée d'Aquis Grannum, puisqu'on
le retrouvait à la source du Grannus dans les Vosges, à celle de la Grosne
dans le pays Eduen, à la cité de Gran en Séquanie, à Plombières, à
Horbourg sur le Rhin, à Lauingen sur le Danube, dans toute la Gaule
et jusqu'en Calédonie 5 ; mais ce dieu des sources était le patron d'une
fontaine dans chacune de ces contrées et lui donnait son nom. Borvo,
autre génie des eaux thermales, n'était point la ville divinisée de Bourbon-
« Item si arboribus vel pétris vel fontibus ubi aliqui stulte luminaria vel alias observa-
tiones faciunt, etc. » (Capitulaire de la même année C. 65). Baluze. Regum francorum
capiîularia.
1. L'ex-voto du Dieu de l'Ouvèze à Vaison est le pendant de celui de la DEA de
l'Yonne à Auxerre, ces deux villes étant situées chacune sur la rivière dont l'ex-voto
mentionne le génie.
2. On connaît nombre d'inscriptions de ce Dieu. Voir dans les mémoires de l'Académie
de Metz pour 1840; Bégin, Lettres sur l'histoire médicale du Nord-Est de la France, p. 29.
3. De Ring. Etablissements romains du Rhin et du Danube. T. Il, p. 94, 151, 141, 149.
îio L' ex-voto de la Dea Bibracte.
Lancy, de Bourbon-l'Archambaut, ni de Bourbonne, mais le génie des
sources de toutes ces villes et de la Bourbince dans le pays éduen.
La présence d'une inscription en l'honneur de la DEA BIBRACTE à
Augustodunum ne prouve donc nullement l'identité de cette ville et de
Bibracte ; le génie de la source celtique et celui de la ville bâtie par
Auguste n'ont rien de commun. Les ex-voto de cette DEA célèbre dans
tout le pays Eduen et particulièrement dans un périmètre qui comprenait
Augustodunum pourraient se rencontrer à Chalon ou à Nevers sans
fournir le plus mince argument à ceux qui tenteraient de l'identifier avec
l'une ou l'autre de ces villes, pas plus que l'ex-voto des Mères Trévires,
à Xanten sur le Rhin, ne l'identifie avec Trêves". En effet, les Eduens
ainsi que les Gaulois d'Avenche, de Périgueux, de Bordeaux, de Cahors,
etc., avaient continué, après la conquête romaine, de rendre aux sources
sacrées un culte dont la civilisation étrangère modifia les formes sans
attaquer le fond. Ils allaient, comme par le passé, boire aux fontaines
pour perdre la fièvre, en offrant au génie un œuf, une monnaie, une
banderoUe, un bâton, sans avoir jamais pensé invoquer une ville pour
leur guérison; mais tandis que les anciens Gaulois, peu soucieux
d'images 2, se bornaient à quelques pratiques superstitieuses, ceux
d'entre eux qui fréquentaient ou habitaieut les municipes, semblent avoir
emprunté aux Romains l'usage des figures et des inscriptions votives.
C'est à ce titre que les ex-voto des génies ruraux se rencontrent dans
les centres gallo-romains où leurs simulacres, presque tous de la déca-
dence , ne pouvaient personnifier les oppida gaulois , abandonnés ,
détruits, transformés depuis longtemps, pas plus que les villes qui leur
avaient succédé ; mais ils y rappellent les guérisons qui, d'année en année,
étaient obtenues aux lieux où l'on cherchait la santé.
La troisième erreur de d'Anville est celle qui attribue à l'inscription de
la DEA BIBRACTE une antiquité inadmissible. Elle datait selon lui du
règne de Tibère qui avait créé les sexvirs augustaux 5, comme si la date
de cette institution, qui dura, avec des phases diverses, autant que l'em-
1. De Ring, op. cit. T. Il, p. 4. A propos d'une inscription à MARS BRITONIVS qu'il
attribue au Mars de Britonium en Galice, quoique trouvée à Nîmes, et d'une autre au
dieu de Vence en Provence, découverte à Seyssel, l'auteur de la Religion des Gaulois ,
ajoute : « il y a tant d'exemples d'honneurs rendus par les anciens à des dieux des pays i
les plus éloignés, que ce seroit se faire un pliantôme à pure perte, de rejeter cette éty- i
mologie par cela seul » (D. Martin, I, p. 501, 11, p. 84). 11 cite une dédicace au Mer- I
cure An>ernetro\ivée en Germanie (1, p. 374) |
2. César, en parlant du Mercure gaulois a dit : « hujus sunt plurima simulacra. » Le
mot simulacntiii n'implique pas une représentation personnelle; mais un signe quelconque. ;
B. G. VI 17. La rareté des simulacres religieux authentiquement antérieurs à la conquête |
romaine permet au moins le doute.
]. D'Anville, Ed. géogr., loc. cit.
L'ex-voto de la Dea Bibracte. 3 1 1
pire lui-même, pouvait impliquer en rien celle de notre ex-voto. Aucune
raison ne le rattache au règne de Tibère plutôt qu'à celui de Constantin
et ses caractères archéologiques rappellent bien plus le quatrième que le
premier siècle de notre ère, comme on le verra dans la seconde partie
de ce travail.
A un autre point de vue, la DEA BIBRACTE pouvait-elle être le génie
d'Augustodunum .? Auguste, en édifiant la ville et en lui donnant son nom,
n'avait point eu pour but de la consacrer au génie de Bibracte qu'il
supplantait. Pour créer une Gaule nouvelle, il changeait les divisions
territoriales, les noms ou l'emplacement des chefs-lieux, substituait des
villes aux plus illustres oppida condamnés à périr sur les montagnes. Il
élevait à Lyon le temple de Rome et Auguste dont le prem.ier grand-
prêtre était éduen ; il appelait les représentants des soixante cités gau-
loises aux pieds du génie nouveau de leur pays. Cette suprématie était
incompatible avec le culte de Bibracte, avec les souvenirs gaulois qu'il
voulait anéantir, et que son successeur ne favorisait pas davantage.
La politique impériale qui réglait tout, avait du reste pour ces cas
particuliers une reconnaissance légale. Lorsqu'un génie étranger était
admis dans la religion officielle et prenait place à côté ou au-dessous des
dieux romains, il recevait le diplôme de son admission, il devenait
AUGVSTE, comme les grands dieux, patrons des empereurs.
Ces sortes de reconnaissances sont presque toutes spéciales à la Gaule,
les Romains s'en étant montrés parcimonieux dans les autres provinces,
telles que l'Afrique et l'Asie.
Faut-il voir dans ce privilège un acte de tolérance.? Non, les Romains
firent deux parts dans la religion des Gaulois, ils poursuivirent les
druides dont l'influence politique leur portait ombrage, en même temps
qu'ils favorisèrent le culte des génies, et des dieux plus voisins de leur
propre mythologie. Le peuple attaché à ces divinités subalternes dont le
culte formait sa religion journalière, conserva des superstitions inofïen-
sives pour les conquérants qui s'en déclarèrent les protecteurs.
Les génies gaulois devinrent ainsi presque tous augustes.
Il n'est pas en effet de ville gallo-romaine dans laquelle on ne ren-
contre des Mères, des Sylvains, des DEJE avec le titre d'AUGVSTES.
A Lyon : MATRIS AVGUSTIS
A Vésone : TUTEL^ AVG
VESVNNAE
312 L'ex-voto de la Dea Bibracte.
Telles eussent été les inscriptions de la DEA BIBRACTE, si elles eussent
concerné le génie reconnu de la cité; mais cette DEA ne possédant pas
même le brevet de l'acceptation administrative, n'avait droit dès lors qu'à
un culte purement individuel, comme si une pensée politique lui eût
refusé un honneur dont jouissaient les plus humbles génies gaulois.
Le titre de sexvir augustal ne donne à l'ex-voto de Caprilius aucun
caractère public. Ces magistrats annuels et d'un ordre inférieur, pris
dans la classe des affranchis ou dans le peuple dont ils partageaient les
croyances, étaient, par leurs fonctions mêmes, tenus à des actes appa-
rents de dévotion. La surveillance des édicules religieux multipliés dans
chaque quartier d'Augustodunum, aux façades des maisons et aux carre-
fours', les familiarisait avec tous les détails de la religion populaire.
Parmi les innombrables génies dont chaque jour on recueille à Autun les
images mutilées, le sexvir avait, comme ses concitoyens, ses dieux de
prédilection. La DEA BIBRACTE, fée des plus accréditées non-seule-
ment à Augustodunum, mais dans tout le bassin de l'Arroux et des
affluents éduens de la Loire, exerçait un prestige sans égal. De l'enceinte
de la ville d'Auguste, on apercevait le sommet nuageux où elle résidait,
et le vieil oppidum dont elle rappelait la gloire et le nom. De pareils
aspects et de pareils souvenirs légitimaient la renommée légendaire qui
l'avait fait classer par le peuple au nombre des divinités protectrices du
pays.
Le rapprochement le plus spécieux tenté par d'Anville dans l'intérêt
de sa thèse des villes divinisées est celui de la dea Aventia avec la dea
Bibracte, aussi peu fondés l'un que l'autre.
Aventicum était une colonie romaine COLONIA HELVETIORVM
postérieure à la conquête comme Augustodunum, et habitée de même
par une population mélangée d'indigènes et d'étrangers. Chacune des
deux races avait ses divinités distinctes dans ces deux villes. La partie
gauloise honorait les génies des sources en renom du pays ; les colons
romains adoraient Apollon, dieu principal d'Augustodunum, d'Avencheset
de Vésone, « l'Apollo noster » d'Eumène, et celui des ex-voto d'Aven-
tia, qui le qualifient de genius incolarum ^ dans des inscriptions communes
aux deux patrons des habitants.
1. «Cum Berecynthiaï simulacrum per Augustoduni compila veheretur. » (Actes du
martyre de saint Symphorien, antérieurs à Grégoire de Tours, D. Ruinart. Acta sincera,
Greg. Turo. de gloria confess. n° 958.)
2. DEAE AVENTIAE
ET GENIO INCOLAR
T. lANVARIVS
(Inscriptiones Helveti£ collecU et explkau ab 1. G. Orellio, n° 177. Turici 1844.)
L' ex-voto de la Dea Bibracte. j l j
La DEA AVENTIA n'était ainsi à côté d'Apollon qu'un génie local de
la colonie des Helvétiens^ de même famille et de même nature, par
exemple, que la DEA helvétienne NARIA NOVSANTIA dont un ex-voto,
identique dans sa teneur à celui de Dibracte, a été découvert à Neuve-
ville près du lac de Bienne ' ; elles n'étaient toutes deux que des divinités
populaires, invoquées pour la santé. Le nombre de vérifications faites
antérieurement sur des points identiques assurait à l'avance que la DEA
Aventia n'échappait pas plus que toutes celles de même famille à la règle
générale qui proscrit les villes divinisées.
Il fallait, pour arriver à une solution, faire les mêmes recherches qui
avaient réussi dans tous les autres lieux occupés par des villes antiques,
ayant un nom commun avec des DEAE^ et savoir, en un mot, si la Dea
Aventia était l'apothéose de la colonie d'Avenches ou le génie d'une
source qui lui avait donné son nom.
Nous avions cru d'abord que les inscriptions votives de la DEA
AVENTIA appartenaient à Munchweiler, village voisin d'Avenches, où
Gaspard Hagenbuch^ en avait lu plusieurs, et qu'il fallait y chercher la
source d'Aventia, mais d'obligeants renseignements nous ont appris
que ces ex-voto y avaient été transportés?. Il était d'autant plus naturel
de s'écarter dans les environs que les eaux qui alimentent la ville prove-
naient en majeure partie du dehors, amenées dès l'époque romaine,
comme à Augustodunum, par des travaux d'art. Une fontaine cependant
coulait à l'intérieur, et cette fontaine, comme celles de toutes les DE^E
gauloises, était à tort ou à raison recherchée comme préservatif ou remède.
C'est là que résidait, ainsi que dans tous les lieux où le même fait se
reproduit, la véritable DEA AVENTIA, qui n'a jamais été et n'a pu être
une ville divinisée. Nous copions la note qui nous est communiquée.
NVMINIBVS AVG
ET GENIO COL. HEL.
APOLLINI SACR
(Orelli, op. cit. n" 176.)
1. NARIAE
NOVSAN
TIAE
T. FRONTINIVS
HIBERNVS
V. S. L M
(Orelii : op. cit. n" 166.1
2. Lettres sur la Déesse Bibracte de Gaspard Hagenbuch au président Bouhier. n no-
vembre 1744. Bibl. Nat. de Paris, Mss. Bouhier. 1653, p. -I'^, verso. — Orelli, op. cit.
n" 177 et suiv.
5. M. Morel Fatio, conservateur du musée de Lausanne, et M. Gaspari, conservateur
du musée d'Avenches, à qui est dû ce renseignement.
JI4 L'ex-voto de la Dea Bibracte.
« Il existe effectivement dans l'enceinte d'Aventicum à 200 pas des
remparts, près de Donatyre, une source d'eau très-abondante, qui
s'appelle la fontaine des Buydères; elle jouit d'une certaine réputation
et nos gens lui attribuent la propriété de guérir le goitre, de faire passer
la toux; ils prétendent qu'elle est chaude en hiver, froide en été, etc. Le
D'' B la tenait en grande estime et la prescrivait souvent aux enfants
malades des environs. Elle jaillit avec force de la glaise, elle est très-
bonne à boire et les habitants la préfèrent en cas de maladie à toute autre
eau ' , ))
Tels sont les caractères des sources des DE^E gauloises, visitées dès
la plus haute antiquité par les populations. Leur nom a passé au premier
noyau d'habitations groupé près d'elles, de la même manière que celui
du patron de l'église aux villages formés à l'entour. La ville d^Aventicum
a pris le nom d'Aventia comme Nemausus celui du génie de la magnifique
source de Némause; les génies sont restés après ce qu'ils étaient aupara-
vant, sans que les villes aient participé en rien à leur divinisation.
Sans doute les habitants ont déposé des ex-voto dans les temples;
mais les ex-voto n'étaient pas seulement ceux des habitants, mais de tous
ceux qui de près ou de loin venaient demander une guérison ; ils ne la
demandaient pas à coup sûr à une ville^, maii au génie dont l'interven-
tion se révélait dans l'efficacité des eaux. Aussi les ex-voto sont-ils par-
fois loin du lieu consacré.
L'ex-voto de la DEA ICAVNE^ trouvé à Auxerre était bien plus
éloigné des sources de l'Yonne que celui de la DEA BIBRACTE des
fontaines de l'oppidum Eduen.
Une inscription de Nîmes mentionne dans cette ville le culte de la DEA
VRA, la fontaine d'Eure près d'Uzès'. Les Mères germaines et gau-
loises se trouvent en Grande-Bretagne, le Mars Caturige des Alpes
en Germanie, Epona et Camulus à Rome même. L'ex-voto, par sa
nature, n'avait pas de patrie, et bien que déposé le plus souvent dans le
1. Lettrede M. Gaspari. Décembre 1869.
2. AVG. SACR. DEAE
ICAVNI
T. TETRICIVS AFRICAN.
DS D D
(Lebeuf : Histoire ecclésiastique et civile d'Auxerre, 1745, in-4. T. II, p. 6.) Orelli : Inscr.
Lat. I, p. 98.
3. Comarmond, Description du Musée lapidaire de la ville de Lyon, n° 587.
AVGVST
LARIBVS
CVLTORES VRAE
FONTIS
L'ex-voîo de la Dca Bibracte. 3 1 5
sanctuaire même de la divinité à laquelle il était adressé^ il se rencontre
aussi dans la patrie du pèlerin et au lieu plus ou moins éloigné où son
souhait a été réalisé.
On a rapproché de la DEA BIBRACTE et de la DEA AVENTIA, pour
en faire un génie-ville, la DEA VESVNNA dont Vésone porte le nom.
Le modèle n'est pas plus heureux que les précédents, car la DEA
VESVNNA est le génie d'une source, et cette source ne coule ni dans la
ville de Périgueux, ni même dans l'oppidum gaulois des Pétrocoriens.
Lorsque ces derniers, après la conquête abandonnèrent leur oppidum,
comme les Eduens celui de Bibracte, pour peupler la ville Auguste de
Périgueux, ils y transportèrent le culte de la DEA VESVNNA un de leurs
génies des eaux.
« La fontaine Vcsunna, nous écrit un correspondant, a été, ainsi que la DIVONA
des BiturigesVivisqueset des Cadurques, la DEA tutélaire des Pétrocoriens; elle
coule dans l'étroite vallée qu'habitèrent les premiers Gaulois, pasteurs dans ces
contrées.
)) D'un côté à l'est est l'oppidum d'Ecorne-Bœuf, et à l'ouest une retraite ou
refuge appelée Camp de César. La rivière de l'Isle coule au pied de l'oppidum et
du camp. Au delà s'étend la vallée où fut bâtie la ville gallo-romaine de Vésone.
Le temple de la DEA tutélaire fut élevé en face de la vallée où coule la fon-
taine.
» Le culte des cours d'eau, des lacs, des fontaines, des gouffres, était général
dans nos contrées. Beaucoup de sources ont conservé de nos jours leurs vertus
miraculeuses, grâce à l'intervention du christianisme qui a mis un saint à la place
de la DEA païenne. Un grand nombre d'églises sont placées sur des fontaines ou
à côté. Plusieurs de nos abbayes, celles de Brantôme, de Saint-Arnaud, etc.,
ont été élevées dans des lieux célèbres par des superstitions antérieures à la con-
quête romaine', » Ces faits se répètent par tout le pays Eduen.
Les ex-voto des DE^ gauloises découverts dans les villes gallo-
romaines s'adressaient donc à des divinités rurales et populaires dont les
fontaines étaient souvent hors de ces villes et dont le culte avait précédé
leur fondation, comme à Avenche et à Vésone. On rencontre encore dans
cette dernière ville le dieu TELONVS, génie d'une autre source située
à une demi-lieue et dont les ex-voto étaient néanmoins déposés dans
les temples romains de Périgueux 2. Le même dieu Telonus était la divi-
nité d'un petit temple situé sur une passe profonde au bord de l'Arroux,
entre Autun et Toulon-sur-Arroux, il semble avoir donné son nom à cette
ville très-peu distante.
1. Note due à l'obligeance de M. Galy, conservateur du Musée de Périgueux.
2. Wlgrin deTaillefer, antiquités de Vésone. 2 vol. in-4. Périgueu.x, 1824-1826.
3i6 L'ex-voto de la Dea Bibracte.
Ces citations déterminent dès lors la véritable nature de la DEA
BIBRACTE qu'il est superflu de chercher dans des interprétations ima-
ginaires. Dès qu'il sera prouvé qu'elle était un génie des eaux, d'une
source visitée encore aujourd'hui comme celle d'Aventia, de Vesunna, et
tant d'autres, sa présence à Augustodunum s'expliquera tout naturelle-
ment par les usages religieux des Gallo-Romains. Les habitants de la
ville qui allaient lui demander la santé à une époque où le plateau d'où
elle coule était abandonné, ne pouvaient placer leurs ex-voto ailleurs
que chez eux, et surtout dans ce temple d'Apollon, dieu d'une source
chaude', qui restait dans son rôle en accueillant dans sa demeure les
gages de reconnaissance décernés par les malades aux génies des autres
sources du pays.
Une question reste encore à éclaircir, celle de savoir si la fontaine de
la DEA BIBRACTE aurait existé à Autun. Tous les lieux connus comme
patronnés par une DEA possédaient une source ordinairement de même
nom, on l'a vu; mais Autun ne réalise pas cette condition. Placé à la
base d'un plateau, comme une presqu'île, il n'a aucune espèce d'impor-
tance dans l'hydrographie du pays, et serait presque complètement
dépourvu d'eau sans les travaux artificiels qui, à l'époque romaine
comme aujourd'hui, lui en ont fourni. La source voisine de l'abbaye
Saint-Andoche, si elle n'est pas, comme plusieurs le croient, la dérivation
d'un aqueduc antique, n'a jamais été l'objet d'un culte et ne saurait
rappeler Bibracte.
Les génies des ruisseaux environnants sont inconnus. Le ruisseau de la
Fée, filet d'eau éloigné d'Autun dans les bois, rappelle seul le souvenir
d'un génie celtique. A une lieue, au bord de l'Arroux, on trouve à Ornée
une source sacrée qui porte le nom latin de Flore, Fleury. L'étymologie
de l'Accoron, l'Escurrens des chartes, qui coule au nord-est de la ville,
rappelle simplement le caractère d'un torrent. Le ruisseau de Rivault
est défini par son nom même. Tous ces noms sont romains. Aucune source
jaillissante n'existe dans l'intérieur de la ville ; aucun nom ne rappelle celui
d'une DEA. Le texte d'Eumène relatif à une source d'eau chaude destinée
aux épreuves judiciaires et dédiée non à Bibracte, mais à Apollon, est
lui-même discutable. Il ne dit point que la source non plus que les bois
sacrés qui l'entouraient fussent à Autun et auprès du temple; ils parais-
sent plutôt hors des murs, d'après le te.xte, puisqu'il faut circuler^ circum
ire, pour voir les uns et les autres-. Il est donc plus naturel de les cher-
1. Eumène, panégyrique de Constantin Auguste, CXXI. « Apollo noster cujus ferventi-
bus aquis » etc.
2. Eumène: Paneg. Constiint. Aug. XXll. «lllos quoque Apollinis lucos et sacras scdi
L'ex-wto de la Dca Bibracte. 517
cher à la forêt sacrée qui domine la ville et à la Fontaine-Chaude sur le
plateau de Montjeu dont un aqueduc amenait les eaux à Augustodunum.
La tradition comme l'hydrographie prouvent que la UEA BIBRACTE
ne pouvait avoir son origine à Autun. A Vésone on connaît l'emplace-
ment de la fontaine Vesunna, à Nîmes celle de Nemausus, à Cahors et à
Divone celle de Divona, à Luxeuil celle de Luxovius, mais à Autun
personne n'a jamais entendu parler de Bibracte, par la raison bien simple
qu'elle était au Mont Beuvray.
Le pèlerinage des sources de Bibracte, populaire comme celui
d'Alesia, était trop profitable aux marchands d'Augustodunum qui y
transportaient des denrées, pour être délaissé. Ces sortes de pèlerinages
existaient du reste dans tous les anciens oppida, et il n'en est pas dans
lequel on ne retrouve la fontaine sacrée avec son cortège de légendes et
de superstitions.
Le Beuvray étant le point de formation des principaux ruisseaux du
Morvan et de la partie adjacente du bassin de l'Arroux, ses eaux comme
celles de toutes les montagnes situées dans les mêmes conditions avaient
été divinisées. Elles étaient devenues la DEA BIBRACTE, comme celles
de l'Yonne qui prennent naissance à ses pieds étaient devenues la DEA
ICAVNE, celles de la Seine la DEA SEQVANA, celles de Bourbon le
dieu BORVO, celles de Vesonne la DEA VESVNNA et toutes celles que
nous avons citées et pourrions citer encore. Ce génie celtique renié ou
non par les Romains, ne peut être compris qu'à l'aide des coutumes des
Gaulois, et c'est en se reportant à ces coutumes qu'on voit Caprilius
gravir le Mont Beuvray avec les autres habitants d'Augustodunum, pour
la fête celtique qui se tenait au printemps à la source de Bibracte.
Chaque arrivant se rendait à la fontaine, et ne se livrait aux affaires
qu'après avoir bu et accompli son acte de dévotion accompagné de pra-
tiques qui existent encore aujourd'hui. Ceux qui se croyaient préservés
de mal ou exaucés dans une demande, ceux qui croyaient devoir la
santé à l'eau limpide de la DE.A, s'empressaient après leur guérison d'ex-
primer leur reconnaissance par un ex-voto : « Referunt vota templis ', »
de la même manière qu'un pèlerin de Sainte-Reine ou de Saint-Jacques
déposait son bourdon ou un tableau commémoratif dans l'église de son
village, sans que ce village pût être confondu avec le lieu d'où il arrivait.
La population gauloise émigrée de Bibracte devait être, du reste, assez
et anhela fontium ora circum eat. » — [On pourrait comprendre le circum ire d'Eumène
autrement que ne le fait M. Bulliot et y voir l'action de faire le tour, par vénération,
d'un endroit tenu pour sacré, usage que j'ai vu pratiquer encore de nos jours en Irlande.
— H. GJ
I. Eumène, pro gratiarum actione, 14.
3i8 L'ex-voto de la Dea Bibracte.
nombreuse à Augustodunum pour y avoir transporté le souvenir et le
culte de son génie gaulois, mais son sanctuaire primitif et vénéré resta
toujours au Mont Beuvray. En consultant les usages traditionnels qui
n'ont pas plus disparu dans le Morvan que chez les Bretons, on voit
durant le moyen-âge, au premier mercredi de mai, une fête qui rappelle
les pardons de la Bretagne et celle dont Grégoire de Tours a donné la
description', se tenir durant trois jours, sur le plateau désert de Bibracte ^
toutes les populations du pays Eduen y accourir, les marchandises
transportées des villes voisines, les échéances des paiements fixées à
cette date, des notaires d'Autun s'y rendant pour acterî. Aujourd'hui
encore les nourrices viennent à la fontaine se laver le sein pour obtenir
du lait, elles déposent sur ses bords un sou ou un œuf; les fiévreux
boivent son eau ; ceux qui redoutent les sorts s'y agenouillent et jettent
ensuite par derrière l'épaule gauche la baguette de coudrier au pied de
la croix, etc. Nous reconnaissons là les coutumes religieuses de la Gaule
et, à la source du Mont Biffracte"^, celle de la DEA BIBRACTE.
Il faut donc renoncer à faire de cette DEA le génie d'Augustodunum;
son rôle, tel que nous venons de le décrire, est beaucoup plus modeste.
Elle reste dans la catégorie des mères, des douées, des fées, des
nymphes s, c'est la déesse du peuple et des traditions. La géographie
ou l'histoire n'ont pas à discuter son domicile; elle habite aujourd'hui
où elle habitait du temps de César, de Strabon, de saint Martin et, en
donnant à cette question les proportions de la réalité, l'inscription de
Caprilius se réduit à la guérison d'un malade, trop incertaine pour
mériter à la déesse Bibracte la réputation que lui ont faite les savants.
Le paysan Morvandeau qui dépose furtivement un sou sur ses bords, la
nourrice qui s'y rend pour obtenir un nounissage prospère, en ensei-
gnent plus long sur la célèbre DEA que toutes les dissertations dont elle
a été l'objet 6.
L'universalité du cuhe des DE^ est telle qu'on a droit de s'étonner
que des erreurs aussi palpables que celles qui ont eu cours au sujet de
1. De Gloria confess. it.
2. Terrier du Beuvray xv' siècle. Archives d'Autun.
5. Archives d'Autun, actes manuscrits. — Voir A. de Charmosse, Cartul. de l'église
d'Autun, in-4. Autun, 186$. — J. G. BuUiot, Essai hist. sur l'abbaye de Saint-Martin
d'Autun. T. II, chartes 128 et 151. 2 vol. in-8. Autun, 1849.
4. Nom latin du Beuvray dans les chartes du xiii" siècle.
5. On peut voir dans les recueils d'épigraphie Gallo- Romaine un grand nombre
d'inscriptions votives se rapportant aux NYMPHIS et aux FATIS.
6. Pendant l'été de 1868 un habitant de Glux, rentrant de nuit, fut poursuivi par
deux malfaiteurs qui lui tirèrent, sans l'atteindre, deux coups de pistolet. Le lendemain on
lisait son nom écrit à la craie sur la croix de Saint-Martin, au sommet du Beuvray. Un
sou était déposé en offrande.
L'eX'VOto de la Dca Bibracte. ^ 19
l'ex-voto Eduen, aient pu subsister si longtemps. Il suffit d'ouvrir un
recueil épigraphique pour les réfuter.
La DEA ABNOBA' du Mont Abnoba, en Wurtemberg, dont on a ajouté
quelquefois le nom à celui de Diane, était une Douée et présidait aux
sources du Danube et du Necker. ACIONNA DEA-, génie de la fontaine
de l'Etuvée, était à Orléans ce que la la DEA BIBRACTE était à Autun.
A Villey-sur-Tille en Bourgogne, la DEA ARNALIA 5 guérissait les
maniaques qui y venaient de loin; on bâtit depuis dans ce lieu une
chapelle dédiée à St HERMES et à St AVGVSTIN qui furent substitués
à Mercure et aux dieux Augustes de l'inscription gallo-romaine. Le sou-
venir de la DEA resta à la fontaine et aux arbres des fées, troncs énormes
que l'on visitait encore par curiosité au siècle dernier 4. La DEA
CLVTODA, récemment découverte dans un village de la Nièvre s,
près d'une fontaine, guérissait de la fièvre i^. La DEA SIRONA était
honorée en Germanie, associée à APOLLO GRANNVS à Rome, en
Dacie, à Nierstein où elle présidait à l'établissement thermalv. A Luxeuil,
la DEA BRIXIA, est associée au dieu LVXOVIVS, génie des eaux
thermales s.
On voit de même sur l'autel du Mesvrin près Autun, une fée associée
au génie du ruisseau, devant lesquels on va encore en pèlerinage?.
A l'oppidum de Hohenbourg en Alsace, le génie des sources du pagus,
résidait à la fontaine de Sainte-Odile. La montagne de Sion vénérée
aujourd'hui par les Lorrains, comme autrefois par les Leukes, attire les
pèlerins qui viennent boire l'eau de ses sources, ainsi que la célèbre
fontaine de Sainte-Reine d'Alise, et, pour rentrer dans le pays Eduen,
nous n'aurions qu'à gravir les montagnes de l'Essertenue, de Dettey, de
Lanty, de Rome-Château, pour retrouver auprès des sources des ancien-
nes forteresses celtiques telles que le Beuvray, les premiers sanctuaires
des fées de la Gaule.
J.-G. BULLIOT.
j. Orelli, Inscr. lat. n" 1986.
2. Orelli, n° 19(5.
}. Courtépée, Description du duché de Bourgogne. Dijonnais; VilIey-sur-Tille.
4. Orelli, n° 1961.
5. A Mesves. Voir le Bulletin de la Société Nivernaise des lettres, sciences et arts, 2°
série, T. II, p. 371.
6. Je dois ce renseignement sur les propriétés prétendues de la source, à M. Bauer,
curé de Mesves, auteur de la communication à la Société Nivernaise.
7. Maximilien de Ring, op. cit., I, p. 260.
8. Orelli, n 2024.
9. Bulliot : Le culte des eaux, etc.
INFLUENCE
DE
LA DÉCLINAISON GAULOISE
SUR LA DÉCLINAISON LATINE
DANS LES DOCUMENTS LATINS DE l'ÉPOQUE MÉROVINGIENNE.
M. Gluck dans ses K. N. a signalé un fait curieux dont il me semble
avoir méconnu la valeur : Le continuateur de César a, dit-il (p. ^56),
écnt Atrebatas à la manière grecque;, VIII, 7; c'est la leçon des bons
manuscrits, et Nipperdey a cru avec raison devoir l'admettre dans son
édition de préférence à la leçon Atrebates que donnent nos éditions. Ce
qu'a de curieux la forme Alrebatas, c'est qu'elle appartient à un nom dont
le thème est devenu consonantique, après avoir été vraisemblablement
terminé en /', et qui du reste se rattache complètement à la troisième
déclinaison latine. Hirtius n'est pas le seul écrivain romain qui ait
donné un accusatif pluriel en -as aux noms gaulois dont le thème est
consonantique et qui dans les textes suivent aux autres cas les lois de la
troisième déclinaison.
Nous suivrons l'ordre chronologique :
Lucain, Pharsale, I, 398, a écrit : Pugnaces pictis cohibebant Lingonas
armis.
Tacite, Histoires, livre IV, chap. 5 5 : pênes Treveros ac Lingonas.
Florus, livre III, chap. 10 : Arvernos atque Biturigas, Carniitas, simul
Sequanosque contraxit.
Eutrope, livre IX, chap. 23 : Pugnatum est circa Lingonas.
I. Ce nom est encore écrit Atrcbctis pour Atrebatis dans la légende d'une monnaie
mérovingienne : -is est en gaulois comme dans le latin archaïque la désinence spéciale à
l'accusatif pluriel des thèmes en /'.
Influence de la déclinaison gauloise. ^21
Ammien Marcellin, livre XVI, chap. 2 : venerat Tricassas.
Orose, livre VI, chap. 1 1 : In Pictonas proficiscitur;
Livre VII, chap, 29 : apud Senonas;
Livre VII, chap. 32 : apud Atrebatas.
S. Jérôme, Chroni^jue, année 367 : apud Atrebatas.
Enfin on lit dans l'Itinéraire d^Antonin (D. Bouquet, I, 105 C, 108 A)
Suessonas.
Deux inscriptions du haut empire viennent confirmer les leçons four-
nies par les écrivains. La première est du temps de l'empereur Vespasien
et concerne un abornement : inter Viennenses et Ceutronas (Desjardins,
Table de Peutinoer, p. 46, d'après Renier, Revue Archéologique, ib" année,
p. 3 $8). La seconde est relative à un personnage qui avait exercé toutes
les charges municipales à Autun et à Langres : omnibus honoribus apud
Aeduos et Lingonas functus (Desjardins, Table de Peutinger, p. 19, d'après
Orelli, n" 2020).
Vers l'époque où M. Gluck publiait son savant mémoire, il paraissait
dans les Beitrxge de Kuhn une dissertation de M. Ebel qui donnait la
solution de la difficulté. M. Ebel établissait que l'accusatif pluriel des
thèmes consonantiques en vieil irlandais ne pouvait s'expliquer sans
l'hypothèse d'une désinence primitive en -7is (t. I, p. 168). Il a repro-
duit cette doctrine dans la seconde édition de la Grammatica celtica,
p. 2^3, n:ais sans produire d'exemples gaulois à l'appui de son argumen-
tation phonétique. Les exemples pourtant ne manquaient pas.
On ne sera donc pas étonné si Grégoire de Tours a pu dire :
Biturigas obsidebant, D. Bouquet, II, 282 B;
accedens usque Namnetas, D. B., II, 275 C;
N ainnetas 'dccessii, D. B., II, 3^1 D;
usque Santonas, D. B., II, 239 B;
Santonas venh, D. B., II, 332 A;
Quem... Suessionas àekrentes, D. B., II, 214A;
Suessionas rediit, D. B., II, 233 C;
apud Suessionas, D. B., II, 243 A;
filium suum... Suessionas dirigere cogitabas, D. B., Il, 351 B;
On lit de même dans VEpitome :
usque Suessionas, D. B., II, 398 C;
Sexsionas pervaserunt, D. B., II, 404 D;
Sexionas recepit, D. B., II, 408 B;
Et dans Frédégaire :
Suessionas adducitur, D. B., II, 434 C ;
Suessionas peraccedens, D. B., II, 435 B.
J22 Influence de la déclinaison gauloise
Suivant l'usage ordinaire dans ces bas-temps, cet accusatif fait fonc-
tion de génitif et d'ablatif.
D'abord de génitif .
On trouve dans les monnaies mérovingiennes :
Betoregas c;[vitatis],
Carnotas ciV[itatis],
Lingonas cm[tatis],
Redonas cm[tatis],
Sanîonas aV/[tatis],
Sennonas civita[i\s].
(Voir un mémoire de M. de Barthélémy dans la Bibliothèque de l'École
des chartes, 6" série, t. I, p. 452-461);
Dans deux formules :
Bitoricas in civitatem (Rozière, Recueil général des formules, LXII,
CCLXII);
Dans Grégoire de Tours :
Biturigas cmXa.Xem, D. B;, II, 147 D;
Bituricas urbem, D. B., II, 192A;
Biturigas urbem, D. B., II, 148 B, 377 D;
urbem Suessionas, D. B., II, 324 D, 353 D;
Dans VEpitome :
Sexionas civitatem, D. B., II, 410 C;
Dans Frédégaire :
civitatem Senonas, D. B., II, 436 B,
Les lois de la grammaire classique auraient exigé : Biturigum, Car-
nutum, Lingonum, Redonum, Santonum, Senonum, Suessionum. Mais à cette
époque où la langue latine se transforme, la forme d'un cas régime fait
continuellement fonction d'un autre cas régime. Ammien Marcellin, livre
XVI, chap. 3 avait déjà dit : apud Senonas oppidum, pour : apud Senonum
oppidum.
L'accusatif pluriel gaulois en -as fait aussi fonction d'ablatif dans
Grégoire de Tours, exemple :
duas portiones de... Abrincatas, c'est-à-dire: de Abrincatibus, D. B.,II,
344 A;
cathedram Suessionas habere, c'est-à-dire : Suessionibus , D. B., II,
214 A;
Suessionas sepultus est, c'est-à-dire: Suessionibus, D. B., II, 230 D;
On lit déjà dans la Notitia dignitatum :
Praefectus Laetorum gentilium. .. Silvanectas, c'est-à-dire : Silvanectibus,
D. B., I, 128 G;
sur la déclinaison latine. 325
Praefectus Laetorum Francorum Redonas, c'est-à-dire: Redonibiis, D.
B., I, 128 B;
Praefectus Sarmatorum gentilium Lingonas, D. B., I, 129 A,
Enfin nous signalerons dans les légendes des monnaies mérovingiennes
les accusatifs Abrinktas, Dialdenlas, Lemovecas dont il serait peut-être
téméraire de prétendre déterminer la fonction.
Les noms de peuples gaulois à thème consonantique pour lesquels des
exemples d'accusatifs pluriels en -as ont été relevés ci-dessus est de seize.
Ce sont les :
Ahrincates (d'abord Abrincatui),
Atrebates,
Bituriges,
Carnutes,
Ceatrones,
Diablintes,
Lemovices,
Lingones,
Namnetes,
Picîones,
Redones,
Santones (ou Santonî),
Senones,
Silvanectes,
Suessiones,
T masses.
Il n'y a ce nous semble aucun rapport entre les accusatifs pluriels
gaulois en -as, et les termes géographiques Baiogas, Durocas, Trecas
qu'on trouve dans les monnaies mérovingiennes, dans la notice des cités
de la Gaule et dans Grégoire de Tours (D. B., II, 2, 318, 407). Ces
derniers mots sont, suivant moi, quant à la forme, au nominatif singulier.
Le nominatif singulier des thèmes consonantiques se formait par
l'addition d'un -s final. Le nominatif singulier de Trecasses, Bajocasses,
Durocasses aurait élé régulièrement Trecass-s, Baiocass-s, Darocass-s. Mais
il est impossible de prononcer ainsi trois 5 à la fin d'un mot. On aura
donc dit au nominatif singulier Trecas, Baiocas, Durocas. Comparez le
latin as pour ass-s, génitif assis. Peut-être est-ce par une forme celtique
analogue^ Juras, Jurass-is qu'on doit expliquer les formes si variées du
nom du mont Jura dans les textes latins et grecs où il est par exemple
tantôt de la première déclinaison, accusatif Juram, tantôt de la seconde,
nominatif Jurassus (Gr. C », p. 786). Quoi qu'il en soit, dans la notice
22
^24 Influence de la déclinaison gauloise
des cités de la Gaule (D. B., t. II, p. 2 B), on lit : civitas Baiogas. Je
crois reconnaître dans Baiogas un adjectif au nominatif singulier, s'accor-
dant avec civitas.
Mais cette forme s'est ensuite pétrifiée et s'est employée à tous les
cas. C'est ainsi que Grégoire de Tours a écrit : Trccas Campaniœ urbem
(D. B., II, 318 A); et qu'on lit dans l'Epitome : Trecas junxerunt (D.
B., II, 407 B) et dans la Notitia dignitatum : Praefectus Laetorum...
Baiogas (D. B., I, 128 B). Cela ne doit pas étonner quand on voit à la
même époque l'accusatif pluriel en -as de la 3" déclinaison faire fonction
de génitif et d'ablatif.
L'accusatif pluriel en -as des thèmes consonantiques n'est usité dans
la période mérovingienne que pour un petit nombre de noms de lieux.
Il était trop contraire au système général de la déclinaison latine pour
s'étendre aux thèmes consonantiques importés en Gaule par les conqué-
rants romains.
Mais il y a dans la langue latine de l'époque mérovingienne certains
usages que les grammairiens classiques qualifient à bon droit de solé-
cismes et qui nous paraissent dus à l'influence de la tradition celtique.
Mettons en regard les désinences latines et les désinences celtiques de
la première déclinaison, c'est-à-dire des thèmes féminins en -a.
Celtique.
Sing. Nom. -a -a
-es
-i
-an
Latin.
Nom.
-a
Gén.
-ae
Dat.
-ae
Ace.
-am
Abl.
-a
Nom.
-ae
Gén.
-arum
Dat.
-is, -abus
Ace.
-as
Abl.
-is, -abus
Plur. Nom. -ae -as
-an
-ahis
-as
A l'époque mérovingienne 011 les cas régimes tendent à se confondre
en un, la flexion du cas sujet présente à elle seule autant d'importance
qne celles de tous les cas régimes réunis. Nous remarquerons qu'au
singulier le nominatif latin a la même désinence que le nominatif celtique.
Au pluriel, tandis que le nominatif latin se caractérise surtout par l'ab-
sur la déclinaison latine. 325
sence d'-5 finale, le nominatif gaulois se termine par un -s ; sa flexion est
identique à celle de l'accusatif -as.
Or à l'époque mérovingienne les nominatifs pluriels de la première
déclinaison en -as se multiplient dans les monuments latins de la Gaule,
savoir ;
1° Dans les diplômes mérovingiens :
vacuas et inanis permanirent pour vacuae et inanes permanerent, Tardif,
Monuments historiques, n° 15, 1. 4;
uîras(]ue partis vise fuaerunt accepisse pour utraeque partes visac fuerunt
accepisse, n" 1 5, 1. $ ;
nostras equalis precepcionis locuntur pour nostrae aequales praeceptiones
loquuntur, n" 22, 1. 17.
eas... debent confirmare pour eae debent confirmari, n" 39, 1. 1 ;
ipsas donacionis veracis aderant pour ipsae donationes veraces aderant,
n° 42, 1. 7.
rotaticus vel reliquas reddebucionis pour rotaîicus vel reliquae redebitiones,
n" 47, 1. 9.
quae conlatas vel donatas fuerunt ... abstractas vel dismanatas fuerunt
pour quae conlatae vel donatae fuerunt ... abstractae vel dis manatae fuerunt,
n" $4, 1. 5 et 6;
2" Dans les formules ;
reliquas naîiones sub tuo regimini et gubernatione decant pour reliquae
nationes sub tuo regimine et gubernatione degant, Rozière^ VII;
si aliquas causas adversus eum vel suo mittio surrexerint pour si aliquae
causae adversus eum vel suum missum surrexerint, IX;
si aliquas causas fuerint quas ... recte definitas non fuerint, eas ...fiant
suspensas vel reservatas pour si quae causae fuerint que ... recte definitae non
fuerint, eae ...fiant suspensae vel reservatae, X;
villas ... qui in antca fuerint conlatas pour villae ... quae in antea fuerint
collatae, XX;
quia conjunxerunt mihi necligencias, pour quia conjunxerunt me negli-
gentiae, XL VIII;
quia conjunxerunt mihi culpas pour quia conjunxerunt me culpae, XLIX;
reliquas vero epistolas vacuas et inannis permaneant pour reliquae vero
epistolae vacuae et inanes permaneant, CXXIX;
qualiscumque ... epistolas ... firmatas, ostensas fuerint vacuas. perma-
neant pour qualescumque ... epistolae ... firinatae, ostensae fuerint, vacuae
permaneant, CXXIX;
qualis causas mihi oppresserunt pour quales causae me oppresserunt ,
CXXX;
J26 Influence de la déclinaison gauloise
(Quantum ipsas res inmelioratas valuerint pour cjuantum ipsae res immelio-
ratae valuerint, CCLXIX;
alias praecarias ... fuerint renovaîas pour aliae precariae ... fuerint
renovatae, CCCXL;
commuîaîionis duo une tenore conscriptas ... firmas et inviolatas perma-
neant pour cummutationes duo uno tenore conscriptae firmae et inviolatae
permaneanî, CCGVII;
3° Dans divers textes de la loi salique :
omnes res suas erunt pour onines res suae erunt, Pardessus, p. 31,65,
109.
Hoc sunt septem causas pour haec sunt septem causae, p. 3 50.
Incipiunt sententias pour incipiunt sententiac, p. 355.
Telle est la forme qui a triomphé dans les langues néo-celtiques de la
Gaule.
Le provençal termine en -as le cas sujet des noms de la première
déclinaison. Le français archaïque le termine en -es = -as. Cette dési-
nence nous paraît d'origine celtique.
Les autres désinences celtiques des thèmes féminins en -a n'ont pas
eu aussi bonne fortune. Signalons cependant l'identité de la désinence
celtique -/ du datif singulier avec la désinence du datif latin vulgaire
de la première déclinaison.
On lit dans des formules :
fides reifacti, c'est-à-dire /acfae, Rozière, CCLXVIII;
basilici pour basilicae, CCCXXXIX.
Passons à la seconde déclinaison.
§3.
Voici le tableau des désinences latines et gauloises.
Gaulois.
-os
"i
-u
-on
-01
-on
-abos
-us
Latin.
Sing. Nom.
-us
Gén.
-i
Dat.
-0
Ace.
-um
Abl.
-0
Plur. Nom.
-i
Gén.
-orum
Dat.
-is
Ace.
-os
Abl.
-is
sur la déclinaison latine. 527
On sait comment deux nombres et deux cas se distinguent par la loi
de Vs dans le français archaïque et dans le provençal. Pour la première
déclinaison cette loi est établie conformément à l'usage celtique, contrai-
rement à l'usage latin ; c'est-à-dire que le français archaïque et le pro-
vençal donnent un s final au cas direct du pluriel, quoique le nominatif
pluriel latin n'ait pas à's final et parce que cet s final existe au même
cas en celtique. Si nous passons à la seconde déclinaison nous trouvons
le latin et le gaulois d'accord pour terminer en -s le nominatif singulier
et pour supprimer 1'^ final du nominatif pluriel; de même le cas direct
français archaïque et provençal prend un s final au singulier et n'en prend
pas au pluriel de cette déclinaison. Il est probable que l'influence décisive
a été ici comme dans la première déclinaison celle de l'élément celtique.
Le français archaïque et moderne a conservé trois accusatifs singuliers
de cette déclinaison : «mon, » «ton, » «son. » La désinence est
identique à la désinence gauloise. On ne peut se contenter de la cir-
constance que les dissyllabes meum, tuum, suum avaient été dans la
langue vulgaire réduits à l'état monosyllabique (Brachet, Dictionnaire aux
mots mon, ton, son). Cette explication est insuffisante puisque le mono-
syllabe sum première personne du présent de l'indicatif du verbe esse, a
donné « sui » aujourd'hui « suis » (Bartsch, Chrestomathie, p. 484). On
doit voir dans la conservation de la nasale finale de « mon, » « ton, »
« son, )) le résultat d'une influence celtique.
Les langues néo-celtiques tant du rameau irlandais que du rameau
breton ont gardé de nombreux débris de Vn finale de l'accusatif que nous
montrent les inscriptions gauloises (Stokes, Beitr., t. VII, p. 70). A
côté du gaulois celicnon, canecosedlon, on peut mettre le gallo-latin tu-
mulon qu'on trouve dans une des Inscriptions chrétiennes recueillies par
M. Le Blant, comme le français archaïque « meon » := meum des fa-
meux serments de Strasbourg. Les langues néo-celtiques autres que le
français archaïque et le provençal ont perdu toute trace de la nasale
finale de l'accusatif. La plupart des populations de race latine avaient
cessé de prononcer cette nasale dans la langue vulgaire bien des siècles
avant la naissance du français. C'est un fait que M. Corssen a établi par
de nombreux exemples (^Aussprache^, t. I, p. 267-276). Si l'on n'admet
pas l'action persistante d'une tradition gauloise, comment expliquer l'ex-
ception qui distingue la France?
Les faits qui suivent peuvent se concevoir sans l'intervention de cette
tradition gauloise, mais ils aideront à comprendre la fusion du gaulois et
du latin.
En regard du datif-ablatif latin en -0 le gaulois met son datif en -u.
328 Influence de la déclinaison gauloise
L'opposition entre les deux langues est moins grande qu'elle ne paraît :
car le latin avait à la seconde déclinaison un ablatif vulgaire en -u pour
-0. Déjà, suivant une remarque d'Aulu-Gelle, Cicéron avait dit /re/u et pec-
catu pour freto elpeccato. M. Schuchardt,Fo/:a//'5mu5,t. I,p.9i-94, a réuni
nombre d'exemples analogues; et en Gaule à l'époque mérovingienne on
trouve :
Dans les diplômes :
îeleneu pour îeUneo, Tardif, n" 44, 1. 10, i ^, 26;
eu pour eo, n° 44, 1. 3; n"45, 1. 5, y, n" 48, 1. 3 ;
Dans les formules :
furtu pour furto, Rozière^ L;
sociatu pour sociato, CCXV ;
Dans les inscriptions :
locu pour loco, Le Blant, I, 89;
rictu pour recto, II, 12 ;
clarissimu pour clarissimo, II, 16;
titolu pour titolo, \\, 204.
Le latin terminait en -os l'accusatif pluriel de la 2'' déclinaison. L'ac-
cusatif pluriel celtique en Irlande et en Gaule se terminait en -us. (Voir
M. Stokes : Der Accusaûv pluralis in den britisclien Sprachen dans les
Beitr., t. VII, p. 69-71). Mais il y avait aussi un accusatif pluriel latin
vulgaire de la 2'' déclinaison en -us. M. Schuchardt, Vokalismus, t. Il,
p. 9 $-97, a réuni un grand nombre d'exemples de cet accusatif. Cet
accusatif était fort usité en Gaule à l'époque mérovingienne où des sou-
venirs celtiques ont pu contribuer à le répandre. On lit dans les diplômes :
infra murus pour intra muros, Tardif, n" 4, 1. 3 ;
ejus manus dicuntur tripedare illi calamus (ses mains, dit-on, lui laissent
trembler les plumes), n" 13, 1. 4;
ad matrigolarius , pour: ad matricularios, n" 13, 1. 4;
tessauriciate vobis îessaurus, pour : thesaurizate vobis tliesauros, n° 19,
1. 2;
facile vobis aniicus, c'est-à-dire: amicos, n" 19, 1. 4, 5;
nus mansellus alicus visi fuemus concessisse;, pour: nos mansellos aliiiuos
vis! fuimus concessisse, n" 20, 1. 3 ;
ipsus mansellus ... habiat, pour: ipsos mansellos habeat, n" 20, 1. 8-1 1;
ante hus annus, pour : ante hos annos, n" 30, 1. 4; n" 5 1 , 1. 2 ;
Solidus cento ... concessissit,pour: solidos centum concessisses,n" 51,
1. 3-6;
solidus cento, pour: solidos centum, n" 34, 1. 7 et 1 3 ;
solidus duccntus, pour : solidos duccntos, n" 34;, 1. 7 et 1 3 ;
\
sur la déclinaison latine. 529
ad missus, pour: ad missos, n" 34, 1. 7;
ad successoris nostrus, pour: ad successores nostros, n" 34, 1. 1 $ ;
ante os tz«n/w, pour: ante hos annos, n" 3$, 1. 5 ;
/^5u^ solïdos s excentus..., pour: /p^05 solidos sexcentos, n° 35,1. 6-7;
monachiis ... intromittere, pour: monichos intromittere, n" 56, 1. 5;
presbiteros aut diaconus vel reliquos gradus ordenandus, pour : presby-
îeros aut diaconos vel reliquos gradus ordinandos, n" 36, 1. 8;
valente soledus duodece, pour: valentem ^o/fio^ duodecim, n"4o, 1. 29;
ingenuus esse, pour: ingenuos esse, n° 40, 1. 80;
ad Parisius, pour: ad Parisios, n" 44, 1. 19;
missus nostros, pour: missos nostros, n" 54, 1. 9;
Dans les formules :
soledus tantus exsolvat, c'est-à-dire: solidos tanîos, Rozière, XLV;
valente soledus tantus, c'est-à-dire : solidos tanîos, XLVI ;
civis romanus ipsos eos esse, c'est-à-dire: cives romanos, LXII ;
soledus tantus ... componat, c'est-à-dire: solidos tanîos CXIV;
inter illus et illus germanus, pour : inter illos et illos germanos, CXXV ;
ad legitimus nostros revertatur heredis, pour : ad legitimos nostros rever-
tatur haeredes, CXXIX;
animus adortamus, pour : animos adhortamus, CLII ;
grèges armentorum duus ... caballus tantus, pour : grèges armentorum
duos ... caballos tanîos, CCXV ;
lectus vestitus tantus, pour : lectos vesîiîos îanîos, CCXXI ;
cedo tibi caballus, pour: cedo tibi caballos, CCXXII ;
dono tibi ... drappus, c'est-à-dire: drappos, CCXLIII;
nec nos contingit ultimus dies inordinaîus, pour : ne nos contingat
ultiraus dies inordinatos, CCXLVII;
inter conjngaîus, pour: inter conjugaîos, CCXLVIII;
Wu/ui allegare, pour: îiîulos allegare, CCXLVIII;
ad nostros legiiimus revertatur heredis, pour : ad nostros Icgiîimos rever-
tatur haeredes, CCXLVIII ;
ferente modius îanîus, pour: ferentem modios tanîos, CCLXXX;
t^tî/u5 habuit fidejussores, c'est-à-dire: datos, CCCCXLIV;
Dans la loi salique :
Si quis ... caballus ... invenerit, c'est-à-dire: caballos, Pardessus, p. 7 ,
très colpus, pour : très colap'ws, p. 11;
citra Ligare aut Carbonarius, pour: citra Ligerim aut Carbonarios, p. 58.
Dans les inscriptions :
annus, pour: annos. Le Blant, t. I, p. 31 , 78, 79, 80, 116, 1 50, 151,
152, 3)5, 346, 370, 372, 392, 395> 420, 437, 45', 455, 4^1, 462,
î?o Influence de la déclinaison gauloise
489, 493, t. Il, p. 8, 10, 23, 27, 59, 41, 42, 62, 76, 79, 103, 105,
107, 116, 117, 122, 123, 134, 139, 150, 151, etc.
anus pour annos, I, 37, 153, 454;
pluremus pour plurimos, I, 183;
^/2e;?u5 pour rt;2/mo5, II, 12;
férus pour /ero5, II, 12;
Dans un des fragments de Saint-Avit que M. Delisle a publiés d'après
les papyrus du vr' siècle conservés à la Bibliothèque nationale :
corvos ... depulsus, c'est-à-dire depulsos, p. 24.
Naturellement cet usage s'étend aux noms propres de lieux. Nous
avons déjà cité un exemple : Parisius pour Parisios d'après un diplôme.
Il y en a plusieurs autres. Notre savant et malheureux ami M. Jacobs a
déjà observé que dans Grégoire de Tours, Paris se dit toujours Parisius;
que, dans Frédégaire, Tours en outre se dit Turonus et Thoronus et
Reims Renms {Géographie de Grégoire de Tours, 2''édition , p. 141, 185).
Ainsi on lit dans Grégoire de Tours :
raro Pamm^ visitans, D. Bouquet, II, 185 C;
apud Parisius, D. B., II, 183 C, 243 A;
Parisius venlt, D. B., II, 340 B;
veniens Parisius, D. B., II, 340 B;
Parisius ingredi, D. B., II, 351 B;
Parisius accedens, D. B., II, 369 C, 381 D;
Et dans Frédégaire :
perrexit Parisius, D. B., II, 417C;
Remus ... fecit confugium, D. B., II, 445 C;
Chlodoveum Thoronus Xvamm\s\t, D. B., Il, 408 C;
Turonus ... de potestate Chilperici absîuUt, D. B., II, 407 A.
Dans la langue latine de l'époque classique on aurait dit Parisios, Tu-
ronos, Remos.
A l'époque mérovingienne l'accusatif vulgaire en -us fait fonction de
génitif et d'ablatif suivant l'usage alors général d'employer les uns pour
les autres les cas régimes.
On trouve déjà dans l'itinéraire de Jérusalem :
civitas Auscius, pour: civitas Ausciorum.
On lit dans les légendes des monnaies mérovingiennes oii M. de Bar-
thélémy a recueilli la liste de noms de lieux publiée par lui dans la
Bibliothèque de l'École des chartes, 6" série, t. I''' :
Arvermis civis pour Arvernorum civitaîis;
Meldus civetati pour Meldorum civitatis;
Parisius cive pour Parisiorum civitatis ;
sur la déclinaison latine. 331
Renms civet pour Remonim civitatis;
Turonus civi pour Turonoruin civitatis.
Je ne multiplierai pas davantage les citations. Il me paraît pro-
bable que ces noms de peuples gaulois ont conservé la forme de l'accu-
satif pluriel de la langue nationale. Et cette forme, pétrifiée quand eut
disparu le sentiment des nuances qui distinguaient les cas indirects, cette
forme employée indifféremment pour tous les cas régimes, persista fort
avant dans le moyen-âge, notamment à la date de lieu des chartes. Il
est inutile de parler ici des innombrables diplômes que les rois capétiens
ont donnés à : Parisius, c'est-à-dire apud Parisios ou Parisiis.
Je terminerai en signalant les nominatifs-accusatifs pluriels vulgaires
en-is de la troisième déclinaison latine. On en trouve en Gaule à l'époque
mérovingienne d'innombrables exemples. Ils sont employés indifférem-
ment pour les thèmes consonantiques et pour les thèmes en -i que la
langue classique des Romains a rangés un peu pèle mêle dans cette décli-
naison. La désinence de ces nominatifs-accusatifs pluriels latins vulgaires
est identique à celle des thèmes celtiques en -/, telle quelle a été déter-
minée par M. Ebel (Be//r. t. I, p. 179). Cette concordance peut être une
des raisons pour lesquelles d'une part les Gaulois ont si facilement appris
la langue latine et d'autre part nous, aujourd'hui, avons tant de peine à
retrouver et à rassembler les ruines enfouies et dispersées du gaulois.
H. D'ARBOIS de JUBAINVILLE.
23
THE MANUMISSIONS
BODMIN GOSPELS.
The following manumissions are found in the so-called Bodmin Gos-
pels, a ms. in the British Muséum, marked Add. Ms. 9067, and
were written in the tenth or the beginning of the eleventh century.
They hâve been four times printed : i) by Davies Gilbert in the third
volume of his Parochial History of Cornwall, pp. 408-414; 2) by
Kemble, in his Codex Diplomaticiis Aevi Sax. IV, 308-317; 3) by Oliver in
his Monasticon Dioecesis Exoniensis. p. 43 1-4 3 3; and 4) by Thorpe in his
Diplomatariiim Angliciini j€vi Saxonici, London, 186$, p. 623-631. Gil-
bert's édition isshamefully inaccurate, and none of the others are free
from mistakes in the Cornish names. The objects of the présent édition
are, first, to correct thèse errors, and, secondly,to render generally ac-
cessible to Celticscholars the best materials available for the study of old-
Cornish phonetics. I hâve spelt the proper names with initial capitals
and punctuated. For want of proper types, the thorn of the ms. has
been represented by th, the barred d by d. — The old-Welsh names
which I hâve compared are taken from the Liber Landavensis; the old-
Breton names from M. de Courson's excellent édition of the Cartulaire
de l abbaye de Redon, Paris, 1863.
Whitley Stokes.
Dublin, November 20, 1871.
The Manumissions in the Bodmin Gospels. 3 ^ 3
F" i = . Haecsuntnomina illorumhominum, Hûnaetsororillius Dolo, quos
liberavit Byrhtflasd, pro redemptione animae suae super altare sancti
Petroci, coram istis testibus : Leofric prespiter, Budda prespiter, Mor-
hay//;o prespiter, Deui prespiter, Hresmen diaconus, Custentin laicus,
Wurlowen laycus, ut libertatem habeant cum semine suo sine fine ; et
maledictus sit qui fregerit hanc libertatem.
Ruraun liberavit Haluiu super altare sancti Petroci, coram istis testi-
bus : clerici sancti Petroci.
Budic, Glowmaeti quos liberavit Uulfsie episcopus super altare sancti
Petroci.
Hoc est nomen qui liberavit Duihon super altare sancti Petroci
Leofstan, coram istis testibus : Byrhsie presbiter, Morhatio diaconus,
Britail, lohann.
'|- Haec sunt noniina illarum feminarum quas liberavit Wulsige : Ce-
moyre, Rum, Addalburg, et Ogurcen^ coram istis testibus viden[tibus :]
Osian presbiter, Cantgethen diaconus, Leucum clericus.
Wulfsige episcopus liberavit ludprost cum filiis eius, pro anima Ead-
gar rex, et pro anima sua, coram istis testibus : Byrhsige presbiter,
Electus presbiter, Abel presbiter, Morhatfe diaconus, Canret/eo diaconus,
Riol diaconus.
Hec sunt nomina illorum hominum quos liberavit ^^Ifsie super altare
sancti Petroci, pro redemtione anime sue: Onwen, Ewsannec, lesu,
coram istis testibus : Byrhtsie presbyter, Mermen presbyter, Agustinus
lector, Movhaitho diaconus, Riol diaconus.
Hoc est nomen illius femine Gluiucen quam liberavit Ordulf, pro ani-
ma ^Ifsie, super altare sancti Petroci, coram istis testibus : Morhaiio
diacono, Tithert clerico.
TliQS ys i/zses mânes nama de Byrhsie gefreade et Petrocys stowe :
Byhstan Hâte Bluntan sunu, on JEthéhiàe gewitnyse hys agen wif, 7 on
Byrhisi ys msesepreostas, 7 on Riol, 7 Myrmen, 7 Wunsie, Morhxththo,
7 Cynsie preost.
F» 1 b. Hecsuntnominamulierum,Medhuil,Adlgun, quas liberavit Ead-
munt rex, super altare sancti Petroci, palam istis testibus : Cangueden
diaconus, Ryt clericus, Anaoc, Tithert.
Haec sunt nomina hominum quas liberavit Eadmund rex, pro anima
sua, super altare sancti Petroci : Tancwoystel, Wenerie^, coram istis
testibus : Wulfsie presbyter, Adoyre, Milian clericus; atque in eadem
die mandavit hanc feminam Arganteilin eisdem testibus.
Haec sunt nomina hominum quos liberaverunt clerici Petroci : Sul-
leisoc, Ourduy//ial, pro anima Eadgari régis, super altare sancti Petroci,
^^4 ^^'^ Maniimisswns in tlie Bodmin Gospels.
in festivitate Sancti Micaelis, coram istis testibus : Byrhsie presbiter,
Osian presbiter, Austius lector, Riol diaconus.
Hoc est nomen mulieris Meonre quam liberavit Ullfrit pro anima sua,
super altare sancti Petroci, coram istis testibus : Mermen presbiter^
Morhaitio diaconus, Guai^frit clericus.
j Hec sunt nomina mulierum quas liberavit Wulfsie episcopus et cle-
rici sancti Petroci : Proscen, Wuencen, Onncum, lilcum, super altare
Sancti Petroci, coram istis testibus : Byrhsie presbiter, Rio! diaconus,
Morha^o diaconus, WuaJrit clericus.
-J- Hoc est nomen illius mulieris Wencene^iel quam liberavit Ordgar
dux, pro anima sua, super altare Petroci sancti, coram istis testibus :
Wulfsige episcopus, Leumarh presbiter, Gnfmd presbiter, Morhaii/o
diaconus.
F" 2a. -|- Hoc est nomenilliushominislliu//!, cum seminesuo, quem libe-
ravit JEthehxd rex, super altare sancti [Petroci], coram istis testibus :
JEthelwerd dux testis, Osolf prepositus testis, Mermen prespiter, Riol
prespiter, Ret clericus, Lecem clericus, Ble?/;ros clericus.
F" 2b. j- Hoc est nomen istius hominis Madfu?/; quem liberavit lofa, pro
redemtione animae suae, super altare sancti Petroci, coram istis testibus
videntibus. Tittherd presbiter, Atha.\berth presbiter, Budda presbiter,
Brytthael presbiter, Cenmyn presbiter : hii sunt laici : Tetlnon filius
Wasso, et Ungust Cilifri. Et quicumque fregerit hanc libertatem, anathe-
ma sit ; et quicumque custodierit, benedictus sit.
F" 3 a. Hec sunt nomina illarum feminarum quas liberavit Ermen, pro anima
matris illius : Guenguiu et Elisaued, super altare sancti Petroci,
coram istis testibus videntibus : Osian presbiter, Leucum clericus, Ret
clericus.
F°3 ^.f Hoc est nomen istius hominis Tenthmn, cum semine suo, quem
liberavit Ordulf filius Brun, super altare sancti Petroci, pro redemtione
anime sue, ut libertatem habeat ab eo et a semine suo perpetualiter,
coram istis idoneis testibus : Leofric presbiter, Prudens presbiter, Adal-
berd presbiter, [f'' 4a] Tittherd presbiter, Budda presbiter, Boia diaconus, ,
Moray?/io diaconus. Quicumque fregerit hanc libertatem, anathema sit; i
et quisquis custodierit, benedictus sit.
F°4b. -|- Hoc est nomen illius mulieris yElfgy/// quam liberavit Mthx\{\xd,
pro anima sua et pro anima domini sui ^?/i3elwerd dux, super cimba-
lum sancti Petroci [f° $a]in villa que nominatur Lyscerruyt, coram istis tes-
tibus videntibus ÂCiZ/sestan presbiter, Wine presbiter, Dunstan presbiter, -
Goda minister, ^Ifwerd Scirlocc, Mthxlmne Muff, Ealdred frater 1
eius, Eadsige scriptor : et hii sunt testes ex clericis sancti Petroci :
The Manamissions in tlie Bodmin Gospels. ? 3 $
Prudens presbiter, Boia diaconus, Wulfsige diaconus, Byrhsige clericus,
ut libertatem ,
F ')°^. Et postea venit JEthxlwxrd aux ad monasterium sancti Petroci
et liberavit eam, pro anima sua, super altare sancti Petroci, coram istis
testibus videntibus: Buruhwold bisceop, Germanus abbas, Tittherd pres-
biter, Vv'ulfsige diaconus, Wurgent filius Samuel, Ylcaer?/ion praeposi-
tus, Te//iion consul [f°6''] filius Môr. Et ipse adfirmavit, ut
quicumque custodierit hanc libertatem, benedictus sit; et quicumque
fregerit, anathema sit a Domino Deo celi, et ab angelis eius.
F° y. Hoc est nomen illius hominis quem liberavit Cenmenoc, pro
anima sua, super altare sancti Petroci, Benedic, coram istis testibus vi-
dentibus : Osian presbiter, Morhaitho diaconus.
F^yb. Hoc est nomen illius [hominis]. Anaguistl quem Eadgar rex libe-
ravit, pro anima sua, super altare sancti Petroci, coram istis testibus
videntibus : Wulfsige presbiter, et Grifiu^ presbiter, et Conredeu (Con-
redei ?) diaconus, et Byrehtsige cleric[us et] Elie laicus.
Wuenumon 7 hire team, Moruiv^ hire swuster [7] hire team and
Wurgustel 7 his team • wuarun gefreod her on tune • for Eadryde cy-
ningc 7 for ^tielge[ard] biscop. an //;as hirydes gewitnesse de her on
tune syndun.
Hoc est nomen illius hominis quem liberavit Perem, pro anima sua,
Gurient, super altare sancti Petroci, coram istis testibus : Adelces pres-
biter, Morhaedo diaconus, Guaedret clericus. Vale. Vive in Xpo.
F^S^j Wunstan, Bleiros, Hincomhal, Benedic, Wurcant, Otcer, Onn-
wuen, Argantmoet, Telent.
f Marh gefreode Ledelt 7 ealle hire team.- for Eadwig cyningc on his
aegen reliquias • 7 he hie het laedan hider to mynstere • 7 her gefreo-
gian on Petrocys reliquias • on tliats hirydes gewitnesse.
Her kyd on tlnssere bec th. Mihïg bohte anne wifmann Ongyne//;el
hatte • 7 hire sunu Gy^^iccael • aet T/mrcilde • mid healfe punde * aet
thxrç cirican dura on Bodmine • 7 sealde jîlilsige portgereua 7 Mac-
cosse hundredesmann un. pengas to toile, tha ferde vEilsig to the tha
menn bohte • 7 nam hig 7 freode uppan Petrocys weofede aefresacles'
on gewittnesse thissa godera manna* th. wses Isaac messepreosf 7 E\ed-
cuf messepreost • 7 Wunning messepreost • 7 Wulfger messepreost • 7
Grifiut^ messepreost • 7 Noe messepreost • 7 Wuvthicid messepreost • 7
jî^ilsig diacon ■ 7 Maccos' 7 Te^iion Modredis sunu • 7 Kynilm • 7 Beor-
laf • 7 Dirling • 7 Gratcant ■ 7 Talan • 7 gif hwa ?/;as freot abrece • hebbe
him md Criste gemene. Amen.
3^6 The Manumissions in the Bodmin Gospels.
Hoc est nomen illius mulieris, Codgivo, quae liberata fuit pro anima
Maccosi centurionis, super altare sancti Petroci, in vigilia Adventus Domini,
istis testibus videntibus : Boia decanus, Godricus pr., Sewinus pr., Eli
diaconus, Wulgarus diaconus, Godricus diaconus, Elwine diaconus, Edri-
cus clericus, Elwinus, Elwerdus, Sicteicus, Waso, Wulwerdus, et alii
quamplurimi de bonis liominibus. Si quis tam temerarius sit qui hanc
libertatem fregerit , anathema sit a Deo et ab angelis eius. Amen ,
fiat.
F" 8^. j Haec sunt nomina illorum quos liberavit pro anima Etgar
rex, super altare sancti Petroci : Guene, Cen, Arganbri, et lunitor de-
dit unum pro anima Etgar rex, id est nomen, Brethoc, coram istis testi-
bus : Grifiud, Loumarch presbiter, Gaudreit clericus.
Her ky^ on //iissere bec th. ^Ifric ^Ifwines sunu wolde theowhn
Putraele him to nyd//;eowetlinge • îha. com Putrael to Boia 7 bed his
forespece to vElfrice his bretiere. T/;a sette Boia//zas spece wii ^Ifrice.
Th. wes th. Putrael sealde Mh'ice VIII oxa aet there cirican dura xl
Bodmine- 7 gef Boia sixtig penga for there forspasce • 7 dide hine sylfne
7 his ofspreng aefre freols 7 saccles • fram thâm dsege • w'ui ^Ifrice • 7
md Boia • 7 -w'id ealle ^Elfwines cyld 7 heora ofspreng • on i/;issere
gewitnesse: Isaac messepreosf 7 Wunning pr.* 7 Sewulf pr.' 7 Godric
diacon.- 7 Cufureprauosf7 Wincuf- 7 Wulfwerd- 7Gestin ?/iesbisceopes
stiwerd • 7 Artaca • 7 Kinilm • 7 Godric Map • 7 Wulfger • 7 ma godra
manna.
'l Haec sunt nomina illorum hominum quos liberavit ^Ifsie, pro
anima Eadgari régis, et pro anima sua, super altare sancti Petroci :
Guentanet, Cenhuitfel, David, Anau prost, coram istis testibus. Byrhtsie
presbyter, Riol diaconus, Anaoc clericus, Tidherd clericus, Beniamen
clericus.
']- Hoc est nomen illius mulieris quam liberavit Gratcant : Ourdylyc
cum filio suc Wurci, super altare sancti Petroci, coram istis testibus :
Hedyn presbiter, Lowenan diaconus, Leucum clericos, BleZkos clericos,
Boia discipulus, Cenmyn clericos, Beniammen clericos.
F°i 3^ Hoc est nomen illius mulieris, id est Medguistyl, cum progenie
sua, id est, Bleidiud, Ylcer^on, Byrchtylym, quos liberaverunt clerici sancti
Petroci, super altare illius Petroci, pro remedio Eadryd rex, et pro ani-
mabus illorum, coram istis testibus : Comuyre presbiter, Grifiud pres-
biter^ Oysian presbiter, Loumarch diaconus, Wudryt clericus, Loucum
clericus, Tithert clericus.
F"i29b.H3ercy^on//iysonbéc//i.^.lwoldgefreodeHwatii-forhyssawle*
a[t] Petrocys stow • a degye 7 sefter degye. An[d] ^Iger ys gewyt-
The Mannmissiom in the Bodmin Gospels. 337
nisse- 7 Gotric • 7 Walloti • 7 Gryiy'ui- 7 Bley<icuf- 7 Salamair 7 hebbe
he Godes curs 7 sanctus Petrocus • 7 aealle welkynes sanctas the th.
brece dad ydon ys. Amen.
F" 1 37a. Custentin liberavit Proscen, pro anima sua^superaltaresancti
Petroci^ coram istis testibus: Mermen presbiter, Rioldiaconus,Cantguei-
then diaconus, Tithert clericus, et aliis multis.
7 Wulfsieepiscopus liberavit Aedoc filiam Catgustei, pro anima sua et
Eadgari régis, super altare sancti Petroci : Cyngeit, et Magnus, et Sul-
meath, et lustus, et Rumun, et Wengor, et Luncen, et Fuandrec, et
Wendeern, et Wur^ylic, et Cengor, et Inisian, et Brenci, etOnwean, et
Rinduran, et Lywci. Haec suntnomina illorum hominum illarumque [fe-
minarum] quos liberavit Wulfsige episcopus, super altare Sancti Petroci,
pro anima sua et pro anima Eadgseri régis.
7 Haec sunt nomina illarum feminarum quas liberavit Ermen , pro
anima matris illius : id est Guenguiu et Eiisaued, coram istis testibus :
Freoc pr., et Osian pr. et Leucum monachus.
7 Hoc est nomen illius hominisquem liberavit Osferd, pro anima Eat-
gari régis : Gurheter, super altare sancti Petroci, coram istis testibus :
Comoere episcopus, Agustinus lector, Byrhsie sacerdos.
7 Hoc est nomen [illius hominis] quem liberavit Eusebi, pro anima
sua : Ceenguled, super altare sancti Petroci, coram istis testibus : Gri-
fiud, Leumarh, Riol.
7 Hec sunt nomina illorum hominum quos liberavit Anaoc, pro ani-
ma sua : Otcer, Rannoeu, Muelpatrec, losep, super altare sancti Petroci,
coram istis testibus videntibus : Cemoere episcopus, Osian sacerdos,
Leucum clericus, Guaedret clericus.
+ Haec sunt nomina illorum hominum : Agustin, yElchon, Sulcaen,
Loi, Milcenoc, Guenneret, Gurcencor, Riol, Anaudat, ^Eulcen, Gurcant,
Cest, JEnïud, Oncenedl, Lucco, ludhent.
F°i 37^. f Thés sint tha. menn the Wulfsige byscop freode ■ for Eadgar
cinig 7 for hyne sy[lfne] • aet Petrocys wefode. Leuhelec.Welet... nwalt.
Beli- losep. Dengel. Proswite* Tancwuestel* an^/îasgewitnessc Byrhsige
msesseprost " Mermen masseprost • Mar • Catuutic • Wenwiu • Puer •
Me^wuistel • losep.
f Thys syndun thara manna naman de Wulfsige byscop gefreodet aet
Petrocys wefode ■ for Eadgar 7 for hyne silfne • 7 Byrhsi ys gewitnese
masseprost ■ 7 Mermen masseprost • 7 Morhi • f Diuset 7 ealle hère team.
Dys sindun thara manna naman ^e Wunsie gefreode at Petrocys stowe
[for] Eadgar cinig • on ealle ^aes hiredys gewitnesse • Conmonoc • larn-
wallon • 7 Wenwaer/Zzlon ■ 7 Maeiloc.
5^8 The Mannmissions in the Bodmin Gospels.
f Haec suntnomina filiorum : Wurcon, Ae^an, luneni, Wurfodu, Gur-
uaret, quorum filii et nepotes posteritasque omnis défend erunt se per
iuramentum, Eadgari régis permisu, quoniam accussatione malorum dice-
bantur patres eorum fuisse coloni regi[s]; Comoere episcopo teste,
yElfsie praeside teste, Dofagan teste, March teste, Mlînod teste, Byrh-
tsie prespiter teste, Mittui^f prespiter teste, Abel prespiter teste.
Hoc est nomen illius viri quem liberavit Byrhtgyuo : Salenn, pro
anima sua^ super altare sancti Petroci, coram istis testibus : Leof....
presbiter, Osian presbiter, Morcant.
GLOSSARIAL INDEX TO THE CELTIC WORDS
IN THE FOREGOING MANUMISSIONS.
Adoyre i ^.
Mdân 12-j ^. a derivative from aed 'ignis', W. aidd zeal, aT5oç.
Aedoc 1 37 '"i. 'ignea'.
Mnmd (iEniucl, Thorpe) 1 37 ^.
JE\i\cen 157 =• leg. Aclcen? and cf. 0. Bret. Aclaiin, Aeluuod, Cum-acl,
Tut-aeL
Anaguistl 7 ^, (Kemble : Anaguiftl)^ leg. Anauguistl, ma cf. 0. Bret.
Anau-britou, -bud, -car, -lien, -hiart, -hocar, etc., etc. Doit-anau,
Cloes-anau, etc. anaa^^W. anaw harmonia, poesis; see Gluck, K.
N. 106. Gr. C.2 129. 132-3.
Anaoc i ^^ 8 i', = 0. W. Anauoc (= "Anavàcos) Lib. Land. 1 58.
Anauprost 8 ^. see Anaguistl.
Anaudat {Anauclat, Thorpe) 137 ^ pater harmoniae; see Anaguistl, and
cf. 0, W. tataguen (now tâd awen) Nennius.
Arganbri 8 ^. cf. Argan-lis, Domesday (Cornwall) 7 '.
Arganteilin 1 ^. ^silver-elbow'.
Argantmoet 8 a. This and the two preceding names are compounds of
argant 'silver', Gaulish argento- Gr. C,^ 845, W. ariant, Ir. argat,
airget. Cf. the O. Bret. names Argant-hael, -Ion, -louuen, -monoc,
etc.
Austius I ^.
Beli 137 b. also a Welsh name. Gr. C.^ 86. Br. "ili.
Benedic 8 -'. borrowed from benedictusas dylyc infra from dilectas.
BleJcuf 8 a. better Bley^ifcuf 1 29 ^\
Ble(iros2 % 8 ^' Ble//2ros 2=' 8 ^. Hère and in the preceding name, we hâve
I
The Manumissions in î::e Bodmin Gospels. 339
compounds of bled!i^=W. blaidd, Br. bleiz, '^wolf. In the Cornish
vocabulary the word is written bleiî, leg. bleith. The Old Breton
. names Bledic, Bleid-bard, Fou4/e/^ containthis word; soin L.Land.
.nledud, Bledris, Bledbui, Bledgur, Arth-bleid, Gr. C* 8$, 86.
Bodmin 8 ^. the name of a Cornish town.
Boia 4^8''. occurs in Domesday as the name of a clerk of S. Petroc :
it is perhaps unceltic.
Brenci 137 ^ The first syllable is obscure to me : the second seems ci
'hound': so Wur-ci.
Brethoc 8 b. leg. Bretoc? and cf. 0. Bret. Brit-hael, Britoei, Briîou, Con-
brit, El-brit, Ho-brit, Roen-brit, Sul-brit, Uuen-brit.
bri V. Argan-bri and cf. 0. Br. Guic-bri, Uuor-bri, Brioc : cf. W. bry
^high'? One can hardly equate W. bri auctoritas, Gr. C. ^ 86 n.
98.
Britail 1 \ Brytthael 2^=0. Br. Brit-hael.
Budic I 3 = batic in Catuutic 1 37 ^ 'victorious'. 0. W. Budic L. Land.
123. Gr. C.2 848.0. Bret. Budic (Bodicus, Greg. Tur. v. 16), also
in Galbudic, larnbudic, Loiesbudic, Uurbudic, 0. W. budicaul victor.
Canrecieo i » = Conredeu 7^.
cant in Cantgeîhen, Gratcanî, Gurcanî, Morcant (W. cann, now can
'white') is very common in Old Breton names, e. g. Eiicant
(=: Avicantos], Haelcant, Hincant, larncant, Indcant , Morcant
{= Moricantos, W. Morgan, Gr. C.^, 162), etc.
Cantgethen i ^ =Cangueden i ^^ = Cantgueithen 137 ^.
Catgustel 137 a ^battle-hostage'.
Catuutic 137 ''. 'battle-victorious'. cat 'battle', Gaulish catu (see Gluck,
47 s. V. Catuvolcus), Ir. cath, 0. W. cat, Gr. C.^ 81, is in Middle-
Cornish cas, with the usual change of t {d) to s.
Ceenguled 1 37 a.
Cemoyre i ^ = Comocre, Comuyre infra.
Cen 8 ^ and v, Glui-cen, Lun-cen, Pros-cen, Wuen-cen, and perhaps Siû-
c£n, cf. W. cen 'skin' .''
Cenedl v. Oncene^fl, cenedl v. Wencenedel, W, cenedl, Ir. cenél 'kindred'
kinethel (generatio) Vocab.
Cengor 1 37 a.
Cenhui^iel 8 b.
Cenmenoc 7 ^ perhaps the 0. Br. Cenmonoc.
Cenmyn 3 -' 8 t.
cenoc, V. Milcenoc.
Cest, 137 3. W. cest 'paunch'.
340 The Manumissions in tke Bodmin Gospels.
ci 'hound' (Ir. cû, y.6o)v) in Wur-ci, Bren-ci, and perhaps Ci-Ufri.
Cilifri 3 =.
comhal V. Hincomhal, and cf. 0. Br. Gleu-comal, Roen-comal, Comal-car
= Comalt-car : W. cy/cî// junctus. Gr, C* 1 16 n.
Comoere 127 ^ (bis), 137 '^, Comuyre 13 a.
con (in Wur-con): cf. 0. W. Con-car, Con-guas, etc. Br. Con-woion, Cun-
woion, Cun-marck, W. owz 'top', Gaulish in -/.uvG-l^rAXivoç, etc. Gr.
C.^92. 93-
Conre^eu 7 b.
Costentin 1 37 a. Custentin 1 «. borrowed from Constantinus. Note the loss
of the rz in the first syllable and the umlaut of the a in the second,
cum V. Illc\im, Leiicum, Louciim, Onncum. This seems the old form of eu/
(v. Bledcuf), Ir. coim, W. eu 'amiable'.
Cyngelt 1343 = cyncelt ?
Dengel 137'^. With the first syllable cf. perhaps 0. Bret. Glea-den.
Deui I a borrowed from David, like Br. Devy, Deuy. Buh.
Diuset 137 b. leg. diuiset 'chosen' = Mid. Corn, dywysys, W. dewiso,
to choose.
Dolo 1 a,
Duihon i «.
duythal in Ourduy?/!al is the Old Breton doetal, doiîal. The meaning is
obscure to me.
dylic, dylyc in Wurdylic, Ourdylyc is borrowed from dilecîus as Benedic
from benedicîus.
eihn in Argant-eilin = W. elin, Corn, elin (gl. ulna), Br. elin 'cubitus'
Cath., now ilin or élin.
Elisaued 3 » 137^. note in this loanword the infection ofthevowel-
flanked b.
Ewsannec 1 ^ ex 'avisvantâco? See as to names compounded with eu-.
Gr. C.2 82.
Freoc 1 37 ^ is also an Old Breton name. O.W. Frioc, Friauc, Lib. Land.
140, 236,
Fuandrec 1 37 ^
GaudreitS ^ leg. Guadreit?
gent (in Gurient, Wurgent) ïor genêt as in 0. Br. names. Gr.C.^ 839.
Glowmae^f 1 •''. The first syllable is = either toOld Bret. gloeu (W. gloew
'bright' Ir. glé Gr. C.^ 105) in Uueten-gloeu, or gleu (W. glew
'hrâve') in Gleu-bidoe, Gleu-comal, Gleu-hocar, Gleu-louucn, etc.
Gr. C.» 1 10. 0. W. Gleu, Ellgleu, Glew-hvyt. Gr. C.* 109.
Gluiucen i a 'bright skin'? W. gloew.
The Manumissions in thc Bodmin Gospels. 541
Gratcam 8 ^ 8 b.withthe firstsyllable cf. 0. Bret. Gratlon, W. Gratlaun
L. Land. 227, 244.
Grifiu^ I b y b 8 a^ Grifiud 8 M 5 ^ 1 57 % the commonWelsh name {G^if-
fud, Gruffud, Gr. C^ i63)anglicised Griffith.
Guaedret 7 ^, 127 ^ Cmuim i ^Wua^rit i ^ and perhaps Gaudreit 8 *>.
cf. perhaps W. gwaed 'blood', or W. gwaedd 'cry' = Ir. fded.
gueithen, gethen, geden (v. Cantgethen) seems cognate with W. gweiîhio
'te work'. If the th be written for t cf. the 0. Bret. uiieten, which
occurs compounded in Anau-uueten, Bud-uueten and many other
names.
Guene 8 ^.
Guenguiu 3 a_ i-^j s^= Wenwiu 1 37 b. a woman's name : cf. 0. Br.
Uuen-uuocon, Uuen-uuoial, Uuen-uuorgou. The guia is probably —
\W.gwiw (Ir. //u) 'fit, meet' 0. Br. uu ium Arth-uuiu, Gal-miu,
Haeruuia, etc. Uuiu-cant, Uuiu-homarch, etc. The guen seems the
féminine oi guin.
Guenneret 237 3.
Guentanet 8 ^. (Kembleand Thorpe: Guenttinef),3iman'sname. The tanet
is perhaps = Ir. tene, gen. îened, 'fire', a ?-stem. It occurs with
great frequency in Old Breton, e. g. Eutanet, Ristanet, Tanetbiu ,
Tanetcar, Tanetguion, Tanetmarcoc, etc., etc. The guen is obscure
to me. It occurs in Old Breton names e. g. Guen-calon (also
Guincalon), Guenhael, etc.
guestel, guistel, guistl, guistyl, gustel (in Tanc-mestel, Meàwuistel. Ana-
guistl, Medguistyl, Caigusiel, Wurgustel), is iheW. gwystl 'hostage'.
Br, gwestl, Ir. giall. The Corn, guistel is glossed by 'obses' in the
Vocab. gustle (spondere), P. 249. 4. 0. H. G. gisal.
guiu V. Guenguiu.
Gurcant 137 a. = 0. W. Gurcanî. L. Land. m. 12$.
Gurcencor 1 37 a.
Gurheter 137 ^ leg. Gurheten, which is a Breton name.
Gurient 7 ^ = Wurgent $ ^. cf. 0. Br. Urm-gent, and for the vocalization
of the g of g^n? the Bret. Pritient, Riiimt, Urbien. Gr. C? 137,
the W. ariant, etc. Gr. C.^ 140.
Guruaret 1 37 ^. 0. Br. Uuoruuoret. In this and the four preceding words
the gur is the intensive prefix=Gaulish ver-(Gr. C.» 859), O.W.
guor-, gur. 0. Br. mior-, guor- (Gr. C.^ 895, 896). It is spelt in
the same way in the Vocab. {gurhemin ruif g\. edictum). Another
spelHng, our-, occurs infra.
gwallon V. larnwallon = 0. Celtic vellaunos.
342 The Manumissions in the Bodmin Gospels.
Gy^ficcael 8 \
hael V. Brylthael, W. Iiail Gr. G.^ loo, now hael 'generous', 0. Br. hail
in Romhail, Sulhail, Hail-cobrant, etc.
Haluiu I a. (Oliver: haluin) leg. Haeluiu?
Hedyn 8 b, 0. Br. Heden, Guorheden.
helec V. Leuhelec. heligen (gl. salix) Vocab.
hent V. ludhent. Br. lient 'via', Goth. slnths.
heten v. Gurheten.
Hincomhal 8 ^. cf. O.Br. Hin-cant, Hin-hoiarn,Hin-uualart, Hin-imallon, etc.
hui^el 8 b.
Huna I a. unceltic ?
larnwallon 137 ^ = 0. Br. larnauallon, larnguallon. The first élément
iarn occurs in numberless Old Breton names, e. g. larn-bidoe, ïarn-
bud, larn-cant, -car, -con, -ganoe, etc., etc., and is according to
Ebel (Gr. C.^ 106) the same word as hoiarn, Goth. eisarn 'iron'.
G. C.M04, 827. The second élément (=Gaulish Vdlaunus, O.Br.
Uuallon) is also in O. Br. Catuuallon, lud-, Loies-, etc., 0. W.
Casswallaun, Riguallaun. Gr. C.^ 87.
llmth 2 a.
lllcum I b. V. cum supra.
Inisian 137 ». O.Br. /«/sa/z seemscognate. Thetermination-/a/7 (=gaH,
W. gân 'a birth', cf. Gurient) re-occurs in Milian, Osian and Teri-
îhian infra.
ludhent 137 ^.
ludprost I a. (Ina prost, Kemble and Thorpe). Hère, and in ludhent, the
iud is the Scr. yudh 'war', 'warrior' : cf. 0. Br. ladcant, ludcar,
ludhael, ludcum, etc.
lunerii 137 t. leg. ludnerth ^^ 0. W. ludnerth L, Land. 154, 176.
lunitor 8 b, (Kemble: juniorumj cf. 0. Br. lunet, Uuriunet, luncthant,
lunetmonoc, etc.
Lecem i ^.
Le^elt 8 '^ a woman's name.
leisoc (in Sidlcisoc] = O. Br. Loiesoc. Gr. G. 2 101 ?
Leucum 1 ^ 3 a_ 3 t. i ^y a (yis-^^ Loucum 1 3 ^
Leuhelec 1 37 ^.
Leumarch \ ^. i^j ^ Loumarch 8 b. 1 3 a. old W. Loimarch. Gr. C.^
107. later Lyuarch (hen). Hère and in thetwo precedingnames we
hâve the équivalent ior W. leii^Catleii) r\ow llcw 'lion'. See loo Lywci
and as to the primitive form of Icu (lou), which seems to hâve lost
a V, see Gr. C.^ 107.
The Manumissions inthe Bodmin Gospels. 34^
Loi 1 37 3. 0. Br. Lui ? Louui, 0. W. Legui ?
lowen, in Wurlowen, = W. leguen 'leguenid laetitia) now llawen 'joyful',
Bret. louuen, louen in Arganî-louen, Cat-buuen, Gleu-louuen, Uur-
louuen, etc.
Lowenan S^. =0. Br. Louuenan.
Lucco 1 37 2.
Luncen 137 ^. cf. 0. Br. Liin-monoc, Lunen. W. Hun 'form'. 'shape' is
perhaps the same word.
Lyscerruyt 5 ^ a Cornish town, now Liskeard.
Lywci 137 3 perhaps Br. LeuguiÇien -{- ci) ^lionhound.'
Madfu?/! 2 ''• the mad (Br. Madganoe, M adgo ne) perhaps W. mad 'good'.
the futh (leg. fut!') W. /w^ quick motion .''
mae^in Glowmsà : cf. Br. Maedri. Neither W. maedd 'buffet' nor maeth
'nurture' affords a satisfactory explanation.
Maeiloc 1 37 t. = 0. Br. Maeloc.
Mar 1 37 a.
march 'horse' v. Loumarch, W . march, Iv.marc, Gaulish ;j.xp-/.7., O. H.G.
marach.
Marh 8 => a woman's name, cognate with march? cf. 0. Br. Marchoc,
Marchuallon, etc. O.H.G. meriha.
Medguistyl 1 3 '■• (Thorpe : Madguistyl), Me^wuistel 1 37 ^.
Medhuil 1 b.
menoc in Cenmenoc : cf. Br. Glaimenoc.
Meonre i a, 1 i^, 1 37 3, 1 37 b (bis).
Mermen i M ^ 2 ^ 1 37 ^ 1 37 ^ {bis], Myrmen i =>.
Milcenoc 137 ^ cf. O. Br. Milcondoes, Gur-mil.
Milian 1 b. 0. Br. Milon, Milun are perhaps cognate. See Inisian.
Mittui^(?) 1 37 ''.
Modred 8 a. 0. Br. Modrot.
moet, in Argantmoet, is a very common élément in Breton names, e. g.
Alar-moet, Caî-moet, Fau-moet-car, Treb-moet-car, Mor-moet, Ur-
moet, Moet-gen, etc. The meaning is obscure to me.
M6r 6 a borrowed from the Irish ? mbr, mâr, W. maur.
Morcant 137 ^. is also 0. Breton. W, Morgan. Gr. C.^ 162.
Morhayï/zo 1 ^. Morha^/zo ib. Morhair/zo ib. Morhai^o i t» Morha^o ib.
Moraytio 4 ^ Morhaitho 7 \ Morhsedo 7 ^.
Morhi 1 37 ''.
Moruiw 7 '' a woman's name.
Muelpatrec 1 37 ^ leg. Maelpatrec 'calvus Patricii', borrowed from the
Irish Maelpâîricc. see Gr C.^, 102. n.
344 The Manumissions in the Bodmin Gospels.
nerth in Iu(d)ner^ Wis', 'valor', 0. W. nerffi (Tutnerlh), Ir. nert, Gaul.
Cob-nertus.
Ogurcen i ^. cf. perhaps 0. Br. Uuor-ocar.
Oncenedl 1 37 ^ Ongyne?/îel 8^ a woman's name,
Onncum i ^. nom. fem. 'ornusamabilis' î W. on 'ash'.
Onnwuen 8 ^ Onwen i % Onwean 1 37 a ^ornus alba'? lîwen herebe for
wenn, we hâve an example in Cornish of the féminine form of the
adjective win, gulnn (W.guin, fem. guen Gr. C.^ 279): cf. Win-cuf
infra and Wuencen, Wuenceneàel, Wendeern, Wengor, Wenwiu,
Wenw£rthlon.
Osian i », 3 ^ 7 % 1 37 ^ (bis') 1 37 ^ Oysian 1 3 ^ See Inisian, Terithian.
Ourduyï/ial i b, = o. Br. Uuordoetal, Uuordoiîal.
Ourdylyc 8 ^, Wur^ylic 1 37 » 'valde dilecta' = O.Br. Gurdilec.
Perem -j ^.-j ^. =. W.peryf 'a sovran'. Is this a petrified superlative?
Petroc, latinised Petrocus, passim.
Proscen i ^. 1 37 3. for Prostcen ?
prost in ludprost, cf. 0. Br. Prosî-lon, Prost-uuoret.
Proswite 1 37 ^. {or Prostwite?
Rannoeu 1 37 ^ = 'Rannêvo-s .^
redeo, redeu see Canredeo, Conredeu.
Ret I b 3 a Ryt,
Rinduran, 1 37 ^, is also an Old Breton name.
Riol 1 M b (J)is) 1 37 a (bis), Riol 1 37 ^ = regâlis ? Gr. C* 818, or cf.
W. rhioli to rule.
rit in Guae^frit, Uua^rit, cf. 0. Br. Hael-rit, Uueten-rit, Riî-cani, Rit-gen,
Riî-guoret, etc.
ros in Bleiros, borrowed from hros 'horse' ?
Rum I 3 cf. 0. Br. Rum-uual.
Rumun 1 3, 137 ». unceltic ?
Salenn 1 37 ^.
Sulcaen 1 37 a.
Sulleisoc I ''.
Sulmeaf/z 1 37 ^ The sul hère and in Sul-can, Sul-leisoc, constantly occurs
in Old Breton names e. g. Sulbrit, Sulcar, Sulcomin, Sidgobri, Sul-
hail, Sulhoiarn, Sulmael, Sultiern: so 0. W. Sulgen. Gr. C.^ 1 36. It
probably means 'sun' (W. Corn, and Bret. iu/ borrowed from Lat.
SOI).
Talan 8 -'. is also an Old Breton name, derived perhaps from tal
^forehead'.
Tancwuestel 1 37 ^. Tancwoystel i ^.
I
The Manumissions in the Bodmin Gospels. 545
tanet v. Guenlanet.
tat 'father', (in Anaudaî) W. tâd, Mid. Cornish tâs = lat. tata.
Tebion $ ''.
teern (in Wen-deern) = Ir. tigerne 'dominus' : W. teyrn Gr. C^ 827: cf.
0. Br. Tiarnan, Tiarnmael, Tiarnoc. Mid. W. Edern, Edyrn, Mah.,
0. W. Eu-tigern, Eutegern, Gr. C.^ 85.
Telent 8 ^ also an Old-Breton name.
Tenthhn ] ^. Old Br. Terithien (-^terith -\- gen). See Inisian.
Tetliion j ^Te^ion 8 « = 0. Br. Tethion 'd. W. fa/Z/z iter?), W. Teithyon
Gr. C.2 824.
Tithert i^S i ^ i^ % 137 a. Tittherd 2 ^ Tidherd 8 b. unceltic ?
Ungust 3 2 (Thorpe: Ungost). Letter for letter, thisis the Irish Oengus:
un = Lat. unus Çoinos), gust = Lat. gustus^ Goth. kustus 5oy.t;rf,.
wallon V. Idrnwallon.
waret v. Guruaret.
Wasso 3 2=:::: n'^50, Domesday (Cornwall) 8 ''.
Wuencen i ^. a woman's name.
Wencene^el i ^. a woman's name.
Wendeern 1 34 a (== wen -|- /e^ra q. v.; 'alba domina' ?
Wengor 1 37 3.
Wuenumon j ^ a. woman's name.
Wenwiu 1 37 ^ ("'alba digna'; = Guenguiu 3 % a woman's name.
Wenwaer/Alon 1 37 ''.
Wincuf 8 '^ (— 0. Br. Vuincum, Red. 377; ''albus -amabilis'.
wiu (in Moruiw, Wenwiu), W. gwiw, Ir. fiu, Gr. G.* 1 10.
Wuadrit i ^ Wudryt 133.
Wurcant 8 a = 0. W. Gurcant, Lib. Land. m, 125, and cf. 0. Br.
Uuorcantoc.
Wurci 8 ^. wur+ci 'canis'.
Wurcon 137 ^ =: 0. W. Gurcon, Guorcon, L. Land. 130. 170. and cf.
0. Br. Gal-con, Guit-con, larncon, Conan, etc.
Wurt^ylic 1 37 ^ 'valde dilecta'.
WurfO(./u 137 b = *ver-boduus : cf. 0. Br. Cat-uuodu, Eu-bodau, Dre-
bodu, Tribodu. Pictet, Rev. Arch. juillet 1868, p. 3.
Wurgent 5 ^ v. Gurient.
Wurgustel 7 t. v. guesîel.
W'urthkld 8 \
Ylcaerthon 5 ''. Ylcerthon 13 ^ perhaps unceltic.
W. S.
THE LUXEMBOURG FOLIO.
Lasl March I went to hâve a look at the Luxembourg folio, andcom-
pared it as carefully as I could at the time with a facsimile published by
a local Society of antiquarians in the 24th volume of their transactions'.
That I found on the whole very correct and useful : since then my rea-
dings hâve been collated with the original by M. Schroetter, librarian
ofthe bibliothèque de l'Athénée royal grand ducal de Luxembourg, and
by M. Hardt, a member of the above-menîioned society. Seeing that
several of Zeuss and Mone's mistakes were due to their not having
carefully perused the entire fragment, no apology need be made for
publishing it now in full. Besides it cannot but be interesting to Romance
scholars. The parchment, which is hère and there defective, is a foHo
taken out of a book, and forming four pages, of which the first two
contain 21 lines of manuscript, and the other two 20 lines'each. The
contents may be described as follows : — i .) The first six lines of what
I call page i^, are, owing to defects in the Ms. and want of context,
nearly unintelligible. According to Mr. Bradshaw, superintendent of the
University Library, Cambridge, we hâve hère the end of a song like
those printed a short while ago from a Cambridge Ms by Jaffé, the
simzas end'mg mih dulcis jugalis meus. 2.) The rest of the first two
pages consists of glossse collectae partly in Latin and partly in Welsh.
Thèse, I am inclined to think, were copied from an older Ms. and it is
this that seems to account for some of the glosses having got into the
line, and perhaps for the emerging hère and there of a kind of context,
which mocks one's most diligent search. What errors may be attributed
to the transcriber is of course impossible to say. ^.1 The third and last
1. Publications de la section historique de l'Institut constitué sous le protectorat de Sa
Majesté le Roi Grand-Duc. Luxembourg, 1869.
The Luxembourg folio. 347
part occupies thetwo last pages, opening with a kind of rhythmic twaddle
about astronomy and closing with the prophet in the lion's den.
As to the Latinity of thèse fragments it is of that strange kind, of which
Gildas' ' Lorica ', published in Stokes' ' Irish Glosses ', is an excellent
spécimen, one of its most strikingcharacteristics beinga strongtendency
to latinize Greek and even Semitic words, where ordinary mortals
would hâve found familiar Latin words answer their purpose better.
For instance, one meets in this Ms. and in the Lorica with such words
as conis A. occulis, gihras .i. homines, sennarum .i. dentium, and gugras,
À. capita. Of the late-Latin words, which meet us hère, several are
highly interesting, and several very obscure being unknown to Ducange
and Diefenbach. As to its âge the Ms. is spoken of in the Grammatica
Celtlca as being of the çth century ; but if I am right in regarding it as
a copy, its contents may claim greater antiquity. This seems placed
beyond a doubt by the fact that the only other Welsh glosses ' approaching
it in importance and antiquity are those contained in the Juvencus
Codex published by Stokes in the Trans. of the Philological Society,
1 860- 1 . The Ms. last alluded to is held to be of the 8th or 9th century, but
is certainly younger, as far as its Welsh contents are concerned, than the
one we are hère discussing, as may be seen from comparison of such
forms as trucarauc, diauc, anbithaul, litimaur, cilurn, trumm and ruid
which occurin the Juvencus Codex : thèse, I am persuaded, would in
the Luxembourg MS. hâve been respectively trucaroc, dioc, anbiihol,
Ihimor, cilorn, tram and roed or roid; not to mention the Luxembourg
golbinoc ïrom golbin, which in the Juvencus Codex has the comparatively
modem form gilbin. That the reader may judge for himself the merits of
the document, 1 hère give as exact a copy of it as I at présent can :
I. Since the above was written, I hâve heard from Mr. Bradshaw, ihat he has disco-
vered a fresh batch of Welsh glosses.
24
^48 The Luxembourg folio.
Page I.
I congsiudet animi/i meus placuissc? hoc in domino re?rit?is?i
latus meum dulcis iugalis meus; kalamitas deme
recedit ista uerba noio audire sitibi dilectat nub[e]
re alium uirum pf/quiris ; rem ; Die acnocte doleo etfleo
j propter caru[m] uirum mèum sitibi mefraudeïnoniaces meum
latus dulcis iugalis meus
Cadus .i. unda follum .i. ualle/n haud ' pulla ^ domescas?
co;zclauas 4 lectriceam s conis ^ baiolat 7 stemata ^ ausinicum 9
propinnat '° forcipe " austum '^ sophismatum '5 cespitis "4 sulco 'J
:o lectriceus'6 cetus'7 remota'^ rumoris'9 ora^o digestus^' uibrat^-
pernas^i uigricatu524 ulcera-s assiles-'' gugras^? garrulis^s turm[a]29
limphis'û spumaticus'' pontus52; Inertes?? Iiquidis54 abdet'S
indolis?'' tabe??, ufedis gibrosc'S pacatis?'' genimina4o
gibras4' regulosis42 orgiis45 dusmus44 bellicamina4S quis46
1 5 mansia47 migrus48 esciferis49 senisso fidiss' fusamP uerniamn
crasiciH andriuenereisîs prosapiaJ^ sulcauissentS7 cimbiss^
sainos^ follaminisi^a congelo<^' incal[c]ulatis<^- factio^J uim64
alborea'^s oliuauit'^'' semigilati"^? s[e]ros iwfenosa^s machide^9
alligeris7o orticumetris7' essu/n72 afroniosus75 guturicau[it]74
20 titonis7s reumas76 fultris77 inormis78 arcontium79 indolu[m]8°
phalanges^' pastricant^^ arcontes*^? decreta^4 essura^s turm[a]86
1. .i. non. 2. .i. nigra. 3. .i. ingema[s]. 4. .i. uenas. 5. lectricem. 6. .i. occulis. 7.
portât. 8. .i. signa. 9. uocalicum. 10. ministrat. ii. ore. 12. douohinuom. 13. .i.
questionum. 14. telluris. 1$. rec. 16. léctoralis. 17. drogn. 18. guparth. 19 clôt. 20.
finis. 21. narratus. 22. crihot. 23. m^mbra. 24. rocredihat. 25. creitiii. 26. cronion. 27.
capita. 28. riglion. 29. multito. 30. undis. 31. euonoc. 32. mare. 33. blinion. 34. liumi-
dis. 35. absconde[t|. 36. progenies. 37. incedlestnéuiom. 38. huniane. 39. pacificatis.
40. progenies. 41. homines. 42. natrolion. 43. inirogedou. 44. diaboliis. 45. bella. 46.
aqiiibus. 47. uita. 48. paruus. 49. boitoiion. (o. eusiniou. 51. toruisiolion. ^2. gurpait.
53. letitiam. 54. pectoralis. jj. cou f ? antoiion. 56. progenies. J7. roricseti. (8. naui-
bus. 59. ancou. 60. uallis. 61. co«grogo. 62. innumeratis. 63. cetus. 64. airolio|n]. 65.
alba. 66. rogulipias. 67. iiantertoetic. 68. Igiieltiocion. 69. airniaou. 70. atanocion. 71.
auibus. 72. diprim. 73. euonoc. 74. roluncas. 7s. maris. 76. naues. 77.
uncis. 78. ingens. 79. pnncipum. 80. gentium. 81. bodiniou. 82. regminant. 83. prin-
cipes. 84. dodimenu. Si. d ? ? u ? I. 86. multit : this last and n" 29 are hard to read,
as the last letters are very faint : both seem to represent some contraction of multi-
tiido.
The Luxembourg folio. 349
Page 2.
I lugubre apocatur' pantes^ gr ? ? sat' uecordia4 normaes
nequit*^ uiraginis7 incerte^ edulia9 decoreoi° coUegio"
acri'- lastro doci!ia'5 atrocia'4 armame/zta'S pr£ pugnis"^ auelloso'7
spadam'^ inormia dermorion concitis'^^ somata^° partimonia^'
5 candentem^nolibii523pelta/n=4pastricat-slitturam=6neui27durili28spicula"
fidoque5'3 occupât'' tutamine tôles"' 2 acrostratam?' regulosi54
uibro3S toxicis5<' perforo?? torriculas'*^; digestis3'' quis4o gibriosa4'
tona42calculum45straui44orgiis4Spithis461icaui47militonem48co/!flictis4''
auellosos° inagones' militauiP operam^ntan stragesH stematibuiss
10 turmaei"^ lectaqueS7 nitidisî^ pastricants'' incalculatas^o compti'^'
apocant<^2 trabeas^-J arictant64 neuum'>s aclibosas'''' tornatili^?
tonsurasi^s comas''? et spisis7o iubis7i stemicamina72 cum priscae7}
tignae74 seratu75 natus7<' turm3e77 munime/na78 cor/citis79 lastrat8°
prsecentur^' phalangem^^ jnstans^J reseratis^4 queraesta^s cianti^^
1 5 sorcipe87 (sic) palat^** etossilew^9 sennarum?" seriem9' eximius?^
polici95 exigendus94 herus9S censuerit?'' sactionem97 (sic) emulamenti9S
collegia99 lustram ' °° unitum ' '^ ■ perfundo ' "^ consolatum ' °3 uulgantem ' °4
per auia'°s pasium'°^art ? ? is'°7 et agrica'°8finitauerit'°9 tornatili"°
éructas'" creparatas"^ gelaminis"' depromis"4forci"s palas"*' adeo
20 suis quis"7 uerbialia''^ apocant"9 bradium'^o factoris'^' fribulas'"
spiculat'23 inlatam'24 stemicaturas'^s nouello'26 canori[ca]'27 pica'^s
I. [co";llocatur. 2. o[m]nes. 3. dodiprit. 4. bicoled. 5. régula. 6. nepen. 7. mulieris.
8. bun. 9. da?dou. lo. cadr. 1 1. cuntulk/. 12. deurr. 13. docibilia. 14. arocrion. 1$.
^^ arma. 16. ardrén. 17. catol. 18. énsem. 19. buenion. 20. corpora. 21. rannou. 22.
^^Lalban:. 23. inembris. 24. scutum. 25. regminat. 26. linom. 27. tigoin. 28. calât. 29.
^^Hiacula. 30. torguisi. 31. acupet. 32. membra. 33. golbinoc. 34. uenenosi. 3;. [c reham.
^^^n6. niortalibu^. 37. treorgam. 38. imagines. 39. narratis. 40. aquibu.?. 41. humana- 42.
^^Hmortalem. 43. num.e rum. 44. strouis. 45. obsequiis. 46. natrolion. 47. occidi. 48. mili-
^^P tem. 49. astortou. 50. c^talrid. 51. enarima. 52. occidi. 53. opé-ra. 54. airou. 55. signis.
^K j6. turbas. 57. electa. j8. candidis. j9. gubernant. 60. innumeratas. 61. ornati. 62.
^^L collocant. 63. uestes. 64. coUocant. 6s. liou. 66. milinon. 67. cron. 68. guiltiatou. 69.
^K^ mogou. 70. cr[a|seticion. 71. ableuou. 72. comtoou. 73. entic. 74. cepriou. 75. aciri-
WK^ miniou. 76. filius. 77. trebou. 78. caiou. 79. buenion. 80. mutât. 81. iolent. 82. bodin.
f^ 83. pr^csens. 84. apcrtis. 85. bestia. 86. aarecer. 87. ore. 88. reuelat. 89. ascorinol. 90.
dentium. 91. mm. 92. optimus. 93. ol. 94. rogandus. 95. deus. 96. iudicauerit. 97.
drog. 98. cormo^u]. 99. cuntuUetou. 100. ancera. ici. unum. 102. doguorenniam. 103.
consilium, 104, uagantem. 105. -hint-. 106. pedum. 107. finis. 108. tirolion. 109.
ornauerit. iio. cron, m. predicas. 112. sententias. 113. congregationis. 114. douo-
louse. 115. ore. 116. reuélas. 117. aquibuj. 118. cobrouol. 1 19. ômcobloent. 120.
bud. 121. adiutoris. 122. sentensus. 123. an serat. 124. dodocetic. I2j. uestimeHta.
126. nouo. 127. holeu. 128. pi g.
3^0 The Luxembourg folio.
Page 3.
1 ardoris amplectitur orientem'; Altero diurnum rutulat
aroto^ promerium5; Aliud merseum inlucessc/ sidus umbra
culum; Celatu/H fulgentes sternicant uranum4 pliades ge
minosque fulraineo candore congelât tirioness; Torrentes
5 palatum'' sternicant boetes/ olimphu/n; Aliae propiores
celiti currunt mines ^ tabulati; Alterae remotiora
sécant climata ; Supernum digesta pastricat coumspera ;
Axem co/zuexam cardinesquc tornalitem trutinat in uer
tiginem; Septenos reciduo fleu mouet globos ; Ge
10 mella polieus amplectitur hemisperia situ^; Nube ? tegunt
polum obtestacula; Ac uitrea atro ligone sérum cacumi
na ; Altum firmamenti tronum angelicse possident ca
teruae ; Qu3S aureis supern ? decoris consedunt cadetris'';
Quis purpurea ; gemmarum emicant stemata ; Albo
1 5 reis induta stolis ; Dilitiatas discurrunt agmina
metas. ampla stemicaru/n congelât olimpus collegia
q«e -sermocinoso faminum uero nausiam'° choorti. sublimem
posco rectore/n; Qui olimphiam amplo gubernat speram
potito terrestrium frugifero arctam ? ? funda
20 uit solu/n quod incalculata frugiferis gignit pla ? ? ?
I. .i. stellam. 2. sido. 5. .i. spatium. 4. cœlum. 5. uii trio. 6. .i. réuébtum.
stellas. 8. .i. fines. 9. cathedris. lo. .i. lestnaued.
The Luxembourg folio. 3 5 1
Page 4.
! figmfntis h ? derosa congelât aromata; Multigenas
animantium instaurât catf ruas ; Escifera digestis cere
monicat ' oblectam^'nta turmis ; Spumosa sedadtithis
flustra ; Ac tempestiva reprimit occeani diuortia glas
5 netellatum procellosis tluctibui op^riat tolum et glaucum
mundiano arcauit limbum tolo; Undisonum fréquenter
inflat calubris talasum turbataqae trement equora;
Interdum garulas sedatis fotibui refrénant undas ; Ro
bustasqu(? uentorum com^rxxml flabras; Alias clamoreo
10 nothorum inflat ethera flamina; Aima folliceis îegit
robora imis ; israel'wÀCdi roboreum indux// agmina p^r pon
tum ; pr^ruptusquc tithici mormoris pendebat utroqnc
latere tumulus pedestrem stupuen7 marmore cal
\ç.m; Egipticum sorbuit pelagus caetum. Nectoreum aereae
1 5 liguro fluit coorti pastum; flagrantia patuit dulce
dine castra ; Duru/n aperuit pollenti latice saxum ;
Crebrosque ausit uitreo gurgite riuos trinos pio im
brium uapore obseruauit in fornacis estunatos ; Insi
gnem leonino eruit uate/« folio ; seuosque prohibuit
20 rictus ne sacros pestifero morsu tangerent artus;
5 ^ 2 Tlic Luxembourg folio.
Page 1, line 9. donohimiom (gl. austum). I should hâve preferred reading
douolienuom, but, as it stands, this I fear cannot be done. The
Word analyses itself into do-uo-Innu-om. On the compound
prefix douo or doguo, in both of which forms it occurs in this
fragment, see Gr. C.^. p. 907. In modem Welshitis known as
dyo in dyoddef, « to suffer, » dyogel, « safe, » etc. The ending
~oni occurs now as -win in only a few words, such as dcgwm,
(( tithe, » rhigwm, « rigmarole, » codwm, « a fall, » c'uhvm, « a
wolf. » The body of the word is hinu, which I identlfy with
the modem enw v a name « ; it is remarkable that it is hmo
in Breton, lianow in Cornish and henw in North Wales pretty
generally, although there can hardly be a doubt that the h is
inorganic, as is seen from the Irish ainin. But we hâve no
évidence that we should regard the old Welsh form as hinu
rather than inu or enu, as we hâve hère several instances of
h inserted between vowels, as usual in other spécimens of
old Welsh. Douohinuom as a whole seems to mean « a naming
or calling by name. » With this aushim agrées; for in line 8 we
hâve ausinicum = vocalicum and page 4 line 17 the words,
Crebroscjue ausit vitreo gurgite rivos, etc. Ducange only gives
ausare = nominare.
rcc (gl. sulco). It appears probable that cespitis sulco are to
be read together. The word rec is evidently identical with the
modem rhych. The writer uses c for ch throughout, though,
as a rule, he writes th as modems do ; indeed there can
hardly be any doubt that ch and th were fixed in those Welsh
forms, where they now occur, anterior to the date of thèse
glosses. Rec has very probably lost an initial p and is to be
referred to the same origin as old Slavonic prasC^, Lat. porca,
« the ridge between two furrows », Greek 7:épy.oq, and
English /urro))'. See Curtius' Cnmdziige no. 104.
line 10. drogn (gl. cctus) occurs later as drog : this stands for drong;
30 mogou for mongou, page 2, line 12. Itis not easy to account
for the writing drogn. I hâve nowandthen known Frenchmen
to mistake English ng for iheïr gn; can gn hère be only an
équivalent of ng? It would be two unwarranted a supposition
to think the n the termination of a neuter form : were it so,
the word would be on a level with deng, « ten, » as in dcng
niwrnod, «• ten days, » for \ieccn diwrnod. The Irish form is
The Luxembourg folio. ^ 5 5
also drong; Stokes reminds me of the laie-Latin dningiis, « a
troop or body of soldiers, » which may possibly hâve been a
Word of Gaulish origin. The équation oï drong with the EngHsh
throng and its Germanie cognâtes is tempting but impos-
sible; so one has only to fall back on the root dargh, whence
it would perhaps be possible to explain drong as équivalent to
dargha, « fessel, band » in the sensé of a band of men. See
Fick's Wœrt.^, p. 89.
guparth (gl, remota) seems to be aptly explained by the
English apart. This form is a contracted one for giiôparth
which became gi'ioparth, then guparth. The prefix never assumes
this form in modem Welsh, but rather drops the u and becomes
go-, whereby we should now hâve gobarth for guparth.
crihot (gl. uibrat) seems to be the reading where I should
hâve expected crihet; on page 2, line 7, we hâve crehain (gl.
uibro). The h is prooably inorganic and cri is to be taken as
the base, from which are derived the modem cryn, « a shaking
or quaking, » as in daeargryn, « earthquake, » Breton krén,
« tremblement, « and cryd, « a cradle » (which seems also of
Welsh origin) and also <( the fever » as in cryd tridiau, « the
tertian ague. » Compare the German ritte, « das Fieber. •»
line II. rocredihat (gl. uigricatus). Ahove the t of uigricat I think I
read the same abbreviation which occurs on page i^ line i,
over anim me, which I read animus meus, also over rict to make
rictus, page 4, line 20, where the words run as folio ws : —
sevoscjue prohibuit rictus ne sacres pestijero morsu tangerent artus.
Rocredihat can accordingly be nothing but a passive participle,
which in modem Welsh has the syllable ig attached to it, and
is exemplified in this Ms. in such words as hantertoetic, dodo-
cetic, etc. The simple participle remains hère and there as an
adjective; such, for instance, are bcndigaid, « blessed, » can-
naid, « white, lit. bleached, >> and agored, <c open. » William
Salesbury not unfrequently made use of this form : in the
préface to St. Matthew's gospel he has honneit yw « it is alle-
ged, )) and Matthew, I. 2$, he renders TrptoTcxoy.ov by cynenit,
which he explains in the margin as meaning cyntaf anet, <( first
born. » In the Marchog Crwydrad published By the Rev. D.
S. Evans Tremadoc and Carmarthen, 1864; reprinted from
the Brython vol. V), p. 14, we hâve priodad « married «: the
passage reads — pan \doedd yn newydd briodad âr Amherawdr
5 54 "^^"^ Luxembourg folio.
CLwdius « when she was newly married lo the Emperor
Claudius. «
Besides thèse there are a few others which hâve undergone
more change, such as, poeth, « hot » for popt- from the root
PAK, and llaith, « damp, moist, » for lact- from a root which
appears in the Irish Icigliim, « 1 melt ; » this is made still
clearer by the compound dadlaiîli « to re-melt, » that is, to
thaw. Of course doeth and coeth are not te be mentioned
hère, as they are simply borrowed from the Latin doctus and
codas. Rocredihat seems to hâve been formed from a nominal
base credi, which ought to be identical with the poetic word
craidd : this now means the heart or centre of anything. Thus
it would appear that rocredihat means « made hearty or stout-
hearted » and reminds one of the Greek ejy.ipoio; and of the
ordinary Welsh calonogi, « to make spirited », from calon, u the
heart. » Nor can vigricaius be very différent in meaning, as it
appears to be formed from vigor in the same way as pastricare
from pastor ; so that vigricare probably would mean, « to
render vigorous, or to invigorate. »
creiîhi (gl. ulcéra) is the plural oî craith, « a scar, » Irish
crcacht. When a syllable is added, ai becomes ei, a rule which
still holds in the language. The word craiîh probably comes
from a root scrag or scrak, whence we seem to hâve the tjv
glish scralch, and possibly the greek -/xpizaio, for vapay.yw.
On ■/ = sk consult Benfey's Or. u. Oc. I. p. 248.
cronion (gl. assiles) is the plural oi cron, an adjective which
twjce in this Ms., glosses tornatili. This last according to Die-
fenbach means « round, rounded orturned » or, as he has it,
habilis ad tornandum. Assiles is obscure to me.
riglion (gl. garralis). This is the plural of rigl, now rliigyl,
(I flippant or fluent. » P^or instance siarad Cymraeg yn rhigyl,
(' to talk Welsh fluently. •» Connected with this word is rlii-
gwm, <( rigmarole or doggerel, » meaning anything so put
together as to be easily repeated owing to its regularity of
rhythm.
line 12. cuonoc (gl. spumaticus). This is now ewynog, « frothy or foa-
ming, )) from ewyn, « foam. » The termination -oc = -ac-.
Later it became -auc, then -awg, the diphthong of which once
more gives way to 0, as -awg is now left to the poets and
to bombastic writers, -og only being used in ordinary prose.
The Luxembourg folio. î 5 5
The same remarks also apply to -0/. The origin of the word
en\n is not very clear ; probably the ni- is identical with aw-
in aweddnr, « fresh water, » and possibly with af- in afon,
{( a river. »
blinion fgl. inertis is the plural oïblin, which now has two
meanings,namely, «tired» and « tiring». The former is the more
gênerai ; the latter is common in North Wales in speaking of
dispositions; for instance, d\n blin means in Anglesey not « a
tired man » but " a man who is of a disagreeable disposition and
tires other people. i>
line 1 5. incedlesUiéuiom (gl. îabe. ufedis). As to the Latin there can be
little doubt but that it stands for iabe consedis = Qn) tabe con-
sedis. There is considérable similitary between the first syl-
lable of the second word as it stands in the Ms and the first
of a word I read candentem, page 2, line 5. The Welsh gloss
analyses itself into in cedlestnéuiom « in a collection of tabès
or pituita. » The préposition is now yn; ced- is now cyd-,
équivalent in meaning to the Latin con-; and, unless I am mis-
taken, the ced- in cedlestnéuiom is meant to give the force of
con- in consedis. As to lestnéuiom, it is of course to be compared
with lestnaued page 3, line 17. The ending -om we hâve
already met with ; leaving this out of considération, we hâve
Icstncui for lestnau-i. The syllable neu is identical with nau in
lestnaued just mentioned, and occurs also in naues (gl. remuas)
page I, line 20. The other part of the word lest is pro-
bably to beidentified with the modem llesg, « sluggish, feeble »,
whence lestnéuiom would seem to mean a « sluggish fluid ».
The identity of lest with llesg need not surprise; for instances
of st becoming se fncw sg) are not uncommon in Welsh ; e. g.
g)visg is for gwist and to be compared with the Latin vestis,
with which it is identical in meaning ; asc-wrn, <f a bone, » is
of the same origin as iîTÉsv ; both llost and lloscwrn mean « a
tail » and are probably connected with llusgo, « to drag or
trail » ; it is also probable that cwsg, « sleep, » stands for
cwst = avt-t, which appears as cos in the wellknown ni
guorcosam (I will not oversleep) in the luvencus Codex. The
old Irish form. to be compared is cot-lud, « sleep. »
line 14. natrolion (gl. regulosis). As to regulus meaning a basilisk or a
serpent see Ducange. Natrolion is the plural oï natrol, «relating
to serpents», from the base natr, whence modem ncidr, v a
356 The Luxembourg folio.
snake » : plural nadredd. The steps gone through hère are-
natr, nafr, natlr, net'ir, ncitir, ncidir, neidr. The same applies
to deigr = Sây-py ; plural dagrau, « tears, » and lo llcidr, « a
thief, » from the Latin laîro, plural lladron. It is hère seen that
the irrational vowel, which evolves itself between t and r and
gets fixed as an /, has no footing in the plural, as the r supports
itself on the following vowel. In South Wales neidir, llcidir,
deigirâve theforms still used. It is hardly necessary to mention
that natr = natar implied in the Latin natrix, «a vvatersnake.»
See Benfey's Or. u. Oc. I. pp. 254-62.
inirogedou (gl. orgiis] . Inirogedou stands for in i rogedou or
in i{r) rogedou, i being the article for ir, which dispensed with
its r before another r, just as we now write y for yr in such
positions. Supposing rogedou to be the plural of r'ogcd, there
would be no difficulty in identifying the latter with the modem
rhewydd, « wantonness, lust, » whence is derived rhewyddu,
(c to copulate. » Undoubtedly regulosis orgiis are to be cons-
trued together ; and so is the Welsh, and in the following
order: in i rogedou natrolion, «in the serpentine orgies.»
line 1 $. hoitolion (gl. esciferis). Ali of the reading that one can feel
pretty certain about is /'-o/Zo/z; as far as I can guess it, the
above is the correct one. Boiiolion would be the plural 0
boitol, « relating to food, » from boit, which I take to be the
old form of the modem bwyd, «. food. »
eusiniou (gl. senis) seems to be the plural of cusini now cisin,
« the husks of corn, « used as a collective noun in modem
Welsh, like « chaff « or « bran » in English. The word is
derived from aus for aucs = Greek à'j^-iv(o, Lith, àuksz-tas.
Hence it appears probable that eusini at first meant merely
(( growth, vegetable growth or foliage; » indeed it is very
possible that it hère means foliage, as we are, I think, to con-
strue together esciferis senis = food-giving leaves ; for senis
is undoubtedly connected as to etymology with the English
senna, « the leatlets of the cassia, d borrowed from the
Arabie. As to eusini becoming eisin in modem Welsh we hâve
in the same Ms douoleuse from bus which afterwards became
lleis and Hais: The Welsh root aus has undergone another
séries of changes becoming os whence we hâve us, « chafï, »
and even the word eisin occurs as usun, by progressive assi-
milation for 'usin, in Salesbury quoted by Ellis (Early Engl.
The Luxembouni folio. ?57
Pronun., III, p. 76 1; where one reads as follows : — >■< Who
so euet wyll distincUye learne the Welsh sound of u let hym
once geue eare to a Northen Welsh man, whan he speaketh
in Welsh, the wordes that signifie in English obedient chaff
singlerly : which be thèse in Welshe, uvudd, usun. « A simi-
lar case of assimilation is afforded by the word llurug for
llurig = lorica. The form uriidd just mentioned is not so easily
explained, as it seems immediately derived from "obudiens or
'obodiens, for obaudiens; but Diefenbach quotes obaiidirc only
in the sensé of « contra vel maie audire, auditum obstruere, »
whereas we want it in the sensé of u obeying. »
îoruisioUon 'gl. jidis) and torguisi (gl. fuio), page 2, line 6,
baffle me completely.
gurpait (gl. fusain) I take to be for gurpaith; this would be
derived from paith, which, according to Davies, meant « des-
ertus, devastatus : » compare the derivative peithiawg, of the
same meaning. The prefix gur (= guor) enhances the strength
of the word : so we might render it « thoroughly devastated, «
which answers to the Latin fusain as nearly as the average of
the glosses in this Ms. do to the words they purport to explain.
line 16. cou ?? antolion (gl. andriuenereis). The first part of the word may
be cari and not cou : the two succeeding letters I cannot
decipher. In the Gr. C. the word is given as couuantolion, which
is clearly wrong, as it does not give the righi number of
letters.
roricseti (gl. sulcauissent) seems to be the reading where one would
expect roricsent; there is probablysome mistakein the reading
of the last three letters : so we will confine our remarks to
the rest of the word. Ro is of course the usual prefix, and rie
is identical with rhych, already discussed. The tense of which
we hâve hère an instance runs in modem Welsh thus : —
rhychas-wn, rhychas-et, rhychas-ai, etc. containing in ail its
forms the syllable as, whereas in roricseti we hâve ries instead
of ricas. This introduces the question of new formations in
Welsh, which would be paralleled in Sanskrit, for example,
by verbs cf the other conjugations taking the form of the first.
In this way the vowel conjugation owing to the working of
analogy and the fact of its involving the language in fewer
difficulties than a consonantal one, has swallowed up ail the
Welsh verbs excepting a few which form the tense in question
558 The Luxembourg folio.
as tollows : — clywsai, gwelsai « he had heard », uhe had seen»
respectively. Other instances are the following : — (i) Par-
ticiples in -etic as dodocetic : thèse imply simple participles in
-at as duc-at which I could not help regarding as a new for-
mation for duct. (2) The Sanskrit -tavya would in Welsh regu-
larly become -teuya, -dyw, -dwy; but it never occurs except as
-adwy - atavya. Similarly in old Cornish it is met with as
-adow = -ddev-, as in caradow ----- Welsh caradwy. (5) So also
in the case of the affix -far or rather that form of it which
appears as tôr in the Latin victor, vicîoris, we meet always
with -adur (= ator) as in penadur, a monarch. A careful study
of Welsh affixes would probably increase the number of forms
where the insertion of the vowel a has been effected in the
same way.
Une 17. ancou (gl. salno). Asto the Latin it may be samo; possibly the
original was sanie from sanies. The Welsh seems identical with
the modem angeu, « death, » Breton ancou, « death. » In modem
Welsh u has become iï and the termination ou has the three forms
au (= a -{- il), eu {= e -\- ii), and e with the u omitted. The
three are optionally used in the singular, thus borau, borcu or
bore, <( morning. » The same terminations, at least the same in
form, are used in the formation of the plural of nouns very
frequently, e. g. pethau, petheu or pethe, things : -au is now
the only one written ; formerly eu was common in books and
is still the prévalent one in reading, while e is more confmed
to certain dialects. On comparing the following words in this
fragment : — euonoc, natrolion, rogedon, atanocion, catol, etc.
it appears that 1 had not as yet passed through the stage 0
into ou and au; so one could not think of deriving the ou of
ancou from an il; further I could not undertake to say any
thing about it. In some instances we know ou or au to be a
mère guna of ;z; e. g. gcnau, «mouth, » to becompared with
Yovu-ç, and tendu, « thin, lean,» which represents the Sanskrit
tanu-s, Latin tcmi-is. In other instances a b or m has become
)', u, ii, successively and given rise to the same form of
ending as in clcddeu, for cleddyf and in delieu and goreu, both
superlatives in af (for am), "dehaf and goraf: The same is
perhaps the case in the Welsh eisieu, « want, » Irish easblia,
« a defect, ^ and in the Welsh borau (for "morau, probably
for 'moraf équivalent to the Irish bdracli or mâradi) of the
Tlie Luxembourg folio. 559
same origin as the German morgen, Gothic maurgins. Still
angeu, dechreu, chwareu, etc. are obscure to me. Manaw,
the Welsh name of the Isle of Man, suggests to me that au
may possibly represent in some cases an or ans : were this
the case, the plural -au would of course represent an old
accusative in an or ans.
airolion l'gl. uim). The n of airolion is not in the Ms but the
Word being in the margin I venture to think that it was once
there and ultimately faded away. Airolion would be the plural
of airol, which must mean « relating to slaughter or war, >i
from air, now aer « slaughter or war. » The Irish is ar;
but how cornes Welsh ai or ae to be - Irish a? 1 ani inclined
to think that the stem is agr-, with which one should com-
pare ver-agri, as well as the Greek à^pa, Zend azra, == « the
chase. n Hère may also be compared old Irish àram, mod.
direanih, which Stokes considers as standing for ad-ram; nor
is the disappearing of a média before r uncommon in Welsh,
e. g.ygarawys =~ quadragesima; cadair, a chair, -= v.aOÉopa,
Irish cathdir. It appears that airolion as a gloss on vim must
mean, « those whose business is slaugther and war » i. e. a
force or troop of soldiers.
. rogulipias fgl. oliuami . This is a form derived from the nominal
base gulip, now gnlyb, « wet, » and naturally follows the
vowel conjugation. On gulip see Stokes' Irish Glosses, p. 87.
Hère we hâve a fair spécimen of the loose and easy way, in
which the Latin words are translated by the writer of this
fragment.
hantertoetic l'gl. semigilati.. It is right to say that the Latin and
the Word next following look like semigilatis ros : this I am
inclined to treat as semigilati 5[e]ro5. Semigilatis could not fail
to hâve been rendered into Welsh as a plural^ which hanter-
toetic however is not. Skinner in his Etymologicon Lingus
Anglicane (London lôyij gives under the word Clung, n semi-
gelaîus ^ famé seu frigore semimortuus; » but hère we must
probably understand semicelatus, which would mean exactly
hantertoetic = half thatched or half covered. Hanter, now
uanner, half, but Breton hanter, is an old comparative : thus,
hanter - hami-ter ^ sami-ter ïvom the same origin as the Skr.
s7,mi-, Latm semi-, Old. H. G. sami-, Greek r,[j.'.- and ï)ij.'.rj;.
Vide Curtius n" 453 ; according to him sama, which is the
560 The Luxembourg folio.
form reflected in the Welsh word, is the original base.
igueltiocion fgl. in jenosa]. The Welsh stands for in gueltiocion,
the in being a proclitic is written with the next word and the
/; left out as in mogou and drog, for mongou and drong. Gueltio-
cion is of course the plural of gueltioc « grassy « or according
to the Latin « hayey. » In modem Welsh it is guelltog without
the semivowel /, and derived from gwellt, « grass, straw. »
But the i is essential to the word, as gualt, now gwallt,
means «the hair ofthe head », where asgualti, which of course
must become guelti, now gwellt, means « grass or straw. »
So we seem to be justified in dividing gueltioc into guelti-oc or
guelt-i-oc and not into guelt-ioc : probably guelti = valtya,
and gueltioc = valty'âc, which would account for the i appea-
ring as a semivowel before terminations beginning with a
vowel. On the suffix y a see Schleicher's Comp., pp. 388-98.
airmaou (gl. niachide). The Latin is obscure to me : it is proba-
bly connected with [j.iyr,, as airmaou means « battlefields » :
old Irish armaige. The Welsh is in the plural, while the Latin
is in the singular ; thus « in fenosâ machide = in gueltiocion
airmaou =- in grassy battlefields. » Reverting to airmaou
the singular form ought to be airma, whereas, p. 2, line 9,
itis arima, which I think cannot but be a mistake.
ine 19. atanocion (gl. alligeris). Is the plural of atanoc, winged, from
atan, a wing. This is probably derived from the root pat as
in the Latin patere.
diprim (gl. essum) may possibly be also read doprim. The termi-
nation -im is the same as that of such infmitives as medi, \
rhoddi, moli, etc. which are, more correctly speaking, abstracti
nouns. In modem Welsh the m does not appear even as an ;
/or 11' in such forms; that it once was a part ofthe same seems '
proved by the verses in the Codex of Juvencus, where one ;
fmds the tolerably intelligible words : — ni guru gnau molim
trin[taut] = (it is) no hard work to praise the Trinity : a j
little further on we hâve : — nit guorgnau molim map meir = \
(it is; no excessive work to praise Mary's Son. Hère I think!
there can be no doubt but that molim modem moli, to î
praise.
roluncas (^\. guturicau[itj). This verb is formed from lune now
Ihvnc or llwngc ; the infmitive of the modem verb isllyncu,'
to swallow. With guturicare compare vigricarc, pastricare, etc. |
The Luxembourg folio. 361
line 20 naues (gl. reumasj. I know of no word reuina meaning a ship,
and I take reuinas to stand for paûixa-a. If so naues is Welsh
^ nav-es, and to be referred to the same origin as cedlest-
neuiom. Compare also the Welsh équivalent for Neptune, nam-
ely, Neifion, for Nevi-ân. Thus it would seem that naves
means « currents », perhaps « ebb and flow » of the sea :
then titonis reumas would be the currents of the sea ^ -zx
titonis ptù[j.x-yt, for titonis ^ maris, which is the gloss on it.
The termination es has now generally the force of a collective
and not of a plural : e. g. llynges, « a fleet»; bûches, «a herd
of milch cows «; then « the place where they are brought to-
gether to be milked. » Dr. Davies in his Welsh-Latin dictio-
nary gives branes -- brain.
line 2 I . bodinlou gl. phalanges) is the plural of bodln which occurs page
2 line 14 below : it is now byddin, « an army. » Bodinlou
seems to indicate that the base is bodini not merely bodln :
however the Irish bulden^ which is a fem. J-stem entirely
disagrees with the Welsh form ; possibly they are différent
forms of the same word. The 0 o{ bodln prevents us comparing
it with the English band from the root bandh or bhandh, « to
bind. )) It seems best referred to the root budh, « to be
awake, » etc. ; in this case it would hâve had a meaning simi-
lar to the English <( watch » or « die Wache « of the Ger-
mans. Translate together « phalanges pastricant arcontes. »
dodlnwni (gl. décréta). The Latin has usually been read decreat;
but I think that a better reading is decreclt. I venture to
prefer décréta to both, as I fmd that ail the verbs of the ^rd
person singular of the présent indicative active end in this Ms
in t in the glosses. As to dodlmenu leaving out of considération
the prefix do, it appears that dlmenu =^ modem dljamv, « despi-
cable, dwindling. »
^or-/ (gl. é-^^ura). The Welsh word seems to be an adjective
ending in -0/ ; so I venture to construe décréta essura turba
as « the diminished famishing crowd. «
page 2, line i. dodiprit (gl. grH sat). I think this is the reading of the
Welsh, but the Latin baffles me altogether. Dodiprit ought to
mean « eats up » or « devours, « as it is derived from the
simple verb, whose infinitive dlprlm we hâve already met
with.
blcoled (gl. uecordm) would now be bygyledd : the only nearly
^62 The Luxembourg folio.
related word known to me is bygyhi, « to molest or oppress. »
line 2. nepcn (gl. nequit . Ncquiî stands undoubtedly for ne quid and is
in perfect keeping with Welsh phonology up to the présent
day, as it is hard to get a Welshman to say id, and not make
it it; for a short vowel in his case seems to demand not a
média but a tenuis after it; thus he generally says hot, pot,
rot, etc., for hod, pod, rod, etc. Nepcn = ne-pen, just as
nepell -- ne-pell and nemawr = ne-mawr, meaning respectively
ce not far » and « not much » from pell, « far » and manr,
« much. )) The syllable pen is now pyn in « py/iag » = pyn-
ag --= Latin cuin-que as in the formula /j)V)'-/?}7î^g = qui cum-
que and pa wraig bynag = quae mulier cumque. It is proba-
bly a neuter like hyn, « this, » as in hyn o bryd «i id temporis; ;>
so nepen = « not any thing or nothing. )>
biin is written over incerte but is a gloss I think on uiraginis. The
latter had been already glossed mulieris so that the Welsh
gloss could not help standing over the next word incerte. Of
course the words viraginis incerte ;for incerte) hâve to be
construed together : indeed it is not unlikely we should take
together nequid viraginis incerts. Bun is identical v\'ith the
modem Welsh bun used in poetry for « woman, maid or damsel >' ;
it cannot be equated with * ban (as in banyw], Irish bean,:i
woman : it stands more probably for ban, which reminds one
of the Skr. -jâni (rather Xhan jani), Anglo-Sax. cwén.
da? dou (gl. edulia). Owing to a defect in the Ms I cannot make
anything of this gloss : it is clear that it is a plural form in -ou.
cadr îgl. decoreo). Decoreo is from an adjectival form dccoreus :
at any rate the Welsh requires this, as cadr = u fortis,
robustus; Armorie, venustus, » as Davies rightly observes.
The form which the word has taken in Armorie is kaer
u beau, superbe, magnifique, grand. »
cuntullet (gl. collegio) is derived from cuntull, now cynnull, « to
collect, or assemble : » cuntullet has been superseded by
cynnulliad, excepting in the compound cynnulleidfa, « a con-
grégation, » - cuntullet- ma. The prefix con becomes cun
throughthe influence of the succeeding u. Cuntullet is probably
derived from the root tal, more usually met with as tul ==« he be
auf, wasge, « see Curtius Gr. no. 236] and seems to be, a
participial formation meaning 0 what has been collected or
assembled together. »
The Luxembourg folio. 363
line 3. deurr (gl. acri) isnow wrilten dewr, « brave, valiani;); the origin
of the Word is to me obscure.
arocrion (gl. atrocia ) is the plural of arocr. If I am right in suppo-
sing the first two letters to represent the préposition ar used
hère as an intensive, we hâve, as the kernel of the word, the
syllable ocr, which undoubtedly represents, and with perfect
regularity, the Latin âcer, âcris; so arocrion probably means
« very sharp, very violent, « which does tolerably as a rende-
ring of atrocia. The modem Welsh ocr, « usury^ » has nothing
to do with this word, as it was borrowed from the Anglo-
Saxon wôcor = German wucher.
ardrén fgl. pr^pugnis] stands for ar-dren. Ar is the ordinary pre-
fix; dren is now trin, « a battle ». The change of dr into tr in
modem Welsh occurs also in trutn, « a ridge «, Irish druim,
and in trythyll and trern, which used to be drythyll and drem
respectively not a very long time ago. As to the change of e
into / see the next line, where we hâve derinorion, which in the
modem language is dirfawrion.
catol (gl. auelloso) is derived from cat, now cad, « a battle. «
As to avelloso it is derived from avellum, which according to
Ducange means v war or civil war. «
line 4. dermorion (gl, inormia) is written in the line but there can be
no doubtthat it is a gloss on inormia, that is, of course, enormia.
The singular would hâve been dermor, now dirfawr, « very great,
or huge ». Like the old Irish dermar it analyses itself into *do-
ari-mdr, whence regularly d^er'mor; in fact we hâve in Welsh
also erfawr (= "ari-mâr] used nearly with the same meaning
as dirfawr.
buenion (gl. concitis) stands for "buanion and is the plural of
buan, « swift, quîck. « A more original form of the word
would probably be muan; the ending -an being the same as
in bychan, « little, « (from bach, « little ») and the root being
the same as that of the Latin mov-eo and mïï-tare.
rannou (gl. partimonia) is the plural of rann, now rhan, « a part
or share. « Can rann be for rap-na from the same root as the
Latin rapere (see Curtius no. 331), or for rad-na from a root
RAD (see Fick^ p. 164), from which the Latin radere is derived?
In the former case it would mean « one's share of booty etc. n
and in the latter « a pièce torn or hacked off from a greater
one. »
25
564 T'/'fi Luxembourg folio.
line 5. linom (gl. litturain) is a derivative from /m, « a Une, « = Latin
tigom (gl. neu/). A nei/^s seems hère to be looked at as an emi-
nence or rising on the skin, whereas in line 1 1 it refers to the
brownness of a spot on it. Tigom is probably for *stigom :
see Kuhn's Beitrsge vol VII, p. 25, where Stokes mentions
several forms which hâve lost an initial s. Another instance,
which occurs in this Ms, is to (for stog) in comtoou. Of course
stigom reminds one of the English sty., « a small tumour on
the edge of the eyelid. « The root is stigh « ascendere. «
I think one might read linoni, tigoni, etc. instead of linom,
tigom, etc. ; on the whole I hâve hesitated to départ from the
old reading of the termination in question.
calât (gl. durili) is in modem Welsh caled, (f hard»; the origin of
the Word is to me obscure, but I should hardly hesitate to equate
it with the Gothic hardus. On the disagreement between Cur-
tius and Corssen on the origin of hardus consult Curtius Gr.
no. 42 b, and Corssen M. 516. Supposing Curtius to be right,
it is to be noticed that the other Celtic derivatives of the
root KAR retain the r unchanged^ e. g. careg, « a stone, » and
corwg^ Irish curach, « a little boat, « which strongly remind
one of the Sanskrit karaka (Wasserkrug; eine in Form eines
Krugs ausgehœltev Kokosnuss) : fmally one may compare
with karaka the Welsh caregl, « calix, scyphus. »
line 6. acupet (gl. occupât) stands probably for achupet. The verb achup,
now achub, « to save^, rescue » etc. is derived from occupare
in the sensé of « anticipating « or « preventing, « which
seems to hâve led to the idea of guarding or anticipating
attacks, whence the passage is natural to « saving » or'
« rescuing. » The word has still at times the signification to
anticipate : indeed the only meanings which Davies attributes ,
to it are « occupare, » and « prseoccupare. » It is very usual i
to say efe a achubodd fy mlaen « he occupied my front, )) ^
meaning « to outstrip, outrun or hâve the start of one )> liter- \
ally or metaphorically. The words occupât tutamine îoles, ■
which I take together, seem to suggest that the writer used I
the Latin verb as we do the modem Welsh achub ; for the !
sensé seems to be « he saves his limbs by means of a protec-
tion. « I hardly think the allitération hère accidentai; other-
wise why not use membra instead of the outlandish tôles i'
The Luxembourg folio. 365
goUnnoc (gl. rostratam) is derived from golhin, in the Juvencus
Codex gilhin, and now gylfin, « the bill or beak of a bird ; »
Davies gives gwlf and gwhv as used in the same sensé. In
middle and modem Irish the word occurs as gulbha, genitive
gulhhan. So it appears that golbinoc stands for gulbinoc, the u
being changed into 0 before the / of the succeeding syllable.
line 7. creham (gl. uibro). This gloss is in the margin and I venture to
think that reham, which is ail that is now visible, stands for
creham, which in its turn represents an older form criham, the
i being modulated into e before the a of the next syllable. In
line 10 of the preceding page the : oi crihot (or crihet} remains,
as neither 0 nor e has this effect on /.
/reorgdm (gl. per/oro) reminds one at first sight ofthe Irish treo-
ruighim, « I guide or lead. « On the whole it seems better
referred to the root arg which Curtius fmds in opsYo) and
Skr. arjami « erlange. » Treorgam would then mean, « I reach
through, or get through, .) which may be regarded as a pas-
sable translation of perfora considering that the writer paid,
apparently, more attention to the préfixes than the entire
words of which they formed parts : this seems to be the case
hère, per- being well rendered by ire-.
line 8. strouis (gl. straui). The Welsh seems to hâve borrowed the Latin
verb struere in the sensé of insidias vel mortem alicui struere :
strouis is the first person singular of the preterite of the same
as used in Old Welsh. In the modem language it is not used
as such, but its base lopped of its inflections occurs as a noun,
which is still familiar and has the form ystryw, « a trick, a
stratagem. » If we take sterno, stravi, as meaning « to prostrate
or floor an enemy », the Iwo verbs would not be very tar from
being synonymous. This conjecture is not satisfactory, but I
see no other way of accounting for the one being hère used to
explain the other.
natrolion (gl. pithis) we hâve already met with. Of course orgiis
piîhis = orgiis regulosis. Pythis seems to mean « relating to
serpents » apparently of the pytho species. Ought the word
to be pithiisï
astorîou (gl. conflictis) may also be read astoitou : I hâve not
been able to identify the word.
line 9. catalrid fgl. auelloso). The last three letters of this gloss may be
^66 The Luxembourg folio.
ird, rid, inel or nid. I am unable to détermine which : they are
separated from caîal by the stems of the // of avelloso; but that
by no means proves that they form a separate word. Possibly
catahid may stand for caiolrid and mean cadolrwydd, « warli- '
keness, )> which is a possible derivative of cadol. Then taking
the words together avelloso in agone miliîavi, the Welsh rende-
ring would be enarima caiolrid etc. « in the battle of war-
likeness or bravery » etc., that is, the adjective avelloso would
be glossed by a noun in the genitive, This is very unsatisfac-
tory and must remain so until the reading is made out with
more certainty.
enarima (gl. in agone) stands for en airma; for arima violâtes the ,
vowel séquence and is refuted by the other related forms ;
airou, airolion and airmaou. En is the modulated form of the
préposition in coming before the a of airma on which it leans
so to say, being one of the Welsh proclitics.
airou (gl. strages) is a related word and the plural of air already ,
noticed.
line 1 1. Hou (gl. nenum). This word has fallen out of use; but the root
// occurs gunated as liai « color fuscus, « according to
Davies, who mentions gwydd lai and march liai which mean ^
respectively « a grey goose » and « a brown horse. » So it
seems hou hère means « a brownness n or « a brown
spot. »
milinon (gl. Ubosas). I am anything but clear as to the meaning
of Ubosas. I suspect that milinon is a mistake for milinion the
plural of milin, now melyn, « yellow, lit. of the colour of j
honey » [mel). It is probable that the word is derived in any i
case from mel : possibly it may mean « honeyed things » say '
« cakes, » which is supposed to be the meaning of lihosas \
supposing it a derivative of the Latin libum. Milinon for '
melinon would be an instance of vowel assimilation, which j
is not observed in this class of words in modem Welsh : the I
same applies to guiltiatou below.
cran (gl. tornatilî). In addition to what has been already said i
under cronion it would not be out of place to make a few
observations hère on the class of adjectives to which cron
belongs. The greater number of them are comprised in the
following list : —
The Luxembourg folio.
î67
i) Sing.
masc,
, crwm;
fem.
croin ;
plural,
crymion,
curved.
))
))
crwn ;
»
cron;
»
crynion,
round.
»
»
dwfn;
»
dofn;
»
dyfnion,
deep.
))
»
llwfr;
))
llofr;
»
llyfrion,
cowardly.
»
»
llwm;
»
llom ;
))
llymion,
bare.
»
n
trwm ;
)>
îrom ;
»
trymion,
heavy.
))
))
manwl;
»
manol;
))
manylion,
minute.
2) Sing.
masc.
■ hyr;
fem.
ber;
plural;
, byrion,
short.
»
»
brych ;
))
brech ;
»
brychion,
freckled.
«
»
gwlyb;
))
gwleb ;
»
gwlybion,
wet.
»
»
Uyfn;
))
llefn;
»
llyfnion.
smooth.
))
»
llym ;
))
Hem ;
))
llymion
sharp.
))
»
sych;
»
sech;
«
sychion,
dry.
»
»
tyn;
»
ten;
))
tynion.
tight.
»
))
melyn;
»
melen;
»
melynion,
yellow.
Reverting to such forms as trwm (masc.) and îrom (fem.), the
présent Ms shows no trace of such a differentiation of the forms :
moreover the Irish has o in both genders. The explanation
seems to be this that the masculine had thrown away itstermi-
nation some time before the a of the féminine had disappeared ,
thus, tyn =*ten, while ten = *tina, which of course must hâve
become "tcna, whence, by droppingthe termination, ten would
resuit. Similarly ?nvm =^*trom; and trom ^= *troma. Hère the
oofthe masculine being short becomes, according to rule,
w : the same change seems to hâve been prevented in the
féminine by the a which once followed as a féminine termina-
tion. This pairing of the vowels w, o, and y, e, has become
an instinct of the language, and has been the means of chan-
ging the gender of a good many nouns. Propose to a Welsh-
man a monosyllabic noun^, with which he is unacquainted, he
will seldom hesitate to use it as a féminine if its vowel is o or
e, and as a masculine if it is w^ or y : if it is a or / he is unde-
cided. He also applies this rule extensively in the formation of
othernouns, e. g. hogyn, a lad, hogen, a lass; asyn, a he-ass,
asen, a she-ass; sometimes such a pair of words has only one
meaning e. g. ovd and cod, a bag.
line 12. guiltiatou (gl. tonsuras) is the plural of guiltiat for gualtiat (by
assimilation as in the case oï milinon)kom gualt, now gwallt, hair.
mogou (gl. comas) stands of course for mongou the plural of mong,
now mwng, « mane » rather than « hair. »
368 The Luxembourg folio.
craseticion (gl. spicis [lege spissis]) is the plural of craseiic, which
is evidently derived, as Stokes suggests, from the Latin verb
crasso, crassatum, crassare, « to make thick, to condense. «
as when we read « pili crassantur in setas « and « crassatus
aer. » The ordinary Welsh word cras « arid_, parched or scor-
ched )>-and its derivative crasu, « to parch, » do not offer a
suitable explanation of the word in question.
ableuou (gl. iubis) stands ior a bleuou, which in its turn represents
ac bleuou assimilated into ab bleuou and written a bleuou « and
hairs » or « with hairs. « Bleuou is the plural of bleu, now
written blew, « hair. » The Latin words et spisis jubis are to
be read together : so the Welsh but in the order which the
conjunction a suggests : thus a bleuou craseticion. Reverting to
the word blew, and comparing other forins of this kind such
as rliew, frost ; glcw, « brave ; » tew, «. thick, fat ; « llew, « a
lion, » and drew-i, « olere, fsetere, « in none of thèse does it
seem probable that ew is immediately, if at ail, derived from
au. Llew, Breton leon, is possibly borrowed from Latin and
not to be considered hère. Tew (Irish tiugh) probably stands
for tegu (for tigu), with which one should compare the
English « thick » German dick. Welsh rhew (Irish rco) pro-
bably = reu, for riu, which reminds one of the Gothic/nus;
the Celtic languages having hère lost an initial p as often hap-
pens. Similarly Welsh byw, Irish beo, strongly reminds of the
Gothic gvius, = vivus. The words glew and drew-i are of
obscure origin : however drew-i seems related to the Irish
drabh, « refuse, » drabhas, « dirt, nastiness. » So drew- may
stand for dram or drav, according as the word is to be refer-
red to the root dram or to dru, both meaning, « to run, to
drop or trickle : » see Curtius no. 275. The transition of
meaning would in this instance be aptly illustrated by his
dérivation of the Latin « tabès. »
cotntoou (gl. stemicamina). With stemicamina compare bellicamina,
stcmicaturas, pastricant, vigricatus, etc. It is probably derived
from Gzi\j.\).y. through a late Latin form stema. It appears that
stemicarc meant not only « to put on a garland » or « crown
with a chaplet » but to cover generally with any article of
dress, iov stcmicaturas is glossed vestimeiita. The Welsh is the
plural oïcom-to, from to, « a thatch or covering; » it stands
for stog from the Aryan root stag, to cover, whence aii-^cq,
The Luxemlwiirg folio. 369
and Latin toga. This is not the only instance of a becoming
0 before a guttural in Welsh ; compare nos, « night, » =
'nocs; noeth = *noct-; cyfoeth = *cumacî; convg (= Irish
curacli) « a coracle ; » treorgam aiready noticed ; and wyth,
« eight », = 'oith = "oct; also ômcobloent below.
entic fgl. pnsc£] is the modulated form in Welsh of antic from
the Latin antiquus : it is elsewhere unknown to me.
line 13. cepriou (gl. tignx) may possibly be cipriou; but the former 1
think préférable, at least judging from the modem gunated
form ceibr. I fancy the writer hère made a mistake in glossing
tigricz in the plural, for it strikes one as being the genitive
singular qualified by prises and standing for tigni. There is no
doubt as to the Welsh cezl?r^ which Davies explains as mea-
ning « Longurius. Arm. tignum. Angl. sparre. »
aciriminiou (gl. seratu) is the reading I am tempted to adopt of
what at first sight looks Uke aqriminiou, which would
analyse itself into aq (-- ac) riminiou, while the reading I hâve
preferred makes ac i riminiou. New ac = with ; i is the defi-
nite article, as in «w / rogedou », for ir; riminiou is the plural
of rimin, from a base rimini by assimilation for remin or ramin
as in milinon and guiltiatou. The word would now be rhcfin,
and ought to mean « a rope, a cord, or some means of binding
or fastening; » but as it is elsewhere unknown, we can only
consult allied forms, of which the first place is claimed by
rhefan'g, which Davies explains as follows : — « Funis. Est et
idem quod Gwden, et Tid ; » then he quotes : Nyddu pedair
gwialen, a gwneuthur pedair rhefawg i'w rwymo. Hist.
Caroli Magni. Ac a phedair rhefawg y rhwymid Olifer. Ibid.
To rhefawg we may add rhaff, « a rope, » and rheffyn, its dimi-
nutive. As to seratu it is of course from a verb serare « to
fasten or close, » whence the French serrer. On this point I
cannot do better than quote M. Brachet's account of the word
in his Dictionnaire étymologique de la langue française : —
Serrer, en italien serrare, du latin serare, fermer à clef, dans
Priscien, d'où le sens du verbe français dans la locution serrer
les grains, serrer son argent, serrer des hardes, et dans le dérivé
serrure, ce qui sert à serrer. Le latin serare, devenu serrare*
dans les textes latins du moyen-âge, prend le sens d'enchaîner,
d'où postérieurement le sens de lier fortement, de presser, de
serrer. On lit dans la Chron. Saxon, publ. dans Mabillon (t. 4,
570 Tke Luxembourg folio.
ann. p. 431) : Fratricidas autem et parricidas sive per
manutn et ventrem serratos de regno ejiciant.
To return to the Ms one may, I think, construe as follows : stemi-
camina cnm prisc£ tign£ seraiu « roofings with the faste-
ning of an old tigna. » Line 21 we hâve spiculat .i. insérât;
can spiculare raean to secure a house by fastening the door
with a « spiculum, » a spike, or any similar contrivance, or
are we to consider insérât to be a mistake for inferrat (from
ferrum) supposing that inferrare happens to hâve, sotne time or
other, existed in the sensé of « ironing, shooting or impahng? »
irebou (gl. îurmx) is the plural of /re^, now îref, a town, From
the Latin it would seem that treb had not yet lost its old mea-
ning of « tribe, » which probably came down from a time
when the tribe was more permanent than its abode. Of apiece
with this is Rhufain -- Romani, but always, as far as we can
go back, meaning « Roma. )> Treb is of the same origin as the
Latin tribus if not indeed borrowed from it^ which I am incli-
ned to think is the case.
caiou (gl. munimenta) is the plural of cai, now cae = 1) what
encloses, a hedge or wall; 2) what is thereby enclosed, a
field. With cae = cai compare aer = air noticed above. It
stands probably for cagi = German hag, Anglo-Saxon hegc,
English hedge, from the Aryan root kagh « umfassen^ umgùr-
ten.» See Fick's Worîerbuch^, s. v. The Welsh from the English
« quay » is cei which is a distinct word.
line 14. iolent (gl. pr£centur) is the subjunctive : the singular correspon-
ding to it now, ioled, is interesting as being nearly the only
kind of form which still retains the personal termination in the
third person singular. The infmitive would be ioli, with which
Stokes would compare Irish ilach, « psean. »
aarecer (gl. ciantï) stands of course for a arecer, where a is the
relative pronoun meaning who or which. This in fact was the
only ready way of rendering into Welsh the présent participle
of the Latin. It remains to explain arecer : it looks like a third
person singular of the passive, and taking it to be a translation
of the Latin I cannothelp thinking that it is a déponent form.
If so the termination -er is accounted for, then we hâve arec
to identify ; this I propose to do with arg in arglwydd (lord)
which Stokes compares (/r. Gl., p. 147) with the Irish airech,
« primus, anterior : » thus arglywydd -^ arg-lywydd, meaning
The Luxembourg folio. ^71
« first leader or commander, » and arecer would probably
mean « he has the first place, acts as commander in chief »
or perhaps « he incites or exhorts to battle ; « so ^ arecer
would be « qui cieat. »
line 1 5. ascorinol Tgl. ossilem) seems to be the correct reading of what
has hitherto been represented as ascrunol. The noun from
which ascorinol was formed must hâve been ascorin, which was
contracted into ascorn now ascwrn, « a bone. « The termina-
tion wrn is known in other modem Welsh words e. g. migwrn,
cogwrn, celwrn, talwrn, gwibwrn, hespwrn, etc. Asc-h the Welsh
form of the root which appears in cstéov and Skr. asthi, « a
bone. ))
nim (gl. seriem) shows the same irregularity of vowel as the
modem nifer (a number) both being derived from the Latin
numerus; may we suppose a provincial Latin form nimerus to
hâve been used in Britain .''
line 16. ol (g\. polie i) means in modem Welsh « a mark, impression, or
footmark. » Hère it means the mark made with the pollex,
or a ring worn on it, in signing documents. On pollex see
Ducange, who fmds that pollex is « idem quod sigillum « for
instance in the following quotation which he gives : —
« Locus appensionis sigilli tria lilia Gallica ex una parte, ex
alia impressione pollicis cancellarii prsefati principis. »
cormo (gl. emulamentij is in the margin and may possibly hâve
lost an u : if so it would be a plural cormou of 'corm ^= mid-
Welsh cwnvfoT cwryf, now cww, « béer ». Can emulamenti be
for ebullamenti? We thus arrive after a fashion at the idea of
fermented liquor of some kind or other, which seems to bethe
meaning oï cormou. Cwrw is masculine in Welsh, probably for
an old neuter ; for, though the modem Irish form cuirm, geni-
tive corma, is féminine, in old Irish it was neuter, as Stokes
tells me. So also are the forms recorded by Greek authors,
namely, -:; 7,;p;j,x and ts y.ojpjj.'.. The following are the steps
through which the Welsh word has successively gone : —
corm-, cofm, corom, corov, cwrwf, cwrw. I hâve no doubt Da-
vies is right in giving the plural of cwrw as cyrfau, though I
hâve never heard the word used in the plural : cyrfau tallies
perfectly with cormou, in which the evolved 0 of corom could
hâve had no footing as the m was immediately followed by a
vowel. Compare with corom the Irish pronunciation of orm as
572 The Luxembourg folio.
or"m, gorm as gor"m, etc. Even the Anglo-Irish are heard to
say stomm, forum, arum, etc. for storm,form, arm, etc. which
forms a western illustration for Benfey's dissertation on the
Skr. vowel ri in Or. u. Occ.
line 17. ancera (gl. lustram). The reading of the Latin may be lustrant,
but owingto a defect in the Ms it is hard to décide. Moreover
ancera is very obscure. I am inclined to treat it as standing
for ancerd, the stem of the d having faded and so giving the
word the appearance of endingina. Ancerd I identify with the
modem angerdd « aestus, « according to Davies. It is generally
associated with fire, and extensively used metaphorically for
the « brunt « of anything. To answer to this, one wants lustram
to mean « lustre « or « glare ». But I confess the words in ques-
tion baffle me entirely.
doguorenniam (gl. perfundo) looks at first sight as if it were doguo-
ren nam, whence I am inclined to think that the gap is owing
to a part of a letter having faded and that the above is the cor-
rect reading. According to Dr. Davies « rhennaid est genus
mensurae », and Le Gonidec gives renn « mesure pour les
grains, qui vaut à peu près deux boisseaux. 1) Further in the
Oxford extract « de mensuris et ponderibus » we fmd the words
— « in sextario .i. in héstdur mél .i. is xxx hâ guorennieu »;
hère I think « xxx hâ guorennieu « must mean ;< 50 plus an
excess or additlonal quantity. » If so, doguorenniam probably
means « I give over and above the bare measure, give in ex-
cess »; nor is there anything very improbable in the supposi-
tion that this is the meaning the writer attached to the Latin
perfundo.
line 18. hint {g\. peravia) may almost to a certainty be restored and
read as tre dihintion « per avia ». Hint hâs been equated with the
Gothic sinths, and hère it renders «via». Now it is oftener the
équivalent of « iter » than of « via » .
tirolion (gl. agrica) is the plural of tirol «relating to ?/r», land,
which is not to be identified with, or derived from, the Latin
terra : rather is it identical with the Skr, tiram, « shore or
bank»; compare tirio «to come to shore, to land ». Tir is now
masculine, but was probably once neuter like the Irish
tir.
line 19, douolouse (gl. dcpromis). De/jromere seems to hâve meant « to
sing»: see Diefenbach. The Welsh verb as it stands is now
The Luxembourg folio. 375
unknown, but the simple louse would now be lleisi, « thou
voicest, or wilt voice or sing ». The change of u into i has
already been noticed : louse became first leusi, then leisi.
line 20. cobrouol (gl. verbialia) is derived from cobrou, now cyfryw,
which now never takes the termination -ol though amrywiol
does. Cyfryw, is derived from rhyw, «a kind or species», and
cyfryw or cobrouol would mean «congeneric in the sensé of
being of the same kind or genus » or simply « such as», Latin
talis. The b in cobrouol stands for an m — com-rouol : compare
omcobloent, for om-com-loenî, whence it appears that before r
and /, m was particularly liable to be changed into b as in
Greek. As to the latin, verbialia = a taliâ-», the word seems to
be an anomalous formation from verbi, as used in the phrase
« verbi causa » or « verbi gratia » — thus in Cicero's Fat. 6.
12 : — si quis, verbi causa, oriente Canicula natus est. By the
way, I hâve not found out that the i in the word verbiage is
accounted for, Can it be that it is of the same origin as in
verbialia, and that the word originally signified a fault of style
arising from inserting too many particulars « verbi gratia » ?
omcobloent (gl. apocant). What appears as an accent over the 0
may hâve been a correction of the same, the corrections being
always written above the letters to be corrected. But imco-
bloent seems to me hardly admissible at the date of this Ms.
The Latin occurs several times and is in each instance, except
the présent one, glossed collocare. It was probably formed
from apothecare, thus apotcare, apoccare, apocare. The word
omcobloent reminds of the modem ymgyfleant, but phonetic
difficulties prevent their being identified. Analysing the word
we hâve ôm-cob-lo-ent, where om-cob- = om-com-, and -ent is
the termination of third person plural = -\jnti. Thus we hâve
left as the base of the verb lo; the latter stands for */og, which,
as may be seen from what was said under comtoou, probably
represents'/ag, for original "/ag/z, whence we hâve Xt/zq Xi/oç,
Gothic liga, lagja etc. From the same root also comes the
Welsh lie, «a place », Breton léac'h and leh. So, after ail,
ymgyfleant and omcobloent, though not identical, are very nearly
related. If thèse conjectures should turn out to be well-foun-
ded omcobloent ought to mean either «they place themselves»
or « they place around » according as ôm- is taken to hâve
the force of the y m- or the am- of modem Welsh.
374 The Luxembourg folio.
bud (gl. hrad'mm) is now hudd, « benefit or profit «. Bradium =
bravium = ^paSaTov ; the Welsh hud seems accordingly to
hâve meant especially the u prize of victory » and probably « vie-
tory» itself, as its derivative buddug means «victorious». Com-
pare Irish /^ua/rf,, «victory». The English words of the same
stock are hooty, to boot etc.
Une 21. dodocetic (gl. inlatam) is from the simplex docetic, now dygedig,
representing an unmodulated form duc-at-ic, which became
doc-at-ic, and doc-et-ic from the base duc. The latter means in
book-Welsh « to take with one, to conduct », but in the collo-
quial its ordinary meaning is « to take with one what is not
one's own, to steal », which reminds of the attempt to dérive
fur and (fwp from the root bhar, to bear. The base hère coin-
cides with that of the Latin dux, ducis, whereas the Latin duco,
Gothic îiuhan show gunation of the root-vowel ; this is also
the case in Welsh in the preterite of this verb, which is, for
example, in the 3rd person singular, dûg, old Welsh duc =
Gothic lauh, and stands for dudôca (for dudauca) to be compa-
red with the Skr. dudôha. It is seen that the final consonant
of the Skr. duh differs from that hitherto given in the Welsh
forms, but the nominal form which serves as infmitive for the
latter coincides with it in this particular ; the infmitive being
now dwyn probably for "dogn or *dogin. This by a common
substitution of b for g seems to hâve given use to a form *dobn
or "dobin, whence dyfn in the modem diddyfnu, « to wean »;
which forms perhaps the only réminiscence in Welsh of the
Sanskrit meaning oï duh, (c to milk, or draw out the juice of
anything», while the Irish has in common use deoch, «a drink»,
and diug-alm, « I drink ofï». No form corresponding to the Skr.
duhitar, Gr. Ouyx"'']? from this root is preserved in the Celtic
languages ; nevertheless I think they once had one, but got
to render it by a synonym from the root marg whence Latin
mulgeo, Gr. à-[j,opY-=Ç' ^nd English milk. This I trace in the
Welsh merch, « a girl or daughter », probably for *mcrcs
(= merg-s), in the same way as nos stands for "nocs, and to
be compared with the Lithuanian mergà, (O girl».
holeu (gl. çanori[çaJ) stands for holev, now hylef, <f of ready voice ».
A defect in the Ms occurs hère : it has been suggested that
canari should be read canoriça, which suits admirably. A little
to the left of the p of pica there stands a g which looks like
The Luxembourg folio. ?7 5
the remains of a gloss on pica. Of course the modem word for
a magpie namely piog suggests itself at once, but is inadmis-
sable; for it ought at the date of this Ms, to hâve ended in c
and not in g. However it puts one on the right track : now
piog looks like a derivative oï pi- : this is rendered certain by
the plural pi-od. In old Welsh pi would hâve been plg, which
seems more nearly related to the English pie (than to the
French pic, Latin picus) as both thèse having dropped their
guttural would lead one to suppose that that was a g rather
than a c. This plg then I présume to hâve been the gloss on
pica, canorica pica being rendered liolev plg.
page 3, line 17. lestnaued (gl. nausiam) stands for lestnaved, which may
be illustrated as to its meaning by comparison with llesmair, « a
swoon », for lest-mer. The former syllablehasalready beenex-
plained : mer means « a fluid », as in merllyn, « a pool of stagnant
water », dy-fer-u, « to drop », and dad-mer « to thaw ».
page 4, line 5. glas (gl. glaucum) has got into the line above glaucum
evidently through the carelessness of a transcriber.
Before laying aside my pen, I feel it my pleasant duty toacknowledge
the manifold assistance which Mr. Stokes has given me both in
reading and interpreting thèse glosses : I am indebted also to the Rev.
A. H. Sayce, Queen's Collège, and Mr. Bliss, the Bodleian, Oxford,
as well as to Mr. Bradshaw, the University Library, Cambridge.
John Rhys.
Jan. 5, 1872. Merton Collège. Oxford.
ATTODIAD I LYFRYDDIAETH Y CYMRY
(Supplément to the Cambrian Bibliography).
Since the publication of Llyfryddiaeîh y Cymry^ in 1869, several
books that escaped notice in that work, but printed during the period
embraced by it (i 546-1800), hâve corne to my knowledge. Thèse omis-
sions the following list is intended to supply. I shall, in the first place,
raake such additions to the published work as the présent materials at
my disposai will allow, and then I intend to offer some corrections of
the more important errors that hâve unavoidably crept into it.
To those that hâve not seen the Llyfryddlaeth it may be necessary to
State, that the plan adopted in that work is chronological, beginning
with the year 1 546, when the first book in the Welsh language was
issued from the press, and ending with the eighteenth century. Under
each year are registered.the works, including reprints as well as origi-
nal éditions, known to hâve appeared in the course of it ; and when
the date of publication is uncertain, they are entered as near the time
of their appearance as could be inferred from the évidence or probabi-
lity which they presented ; and to distinguish thèse articles from those
the date of which admits of no doubt, the mark ^ has been prefixed to
their titles. In this supplément the chronological order has necessarily
been abandoned, and the articles will be found promiscuously entered ;
but at the end a table of référence to the works printed in each year will
be given.
To draw up a correct and .complète list of Welsh books for any given
period is by no means an easy task, and the further we go back from
the présent time, the difficulty proportionally increases. No library, either
public or private, in which even a tolerably complète collection of Welsh
books is deposited, anywhere exists. The library of the British Muséum
is extremely defective in early and comparatively early works in the
I. See an account of that work in the foregoing number, p. 281.
Aîlodiad i Lyfryddiaeth y Cymry. 377
Welsh language ; and the collection in the Bodleian at Oxford is still
more meagre. St. David's Collège, Lampeter, an institution which ought
to identify itself with everything that is national, possesses by far the
largest library in the Principality; but the number of Welsh books which
it contains is very small, and those few are neither rare nor of any par-
ticular value. Few private libraries are rich in this kind of literature,
and, with a few exceptions, the peasant's cot rewards the researches of
the bibliographer better than the nobleman's mansion. A Cambrian Mu-
séum, in which, among other things, ail the books in the Welsh tongue
might be deposited, is a great desideratum.
D. Silvan Evans.
1. Y Drych Christianogawl, yn yr hwn y dichon pob Christion gan-
fod gwreiddin a dechreuad pob daioni sprydawl, sef, gwybod modd i
wasanaethu Duw, drwy ei garu a'i ofni yn fwy na dim, ag i daflu ymaith
beth bynnag ar afo rwystr i hynny. Y Rhan gyntaf yn péri gwasanaethu
Duw drwy ei garu.
Rhotomagi apud haeredes Jathroi Faronis. 1 58$. 8vo. Pages xii-71.
A portion of the title will be found in Ll. y C. (under the year 1 584, 2),
but without any particulars. It is the work of Dr. Grufïydd Roberts, the
Welsh grammarian, and was published, apparently after his death, by Dr. Roger
Smith, who has prefixed to it a prefatory epistle to the Cymry. It is particu-
larly worthy of notice as being one of the few Welsh books printed on the Con-
tinent, and the only one yet known to hâve been executed at Rouen. The only
existing copy known to me is the one in the possession of the Rev. John Peter, of
Bala, which is imperfect, the title and introductory portion of the work being
suppHed in manuscript ; and it is to this gentleman I am indebted for a descrip-
tion of it. This is the first part ; but whether a second part ever appeared, is
at présent unknown. See Traethodydd for January, 1872, p. 90.
2. Hanes y Ffydd er Dechreuad y Byd hyd yr oes hon. 1666. 4to.
pp. 89.
This is undoubtedly the first édition of Hanes y Ffydd Ddifîuant by Charles
Edwards (Ll. y C. 1671, 1). It contains only the first part of that work.
The date is taken from the préface, the titlepage of the copy inspected being
wanting, as is too often the case with old Welsh books.
3. Testament Newydd ein Harglwydd a'n hiachawdr lesu Grist.
London. Printed by M. S. for John Allen at the Sun-rising in St.
Pauls Churchyard. 1654. i2mo. pp. 820, 134=954.
It contains the metrical Psalms as well as the New Testament.
4. Bwyd Enaid : sef Llyfr bychan yn bedair Rhan. Rhan I. Am Dduw
a'i Ddaioni iDdynol-ryw. Rhan II. Am Ddyled Dyn tuag at Dduw, a'r
îyS Attodiad i Lyfryddiaeth y Cymry.
Pechodau gwrthwyneb. Rhan III. Am Ddyled Dyn iddo i hun ai Gym-
mydog. Rhan IV. Am y pedwar peth diweddaf.
Preintiedig gan N. Thomas. 8vo. pp. 62 [1723].
No place or date is given ; but Nicholas Thomas printed ar Carmarthen. The
author was the Rev. David Lewis, vicar of Llangatwg, Glamorganshire, from
which place the metrical préface is dated « Tachwedd 18. 1723 » (See Ll. y C.
1710, I ; 1725, 2). It is ail, excepting a few pages at the end, in popular verse;
and the paper is remarkable for its inferior quality.
5. Yr Angenrheidrwydd 0 gredu Gwobryon a Chospedigaethau y
Byd arall tu ag at fod yn wir Grefyddol. Wedi ei gasglu allan 0 waith
Joan Scot D. D. a^i Gymreigio gan Joshua Thomas Ficcer Merthyr
Cynog yn Sir Frycheiniog.
Argraphwyd gan Tho. Durston Gwerthwr Llyfrau yn y Mwythig 1743.
i2mo. pp. 2, iv, 62 = 68.
For notices of the author and the translater, see Ll. y C. 1752. 6; 1753, 10.
6. Egwyddorion Difmyddiaeth, fu'n cael eu pregethu a'u credu, gan
Ddisgyblion Crist gynt yn Bethania. Gan Morris Griffiths, gerllaw
Hwlffordd.
Caerfyrddin, Argraphwyd gan I. Daniel. 1789. i2mo. pp. 24.
The work of a Baptist minister, forming a sort of confession of faith. Every
subject ends with a verse or stanza, and three hymns will be found at the
conclusion.
7. Hymnau a Chaniadau newyddion, ar amrywiol Fesurau. Gan loan
Ifan , 0 Blwyf Manarowan, in sir Benfro.
Caerfyrddin, Argraphwyd gan loan Daniel, yn Heol y Brenin. 1790.
i2mo. pp. 12.
8. Rhai Hymnau ac Odlau Ysprydol ar amryw Ystyriaethau, ynghyd
â Marwnadau 0 Goffadwriaeth rhai Brodyr Ffyddlawn a ymadawsant ar
Bywyd hwn. Gan Peter Williams.
Argraphwyd yng Nghaerfyrddin, gan Evan Powell, yn Heol y Prior.
1759. 12 mo. pp. 24.
9. Ymddiddau rhwng Ffidelius, Philosophus, a Dr. Theologus, yng
nghylch, i. Athrawiaeth y Drindod ; 2. Am yr Enaid; 2. Am Ddiodde-
faint Crist ; 4. Am nodau ysgrythurol 0 Ras.
[Caerfyrddin, 1778.]
The title of the copy consulted was wanting ; but it was evidently printed
ar Carmarthen; and the date, as appears from p. 40, is 1778. No author's
name is given.
10. Llawlyfr y Llafurwr, yn ei hyfTorddio pa fôdd i wneud y goreu 0
amrafael weithredoedd e'i Alwedigaeth a'r Pethau cynnefinaf sy'n digwydd
Attodiad i Lyfryddiaeth y Cymry. 379
yn ei Fywyd, tuag at ogoniant Duw, a lleshaad ei Enaid ei hun. A
'sgrifenwyd yn Saesonaeg gan Weinidog yn y Wlâd er daioni i'w blwy-
folion : ag a gyfieithwyd er mwyn y Cymru.
Argraphwyd yn Nulun yn y Flwyddyn, 1747. i2mo. pp. 48.
It appears to be the same work as No. 1 0, under 1 7 1 1 , in L/. y C. , the trans-
later of which was the Rev. Moses Williams. Dulun, properly Dulyn, is the
Welsh form of Dublin, where the book was printed.
I I. Cydwybod y Cyfaill gorau ary Ddaear... In Saesoneg gan Henry
Stubbs, wedi ei gyfieilhu gan Theophilus Evans.
Amwythig, Argraphwyd gan John Rogers, tros Theophilus Evans a
Siôn Rhisiart. 171 $.
The first of the many publications of the fascinating author of Drych y Prif
Oesoedd, thefirst édition of which appeared the year following (1716).
1 2. Y Rhan Gyntaf ar Ail Rhan o Hanes y Disgibl Sanctedd hwnnw a
gladdodd Gorph yn lachawdwr Crist. I Bris iV Dwy Geiniog.
Argraphwyd yn y Mwythig, gan StafFord Prys, tros Lewis Jones,
1760.
1 5. Allwedd Newydd, neu Ffordd Hawdd ac Esmwyth i Bobl ieuaingc
ddysgu Darllen Cymraeg...
Caerfyrddin : Argraphwyd gan I. Daniel. Pris chwe'cheiniog. [1799].
No date ; the first édition may hâve appeared a year or two earlier ; the
fourth came out in 1804.
14. Eisteddfod Corwen, Mai 12, 1789, pp. 12.
Without place or printer's name. It contains poetical effusions by Jonathan
Hughes, Walter Davies (GwallUr Mechain), Thomas Edwards (Twm o'r Nant),
and others. See Gtfaith Grvallter Mechain, i. 228.
1 5. Galarnad ar Farwolaeth Elinor Roberts 0 blwyf Llansannan yn
sir Ddinbych^ a ymadawodd a'r bywyd hwn y chweched dydd ar hugain
0 Chwefror, 177^ Ynghyd ag ychydig Hymnau, etc.
Trefecca: Argraflfwyd dros Edward Parry, 1774. PP- '2.
16. Blodeuog Waith y Prydyddion Brytannaidd. O Gasgliad Methu-
salem Davies.
Machynlleth : Argraphwyd gan Titus Evans, 1791. pp. 36,
A différent work from No. 8, under 1710 in L/. ) C, but the title was evidently
borrowed from it.
17. Crynodeb 0 Egwyddorion Crefydd : neu Gatecism Byrr i Blant,
ac Eraill, i'w Ddysgu. Ail Argraffiad. Gan y Parchedig T. Charles,
A. B.
Ngwrecsam : Argraphwyd gan R. Marsh. 1791. i2mo. pp. 96.
See Ll. \ C. 1789, 1.
26
^So Atlodiad i Lyfryddiacth y Cymry.
i8. Traethawd, yn Dair Rhan. Rhan I. Am Ffydd; II. Am Ufudd-dod
a Gweithredoedd Da ; III. Am Ras.
The copy inspected being imperfect, the full title cannot be given, and the
exact date could not be ascertained; but it appears to hâve been published after
Amddiffyniad o'r Eglwys Gristionogol by the same author, which appeared in
1780. A second édition, under the auspices of the Society for Promoting Chris-
tian Knowledge and Church Union in the Diocèse of St. David's was published
at Carmarthen in 1822.
The author, the Rev. Howel Howel, who died in 1793, aged 86, was a
native of the parish of Abernant, near Carmarthen, where he was born in 1707,
and was descended from the Rev. Thomas Howell (father ot the author of Epis-
tolae Ho-Elianae), at one time vicar of that parish. Before he obtained the
vicarage of Llanbeudy, in Carmarthenshire, which he held until his death, he
was either vicar or curate of Cilcennin in Cardiganshire.
19. Annerch ir Cymru iw galw oddiwrth y llawer 0 bethau, ar yr un
peth angenrheidiol er mwyn cadwedigaeth eu heneidiau. Yn enwedig
at y tlodion annysgedig, sef y crefTtwyr^ Uafurwyr a bugeiliaid, y rhai
0 isel radd, o'm cyffelyb fy hunan. Hyn er eich cyfarwyddo i adna-
bod Duw a Christ (yr hyn yw bywyd tragwyddol) yr hwn sydd yn
Dduw unig ddoeth, a dysgu ganddo ef, y deloch yn ddoethach nach
athrawon. 0 Waith Ellis Pugh.
Argraphwyd yn Philadelphia yn y flwyddyn 1721, gan Andrew Brad-
ford. 8vo. pp. III.
This was the first édition of this work, as well as the first Welsh book ever
printed m America. A copy is in the Philadelphia Library. See LI. y C. 1782,
5 ; 1727, 10; and Bancr America for February 9, 1870.
The work was translated into English by Rowland Eliis and David Lloyd,
and printed at Philadelphia in 1727; and a 2^ édition of the Welsh original ap-
peared in London in 1782, i2mo, of which a new édition was published at the
same place in 1801, i6mo.
The author, a Quaker, was a native of the parish of Dolgellau^ North Wales,
where he was born in 1656, and died in Pennsylvania in 1718, three years be-
fore the appearance of the American édition of the book.
20. Y Rhybuddiwr Christnogawl. Yn cynnwys Annogaeth Ddifrifol i
i Fuchedd Sanctaidd...
Argraphedig yn Llundain ganJ. R. i S. Manship, tan Lun y Llong,
yn'r Heol a elwir (Yd-fryn) Cornhill, yn agos i'r (Cyfnewidty Brenhin-
awl) Royal Exchange. 1699. Yr ail Argraphiad yn Gymraeg. i2mo.
See Ll. yC. 1689, 1.
21. Dwy Gerdd Dduwiol, er Lleshad i bob Christion. Sef, y Gyntaf,
Erfyniadau neu Ddwyfol Ddeisyfiadau am Ras a Gwellhad Buchedd. Ar
Attodiad i Lyfryddiacth y Cymry. 381
Ail, Annogaeth i wir Edifeirwch, ac Ymroad Ddifrifol i droi oddiwrlh
ein Pechodau a'n Hanwireddau. 0 Wneuthuriad Thomas Dafydd 0
blwy Meifod yn Sir Drefaldwyn. — Argraphwydyn y Mwylhiggan Tho.
Durston, tros Thomas Owen yn y Flwyddyn 17 14. pp. 8.
22. Cyffes Ymadrodd neu Eiriau diweddaf Robert Owen 0 Blwyf
Lianrwst yn Sir Ddinbych ; yr hwn a ddioddefodd yn haeddedigol ar y
Pren Dioddef yn yr hen Waun neu'r Old Heath, yn ymyl y Mwythig ar
y 17 dydd 0 Ebrill 17 17. pp. 8.
The author and printer's name is thus given at the end : « 0 Wneuthuriad
ac Argraphiad John Rhydderch yn y Mwythig, ac ar werth ynghyd ac amryw
Faledi Cymraeg a Saesnaeg. »
25. Llyfr Carolau a Dyriau Duwiol yn cynnwys Casgliad helaethach
nag y sy'n yr argraphiadau eraill 0 Oreuon Gwaith y Prydyddion gorau
Ynghymru yn y ffordd honno 0 Gerddwaith. At ba un y Chwanegwyd
yr Ail Rhann yr hon na fu erioed or blaen yn argraphedig. Y Pedwer-
ydd Argraphiad.
Argraphwyd yn y Mwythig gan T. Durston. 1729. 12 mo. pp. 432.
This, it will be seen, is stated to be \.he fourth édition, while that of 1745
is calied the fourth also. The first édition was edited by Ffoulke Owens, and
printed at Oxford in 1686, 8vo ; the second by Thomas Jones in 1696; and
the third by Durston at Shrewsbury in 1720. This must therefore be the fourth
édition, and the so-called fourth édition of 1745 must be the fifth. See Ll. y C.
under thèse years.
24. ProphydoHaeth Nixon wedi ei chyfansoddi ar fesur cerdd gan Jo-
seph John.
No date. Anthony Nixon's Cheshire Prophecy, of which this is a translation,
appeared first in 1719, and has been frequently reprinted.
25. Hanes 0 Fywyd a Marwolaeth ludas Iscariot.
Argraphwyd yn y Mwythig gan Thos. Durston. pp. 24. No date.
26. Dull y Briodas Ysbrydol rhwng Mab y Brenhin Alpha a Merch yr
hên Amoriad yn Nyffryn Trueni Ysbrydol.
Argraphwyd Ynghaerlleon gan T. Huxley dros Petr Morris. 1770.
27. Cydymmaith i'r Allor, yn dangos Natur ac Angenrheidrwydd 0
ymbaratoi i'r Sacrament mewn Trefn i dderbyn yn deilwng y Cymmun
Sanctaidd. Ym mha un y profir fod yr holl ofn a'r Arswyd (ynghylch
Bwytta ac yfed yn annheilwng, ac i fod yn Euog 0 Ddamnedigaeth i ni
ein hunain wrth hynny) yn ddi-sail ; ac yn anwarantedig. At yr hyn
Chwanegwyd Gweddiau a Myfyrdodau, i Ymbarattoi i dderbyn y Sacra-
ment, fel y mae Eglwys Loegr yn gofyn gan ei Chymmunwyr... Gwedi
ei Gyfieithu ir Gymraeg, gan L. E.
382 Atîodiad i Lyfryddiaetli y Cymry.
Argraphwyd in y Mwythig, gan Stafford Pryse. 1774. i2mo. pp.
74-
Several éditions of this work are registered in Ll. y C, but none bearing this
date. The date hère given is unmistakable, but the number of the édition is not
stated. The préface to the work is signed by W. V.
28. Dioddefiadau y Byddinoedd Brutanaidd yn y Dychweliad trwy
Holland yn y Blynyddoedd 1794 a 1795.
Croesoswallt : Argraphwyd gan W, Edwards. 1796. i2mo. pp. 14.
29. Canwyll Crist, etc.
Caerlleon, ArgraflFwyd gan loân Harfie ynagosi'r ty Marchnad. 1767.
i2mo. pp. 8.
30. Barnedigaethau Ofnadwy Duw ar Blant Creulawn... Wedi ei
gyfieithu i'r Cymry Gan Ifan Thomas argrafïydd.
Mwythig argraflfwyd gan W. Williams tros Lewis Jones. 1766. i2mo.
pp. 8.
It must be the first édition of No. 12, 1767, in Ll. y C, though the latter
is not stated to be a second édition.
31. Gwaedd yng Nghymru, yn Wyneb pob Cydwybod. Gan Morgan
Lloyd, 0 Wynedd. At yr hyn y rhag-chwanegwyd, ei Lythyr i'r
Cymru cariadus. Ynghyd a Hanes ei Fywyd Ysbrydol, a sgrifennwyd
ganlho ei hun... Yr Ail Argraphiad.
Caerfyrddin^ Argraphwyd gan J. Ross, yn Heol-Awst, 1767. i2mo.
PP- 36.
This is called the second édition, but it must be the second of the impres-
sions issued by Ross, as there are no less than four previous éditions recorded
in Ll. y C, the first édition, according tothatwork, having appeared in 1653.
We hâve the author's own statement that the 'Llythyr' which forms part of this
édition was the first production which he committed to the press.
32. Canwyll y Cymru: sef, Gwaith Mr. Rees Pritchard, gynt
Ficcer Llanddyfri, a brintiwyd o'r blaen yn bedair rhan, wedi ei cyssylltu
oll ynghyd yn un Llyfr. — The Divine Poems of Mr. Rees Pritchard,
sometimes Vicar of Landoverey in Carmarthenshire.
London, Printed by J. Moxon and B. Beardwell for D. Jones, in the
year 1696. i2mo.
This may be the fourth édition, but it is not stated that such is the case.
33. Hymnau Duwiol.
Mwythig, 1740. i2mo.
34. Pregeth George Whitfield ar yr Enedigaeth Newydd.
Bristol, 1739.
35. Amsera Diwedd Amser;yn Ddau Draethawd : Y cyntaf ynghylch
Attodiad i Lyfryddiaetli y Cymry. 585
Prynnu'r Amser: Yr ail ynghylch ystyried ein Diwedd. AOsodwyd allan
gyntaf yn Saesonaeg gan John Fox. Ac a gyfieithwyd yr awrhon i'r
Gymraeg er daioni i'r Cymru... Argraphwyd yn y Flwyddyn 1724.
Place not given. If, as the author of Ll. y C. supposes, two éditions of this
work appeared in 1707, this must be the third impression, and that of 1784 the
fourth ; but to me it appears that the two éditions recorded under 1707 are
identical, and this must be regarded as the second. The translater was the
Rev. Samuel Williams, though the name does not appear on this title
page.
]6. Canwyli y Cymry : sef Gwaith Mr. Rees Prichard gynt Ficcer
Llanddyfri , wedi ei argraphu ynghyd yn chwe rhan yn fwy cyf. . , a heiaeth-
ach nag un argraphiad a fu allan erioed o'r blaen, a chwedi ei fanwl
chwilio ai ddiwygio'n ofalus 0 amryw feiau a changymmeriadau anafus
gan John Rhydderch. The Divine Poemsof Mr. Rees Prichard sometime
Vicar of Llandovery in Carmarthenshire. Seithfed Argraphiad gyda
ychwanegiad helaeth.
Argraphwyd yn y Mwythig gan Thomas Durston, lie y gellir càel
printio pob math a'r gopiau am bris gweddaidd a chael ar werth amryw
lyfrau Cymràeg a Saesnaeg.
Like many of the books printed by Durston, it has no date ; but from the
tact that it contains six parts, while the édition of 1724, which is dated, has
but fivc, we may reasonably conclude that it appeared some time later than that
impression. Différent editors were not always careful to enumerate their éditions.
The édition printed by Durston in 1714 is called the fifth.
37. Canwyli y Cymry; sef Gwaith Mr. Rees Prichard gynt Ficar
Llanddyfri, yn bum rhan. The Divine Poems of Mr. Rees Prichard
sometime Vicar of Llandovery in Carmarthenshire.
Argraphwyd yn y Mwythig gan John Rogers. 1724. i2mo.
What édition this was, is not stated.
58. The Morning Star: or the Divine Poems of Mr. Rees Prichard,
sometime Vicar of Llandovery in Carmarthenshire, transtated into English
verse.
London, Printed and sold by J. Johnson, Whitechapel Road Side,
J. Pridden, Bookseller, Fleet Street, and T. Baldwin, Paternoster Row.
1785.
Apparently a reprint of W. Evans's translation of this popular work. See Ll.
)C. 1771, 14.
59. Ban wedy i dynny air yngair a\\à 0 hen gyfreith Howel da\ vap
* For want of proper type, the Anglo-Saxon barred d, used in this title, has been
represented by d.
^84 Attodiad i Lyfryddiaeth y Cymr\.
Cadell brenhin Cymbry, ynghylch chwechant mlynerf aeth heibio wrth
yr hwn van y gellir ^eall bot yr ofFeiriait y pryd hynny yn priodi gwrage./
yn ^ichwith ac yn kyttal ac wynt in gyfreithlawn.
A Certaine Case Extracte out of the auncient Law of Hoel da, kyng
of Wales in the yere of oure Lorde, nyne hundred and fourtene passed :
whereby it maye gathered that priestes had lawfully maried wyues al
that tyme.
I. Cor. vii.
It is better to mary, than to burne.
S. Ambrosse.
The consent of the wyll, is thys burning
...Was owner of Llantathun.
There is no imprint on the title page, but the colophon is as follows: 'Impriii-
ted at London by Roberte Crowley, dwellyng in Elye rentes in Holburne. Thr
yere of our Lord. M. D. L.
Cum priuilegio ad iinpriinendum solum.'
This is a small quarto of four unpaged leaves, the back of the titie being blank.
The author was William Salesbury, and the tract appears to hâve formed an
appendix to « The Baterie of the Popes Botereulx » (L/. y C. 1550,2, note) whicli
appeared the saine year, and from the same press. In my copy the first two or
three words of the last line of the title are illegible, a defect apparently caused
by the paper not having taken the impression. The work, excepting the extracts,
is written in English, and is ail in black letter.
40. Y Gwirioneddyn Diane 0 Law Trais. Hefyd Breuddwyd Hynod.
Llundain, argrafïedig gan S. Rousseau, Heol y Coed, Ffynon Feusydd,
ac ar werth gan J. — R. 60 Paternoster Row, Gwerth Ceiniog. i2mo.
8 pages.
41. Histori'r Geiniogwerth Synnwyr Ar Ddull Enter Lute neu hancs
Marchiant mawr yn Lloeger a hoffodd Butain 0 flaen ei wraig; ag fel y
Cafodd ei Droeadigaith drwy ryfeddol Ragluniaeth Duw. Ar yr hynn y
chwanegir, ychydig 0 gwrs y Byd Presennol, ynghylch mesur y tiroedd,
a Dyblu Rhenti yn amryw fannau; Gyda chydig ddiddanwch perthynasol
i'r fath waith. 0 Gyfansoddiad Hugh Jones Llangwm. Pris Chwech ei-
niog. — Argraphwyd yn Ngwrecsam gan R. Marsh, Gwerthwr Llyfrau.
No date.
42. Y Rhan gyntaf 0 Gatecismau a Gweddiau, neu Grefydd Plant
Bach Saith neu Wyth Mlwydd Oed. Gan I. Watts, D. D.
Argraphwyd yn Llundain, 1747. 8vo.
45. Liais j Durtur : Sef Gwahoddiad Grasol Crist ar Bechaduriaid...
Gan y Parchedig Mr. D. Rowland, Gweinidog yn Efengyl yn
Llangeitho.
Attodiad i Lxfryddiaeth v Cymr\. 585
Argraphedig yn Llundain gan W. Roberts ac ar werth Ynghymru gan
D. Jones 0 Drefryw; a W. Thomas dan lun y Fuwch Goch, Cowlane yn
agos i Smithfield. 1764. (Pris Dwy geiniog). i2mo. pp. 1$.
A reprint of No. 1 5, 1762, in Ll. y C.
44. Porth neu Ddechreuad Christianogaeth.
i2mo. pp. 62.
4'). Pererindod : Sef Hanes y Parchedig Mr. J. Hart, Gweinidog yr
Efengyl yn Llundain. Wedi ei 'Scrifennu a'i Law ei hun yn Saes'naeg,
mewn Rhagymadrodd yw Lyfr Hymnau... Ynghyd a rhai Hymnau (gan
mwyaf ar Destynau yr Awdwr). Gan J. Thomas.
Caerlleon : Argraphwyd gan loan Harfie, tros J. Thomas. 1767.
46. Llythyr oddiwrth Gymmanfa 0 Weinidogion a gyfarfu yn yr Allt-
wen, yn Sir Forganwg ar y dydd cyntaf a'r ail 0 Fehefm yn Flwyddyn
1779, 2t eu hamryw Eglwysydd. Caerfyrddin, argraphwyd gan J. Ross.
47. Hymnau ; neu Ganiadau er mawl a gogoniant i Dduw. Gwasa-
naethwch, etc. Salm. c. 2. Gan lefaru, etc. Eph. v. 19. N. B. Fod
Gair-lyfr, Yscrythyrawl, (yn cael ei ddwyn ymlaen, yw Argraphu, os
bydd gofyniad Cyffredin amdanynt.) Yn Cynnwys, amryw arwyddoccad
y Geiriau mwya caled, yn y Bibl. Sef Swyddau, enwau Dynion, Gwra-
gedd^ Gwledydd, Dinasoedd, Afonydd. A Naturiaetheu, Bwystfilod^
Adar, Pyscod, Coed, Planhigion, Ffrwythau, Hadau, Cerrig, etc.
Dublin : Argraphwyd gan S. Powell. 1764.
In this awkward way the saine page is made to serve the purpose of a title for
one bock and an advertisement for another, and is, in both cases very inaccura-
tely printed. Tfie author, whose name the title does net bear, was John Robert
Lewis, of whom a notice will be found in Ll. y C. under 1760, 13.
48. Amdo i Babyddiaeth.
Llundain, 1672, Svo.
See Moses Williams, Cofrestr, N» 1 5.
49. Hyfïorddiadau i Ymddygiad Defosiynol a Gweddus yng Nghy-
hoeddus Wasanaeth Duw; yn fwy enwedigol yr Arferiad o'r Weddi Gyfï-
redin a appwyntiwyd gan Eglwys Loegr.
Llundain : Printiwyd gan Tomas Bascett, Printiwr i Ardderchoccaf
Fawrhydi'r Brenin ; a chan Wrthddrychiaid Rhobert Bascett. 1752.
Svo. pp. 8.
Generally prefixed to the Cymmrodorion illustrated édition of the Prayer
Book which bears date 1755 and 1770. The editor was Richard Morris, who
also s'jperintended two éditions of the Welsh Bible (1746, 1752).
^0. Tair 0 Gerddi Newyddion. Yn gyntaf. Cerdd yn Gosod allan
mor Rhyfeddol iw Gweilhreddoedd Duw yn mhob ces, ag yn Rhoddi
j86 Attodiad i Lyfryddiaeth y Cymry.
Hanes am y Ddraenen wen a Flodeuodd yngwlad... hen Ddydd nadolig.
17 j 3. Dechre ar Gwel yr Adeilad. Yn Ail. Cerdd er Addysg i ni
am Styried... yn ddifrifol am ddydd y farn... ymddangos ger bron
Brawdie... hyn a wnaethom... Drwg. Iw chanu ar Loath to départ...
Yn Drydydd. Cerdd 0 Gynghorion i Ifiengtyd i Beidio Gwneuthyr...
a dysgu Gwneuthyr daioni iw chanu ar Ddiniweidrwydd.
Argraffwyd ynghaerlleon gan E. Adams, 1753.
The title slightly impertect. The author was Ellis Roberts ihe poetaster. Svr
LI. y. C. 1774, 16 ; and Traethodydd for January, 1872, p. 103.
51. Dwy 0 Gerddi. Y Gyntaf... farwnad am yr anrhydeddus
Williams Wynn, ar ffarwel Ned Puw. Yr ail... yn y Gerddi chwi gewch
Gyflawn Eglurhâd am Ddrygioni Dyn a Gwrthie Duw 1754, ar Loath
to Départ y ffordd fyraf. Emyn yn dangos mawr Drugareddau Duw yw
etholedigion. Tri 0 Englynion i Mr. Howel Lewis meddig 0 Lundain, ail
Mâb William Lewis, Esq. 0 Trosglwyn yn amlwch ym mon.
Argraphwyd yn y Mwythig tros Tho. Roberts.
No date ; but it appears to hâve been printed in 1754. The name of Ev.m
Davies is subscribed to one of the « Gerddi », and that of Hu. Evens to tin
« Emyn » and « Englynion n. The title, as will be seen, is slightly injured.
52. Yn Gyntaf, CyfFes ar i glafwelu un Dafydd Evans prydydd 0
lanfair caereinion 'n Sir drafaldwyn iw canu ar fesyr Gwel 'r Adailiad.
Yn Ail. Gynghorion i ferched ifaingc iw canu ar farwnad Bwngc. ^n
drydydd. Addyned a fïurpas pechadyr gwedi bod yn agos i Ange ond
gwedi cael i Spario gen dduw yng hyd a chyngor i erill i gofio duw
rnewn iechid canu ar gwel ar adailiad.
Argraphwyd [cetera desunt].
The production of Jonathan Hughes, of LIangollen, who was horn in 1721.
and died in 1805. Cp. Ll. y. C. 1778, i.
53. Tymhorol Newyddion, or Wybren neu Almanac Newydd,
Am y Flwyddyn er Creadigaeth y Byd 571 $
Oedran ein Harglwydd 1766
Er diwigiad y Calendar 14
Tyrnasiad B. George III 6
Gwedi Blwyddyn naid 2
Argraphiad y llyfr hwn i
Yn cynwys Calendar cyflawn or deuddeg Mis y Flwyddyn, Dechreuad
y Pedwar Tymhor, Codiad, Machludiad aThremiadau'r Haul, y Lleuad,
ar Planedau, Hanes Termau Cyfraith yn Llundain, a Chymru, Termau
Ysgolheigaidd Rhydychen, a Chambridge, gida nifer ô Dablau, Chroni-
clau, gwaith Beirdd, a Chôf-restrau , na fu erioed yn breintiedig or
Atiodiad i Lyfryddiaeth y Cymry. 587
blaen yn y Jaith Gymraeg, a Uawer 0 bethau eraill cymwysol a chyfeus
iw Gwybod ai deall, nad ellir moi pennodi yma. Gwaith gwael Philo-
math Gwilim Hywel .
Argraphwyd yn y Mwythig, ag ar werth gan J. Eddowes, Preintiwr,
a gwerthwr Llyfrau, ag ar werth hefyd Yngwrecsam, gan R. Marsh;
yn Llangyniw, gan H. Rogers ; yn Caio gan M. Jones ; yn y Bala, gan
R. Edwards; yn Dolgelleu, gan W. Hughes; yn Corwen, gan R.
Evans ag Ev. Jones; yn Rhuthin, gan E. Evans a P. Edwards; yn
Llangollen, gan R. Parry ; yn Abergavenny, gan B. Rogers ; yn
Abertawy, gan M. Bevan; yn Aberhonddu, gan D. Jones a T. Llewelin;
vn Llanfawr yml y Bala_, gan R. Rynallt; yn Pwllheli, gan R. Williams;
vn Llanidloes, gan \V. Howell, E. Parry, a R. Evans; yn Aberystwyth,
gan G. Lloyd; yn Machynlleth, gan W. Jones, L. Rowlands, H.
Hughes, ag El. Herbert ; yn Oswestry, gan S. Hotchkis ; yn Caer-
fyrddin, gan Mr. Williams, a Mrs. Taylor ; yn Llangeitho, gan D.
Jones; yn Llangadog gan... Charles; agyn Llandeilo, gan Walter
John. 'Pris 8^.) 8vo. pp. 48.
The first Welsh almanac is stated to hâve been published in the year 1680
by Thomas Jones, the compiler of the small Welsh-English Dictionary which
appeared in London in 1688 ; and I believe they hâve been continued without
interruption to the présent time, though few of them hâve ever been noticed by
bibliographers.
As far as I bave beenable to ascertain^ Thomas Jones's successors, tothe end
of the i8th century, were the following : John Jones, of Ty'n y Caeau, near
Wrexham ; Evan Davies, of Manafon, Montgomeryshire ; John Rhydderch, the
Shrewsbury printer ; John Prys, of LIandegla, in Denbighshire; John Edwards,
of Glyn Ceiriog, in the same county ; William Howel ; John Gain Jones ;
John Robert Lewis, of Holyhead ; John Harris, of Cydweli; and Matthew Wil-
liams, of Llandeilo. Prys published almanacs annually for about forty years, and
J. R. Lewis for forty-four.
The almanac hère recorded is the first of a séries of ten, which, during so
many years, were published by Gwilym Hywel, or William Howel, a native of
the parish of LIangurig, near Llanidloes, in Montgomeryshire, who was born
in 1705, and died at Llanidloes in 1775, the year in which the last of his an-
nuals appeared.
The almanacs of W. Howel, like the rest of those which were published in
the last and preceding century, being very scarce, I hâve given, for this year,
the e.xtremely long title, imprint and ail, in full; but for the remaining years,
for brevity's sake, the leading words of each title must suffice. Excepting the
dates and the mottoes, the différence between them is very immaterial.
As has been appropriately observée), the old Welsh almanacs of the seven-
teeth and eighteenth centuries may be regarded as the precursors of the monthly
^88 Attodiad i Lyfryddiaeth y Cymry.
magazines and other periodicals now so plentifui in the Welsh language, and
were a kind of médium for the literary intercommunication of those days,
being conducted and compiied by men of considérable literary pretensions*.
Hence we find in them many things which could hardly be expected in
publications of the class to which they belong. In addition to the usual infor-
mation found in almanacs, each of them contains a certain amount of matter
strictly literary, sometimes in prose, but more generally in verse, and some ot
thèse possess no small merit.
The sfaple articles of this kind will be found to consist of popular songs and
Christmas carols ; but occasionally they contain aiso some of the superior pro-
ductions of a preceding âge.
Their principal literary articles will be noticed under each year as weproceed.
In this year's issue we hâve only « Carol Nadolig », and a few « Englynion »,
both apparently by the Editor.
54. Tymmhorol-, ag wybrenol Newyddion, neu Almanac Newydd am
y Flwyddyn... 0 Oedran ein Harglwydd 1767,... Pan edrychwyf ar dy
Nefoedd, gwaith dy fysedd; y Lloera'r Ser, y rhai ordeiniaist: Pa beth
yw Dyn! Salin, viii. 3, 4. 0 gasgliad Gwilim Howel, Philomath.
Argraphwyd yn y Mwythig, ag ar werth gan J. Eddowes^ Preintiwr,
a gwerthwr Llyfrau... (Pris 8 d.). 8vo. pp. 48.
The motto from the Eighth Psalm has been added, and « Hywel » converted
into « Howel » ; and so the name continues to the end of the séries.
The principal literary article is the fine pastoral or « Bugeilgerdd » of Edward
Richard, which had been finished the previous year, and was now printed for
the first time. See Gwaith Prydyddawl Edward Richard (London, 8vo, 1811),
p. 3 1 ; Blodau Dyfed, p. 170. We hâve also « Englynion » by Dewi Fardd,
John Edwards, Rhys Morgan, and William Ruffe ; and « Gwahoddiad i Sion,
neu Ymdaith a'r [o'r] Aipht i wlad Canaan », by Sion Powel, of Llansan-
nan, Denbighshire.
55. Tymmhorol, ag wybrenol Newyddion, neu Almanac Newydd am
y F'iwyddyn... 0 Oedran ein Harglwydd 1768... 0 gasgliad Gwilim
Howel, Philomath.
Argraphwyd yn y Mwythig, ag ar werth gan J. Eddowes, preintiwr,
a gwerthwr Llyfrau (pris 8 d.). 8vo. pp. 48.
The motto this year is taken from Cen. i. 14. The literary articles are « Cy-
wydd Marwnad Lewis Morris », by the Rev. Evan Evans (laum Brydydd Hir),
author of Disscrtatio dcBardis; « Hymn Newydd », by Edward Richard, author
of the « Bugeilgerdd » noticed under 1767, reprinted as « Emyn neu Hymn »
in his Gwailh Fiydyddawl, p. 79; and Blodau Dylcd, p. 261 ; « Gweniailh a
* Mr. E. Hamer, in Collections historicat and archdcological for Montgomcryshire, vol.
iii, p. 250. Iii the same paper Mr. H>inier lias given a short sketch of the lif'e of Howel.
Attodiad i Ls'frxddiaeth y Cymry. ^89
Hoced y Tafarnau », by John Edwards. Clochydd Manafon; « Cyffes ac Achwyn-
iad Mab lefangc », by John Evan, 0 Lanihangel Ystrad yn Sir Aberteifi, which
wili be found reprinted in Blodau Dyfed, p. 402 ; and some « Englynion » by
Dewi Sien, and by the editor. It contains also some account of the celebrated
bridges of Llanrwst and Pont y Pridd.
56. Tymmhorol, ag wybrenol Newyddion, neu Almanac Newydd am
y Fwyddyn... 0 Oedran ein Harglwydd 1769 0 gasgliad Gwilim
Howel.
Argraphwyd yn y Mwythig, ag ar werth gan J. Eddowes, Preintiwr
a gwerthwr Llyfrau with y Ty Marchnad 'pris S d.). 8vo. pp. 48.
« Philomath d is omitted, and the motto is trom Jer. xiv. 22. The poetical
pièces are « Cywydd Marwnad yr Urddasol Bendefig Robert Davies, 0 Lannerch,
Yswain, yn sir Fflint », by the Rev. Evan Evans, reprinted in Blodau Dyjed, p.
17; « Carol duwiol Nadolig », by Sion Powel ; « Englynion y ganwyd i'r
Bont newydd ar Dâf yn Sir Forganwg sêf Pont y Ty-Pridd, by Lewys Hopcin,
0 Landyfodwg yn sir Forganwg, which will be found reprinted in his collected
Works called Y Fel-Gafod, p. 69; « Carol Mai, » by Dewi Fardd ; and, as
usual, some « Englynion » by the editor himself.
57. Tymmhorol, ag wybrenol Newyddion, neu Almanac Newydd am
y Flwyddyn 0 Oedran ein Harglwydd 1770... 0 gasgliad Gwilim
Howel.
Argraphwyd, ac ar werth yn y Mwythig, gan J. Eddowes, Preintiwr,
a gwerthwr Llyfrau with y Ty marchnad (pris 8 d.). 8vo. pp. 48.
It contains « Marwnad Lewis Morris, Esgweier », by the Rev. Gronwy
Owen, being, so far asitis known, thelast production of his pen. It was written
in Virginia in 1767, and has been frequently reprinted. See Greal neu Eurgrawn
^Carnarvon, 1800), p. 27; Corff y Gaine {2^'^ t^ii.), p. i; and Gronoviana,
p. 116. Succeeding the « Marwnad » we hâve « Carol Plygain Ddydd Nado-
lig », by David Jones, 0 Drefriw (Dewi Fardd), the compiler of Blodeugerdd
Cyniru, 1759, and Cydymailh Diddan, 1766; and « Englynion », by Jack
Rhees, 0 Lanrhaiadr ym Mochnant, John Jones Llywelun, 0 Gaer Einion,
D. M. Bardd anadnabyddus, and Dafydd Griffydd, « Saer-Maen 0 Lanba-
darnfâch, yn sir Aberteifi ». The motto this year is from Ecoles, xliii. 7, 8.
58. Tymmhorol, ag wybrenawl Newyddion, neu Almanac Newydd am
y Flwyddyn 0 Oedran ein Harglwydd 1771 0 gasgliad Gwilim
Howel
Argraphwyd, ac ar werth yn y Mwythig, gan J. Eddowes, Preintiwr,
a gwerthwr Llyfrau with y Ty marchnad... (pris 8 d.). 8vo. pp. 48.
Literary articles : « Cywydd Marwnad yr hybarch Lewis Morris, Ys-
gweier n, by Hugh Hughes, 0 Lwydiarîh Escôb, yn Sîr Fon ; « Carol Haf »,
by John Edwards, Clochydd Manafon; « Marwnad Tomas Makaig », by loan
?90 Attodiad i Lyfryddiaeth y Cymry.
Siencin, o Aberteifi (see Blodmi Dyfai, p. 285); and « Cywydd yr Hwsmon )i,
by GLwilim] H[owel].
59. Tymmhorol, ag wybrenawi Newyddion, neu Almanac Newydd
am y Flwyddyn... 0 Oedran ein Harglwydd 1772... 0 gasgliad Gwilim
H owel...
Argrapliwyd, ac ar werth yn y Mwythig, gan J. Eddowes Preintiwr,
a gwerthwr Llyfrau yn yml y Fy marchnad... ('pris 8 d.). 8 vo. pp.
46.
Among its contents are « Yr Awdl GyfFes », by Wiliam Cynwal ; « Cerdd
Dafydd Efan, yn ddiweddar 0 Lanfair Caer-Einion yn sir Drefaldwyn, Bardd o'r
Oes ddiwaethaf » ; « Carol ar Ystyr Genedigaeth ein lachawdwr lesu Grist i\
by Huw ap Huw (=Hugh Hughes, of Llwydiarth Esgob^, Anglesey); « Engly-
nion i annerch G. H. », by the same; and « Cywydd i Sior Tywysog Cymru »,
by Rice Jones, 0 wlâd Meirion (= Rhys Jones, Blaenau, Merioneth, compiler
oï Gorchestion Bdrdd Cymru, 1773, 4to).
The title in the copy inspected is imperfect.
60. Tymmhorol, ac wybrenawi Newyddion, neu Almanac Newydd
am y Flwyddyn... 0 Oedran ein Harglwydd 1773... 0 gasgliad Gwilim
Howel...
Argraphwyd, ac ar werth yn Mwythig, gan J. Eddowes, Preintiwr,
a gwerthwr Llyfrau yn yml y Ty marchnad... (pris. 8 d.). 8vo. pp. 48.
It contains « Cywydd y Methiant », wrongly attributed to the Rev. Evan
Evans (sometimes called leuan Brydydd Hir Ituaf) instead of leuan Brydydd Hir
Hynaj, who flourished about the middle of the fifteenth century ; « Cywydd am
Enedigaeth, a Dyfodiad ein lachawdwr lesu Grist i'r byd yn y Cnawd », by
Huw Huws 0 Fon ; « Annogaeth i bob gwir Gristion ddyfod o dan Lywodraeth
pechod, i wybodaeth o'r goleuni », by John Rhys 0 Llanrhaiadr ; « Cân, yn
dymuno llwyddiant, ac ymwared 0 beryglon, i Long newydd Mr. Lloyd 0 Gwm-
gloyn, yn Sir Bemfro » (reprinted in Blodau Dyfcd, p. 214) by loan Siencyn 0
Aberteifi ; Gwahoddiad l'r Beirdd », by G. H. (= Gwilym Howel), I. S. (=
loan Siencyn), and 1. R. (= lohn Rhys; with a short account of an Eisteddfod
held at Llanidloes. The niotto in the title is taken from Esdr. iv, 34, 35.
61. Tymmhorol, ac wybrenawi Newyddion, neu Almanac Newydd
am y Flwyddyn 0 Oedran ein Harglwydd 1774... 0 gasgliad Gwilim
Howel...
Argraphwyd, ac ar werth yn y Mwythig, gan J. Eddowes, Preintiwr,
a gwerthwr Llyfrau yn yml y Ty marchnad... (pris 8 d.). 8vo. pp. 48.
The motto is from hai. xlv. 12. The first pièce of poetry is « Awdl Foliant
Rhisiart ap Sion » (generally called «Rhisiart Sion Greulawn »), by Sion Tudur,
which is said to hâve suggested to Dean Lloyd of St. Asaph the idea of his
Legcnd of Captain Jones (London, 1656). The « Awdl » will aiso be found prin-
tcd, but from a différent ms., in the Brython for 1858, p. 215. The othcr
Amdiad i Lyfryddiaeth y Cymry. 591
effusions consist of « Carol Mai, 1772 », by John Edwards, already mentioned;
(I Englynion », by Harry Parry, 0 Graig y Gath, a poetaster, of whom a notice
will be found in Gn'aith Gwallter Mechain, i. 466 ; « Ychydig 0 hanes y Gym-
deithas [Eisteddfod] a gynhaliwyd yn Aberteifi, Dydd liun y Sulgwyn, sef Mai
51, 1773 », by loan Siencyn, Thomas Cox, and Benjamin Owen.
61. Tymmhorol, ac wybrenol Newyddion, neu Almanac Newydd am
y Flwyddyn 0 Oedran ein Harglwydd 177$ 0 gasgliad Gwilim
H 0 w e 1 . . .
Argraphwyd, ar werth yn y Mwythig, gan J. Eddowes, Preintiwr,
ac gwerlhwr Llyfrau yn yml y Ty marchnad... (pris 8 d.]. 8vo. pp. 48.
The literary contributions are the following : « Cywydd Marwnad Mr.
William Morris o'r Dollfa Ynghaer Gybi ym Mon », by the Rev. Evan Evans,
reprinted in the Cylchgrairn, ii. 86 ; « Carol Plygain », by David Jones 0 Dre-
friw ; « Cywydd 0 waith Rhees Morgan, 0 Bencraignedd, ym Morganwg, a
wnaeth i Wiliam Duwc 0 Cumberland, yn amser y gwrthryfel yn Scotland yn
y Flwyddyn 1745 » ; « Englynion ar ystyr y pedwar Elfennau », anonymous ;
« Dammeg », by Huw Huws 0 Fon; « Annerch lorwerth Morganwg » Cproba-
bly lolo Morganwg), being a laudatory address to the editor ; <> Annerch David
Jones, C. C. i Gwilim a ; and a verse of four lines by Gwilim himself, « Ar
ystyr coegni a rhodres y byd ». This being the last of the séries, the editor having
died in the course of the year, the motto is not ill chosen: «Dysg i ni felly gyfrif
ein dyddiau, fe! y dygom ein calon i ddoethineb! » Salm xc, 12.
The last page of each almanac is invariably devoted to the advertisement of
Bocks sold by J. Eddowes at Shrewsbury, and R. Marsh at Wrexham.
William Howel was succeeded by John Gain Jones, who published his first
almanac in 1776.
62. Wybrenawl Gennadwri neu Almanac Newydd am y Flwyddyn
oedran y Byd, 5695. Ac am Flwyddyn 0 oedran yn Jachawdwr Jesu
Grist 1746. Ar Ail ar ol Blwyddyn Naid.
Yn mha un eu cynhwysir Dyddiau'r Mis, a Llythyren y Sul, Dyddiau
Gwylion a hynod, oed y Lleuad ai Rheolaeth ar Gorph Dyn ac Anifael
with fyned Trwy'r Deuddeg Arwydd, Toriad y Dydd, a dechreu
Tywyll Nos, Codiad a Machludiad yr Haul, ystyniad a Byrrhad y Dydd,
hyd y dydd, dyfodiad y Twr-Tewdws i'r Dehau ar Semidiurnal Ark neu
hanner hyd y dydd pan fo'r haul mewn cyswllt ar Twr-Tewdws
y\v chwanegu at ddyfodiad y Twr-Tewdws ï'r Dehau i gael
ei fachludiad ; ar Seminoctiurnal Ark, neu hanner hyd y Nos yw
chwanegu at yr amser ei bydd y Twr-Tewdws yn y deheu ei gael yr awr
ar munud o''i godiad, Dyfodiad y lleuad i'r Dehau ar Semidiurnal Ark, y
Dydd cyntaf, ar ail dydd ei bo'r lleuad yn mhob arwydd a hynny yw
chwanegu at yr amser ei bydd Lleuad yn y Deheu ei gael yr awr ar
munud oi Machludiad, bob Dvdd Trwy'r flwyddyn acyv^ Suhsîractio neu
?92 Attodiad i Lyfryddiaeîh y Cymry.
yw dynny oddiwrlh yr amser ei bo'r lleuad yn Deheu ei gael yr awr ar
munud oi Chodiad y Dydd a fynoch Trwy'r flvvyddyn. Tremiadeu'r pla-
nedau ac amcan or hîn, Dechreuad pedwar Chwarter y flwyddyn, a
Sywedyddawl Farnedigaeth ar bob chwarter y neilltuol, Dechreu a
Diwedd Termau cyfraith yn Llundain : caniadau Duwiol a llawer o
bethau cytleus yw ddeall a pherthynasawl i'r fath waith sy'n ormodedd
yw henwi yma. 0 Waith John Prys Philomath. Ar Wythfed yn Argra-
phedig.
Argraphwyd yn y Mwythig, gan Tho. Durston ac ar werth gan Mr.
Payn yn Wrecsham, WilHam Hughes yn Dolgelle, John Jones, a Thomas
Jones yn Rhuthun, Rhobert Edwards yn y Bala, Thomas Pierce yn
Wyddgrug, Mr. Peter Hughes o Gorwen, William Morris, Evan Ellis,
a Sam. Hotckis yn Groesoswallt. 8vo. pp. 48.
The preceding is the complète title, and it will be seen that it is about as full
as any page in the bock. This being the 8th yearof issue, Prys must hâve publislu J
his first almanac in 1758 ; and he continued to put forth his yearbooks up tu,
if net later than, 1777, a period of about forty years. Both typographically anJ
in a literary point of view, they are much inferior to the almanacs of his con-
temporary and rival W. Howel.
The literary effusions are « Byrr hanes ynghylch Gan tre'r Gwaelod », tlif
same that is printed in Difyrnxh ir Cymry, p. 1 1 (see Llyfryddiadh y Cynii) ,
'7 5°) 7); " Carol Plygain Newydd », by Arthur Jones; « Tri Englyn ei FedJ-
ig », by John Price; « Cerdd Dduwiol ei annog Dynion yn i Hiefienctyd ci
feddwl am ei diwedd », to which is subscribed the name of « Richard Parrv
Athraw ysgol, yn Sir Fôn » ; « and Pennill ac Englynion Bryt yinherthynas y
Diflfygiadau mwya hynod a ddigwyddant ar yr Haul ar Lleuad rhwng hyn a
diwedd y Flwyddyn 1750 », by W. Edward.
In the copies 1 hâve seen, Prys generally substitutes ei for ; and y, i for d
and eu, and confuses ;'))' and yiv, with many other strange peculiarities.
63. [Wybrenawl Gennadwri neu Almanac Newydd am y Flwyddyn
0 oedran y Byd, $694. Ac am y Flwyddyn 0 oedran ein Jachawdvvr
Jesu Grist 1745... 0 Waith John Prys Philomath, etc.]
My copy wants the titlepage, with soine other leaves, and therefore I can
only supply the title conjecturally from that of the following year, aiready given
in ail its absurd fulness. The following pièces, intended for poetry, will be found
in this year's issue : A Dialogue between the author or editor and John Parry
of the parish of Gorwen ; « Awdwl Gowydd ar y pedwar mesur ar hugain 0
Goffadwriaeth am ddioddefaint Crist », the author being one Owen Griffith of
Anglesey ; « Englyn i ofyn fTon », attributed to Dafydd ab Gwilym ; other
Englynion by Huw and Edward Morris ; « Gywydd 0 Alarnad am yr Anrhyd-
eddus fardd Edward Morris », by Huw Morus; and « Cerdd 0 Gynghorion i ferched
Jeuaingc», by the author. The last page has a list of Books sold by Tho. Durston.
Aîtodiad i Lyfryddiaeth v Cyniry. ^93
64. Dehonglydd y Sêr Neu Almanac
Am y P^lwyddyn 0 oedran | ^ . -* ^ "
^ ^ ^ ( Crist 1747.
Ar Drydydd ar ol Blwyddyn Naid... 0 Waith John Prys Philomath.
Ar Nawfed Argraphedig.
Argraphwyd yn y Mwythig gan T. Durston... 8vo. pp. 48.
It contains, among other matters, « Cerdd 0 Gyftes gwr iefangc 0 Brydydd »,
by Jonathan Hughes; and « Carol Plygain », of no great merit, by Ellis Wynne,
author of Bardd Cwsg.
Thèse three are ail that I hâve as yet been able to consult of Prys's almanacs.
The following title and contents (n° 65) I take from an article on w Hen Lyfrau
y Cymry » in the Tradhodydd for January, 1872 ; and several other entries in this
list are indebted to the sa me paper.
6 5 . Dehonglydd y Ser neu Almanac Newydd
Am y Flwyddyn 0 oedran 1 J. ''
^ J ^ { Crist 1756.
Yr bon sydd Flwyddyn Naid... 0 glasgcliad John Prys Philomath.
Ar Dau-Nawfed yn Argraphedig : ar pedwerydd yn ol y cyfri Newydd
neu'r New Stile.
Argraphwyd yn y Mwythig gan Tho. Durston, etc. 8vo. pp. 48.
It appears to contain the following effusions of the bards : « Chwech Eng-
lyn mewn attebiad i Englynion Dafydd Jones 0 Drefriw yn yr Almanac am
1755 », by « Evan Thomas Orudd a darllenydd yn llanarth sir Aberteifi »,
usually called Ifan Tomas Rhys, « Prydydd a Darllenydd yn Llanarth ». Most
of this writer's works will be found printed in Diliau'r Awcn. Aberystwyth,
i2mo, 1842. « Carol Plygain », by Arthur Jones, and « Mytyrdod am ei
farwolaeth », by Owen Gruflfydd of Llanystumdwy, complète the poetical
contributions.
66. Hanes y Cyflawn 0 Fuchedd a Gweithredoedd Joseph oArimathea.
Y Disgybl cyntaf a bregethodd yr Efengyl yn y Deyrnas hon. Yn dangos
1. Ymhale y ganwyd ef ac y dygwyd i fynu. 2. Ei ryfeddol Ddysg a'i
Ddoethineb yn ei... 3. Y modd y dewiswyd ef yn un 0 Ben Cyngor...
4. Y modd y trowyd ef i fod yn Ddisgybl. 5. Y modd y claddodd Gorph
ein lachawdr... gwerthfawr a brynnasai. 6. Y modd yr ymdeithiodd 0
Rhufain ac y torodd y Hong arno. 7. Y modd y daeth i'r Deyrnas hon,
ac y dechreuodd bregethu'r Efengyl yn Ynys affallon neu Glastenbury,
lie plannodd ei ffon yn y llawr yr hon, cyn, symmudo i law oddiarni,
a droes yn Ddraenen iraidd, ac a flagurodd ac sydd etto hyd Heddyw
yn arfer 0 flaguro a blodeuo bob Nydd Nadolig a cholli ei Blodeu cyn
y Nos. 8. Yn gyntaf Cerdd a wnaed ir Gwrthryfel ynghylch y Grefydd,
sef...
^94 Attodiad i Lyfryddiaeth y Cymry.
Argraphwyd yn y Mwyihig gan J. Eddowes a J... dros William
Thomas.
It has no date. It is in verse ; the author or translater subscribes his name as
« John Edwards o'r Glyn Ceiriog Piiilomath », wlio was born about the year
1700, and died in 1776: see Ll. y. C. 1768, 6. The legend of Joseph of Ari-
mathea must hâve been popuiar at this time in the Principality. Cp. Nos. 12, 50,
and 67.
67. Dwy 0 Gerddi, 0 leshâd i'r sawl ai Ystyreio a gwae i bob Dyn na
chymero rhybudd wrthynt. Yn Gyntaf, Erbyn Godineb. Yn ail. Hanes
fel y daeth deuddeg cennad megis Deuddeg Angel i Glastonberry yr
Nadolig Diweddaf ag ychydig 0 hanes y Ddrainen a blanodd Joseph 0
Arithamea[5/c]. Yn Ddiweddaf. Mae Eisie Cael Henwe Saith 0 Langcie
0 Blwy Bangor a fytho am Chware Enterluwd yr Hâ nesa mi fyddaf yn
ffwl fy Hun, yr hwn wyf brawd Wil o'r Ty'n y Werglodd.
Without imprint or date. It is of no literary merit.
68. Llwybr Hyffordd y Plentyn Bach i Fywyd tragwyddol... Wedi
ei gyfleithu yn Cymraeg gan Theoph. Evans.
Argraphwyd yn y Mwythig gan Tho. Durston 1758.
69. Y Nefol Genad neu Lwybur Hyffordd Plentyn i Fowyd Tragwydd-
ol. Rhieni plant sy ai Chwant am Dduw Edrychwch pa fodd y byddan
byw. Dan ofn yr Arglwydd ddedwydd ddawn nhw gan ogoniant
llwyddiant Uawn...
Argraphwyd yn y Mwythig, gan Stafford Prys, tros Lewis Jones
1760.
A différent translation trom the preceding (n° 68)_, and a much interior per-
tormance.
{To he conïunied.)
LE CATHOLICON DE J. LAGADEUC.
L'utile édition du Catholicon de Lagadeuc publiée par M. R. F. Le
Men repose sur celle d'Auffret de Quoetqueuran, publiée à Tréguier en
1499. M. Le Men n'annonce pas avoir collationné le manuscrit de La-
gadeuc dont l'original, ou une ancienne copie ', est conservé à la Biblio-
thèque Nationale de Paris où il est classé : Lat. 7656. Par l'obligeante
entremise de M. le vicomte de la Villemarqué, j'ai récemment reçu de
M. J. de Gaulle la copie des deux premières lettres de ce ms., et je me
propose de soumettre aux lecteurs de la Revue les plus importantes
variantes et additions que me permet de fournir la comparaison de la
copie de M. de Gaulle avec l'édition de M. Le Men.
W. S.
[A cette occasion, j'ai jugé à propos de collationner les éditions impri-
mées du Catholicon que possède la Bibliothèque Nationale. Elles sont
au nombre de trois: i) une, in-folio, datée de 1499 et classée X, 1429,
a. C'est d'après un autre exemplaire de cette édition, conservé à la
Bibliothèque de Quimper, que M. Le Men a publié son édition. L'exa-
men de cette édition m'a convaincu qu'elle est reproduite avec une
grande fidélité par M. Le Men. Je la désigne par A, et l'édition de M. Le
Men par Aa. — 2) Une édition in-4, classée X, 1429 ff aa. Je la dé-
signe par B, On ne peut en connaître la date parce que le premier et le
dernier feuillet ont malheureusement disparu. Je ne suis pas en état d'en
étabhr l'âge exact par l'étude des caractères et de l'impression : le
bibliothécaire que j'ai consulté à ce sujet ne la croit pas antérieure à
l'édition de 1499. Mais, qu'elle lui soit ou non postérieure, elle en est
indépendante. Elle est dans bien des cas plus complète. Elle contient
un grand nombre d'exemples bretons que l'édition de 1499 et le manus-
crit même suppriment, tout en laissant subsister les exemples corres-
pondants latins et français. Un dépouillement intégral de l'édition 1x1-4"
serait aussi important que celui du manuscrit, sinon davantage. —
5^Une édition petit in-S", classée X, 1429 ff a b. Je la désigne par G,
I. [Le ms. de la Bibliothèque Nationale ne peut être l'original de Lagadeuc; c'est
une copie, laissée inachevée, et faite elle-même peut-être sur une autre copie. — H. G.)
27
:596 Le Catholkon de J. Lagadeuc.
Cette édition est beaucoup plus abrégée que les précédentes. Elle est de
1 522 et non de 1501 comme le dit dans sa préface M. Le Men, mal
renseigné à cet égard ' . L'Explicil de cette édition étant fort inexactement
reproduit dans le Manuel du Libraire de Brunet (y éd. t. I, col. ^$5 ,
je crois utile de le reproduire ici. (J'étends les contractions; :
Explicit Catholicon seu dictionarius trino partitus vernaculo : expensis
honesti viri Yvonis Quilleuere Parisius commorantis ] rursuz impressus.
Necnon opéra [ ac ipsius industriadiligenter tersus et emendatu» | Anne
seiq [sic] millesimo vicesimo primo, Pridie kal. Februarias.
On voit que dans cet Explicit il y a une erreur d'impression et une
lacune ; selq est probablement une faute pour l'abréviation de sclllcct et
après millesimo il faut suppléer qulngenteslmo , et on a de la sorte la date
1521; mais, comme il s'agit des Calendes de Février, et qu'à cette
époque, en France, l'année commençait encore à Pâques, on a comme
véritable date : 1522.
Le loisir m'a manqué pour collationner tous les articles, si intéressant
que dût être ce travail ; mon attention s'est bornée aux articles signalés
par M. Stokes comme offrant des différences entre le Manuscrit et l'édi-
tion de 1499 reproduite par M. Le Men, et je me suis contenté d'ajouter
à son travail les variantes de B et de C. H. G.]
VARIANTES.
Abaff A. Aa. B. C. — Abaff et couart tout ung Ms.
Abil... pur abilafï... ent pur abilaff A. Aa. — peur abillafî... ent peur
abilhaff Ms.
Abim A. Aa. B. C. — Abism Ms.
Abloez en bloez A. Aa. — A bloaz en bloaz B. C. — Abloeaz an
bloeaz Ms.
Abostoler (s. v. Abostol) A. Aa. B. — leffr a abostolou Ms.
Abonn march A. Aa. — Abon march B. — Aboun march Ms.
Absentaff A. Aa. — Absantaff Ms. C.
Achiuafî A. Aa.— Acheuaff B. C. (B. et C. donnent à l'article précédent:
Acheffj — Achiffaff Ms.
Acord, Acordaff A. Aa. — Accord, Accordafî Ms. B. C.
Adoptio A. Aa. — Adoption C. — Adopcion Ms.
Ael g, ange A. Aa. B. C. — Ael g. angre Ms. j
Afet A. Aa. — Afïet Ms. C. — Afîet pe poquet. ga. basio... Item hoc |
I. La même erreur a été commise par M. tle h Villemarqiié clans VEssaism l'histoire
de la langue bretonne (p. l) qu'il a mis en tête de son édition du dictionnaire français-
breton de Legonidec. j
Le Catholicon de J. Lagadeuc. ]C)-j
basium | sii. g. baise, b. aff pe poq... Idem hoc suauium | ii. g.
baise luxurieux, b. poq luxurius. B.
AffermaffA. Aa. C. — Affirmaff Ms.
Alhuezerez A. Aa. — Alhuezeres Ms. B. C.
Alusonet. g. aulmonyer A. Aa. — Alusonnier. g. aulmosnier Ms. —
Alusuner B. C.
Am eoll A. Aa. — Am eoul Ms. — Am youll B. C.
Ammonetet ^s. v. Amonetaff; A. Aa. B. — Amonestet Ms. C.
Ampechaff A. Aa. B. C. — AmpeschafF Ms.
Anaff A. Aa. B. C. — Anafan Ms.
Anes A. Aa. — Anaes Ms. — Anes al'r [aliter] dyeas. g. mesayse.
Ancoffnez (s. v. Ancouffhat A. Aa. B. C. — Ancouffnez Ms.
Anneu A. Aa. B. C. i , , a -j ^r
. . Anneu ha anneurfenn idem Ms.
Anneuenn A. Aa. )
Apellaff A. Aa. — Appellaff Ms. B. C.
Appotiquaererez A. Aa. B. — Appotiquaerez Ms. — Apotiquaerez C.
s. V. Apotiquaen.
Ararz A. Aa. — Arazr Ms. B. C.
Arbalastr.g.arbalestre.l.( Arbalastr. g. arbalestre. 1. hec balista, ste Ms.
balistrarius. A.Aa.B.C.i Arbalestrer, g. arbalestrier,!. hicbalistarius,rii.
Arbitag A. Aa. B. C. — Arbitrag. Ms. [Ms.
Archbaelec A. Aa. B. C. — Arc bealeuc Ms. (lege : archbaeleuc).
Archidiagon Aa. — Arch diagoun Ms. — Archidiagon A. B. C.
Archidiagondet A. Aa.' B. C. — Archdiagôdet Ms.
Argantier A. Aa. — Arganter Ms. — Archanter B. C. (B. et C. don-
nent Archant et Archanton .
Arguemant A. Aa. — Argument Ms. B. C.
Assentiment Aa. — Assantament Ms. — Assentement A. B. — Assan-
tement C.
Auel gualern A. Aa. — Auel goalarnn Ms. — Auel gualernn B. — Auel
galern C.
Auterite A. Aa. B. C. — Autorite (mais Auteriteaff) Ms.
Aznauoudeguez A. Aa. B. C. — Aznauodaeguez (maisAznauoudec Ms.
Baelec A. Aa. B. C. — Le ms. a deux articles correspondants : Bea-
leuc. g. prebstre. latine hic et hec sacerdos (entre Baculaff et Bagic
bihan ; — et : Baeleuc pe baelegues g. prebstre (entre Baeguelat et
Baeleguiez.
Baguic uihan A. Aa. — Bagic bihan Ms. Baguic B. C.
Bannech A. Aa. B. C. — Banhe Ms.
Bara panen A. Aa. — Bara panenn Ms. B. C.
398 Le CathoUcon de J. Lagadeiic.
Barbieres A. Aa. — Barbares Ms. B.C.
Barfuec A. Aa. B. — Barffec Ms. — Item hic barbatolus. g. pou barbu,
b. barfueguyc. B. — Barfeuc. g. barbu... Et hic barbatolus, li.
gai. pou barbu, bri. nep en deueux nebeut a barf. C.
Baz A. Aa. B. C. — Bazz Ms.
Baz da tamoesat A. Aa. B. C. — Bazz da taffoessat Ms.
BerignafF A. Aa. B. — Bernygnatï Ms. — Beringnaff C.
Bescol A. Aa. B. C. — Bescoul Ms.
Besaff groaet Aa. — Bezaff groaet A. — BezafF gruet Ms. — Bezaff
graet B. C.
Bezuenn A. Aa. B. C. — Bezeuenn Ms.
blamaff, blamet (s. v. Blam) A. Aa. B. C. — blammaff, blammet Ms.
Bleiz A. Aa. B. C. — Bleiz bras. g. grant loup. Ms. — Inde lupilus,
li. g. petit loup. b. bleizic. B.
blezuyaff (florere : s. v. Bleuzuenn) A. Aa. — bleuzif Ms. — bleuzuyaff
B.C.
Blonec A. Aa. B. C. — Blounhec, g. suyf de porc. 1. hoc obdomen,
inis (entre les articles Eloez et Blont).
boeder ' lare (s. v. boet) A. Aa. — boeder larg : gl. large en viande) Ms. B.
Bombart A. Aa. B. C. — Boumbart Ms.
Bondal Aa. — A et C donnent Bôdal; ô est ici pour ou, bien qu'il soit
généralement l'abréviation de on. — Le Ms. et C. donnent Boudai
en toutes lettres. (Cet article est entre les art. Bouc! et Bouderie).
Bozennenn A. Aa. B. C. — Boezennenn Ms.
Breauiaff A. Aa. — Breauyff Ms. — Breauyaff B. C.
Breulim A. Aa. B. C. — Le Ms. a deux articles correspondants à celui-
ci : 1) Breaulim, g. meule I. hec molina, ne (entre Breauyff et
Breuet) ; 2) Breulim, g. meule pour aguiser. 1. hec mola... entre
Breuion et Breulimaff).
Brit A. Aa. B. C. — Brid Ms.
Burtell A. Aa. — Burutell Ms. — Brutell B. C.
ADDITIONS EMPRUNTÉES AU MS.
Agace, g. agace. 1. agatha, the.
Amiral, g. Amiral ou seigneur de nef a mer la. hic navarchus, chi.
Ampris. g. Amprise [cf. : douz ampris souvissant (à votre dessein suffi-
sant) M. 233 ^'j.
Anes g. Agnes. 1. hec Agnes, etis.
I. observez l'emploi de la préposition comme suffixe ; Boeder = hoed + er ; cf. le
gaulois bratu-àe.
Le Catholicon de J. Lagadeuc. 599
Apell. pe adiabell. g. de loign. 1. de longe, adverbium loci. [cf.: adiabell
pa emem sellaff quand je me regarde de loin_ M. 88.]
arat g. arer s. v. Arabl — A. B. C.
Argat. g. hucher. [Probablement erreur du copiste pour Archat. Le
mot se trouve entre les articles Arch et Arch an boet.]
Asis. g. assise, l. hec assisia, assisie.
Asq. g. cornière [aujourd'hui ask « entaille», cf. Diez, Etym. Wœrt. Il,
Î78, s. V. osche.]
Auel gueffret. g. vent de mydy. — [Se trouve également dans B. (s. v.
Auel qui donne en outre : homme qui habite deuers midi. bri. nep
a chom diouch cresteiz. — C donne Auel guefret. — Aujourd'hui
gévret.]
Auoun costez. g. dun coustez. 1. alterutrius adverbium. — [Comparez le
comique wonyn, C. M. 389.]
Ausaffcoan. g. apparailler a souper entre les mots Abece et Abel . [cf.
rac ausaf an boedou M. 6 ^; ,ez auso plen an pasc M. 47'' ; auset
M. 49 •'; auset boet M. 200 ^'^ auset doz guys M. 208 ''; petra vezo
a aushymp ny .'' M. 200 ''.J
Azff. g. meure. Uide in mur. cest tout ung. [Cet adjectif gall. addfed,
irl. abaidh) est aujourd'hui hav, haô « mûr» avec un h inorganique.]
Bahu. g... tmanque]
Baill. g. bausen ?^ 1... [manque]
Bateau, g. idem. 1. hec camba, cambe.
Bazoul cloch. g. bâte ou bâton iaujourd hui bazoulen ■< espèce de mar-
teau qui pend dans le milieu d'une cloche et qui la frappe pour la
faire sonner ■>.]
Benaet. g. Benoyt. 1. hic benedictus, iti.
bihanhaet lat. minutusj s. v. Bihan.
Bleuzffan groaguez [^a •/,a-:a;rr,v'.x, lit. « fleurs des femmes »] uide in
natur. [Ici bleuzff est le pluriel de bleuzuenn « fleur » et groaguez
le pluriel de gruec « femme ».]
Blouhec. 1. abdomen^ inis.
Brae. g. Broyé, hoc trahale, lis. [aujourd'hui braé « instrument propre
;i broyer ou briser le chanvre ou le lin ». Le Gon.]
buguelenn. g... (manque) [probabl. le moderne bugélen « petit houx ■>.]
Buron et fulort. tout ung. ibi uide. [buron est probablement = anc. fr.
buron « hutte » et signifie ici « privé » cf. le gall. ty bach dans le
même sens.]
But. g. bute 1... manque).
Simla, 19 Avril 1870. Whitley Stokes.
LAVAROU KOZ A VREIZ IZEL
EIL STROLLAD.
95
Didalvei eo ha koll amzer
Diski ar mad hep hen ober.
96
Oher vad pa c'helli,
Droug a ri pa gari.
97
Sell peira 'ri.
98
Kalonek a drec'h peh ira.
99
Hep stourm ne vezer kct treac'h.
100
E rankcr neiin pe veuzi.
lOI
Ober ha ievel.
102
Pep ira evit Doue.
105
Mervel da veva.
104
Den a galon a zo doujct.
105
A skiant hag a goantin
Eo pinvidik 'walc'h pcp-hini.
106
N'euz den ebed war ann douar
Na gav en tu bennag he bar.
107
E pep Ira a glask peh den
Tenna begik he spillen.
108
Ar c'hamm
A wcl he damm.
PROVERBES ET DICTONS
DE LA BASSE BRETAGNE.
DEUXIEME SERIE.
I.
9^ C'est peine inutile et perte de temps
Qu'apprendre le bien sans le faire.
q6 Fais le bien quand tu pourras,
Tu feras le mal quand tu voudras.
97 Prends garde à ce que tu feras.
98 L'homme de cœur vient à bout de tout.
99 Sans combat point de victoire.
100 il faut nager ou se noyer 'c'est-à-dire : Il faut vaincre ou mourir).
101 Faire et se taire.
102 • Tout pour Dieu.
10^ Mourir pour vivre.
104 L'homme de cœur est respecté.
IL
105 De savoir et de beauté
Chacun se trouve assez riche.
106 II n'est homme sur la terre
Qui ne trouve quelque part son égal.
107 En toute chose chacun cherche
A tirer le bout de son épingle.
108 Le boiteux
Voit son morceau, (C.-à-d. : Si disgracié qu'on
puisse ètrCj on a toujours bonne opinion de soi).
402 Lcivarou Koz a Vrciz Izcl.
109 Ar c'hainin a zaill keit hag ciin dll,
Hirroc'li mar gall.
1 10 N'e ket ai c'hezek bras a gass ar c'herc'h d'ar marc'liad.
1 1 1 Ann hini a raie ceun a gav atao ledan hc streat.
■112 Ne-d-eo ket cur skendilik a ra ann hanv,
Nag eur har-avel ar goanv.
II? Al lestr na zent ket ouz ar star
Ouz ar garrek a zento sur.
114 Pa ve arrued ar gwall,
Gwell eo horn evit dall.
1 1 5 Gwelloc'h co beza kiger eget beza leue.
1 16 Gwelloc'h eo lazaar bleiz cvit beza lazet gant-han.
1 1 7 A-wesiou gwelloc'h doujans evit karantez.
118 — Ranna pe ganna !
— Leuskel ar goad da iena.
1 19 Red eo Iczel nep hen euz gai
D'hen em gravât ha da c'hrognal.
120 Danvad kaillaret, peurvuia,
Ouz ar re ail 'glask em frota.
121 Ann neh a chomm er ger diouc'h ann noz
A vez divlamni antronoz.
122 Daou louarn kamm a zo ireac'h d'unan eeun.
123 Kdret a reer ann drubarderc:, — kasoni a zo euz ann truhard.
1 24 Em milin n'euz ket dour awal'ch evit mala hoc'h arreval.
1 2 j Ne-d-eo ket pec'het, nemet mad,
Mouga ann aer gant he c'hofad.
III.
1 26 E-leac'h 'ma ann dour ar sioula
E vez ann domina.
1 27 Bezo ann avel e-leac'h ma karo,
Pa ra glao c c'hleb atao.
128 Na c'hodriit ket gand al lagad.
Proverbes et Dictons de la Basse-Bretagne. 405
109 Le boiteux saute aussi loin qu'un autre,
Plus loin s'il peut.
no Ce ne sont pas les grands chevaux qui portent l'avoine au marché.
(C.-à-d. : Le plus grand n'est pas toujours le plus fort).
1 1 1 Qui marche droit trouve toujours son chemin large.
1 12 L'Été ne se fait d'une seule hirondelle,
Pas plus que d'un coup de vent l'Hiver.
1 1 ;; Navire qui n'obéit point au gouvernail
Obéira sûrement à l'écueil.
1 14 Quand malheur est arrivé,
Mieux vaut être borgne qu'aveugle.
1 1 ^ Mieux vaut être le boucher que le veau.
1 16 Mieux vaut tuer le loup qu'être tué par lui.
1 17 Mieux vaut quelquefois être craint qu'aimé.
118 — Partage ou bataille !
— Laisse le sang se refroidir. (C.-à-d. : Attends que ta
colère soit passée pour prendre une résolution extrême..
119 II faut laisser le galeux
Se gratter et grogner.
1 20 Brebis crottée, le plus souvent.
Aux autres cherche à se frotter.
1 2 1 Qui reste à la maison sur le soir
Est sans blâme le lendemain.
122 Deux renards boiteux viennent à bout d'un renard qui est droit.
125 On aime la trahison, — on hait le traître.
124 Dans mon moulin il n'est assez d'eau pour moudre votre provision.
12 j Ce n'est point un péché, c'est un bien
D'étouffer le serpent avec sa portée.
IlL
126 Où l'eau montre le plus de placidité
Elle a le plus de profondeur.
127 Souffle le vent où il voudra.
Quand il y a pluie elle mouille toujours.
125 Ne jouez pas avec l'œil.
^©4 Lavarou Koz a Vreiz Izel.
1 29 List ar re ail diliiia ho gwiad.
1 50 N'c ket red toi mein warlercli kement ki a c'han.
151 ' Ahred pe zivezad cz a ann toi da fall.
1 52 Hep-kcn beteg ar wech diveza cz a ar pod d\ir feunteun .
I j j Pà vez rc dotnin ar iod
E skaot.
1 34 Divezad skei war vorzed
Pa vez bramet.
1 j j Liez a wech vez tizet fall
Nep a ^ustum tizout re ail.
1 36 War stad 're ail nep a gomzo,
Mar kar cm zellet c tawo.
1 57 N'ez eut pesk hcb he zrcin.
1 38 N'euz den na ira hep he si,
Hag allez hen euz daou pe dri.
139 Ma mignon, mar am euz car si,
A kredan hoc h euz daou pe dri.
1 40 Scllit euz ho poutou
Hag e welot toull ho lerou.
141 Ann hini a zant ar c'houez,
Dioc^h he reor e koucz.
142 Kenîd rehech a ra kakous da gakous,
Eo kakous.
IV.
14 j Re gravât a boaz,
Re brezek a noaz.
144 Gwdssoc'h eun toi teod evit eun toi kleze.
145 Brudfall a ia beteg ar mor;
Brud vad a chomm e toull ann nor.
Gotlis {cûiies Cothi), mais des Juifs dispersés après la ruine de Jérusalem. De plus, on
les tenait pour lépreux de père en fils, et les professions les plus viles leur étaient seules
permises. Aujourd'hui les Cacous deviennent rares, mais, en souvenir des métiers qu'ils
exerçaient de préférence, on donne toujours le nom de Cacous aux cordiers et aux
tonneliers.
Proverbes et Dictons de la Basse-Bretagne . 405
I 20 Laissez les autres débrouiller leur écheveau.
I ?o ]l ne faut pas jeter de pierre à tout chien qui aboie.
1 3 1 Tôt ou tard le coup porte à faux.
1 52 C'est seulement jusqu'à la dernière fois que la cruche va à la fon-
taine.
1 33 Quand trop chaude est la bouillie,
Elle brûle.
1 34 C'est trop tard de frapper sur sa cuisse,
Quand le pet est lâché.
1 5 5 Souventefois est bien pris
Qui a pour habitude de prendre les autres.
1 36 Sur la condition des autres qui parlera,
S'il veut se regarder se taira.
1 57 Pas de poisson sans arête.
n8 II n'est homme ni chose sans défaut,
Et souvent homme et chose en ont deux ou trois.
1 50 Mon ami, si j'ai un défaut,
Je crois que vous en avez deux ou trois.
140 Regardez vos chaussures
Et vous verrez le trou de vos bas.
1 4 1 Sentez-vous puanteur ?
C'est de votre c. qu'elle tombe.
142 Le premier reproche que fait cacous à cacous,
C'est qu'il est cacous '.
IV.
145 Trop gratter cuit.
Trop parler nuit.
144 Plus de mal fait un coup de langue qu'un coup d'épée.
14$ Mauvaise réputation va jusqu'à la mer ;
Bonne réputation reste au seuil de la porte.
I . Les Cacous de la Bretagne sont les derniers représentants d'une race misérable,
avec laquelle le reste de la population ne voulut jamais contracter d'alliance. Leur nom,
comme celui des Cagots, leurs frères des provinces pyrénéennes, a gardé jusqu'à ce jour
son ancienne valeur de réprobation et de mépris. On les disait descendants, non des
4o6 Ldvarou Koz a Vreiz Izel.
146 Nep 10 leinni beg he deod a renk beza kalet kostez he benri.
147 Araog komz grit nao zro
Gand ho teod en ho keno.
148 Pcoc'h! Peoc'h!
Lost ar vioc'h
''Zo gan-e-oc^h.
149 Gant Doue hanvet miiia eo
Nep na lavar mad pe na duo.
150 Va mab, gant ar ment a venti,
Ha netra ken, mentet c vi.
I s I Gand ar muzul c rofed d'ar re ail, c vezo roet d'e-hoc'h.
I )2 Barnit ar re ail evel ma fell d'e-hoch beza barnet.
I ^ i Diouc'h arfrouez ema ret tanvaat
Kent evit lavarei ema mad.
I 54 Gortozidann noz evit lavaret eo bet kaer ann deiz.
I ) 5 D'ann ahardae 'lavarfet
Hag hen a zo bet kaer ann de,
Evel d'ar maro a welfet
Hag hi 'zo bet mad ar vuhe.
1 56 Eur skoulm great gand ann teod na ve ket diluunmct gand ann dent.
I )-/ Gwelloc'h eo eur ger tavet
Eget daou lavaret.
158 Kersc
Na dcu ^met goudc.
1 59 Ar iar a goll lie vi
0 kana re goude dozvi.
à l'état d'inscription sous la forme suivante d'après M. Miorcec de Kerdanet : Gant. Doue: j
han : oet : muingna : eo : nep : ha lavar : mat : pe : ha : teo : (Les vies des Saints j
de la Bretagne Armorique, par FR. Albert le Grand, avec des notes par D. L. Miorcec |
de Kerdanet. Brest, 1857, in-4, p. J07). — J'ai récemment été relever l'inscription, j
et je l'ai lue comme suit .
Gant : doue : han : vet : mungna : eo : !
Nep : na laiiar : mat : pe : na : tco. \
Cette inscription en lettres gotliiques est contenue dans une banderolle que tient i
ange en granit sculpté en bas-relief à la porte de l'ossuaire.
Proverbes et Dictons de la Basse-Bretagne. 407
146 Qui a pointu le bout de la langue doit avoir le crâne solide. (A cause
des coups de bâton qu'il s'expose à recevoir).
147 Avant de parler tournez neuf fois
Votre langue dans votre bouche.
148 Paix! Paix!
La queue de la vache
Est avec vous'.
149 Qui doit à Dieu le plus de compte est
Celui qui ne parle bien ou qui ne se tait -.
1 50 Mon fils, comme tu mesureras,
Et non autrement, mesuré tu seras.
1 5 1 Avec la mesure que vous donnez aux autres il vous sera donné.
1 52 Jugez les autres comme vous voulez être jugés.
1 5 î Au fruit il faut goûter
Avant de dire qu'il est bon.
1 54 Attendez la nuit pour dire que le jour a été beau.
I s ^ C'est au soir que vous direz
Si le jour a été beau,
Comme à la mort vous verrez
Si bonne a été la vie.
1 56 Nœud fait avec la langue ne se défait point avec les dents.
I ^7 Mieux vaut une parole que l'on tait
Que deux que l'on dit.
158 Regret
Ne vient qu'après.
V.
159 La poule perd ses œufs
En trop chantant après avoir pondu.
1. Ce dicton est curieux et me paraît ancien. Je l'ai souvent entendu. C'est pour couper
court à une querelle qui menace de devenir sérieuse, qu'on l'emploie d'ordinaire. Aux
premiers éclats de voix un tiers intervient, et s'adressant au querelleur qui s'échauffe le
plus, il dit : « Paix! Paix! La queue de la vache, c'est vous qui la tenez. » J'ai vaine-
ment demandé quelle signification on prêtait à ces étranges paroles. On me répondait
invariablement : nous disons ce que nous avons entendu dire... Les anciens iar re goz)
parlaient ainsi... Toutefois, dans nombre de cas, il me semble qu'on aurait pu les tra-
duire de la sorte : « Calmez-vous, calmez- vous! on sait que la raison est de votre côté;
on sait que c'est avec vous qu'est la sagesse. «
Serait-ce quelque souvenir d'une autre patrie ? Il serait difficile d'en faire la preuve.
Quoiqu'il en soit, les Brahmanes ne désavoueraient pas un tel langage.
2. Sur le charnier de Notre-Dame de Trémavoézan (Finistère', cet adage se trouve
4o8
Lavaroii Koz a Vrciz Izel.
i6o
Pa gloc'li ar iar e vez vi pe laboiis
i6i
Dibaoî siminal a voged
Anez ne ve tan en oaled.
162
Ar c'homsiou a zo merc'het
Hag ar skrijou a zo goazet.
i6j
Ldvaret a recr allez
Gaoïi e-leac'li gwlrlonez.
164
Kant klevet
Nd dalvont ket
Eur gwelet.
VI.
165 Neb a oar relz ar wlrione
A hell lu laret gwel a-ze.
1 66 Etre c'hoarl ha jars
E vez lavarel arwlrlonez da gais.
167 Ar wlrlonez a zo diez da glevet
Drelst pep ira d'ann liinl n'Iii c'har ket.
168 Ar wlrlonez a zo kasaiiz
Drelst pep tra d^ann lilnl a zo kabluz.
169 Ar wlrlonez a zo kasauz,
Hag ann lilnl hl Iar a zo arabaduz.
170 Ann den klanv lie zaoulagad n'hell ket sellet ann de,
Nag ar re a zo kabluz klevet ar wlrione.
1 7 1 Petra a zervlch nacVi oiiz Doue ar pez a oar ar WercViez !
172 Tra kuz da drl nep a lavar
A-benn neubeud eun ail lien goar.
173 E-leac'li ma vez tri
E vez toull ann tl.
VIL
174 Dion, telr amzcr lien cuz ann den ;
N'int ket henvel ann cil eiiz eben.
175 0 vont d\n fest c'Iioul a gano,
0 tout en dro e'hoiil a welo.
1
Proverbes et Dictons de la Basse-Bretagne. 409
160 Quand glousse la poule, il y a œuf ou poussin.
161 Rarement cheminée fume
S'il n'y a feu dans l'âtre.
162 Les paroles sont des femelles
Et les écrits des mâles.
165 On dit souvent
Mensonge à la place de vérité,
1 64 Cent entendus
Ne valent pas
Un vu.
VI.
165 Qui sait la règle de vérité
Peut la dire sans broncher.
1 66 En jouant et plaisantant
On dit à plusieurs la vérité.
167 La vérité est difficile à entendre,
Surtout pour celui qui ne l'aime pas.
168 La vérité est haïssable,
Surtout pour qui se sent coupable.
169 La vérité est haïssable
Et qui la dit est radoteur.
170 L'homme qui a les yeux malades ne peut regarder le jour,
Ni le coupable entendre la vérité.
171 Que sert de niera Dieu ce que sait la Vierge! (C.-à-d. : Pourquoi
faire un mystère de ce que savent plusieurs personnes ? ,
172 Secret confié à trois personnes
Est avant peu connu de quatre.
17^ Où il y a trois personnes
La maison est à jour.
VIL
174 Deux ou trois saisons vit l'homme,
Aucune ne ressemble à l'autre.
175 En allant à la fête vous chanterez,
En revenant vous pleurerez.
410
Lavarou Koz a Vreiz Izel.
■76
Goudc cVioarzin c teu gwela,
Coude cVioari huanada.
177
Re diouz vintin nep a c'hoarzas
Barz ann noz allez a welas.
178
Coude ann enkrez
Ê teu levenez.
179
Cant ann amzer hag ann avel
Ez apep anken war ho dlouaskel.
1 8o Biskoaz glao n'euz gret na dawfe,
Avel-greon plnl na gouezfe.
i8i Itron Varla-Dnicz hag ann Aotrou Sant Per
A ro d'ar gwall zaout kerniel l en.
1 82 Gwell eo dougen ar groaz eget he ruza.
185 Ne cuz droug na zervlch da vad.
1 84 C'hoant Doue ha c'hoant dcn a zo daou.
185 Doue had ann ed en douar,
Ha Donc hcn dashim pa gar.
186 E-leacVima oa ann erv cr bloaz-man, e vezo ann and cr hloaz a zen.
187 Koz ha laouank, ha da hep oad,
Ann Ankou heulo d'ho falc'had.
1 88 Eun den kreny, — eun den krevet ;
Eur baleer braz, — eun den brevet;
Eun neuier-kaer, — eun den beuzet ;
Eun tenner-mad, — eun den lazet.
1 89 Cad Doue ema ar inadou ;
Sachit war-n-hoa grabanadou.
1 90 Ar goustlans gant lie tlk-tok
A zo kloc'hlk Sant Kollcdok.
191 Ar bodennou ho dcaz daoulagad.
192 Cwell ve gan-ln mervel mil gwech
Evit koll ma enor eur wech ;
Rak ma enor, pa ve kollet,
Evit he glask n'hen c'havinn ket.
193 Red eo niuzula aznaoudegez gant ann troadad mad-oberiou.
Proverbes et Dictons de la Basse-Bretagne. 41 1
176 Après le rire les pleurs,
Après les jeux les sanglots.
177 Tel que trop matin l'on vit rire
Dans la nuit bien souvent pleura.
178 Après tristesse
Liesse.
179 Avec le temps et le vent
Tout chagrin s'envole. •
180 Jamais on ne vit pluie qui ne cessât,
Vent impétueux qui ne tombât.
181 Notre-Dame de Pitié et le seigneur saint Pierre
Donnent aux vaches méchantes des cornes courtes.
182 Mieux vaut porter sa croix que la traîner.
185 II n'est mal qui ne serve à bien.
184 Désir de Dieu et désir de l'homme sont deux.
i8<i Dieu sèm.e le blé sur la terre,
Et Dieu le moissonne quand il veut.
1 86 Où était le sillon cette année sera la fosse l'année prochaine.
187 Vieux et jeunes, et gens de tout âge,
La Mort viendra vous faucher.
188 Homme fort, — homme crevé ;
Grand marcheur, — homme brisé ;
Beau nageur, — homme noyé ;
Bon tireur, — homme tué.
189 Dans la main de Dieu sont les richesses ;
Arrachez-les à poignées.
190 La conscience avec son tic-toc
Est la clochette de Saint-Kollédoc '.
1 9 1 Les buissons ont des yeux.
192 Mieux vaut pour moi mourir mille fois
Que perdre mon honneur une fois ;
Car mon honneur, quand il sera perdu,
J'aurai beau le chercher, je ne le trouverai pas.
19^ Il faut mesurer la reconnaissance avec la mesure des bienfahs.
I . Dans la croyance populaire, St-Ké, appelé aussi St-KoUédoc, possédait une do-
ihelte qui l'avertissait du bien qu'il devait faire ou du mal qu'il devait éviter.
28
412 Lavaron Ko: a Vreiz Izel.
194 'Neh a m vade-lcc'h droiik
D'ar haradoz lien cm zow^.
19$ Mad eo heva pell ;
Beva mad a zo well.
196 Ar viicz vad a bad aiao,
Ar vuez fall a baouezo.
1 97 Ar vulic hirran 'zo c'hoaz berr,
Hag ar bcc'li skanvan, c'hoaz ponner.
1 98 Pa erra eur c'holl en ti,
Ez erra daou pe dri.
199 Lagad ann denpa eo sarret,
Lagad Doue 'zo digoret.
200 Ha c'Iioui a garre kaoïit eur maro mad?
Bevit ervad.
201 Eul linscl wenn ha pcmp plankenn,
Eun torchenn blouz dindan ho penn,
Pemp troated douar war c'horre,
Setu madou ar bed cr be.
202 Avel, holl avel!
Ez eo rcd merni.
Dastuinet ha Iroel e gallek gant L. F. Salvet
!
Proverbes et Dictons de la Basse-Bretagne. 41 5
194 qui rend le bien pour le mal
Au paradis se porte.
195 Vivre longtemps c'est bien ;
Vivre bien c'est mieux.
1 96 La bonne vie dure toujours,
La mauvaise vie aura un terme.
197 La vie la plus longue est courte encore,
Le fardeau le plus léger encore pesant.
1 98 Quand arrive une perte (c.-à-d. une mort' à la maison,
Il en arrive deux ou trois.
199 Quand l'œil de l'homme est clos,
L'œil de Dieu est ouvert.
200 Voulez-vous avoir une bonne mort ?
Vivez bien.
201 Un linceul blanc et cinq planches.
Un bouchon de paille sous voire tête,
Cinq pieds de terre par dessus,
Voilà les biens du monde dans la tombe.
202 Vent, tout n'est que vent !
Il faut mourir.
Recueilli et traduit par L. F. Sauvé.
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
DE LA BASSE-BRETAGNE!.
Les Géants.
Les géants ont laissé en Bretagne moins de souvenirs que les Nains.
Ils figurent;, il est vrai, d'une manière épisodique, dans les contes qui
font le charme des veillées bretonnes, mais les traditions dans lesquelles
ils jouent un rôle de quelque importance sont fort rares. En voici
une :
A dix kilomètres environ du bourg du Huelgoat, si connu par ses
mines de plomb argentifère et par les sites pittoresques qui l'entourent,
se trouve, à gauche de la route de Pleyben, la chapelle de Saint-Herbot,
bâtie au fond d'un vallon arrosé par la rivière Elez. Cette chapelle,
assez remarquable par la richesse de son ornementation, date du xvr' s.
Elle renferme le tombeau de saint Herbot, sur lequel est couchée la
statue du saint vêtu en ermite. En face de la chapelle, de l'autre côté
de la route, s'élève, sur un coteau boisé, le manoir du Rusquec. C'est
au milieu de ces bois, à travers d'énormes rochers, que coule la cascade
de Saint-Herbot.
A l'époque où les premiers missionnaires chrétiens arrivèrent en
Bretagne, un saint personnage, nommé Herbot, vint établir son ermi-
tage dans le lieu oii est maintenant la chapelle qui porte son nom. Or,
il advint que les habitants de ce pays étant tous païens, le saint homme
fut exposé à de cruelles persécutions. Mais rien ne pouvait ébranler sa
constance ni diminuer son zèle pour la conversion des idolâtres. Au
nombre de ses plus cruels ennemis était le seigneur du Rusquec, un des
hommes les plus savants du pays, qui voyait avec dépit les progrès du
missionnaire chrétien. Le seigneur du Rusquec avait parmi ses amis un
géant énorme qui lui était entièrement dévoué, parce qu'il l'avait soigné
dans une grave maladie et qu'il avait réussi à lui rendre la santé. Un
1. Voir plus haut, p. 226 et suiv.
Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne. 41 5
jour, le savant païen fut trouver le géant et lui dit : « Je suis fatigué
d'entendre si près de moi la voix de ce chrétien maudit. Je veux qu'en
reconnaissance du service que je t'ai rendu tu trouves le moyen d'empê-
cher le bruit de ses prédications et de ses cantiques d'arriver à mes
oreilles. » Le géant se mit aussitôt à chercher un moyen de se rendre
agréable à son ami. Il est bon de dire que ce pays n'était pas alors ce
qu'il est aujourd'hui. A la place où l'on voit les beaux bois du Rusquec,
il n'y avait qu'une montagne aride, toute couverte de grands rochers
qui rendaient la culture de la terre impossible. Les géants ne brillent
pas ordinairement par l'esprit, mais il parait que celui-ci en avait plus
que les autres, car voici ce qu'il imagina : « Je vais, se dit-il, enlever
toutes ces grosses pierres qui rendent stérile la terre de mon bienfaiteur,
et je les jetterai ensuite dans la rivière qui coule près de la maison de
ce chrétien. Les eaux seront ainsi forcées de s'élever au dessus du
barrage que formeront les rochers, et le bruit qu'elles feront en retom-
bant sera assez fort pour couvrir la voix de l'ennemi du seigneur du
Rusquec, à qui je rendrai de cette manière un double service. » Aussitôt
dit, aussitôt fait. En quelques tours demain les rochers furent précipités
dans la rivière, et les eaux, brusquement arrêtées par cette digue, y
formèrent une cascade dont le bruit devait dominer la voix de l'homme
de Dieu. Mais, par un de ces miracles si fréquents à cette époque, il
arriva que le bruit de la chute d'eau, quoique perceptible dans toutes les
autres directions, ne se fit pas entendre du côté de l'ermitage.
Les conversions augmentèrent de jour en jour. Dans cette lutte du
paganisme contre la foi chrétienne, le géant et le seigneur du Rusquec
furent vaincus. Us périrent tous les deux de mort violente, et la croix
fut définitivement plantée dans ce pays qui n'avait naguère pour habi-
tants que des idolâtres.
A un kilomètre de la chapelle de Saint-Herbot, sur le flanc d'une
montagne aride traversée par la route, se trouvent les ruines d'une
grande allée couverte connue dans le pays sous le nom de « Tombeau
du Géant « (Be-Keor, altération de Bez-Caor o\x Caar^^. La tradition
I. Ce mot, que l'on retrouve dans la plupart des dialectes celtiques, n'existe plus dans
le breton armoricain usuel. Mais on le rencontre quelquefois en composition. Il est pos-
sible que l'île de Gavr-Inis, dans le Morbihan, qui renferme une belle allée couverte bien
connue des archéologues, doive son nom à une leg;nde analogue à celle qui se rattache
au monument de Saint-Herbot. Je n'ignore pas que l'on traduit ordinairement Cavrinis
par presqu'île, mais je ferai observer qu'en breton les mets 7/, maison; Inis ou Enes,
île; Lec'h, lieu, se placent quelquefois après leur complément. Ainsi on dit Mol- Enes,
pour Enez-Mol; Dtint-Enes, pour Enes-Dant Cartul. de Landevennec, f" i S4 R); Manach-
Ti, pour Ti-an-Manach: Marc'halec'h, pour Lec'h-an-Marc'had ; etc. Gavr-Inis pourrait
donc signifier « Ile du Géant », de même que Manac'h-Ti signifie « Maison du Moine. »
41 6 Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne.
rapporte que là était enterré un géant dont le corps, lorsqu'on le mit
dans le tombeau, avait été replié neuf fois sur lui-même, et que chacun
des plis avait neuf pieds de longueur. La seule particularité que l'on
raconte de lui, est qu'ayant un jour, en se promenant, passé par dessus
l'église de Saint-Herbot, l'extrémité de la tour toucha le haut de ses
jambes : « Tiens,. dit-il, la fougère est bien haute dans ce pays. » Il est
probable que ce géant est le même que celui de la légende de saint
Herbot.
Les traditions de l'ancien évêché de Tréguier font souvent mention
d'un géant breton, qu'elles nomment Rannou le Fort. Guillaume Lejean,
le savant voyageur que la France vient de perdre, a rapporté deux de
ces légendes dans le Bulletin de l'Association bretonne '. « Un jour, dit-il,
que Rannou le Fort était à son manoir de Trelever, à une demi-lieue du
bourg de Guimaëc (commune du canton de Lanmeur, Finistère), il
apprit que certaines vieilles femmes, attroupées dans une maison du dit
bourg, débitaient mille horreurs sur son compte. Furieux, il arracha un
peulven et le lança à tour de bras dans la direction de la maison indi-
quée. Mais la pierre passa à quelques pouces au dessus du toit et vint
tomber là où nous la voyons aujourd'hui fichée dans le mur du cime-
tière. ))
Une autre fois, Rannou, étant à Plouigneau, avait parié de porter à
bout de bras jusqu'à Morlaix une énorme pierre. Mais, épuisé de
fatigue à une demi-lieue en deçà du but, il la posa en équilibre sur une
butte rocheuse où on la voit encore, au lieu dit la Croix-Rouf!,e-.
D'après une tradition recueillie par M. René Keranbrun dans le
pays de Tréguier, voici de quelle manière Rannou aurait été doué de
sa force prodigieuse :
« Sa mère se promenait un jour au bord de la grève, en ramassant
des coquillages. Tout à coup, elle découvre une sirène que la mer en se
retirant avait laissée à sec. La pauvre femme eut d'abord bien peur, elle
prit la fuite. Mais ayant regardé de loin, et voyant toujours cette étrange
créature immobile, à la même place, elle revint sur ses pas et se mit à la
considérer d'assez près. Alors la sirène lui dit : « Par pitié, venez à mon
secours et ne me laissez pas mourir ici. N'ayez pas de crainte; je n'ai
jamais fait de mal à personne. Bien au contraire, par mon chant, j'avertis
les matelots de la présence des écueils. « — La pauvre femme avait
l'âme bonne. Elle vint au secours de la sirène et l'aida à regagner les
Tome 111, p. M.
Ibid., p. 63.
Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne. 417
tlots. Alors celle-ci lui dit encore : <( Que veux-tu que je fasse mainte-
nant pour toi ? Je suis puissante, demande-moi quelque chose de possible
et tu seras satisfaite. » — « Eh bien! j'ai un fils à la mamelle, fais qu'il
soit le plus fort et le plus vaillant des hommes. »
La sirène plongea dans la mer et reparut quelques minutes après,
portant à la main une conque pleine d'une liqueur semblable à du lait.
— <( Tu donneras ceci à boire à ton fils, » dit-elle, v mais prends bien
garde d'en répandre une seule goutte. »
Néanmoins, la femme, de retour chez elle, n'osa pas faire prendre le
breuvage à son fils avant d'en avoir fait l'essai. Elle en donna donc à
son chat, et ne remarquant sur cet animal aucun effet qui pût l'inquiéter,
elle donna le reste à son fi!s.
Le petit Rannou et le chat ressentirent bientôt la puissance du philtre
magique. Le chat devint si grand et si fort qu'il fallut l'attacher à un
rocher avec une chaîne de fer. Quant à Rannou, à l'âge de neuf ans,
il cassait avec ses mains sept fers à cheval réunis, et il jouait aux osselets
avec de gros blocs de quartz qui forment un monticule près de la rivière
le Doiiron, à l'angle nord-est du département du Finistère. A onze ans,
il avait déjà dix pieds de haut; c'était un prodige. Mais dès cette époque
il y eut chez lui un affaissement subit. Sa grande force disparut, et une
précoce caducité brisa ses membres, à cet âge oij les autres hommes
commencent à peine à se développer. Le peu de confiance de la mère
avait tout perdu. Il fallait à Rannou la potion entière pour être un héros,
et il est resté dans la tradition comme le symbole d'une force extraor-
dinaire, mais incomplète '.
On peut encore mettre au nombre des géants le seigneur de Castel-
RufTel. La forteresse de Castel-Ruffel est un oppidum celtique ou gaulois
qui couronne un des mamelons les plus élevés de la chaîne des Montagnes
Noires, en la commune de Saint-Goazec (Finistère). Il se compose
d'une vaste enceinte circulaire à laquelle se rattache un fer à cheval du
côté de l'est. Les remparts sont formés de gros blocs de quarzite
empilés les uns sur les autres à la manière des constructions cyclo-
I . Cette légende se retrouve avec quelques modifications dans les contes slaves et
aussi dans les contes bretons dont M. Luzel a recueilli une admirable collection qui
trouvera, je l'espère, prochainement un éditeur. Dans ces contes, la sirène de notre
légende est remplacée par le roi des poissons, qui accorde à celui qui le remet dans
l'eau tous les services qu'il lui demande. Les marins bretons croient fermement à l'exis-
tence des sirènes. Il y a dans le voisinage de la baie de Douarnenez (Finistère) une
tradition d'après laquelle Dahut, la fille impudique du roi Grallon, aurait été changée en
sirène après la submersion de la ville d'is dont on trouvera plus loin la légende, et que
c'est elle qui soulève les tempêtes dans la baie que les riverains appellent Ze lac (Al Lenn).
On entend alors sa voix qui domine le bruit du vent et des flots.
41 8 Traditions et Superstitions de la Basse-Bretai^ne.
péennes. A quelques mètres de l'enceinte est une longue allée couverte.
Le seigneur de Castel-Ruffel avait une fille qui s'enfuit un jour avec un
compagnon de la demeure paternelle. Lorsque le seigneur apprit la fuite
de sa fille, il entra dans une violente colère et, apercevant les fugitifs au
moment où ils traversaient la lande de Saint-Jean, à trois lieues de son
château, il an-acha des remparts une grande pierre qu'il lança dans leur
direction. La pierre ne les atteignit pas, mais elle avait été lancée avec
tant de force qu'elle s'enfonça profondément dans le sol à l'extrémité de
la lande où on la voit encore aujourd'hui. On l'y voit en effet. C'est un
beau menhir, qui fait partie d'un alignement dont plusieurs pierres ont
été détruites ou renversées.
Les traditions du genre de celles qui précèdent sont répandues un
peu partout. Dans la Cornouaille anglaise et dans le pays de Galles,
rien n'est plus commun que les Palets du Géant. En France on les appelle
Palets de Gargantua.
Gargantua, que les Bretons nomment toujours Gargantuas, et dont ils
appliquent le nom comme synonyme d'une autre épithète bretonne,
Goulifias, aux gens qui mangent beaucoup, a laissé quelques souvenirs
en Bretagne, surtout dans le pays de Tréguier, où le dicton suivant est
très-populaire :
Gargantuas pa oa bco, Gargantua quand il était vivant,
A iee 'n ur gammcd da Bontav. Allait d'une enjambée à Pontrieux.
Un jour qu'il passait par dessus la haute flèche de l'église Saint-
Tugdual, à Tréguier, il s'écria : « Comme les chalumeaux sont longs
par ici dans les champs! >•> C'est la même légende que celle qui se
rapporte au géant de Saint-Herbot.
Une autre fois, il raccommodait ses souliers, assis sur la tour plate
du Bali, à Lannion. Son ligneul traînait sur la rue, et quand il l'attira à
lui, il souleva à là hauteur de la tour une charrette attelée de quatre
chevaux et chargée de sable de mer^ qui passait dessus.
On voit à Pontaven (arr. de Quimperlé, Finistère), sur la rive gauche
de la rivière, en face du quai, un rocher qui a la forme d'un énorme
soulier. On l'appelle le soulier de Gargantua. Avant la construction du
quai, il y. avait sur la rive droite, vis à vis de ce soulier, un rocher
creusé par les eaux pluviales, en forme d'auge, et que l'on appelait le
bain de pieds de Gargantua.
D'après une tradition que j'ai recueillie à Laz, dans les Montagnes
Noires, la demeure de Gargantua était à la Pointe du Raz. Certes, la
Pointe du Raz est, par son aspect grandiose, une demeure digne d'un
Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne. 419
géant! Une particularité qu'il importe de noter, c'est que, comme
Castel-Ruffel, la Pointe du Raz, ce lieu sauvage et désolé où l'on ne
peut se tenir debout pendant les tempêtes, était un eppidum, ou place
forte, à une époque où nos côtes avaient pour habitants une race
d'hommes plus forte que celle qui les occupe "aujourd'hui. Cette pointe
est en effet séparée du continent par un mur cyclopéen, et l'on peut voir
encore les substructions des deux barbacanes qui en défendaient
l'entrée^ et celles d'assez nombreuses habitations adossées au mur de
clôture. Il est assez remarquable de rencontrer dans le Finistère deux
oppida qui, d'après la tradition, auraient servi de demeure à des Géants.
La dimension des matériaux employés à la construction des remparts
de ces forteresses est, je crois, la meilleure explication de cette croyance
populaire.
Les Lutins.
Ce sont des esprits méchants qui tourmentent les hommes au point
de les faire mourir. Ils prennent toutes sortes de formes ; celles d'un
taureau, d'un bélier, qui tuent les passants à coups de cornes, ou d'un
lièvre qui se glisse entre les jambes de ceux qui traversent un pont, et
les fait tomber dans l'eau. Mais leur forme favorite est celle d'un chien
barbet qui jette du feu par la gueule. Chaque chemin creux, en Basse-
Bretagne, chaque pont, chaque précipice a son lutin particulier. Ils se
tiennent aussi fréquemment dans les carrefours, où on les voit sous la
forme d'un homme coiffé d'un chapeau à haute forme et à bords très-
larges, ou sous celle de belles jeunes filles qui appellent d'une voix
douce les passants. S'ils ont l'imprudence de se laisser charmer par ces
sirènes de la nuit, un coup de tonnerre se fait entendre aussitôt qu'ils
sont près d'elles, et ils tombent foudroyés. C'est pour cela que l'on
trouve si souvent des cadavres dans les carrefours '. Les lutins, comme
la plupart des autres esprits malins, peuvent attaquer avec succès une
ou deux personnes, mais ils n'ont aucune puissance sur trois baptêmes,
c'est-à-dire sur trois personnes réunies. Leur pouvoir de faire le mal est
intermittent. En effet, outre qu'ils ne peuvent l'exercer qu'à certains
jours, il ne leur est accordé pour tourmenter les hommes que les heures
impaires de la nuit, depuis le coucher du soleil jusqu'à son lever.
Il y a une classe de lutins que l'on désigne sous le nom de Hoppers
Cappeleurs). Un des plus connus et des plus redoutés dans les environs
I. Les carrefours Croas-Hent, chemin de croix, au sing.) sont très- redoutés des
paysans bretons, qui n'y passent jamais le soir qu'en faisant le signe de la croix. Ils sont
persuadés que les chats s'y réunissent chaque année, dans la nuit du Mardi-Gras.
420 Traditions et Superstitions de la Basse-Pretagne.
de Quimper, est lan-an-Od (Jean du rivage). Il se tient toujours sur le
bord des rivières, faisant entendre continuellement le cri Ion, hou, hou !
cri guttural familier aux paysans bretons lorsqu'ils rentrent le soir à la
ferme après leurs travaux, et qui se répète de village en village. Si
quelque passant répond à ce cri, lan-an-Od, franchit en un clin-d'œil la
moitié de la distance qui le sépare de l'imprudent, et répète le même
cri. Si le passant y répond encore, le lutin franchit la moitié de l'espace
qui lui reste à parcourir. Enfin, s'il y répond une troisième fois, lan-an-Od
se trouve subitement tout près de sa victime, qu'il étrangle ou qu'il noie.
s'il est dans le voisinage d'une rivière.
Les Viltansed (êtres immondes), connus surtout dans l'ancien évêché de
Léon (nord du département du Finistère), sont des lutins qui se plaisent
dans la fange, où ils se livrent à leurs ébats. On dit qu'une personne a
été frappée d'un sort {scoet) par ces êtres immondes, lorsqu'elle éprouve
comme des contorsions dans les membres.
Un singulier lutin est celui que les habitants de Morlaix appellent
Pair ar voutou coad (le gars aux sabots). Il parcourt les rues de la ville
quand sonnent dix heures du soir, et s'y promène d'un pas grave et lent.
Si on le regarde, on le voit grandir, grandir démesurément, et l'on se
sent devenir de plus en plus petit à mesure que le lutin devient de plus
en plus grand. On met fin à ce prodige en cessant de regarder le lutin.
Les Loups-Garoux.
On les nomme en breton Den-Vleiz (homme-loup), au sirigulier, et
Tud-Vleiz, au pluriel. Ces êtres ont une double existence. Le jour ils
ne diffèrent en rien des autres hommes dont ils partagent les occupations.
La nuit, ils revêtent une peau de loup, et prennent aussitôt le naturel de
cette bête fauve. Ils courent les bois et les champs, attaquant les hommes,
et faisant la chasse aux animaux qu'ils dévorent avec avidité. Au point
du jour ils cachent leur peau de loup avec le plus grand soin, et rentrent
secrètement à la ferme où ils reprennent leurs travaux habituels. Il existe
entre leur peau de loup et leur corps une sorte de solidarité d'impressions
physiques si grande, qu'ils éprouvent toutes celles auxquelles elle est
exposée. C'est ainsi que si elle est placée dans un lieu froid, ils éprou-
veront tout le jour un vif sentiment de froid. On raconte qu'un loup-
garou avait caché sa peau de loup dans un four. Pendant le repas, la
fermière y fit allumer du feu. Aussitôt le loup-garou se mit à crier : c Je
brûle! Je brûle! » et à se démener comme s'il avait été dans une four-
naise. Ces hommes-loups passent pour être doués d'une grande force
physique, et font d'excellents travailleurs.
Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne. 421
Les Lavandières de t^un {Coiierezou,ou Cowezerezou-Noz').
Ce sont des lavandières qui, pendant leur vie, ont, par négligence ou
par avarice, gâté le linge ou les vêtements de pauvres gens qui avaient
à peine de quoi se vêtir, en frottant ces vêtements avec des pierres pour
économiser leur savon. En punition de cette faute, Dieu les renvoie
après leur mort sur la terre, où il leur impose pour pénitence * de laver
constamment du linge, pendant les heures impaires de la nuit, dans les
rivières et dans les lavoirs où elles travaillaient habituellement pendant
leur vie, et d'y transporter dans leur tablier des pierres prises dans le
lieu où elles les prenaient autrefois. Pour se venger de ce travail forcé,
elles appellent le soir les passants, ou vont elles-mêmes à leur rencontre
et leur présentent l'extrémité d'un drap mouillé, dont elles tiennent
l'autre bout, en leur ordonnant de les aider à étreindre ce linge. S'ils
sont assez peu avisés pour étreindre réellement le linge en le tordant,
les lavandières finissent par leur rompre les bras ^ Pour échapper à ce
supplice, il suffit de tourner le linge dans le même sens que la lavandière.
Celle-ci finit, après quelque temps, par se lasser, en voyant que son
travail n'avance pas, et laisse aller sa victime. Cette légende est très-
répandue en Bretagne, où la crainte des lavandières de nuit est des plus
vives. Aussi évite-t-on avec soin le soir le voisinage des lieux où on
lave habituellement le linge. C'est bien assez d'entendre de loin le bruit
effrayant de leurs battoirs.
1. Je trouve ce mot écrit au pluriel Cauuerezou, dans un titre de 1460. On prononce
maintenant en Cornouaille Couerezou.
2. Cette croyance à une réparation, s'accomplissant sur la terre après la mort, des
fautes commises pendant la vie, est pour les Bretons une sorte d'article de foi. J'ai
mentionné plus haut, en parlant des Nains, la pénitence de cette femme condamnée à
revenir sur la terre pour filer autant de lin qu'elle en avait volé pendant sa vie. On croit
communément en Bretagne que toute personne doit manger après sa mort autant de
boisseaux de cendre qu'elle a volontairement perdu eu gaspillé de boisseaux de pain en ce
monde. Les filles de fcme qui, par impatience ou négligence, laissent, en faisant des
crêpes, couler leur pâte dans le feu, reviennent la nuit pleurer et gémir sur leur ancien
foyer, où elles font de vains efforts pour allumer du feu. On voit, la nuit, les meuniers,
qui, faute d'avoir bien ajusté leurs meules ou par toute autre négligence, ont perdu du
grain qui leur était confié, parcourir la nuit les sentiers qu'ils fréquentaient pendant leur
vie, portant sur le dos des sacs remplis de pierres. En un mot, tout tort matériel, sur-
tout celui que l'on fait aux orphelins, doit être réparé après la mort.
Une croyance, qui appartient à un autre ordre d'idées, est celle-ci : Les femmes mariées
qui contrarient volontairement l'augmentation de leur famille reviennent sur la terre sous
la forme d'une truie accompagnée d'un nombre de petits égal à celui des enfants qu'elles
auraient eus en obéissant à la loi naturelle. Pour se débarrasser de ces divers revenants,
il est nécessaire de les conjurer. On verra plus loin ce que les Bretons entendent par
conjuration.
5 . Dans quelques cantons du Finistère, on croit que le supplice qu'elles infligent à
leurs victimes, consiste à les frapper violemment au visage avec leur drap tordu.
42 2 Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne.
Les Boudiket.
Le Boudic que l'on nomme Bom-Noz dans les environs de Quimper,'
est un esprit qui prend surtout plaisir à tourmenter les chevaux. Si vous
trouvez un matin leur crinière tellement embrouillée qu'il vous soit im-
possible de la démêler, soyez sûr que c'est un boudic qui aura fait le
coup. On préserve les chevaux de ses attaques en plaçant le soir dans
leur râtelier le bâton de la charrue {Baz-an-Arar), dont il a été question
plus haut. Le Boni-Noz ne se contente pas d'inquiéter les chevaux, il
tourmente aussi les personnes. Ainsi il a coutume de se placer la nuit sur
la poitrine d'un homme endormi et de le presser de manière à
l'étouffer '. On ne connaît pas la forme sous laquelle le boudic commet
ses méfaits. Des personnes réveillées en sursaut par le sentiment d'op-
pression qu'il leur faisait éprouver, ayant vivement porté la main à leur
poitrine, ont senti un objet velu qui glissait entre leurs bras et s'échap-
pait. C'est tout ce que l'on sait du boudic, qui n'exerce ses malices que
la nuit.
Le Feu-Follet.
On le désigne sous des noms différents suivant les paroisses. On
l'appelle /4n/:£'/c'/;er (l'errant, le circulant)^, à Saint-Pol-de-Léon ; Letern-
Noz (Lanterne de nuit) à Plouarzel ; Tan-Noz (Feu de nuit), dans l'arron-
dissement de Quimper; Potr-ar-Scot-Tan (le gars du tison), dans
l'arrondissement de Quimperlé; Keleren, dans d'autres localités, etc. Si
l'on voit le feu-follet, avant d'être vu par lui, on n'a rien à en craindre.
Mais on est exposé à perdre son chemin, s'il vous voit le premier. Il
vous conduit alors dans une rivière ou dans un étang, où il vous fait voir
une belle route et où vous vous noyez. Pour se garantir de ses maléfices,
il faut ouvrir son couteau de manière à ce que la lame forme un angle
aigu avec le manche, et le planter en terre par ses extrémités libres, le
plus près possible du feu-follet. Il perdra tout son temps à tourner autour
du couteau, en passant sous l'espèce d'arche qu'il forme. Un autre
moyen de se préserver contre cet ennemi, est de retourner, dès qu'on
1. Dans cette situation, il forme une élévation sur la poitrine de ceux qu'il tourmente.
C'est peut-être de là que lui est venu son nom, le mot bom signifiant toute élévation en
général.
2. Legonidec (Dict. breton-français) écrit Ankelch'cr en un seul mot. Il me parait
évident que ce mot est composé de l'article An et de kelc'hcr, qui vient de kelc'hia,
lerder, faire un cercle. Voir le Dictionnaire de D. Le PçWeùer, 3ux mots A nkelher et
Kcic'hia.
Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne. 423
l'aperçoit, une pièce quelconque de ses vêtements, son bonnet, sa
poche, etc.
Ar-Ioten ou Ar-Gheoten.
Ce mot signifie littéralement VHerbe. C'est une piante habitée par un
certain esprit, qui, comme le feu follet, a pour spécialité de faire perdre
leur route aux voyageurs, mais avec des conséquences moins graves. En
effet, si vous avez la mauvaise chance de marcher sur cette plante, vous
tournerez toute la nuit dans un cercle infranchissable, et ce n'est qu'au
lever du soleil qu'il vous sera possible de retrouver votre chemin. Cette
herbe répand la nuit, par intervalles, une lueur phosphorescente analogue
à celle que produit le ver luisant. Elle existe dans certaines prairies, et
s'il arrive que par inadvertance on la coupe, en fauchant le foin, la
pluie commence de tomber immédiatement, et gâte la récolte. On croit à
l'existence de cette plante dans tout le Finistère, et probablement dans
toute la Bretagne bretonnante.
Les Esprits-Follets.
Leur nom est, suivant les localités, Bouffon-Noz Farceurs de nuit),
Biigel-Noz (Garçons de nuit), et Teuz ou Duz. Mais cette dernière
appellation s'applique aussi aux lutins. Les esprits-follets sont des esprits
familiers qui rendent service aux personnes qu'ils affectionnent, et qui
font^toutes sortes de malices à celles qui les ont offensées. Heureuse la
servante qui a un esprit-follet dans sa manche ! La maison sera balayée
tous les jours avec soin, sans la moindre fatigue pour elle ; la pâte sera
pétrie ; les crêpes seront faites sans qu'elle y mette la main. Heureux
aussi le valet décurie qui est l'ami d'un follet ! Il pourra dormir la grasse
matinée, laissant à son compère le soin de panser les chevaux et de
nettoyer l'écurie. Mais pour obtenir les bonnes grâces de ce capricieux
esprit, il faut être pour lui plein d'attentions et de prévenances. La
moindre offense suffit pour l'irriter, et alors il ne laissera échapper aucune
occasion de vous jouer un mauvais tour. Dans le nord du Finistère,
surtout dans l'ancien évêché de Tréguier, il était d'usage, il y a quelques
années (j'ignore si cette coutume s'est conservée), de placer dans un des
coins du foyer, une pierre plate ou un galet (ur vilien), sur laquelle le
bouffon-noz venait s'asseoir la nuit pour se chauffer. On avait soin aussi
de ne pas couvrir le feu entièrement de cendre, mais on laissait à décou-
vert un peu de braise , pour que le pauvre esprit en reçut quelque chaleur.
Un jour il arriva qu'une servante maligne qui, jusques là, n'avait reçu
424 Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne.
que des services du follet, eut la mauvaise pensée de faire rougir au feu
la pierre où il venait se reposer la nuit. Le pauvre bouffon-noz se brûla
cruellement. Mais la malicieuse servante eut à se repentir bientôt de sa
méchante action. A partir de ce moment, rien ne lui réussissait. Dès
qu'elle avait trait les vaches, le lait tournait; ses crêpes brûlaient sur la
poêle ; quand elle allait à la fontaine, sa cruche se cassait. Enfin, elle
faisait tant de gaucheries et de maladresses, qu'elle fut congédiée de la
ferme, où, jusqu'au jour de sa mauvaise action, elle avait vécu heureuse.
Une autre vengeance d'un follet, dont l'histoire est connue dans toute la
Bretagne bretonnante, consistait à faire subir à la dernière personne
qui se mettait au lit dans la maison, la correction qu'on inflige aux petits
enfants qui ne sont pas sages. Il fallait voir comme on se hâtait pour
éviter cette correction, qui était toujours suivie de bruyants ha ! ha! et
d'éclats de rires prolongés.
Les Conjurés.
Les âmes de ceux qui ne sont pas morts en état de grâce reviennent
souvent sur la terre, où elles se plaisent à tourmenter les vivants. On ne
peut s'en délivrer qu'en les conjurant. Pour cela, le prêtre doit leur
jeter sur le cou son étole bénite, après quoi elles sont entièrement dans
sa dépendance. Le prêtre peut donner aux conjurés la forme qui lui
convient. Il les change en animaux (le plus souvent en chien barbet, le
prototype du diable en Basse-Bretagne), ou en un objet quelconque, tel
qu'une tabatière, un sabot, etc. La pratique la plus suivie aujourd'hui,
est de les changer en ouragans. Le prêtre ouvre la fenêtre, et leur donne
l'ordre de sortir. Aussitôt ils se précipitent au dehors comme un vent
impétueux, auquel se mêle leur voix que l'on prend pour le tonnerre.
On entend souvent la voix des esprits dans le vent.
Après leur métamorphose, les conjurés sont conduits de presbytère en
presbytère, jusqu'au presbytère de Braspartz. Le bedeau de cette paroisse
les mène ensuite à la Roche-Trevezel, le point le plus élevé du départe-
ment du Finistère, d'où les âmes condamnées sont précipitées dans les
fondrières du Yun-Elez ', au pied du Mont-Saint-Michel dans !a
montagne d'Are. Cette exécution est toujours accompagnée d'ouragans
terribles qui font trembler la montagne. Pendant la route, le conjuré
I. Marais de la rivière Elez, en la commune de Botmeur .^Finistère;. Dans le canton
Je Pont-Aven (arrondissement de Quimperlé), on conduit les conjurés dans l'île, ou
presqu'île de Rag-Enez, en la commune de Nevez. On verra plus bas qu'on les conduit
encore dans d'autres lieux.
Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne. 42 5
adresse à son conducteur les paroles les plus touchantes. Il l'implore en
prenant la voix d'une personne qui lui était chère, et que la mort lui a
enlevée, pour l'engager à tourner la tête et à le regarder. Mais s'il avait
la faiblesse de le faire, le conjuré lui casserait le cou aussitôt.
Les conjurés ont une heure sur vingt-quatre pour faire aux hommes
tout le mal possible, dans la limite du cercle où ils ont été enfermés. Ces
cercles sont tracés par des plantes qui croissent ordinairement dans les
marais, et leur intérieur est toujours dépourvu de végétation. Malheur
à l'imprudent qui se hasarderait dans ces cercles maudits à l'heure où les
conjurés sont déchaînés !
La marquise de Trevaré (Madame de M...), connue dans le pays sous
le nom de Ar Loncheghez-Coz 'la vieille goulue) ' revenait après sa mort
dans son château et y faisait tant de vacarme qu'il était devenu inhabi-
table. Ni les hommes, ni les bêtes, ne pouvaient passer le soir sur les
routes voisines sans s'exposer aux plus grands dangers. Le recteur de
Laz se décida enfin à la conjurer. Il étudia avec soin ses livres et se
rendit le soir au château de Trévaré. Une lutte s'engagea entre la mar-
quise et lui. Mais il avait négligé une précaution sans laquelle il est
impossible de se rendre maître d'un conjuré. Il n'avait pas ôté ses chaus-
sures avant d'engager la lutte. Aussi ne put-il parvenir à vaincre la
marquise. Quelque temps après, ayant de nouveau consulté ses livres, il
retourna au château. Mais cette fois, il eut soin de s'y rendre pieds nus.
Dès que la marquise l'aperçut : ((Ah! te voilà encore, lui dit-elle. As-
tu cette fois bien étudié tes livres '^. — <( J'ai fait mon possible, lui
répondit le recteur. » — « Tu ne réussiras pas mieux aujourd'hui que
l'autre jour. A nous deux maintenant. Voyons, es-tu homme ? » — (( Oui,
homme jusqu'à la terre. » — (( Dis-îu la vérité r » — Tu peux t'en
assurer, dit le recteur en montrant ses pieds. )> La marquise se baissa
pour voir s'il avait réellement les pieds nus. Le prêtre profitant de ce
mouvement, lui jeta son étole sur le cou. Elle était vaincue. Le recteur
la changea en petit chien épagneul, et rentra à son presbytère. « Tiens!
lui dirent ses domestiques, d'où avez- vous eu ce joli petit chien, monsieur
le recteur r » — « Oh ! c'est une personne de ma connaissance qui me
l'a envoyé. » — <( Faut-il lui donnera manger? — ^ Non, il n'a pas
faim. » Il prit alors son bedeau à part, et lui dit : c Tu vas te rendre
avec ce chien dans le bois de Trévaré. Arrivé dans le coin le plus sombre
du bois, tu traceras avec cette baguette que je te remets, un cercle dans
1. J'écris ce mot tel que je l'ai entendu prononcer par un habitant de la commune de
Laz. La forme la plus usitée est Lonkerez.
426 Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne.
lequel tu feras entrer le chien. Tu lui donneras alors trois coups de
baguette, mais seulement trois coups; car si tu lui donnais seulement
un de plus, tu t'exposerais aux plus grands dangers. Tu reviendras
ensuite sans jamais regarder en arrière, quelle que chose que tu voies ou
entendes. ).
Le bedeau se conforma ponctuellement aux ordres du recteur, et
quand il eut placé le chien dans le cercle, et qu^il lui eut donné les trois
coups de baguette, le chien lui dit : « Donne-moi encore un coup, je
t'en prie. » — « Non, c'est assez, lui répondit le bedeau. j> — « Ah ! si
tu m'avais donné seulement un coup de plus, je t'aurais brisé tous les
membres. » Aussitôt la terre s'entrouvrit. De ses entrailles sortirent des
hurlements horribles. Le tonnerre gronda. Le vent souffla avec furie;
des flammes s'élancèrent de l'abîme qui avait englouti le chien, et par-
coururent tout le bois. C'était la réception faite à une âme damnée!
Suivant une autre tradition qui a cours dans la commune de Plougonven
(Finistère), et dont je dois la communication à M. Luzel, un ancien
évêque de Tréguier, connu dans le pays sous le nom à'Escop-Penar-
stanc^, « revenait », jusqu'en ces derniers temps. En punition d'une vie
qui fut loin d'être celle d'un bon évêque, Dieu l'avait condamné à venir
toutes les nuits dire sa messe, ou du moins essayer de la dire, dans
l'église de Plougonven, jusqu'à ce qu'il eut trouvé un chrétien pour la
lui servir, et faire les répons. On le voyait versjninuit arriver au bourg,
dans un vieux carrosse vermoulu et tout disloqué, traîné par deux bidets
poussifs et décharnés, dont les brides et les rênes étaient en fil d'étoupe,
les harnais en lambeaux, et qui ressemblaient aux chevaux de la Mort.
Il descendait à la porte du cimetière, gravissait les degrés de l'escalier de
pierre, et pénétrait dans l'église. Il allumait les cierges, revêtait l'étole
et la dalmatique ; puis du pied de l'autel, se tournant vers le bas de
l'église, il s'écriait par trois fois : (( S'il y a ici un chrétien qui veuille
me répondre la messe, je le prie de s'avancer sans crainte. » Mais sa
voix ne trouvait pas d'écho. Alors l'évêque poussait un gémissement, il
se déshabillait, éteignait les cierges et remontait dans son carrosse pour
retourner au manoir de Penarstanc. La même scène se renouvelait
chaque nuit.
Plusieurs habitants du bourg et des passants attardés, étonnés de voir
l'église s'illuminer au milieu de la nuit, s'en étaient approchés, et trou-
I. Frère François de la Tour, .successivement moine de l'abbaye du Relec et évêque
de Cornouaille, puis de Tréguier. Il mourut en l'année 1(9?, à son manoir épiscopal de
Penarstanc, en la commune de Plougonven, et fut enterré dans l'église de cette com-
mune, sans enfeu ni épitaplie. — Albert le Grand, Catal. des évêques de Cornouaille.
Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne. 427
vant les portes closes, ils avaient tout vu par le trou de la serrure. Un
recteur de Plougonven, qui était plus savant que tous les autres prêtres
du pays, voulut conjurer le vieil évêque. Voici comment il s'y prit :
Un peu avant minuit, accompagné de six jeunes garçons il alla se
poster derrière le pignon d'une maison située sur le bord de la route qui
menait à Penarstanc. A l'heure ordinaire, ils virent venir le carrosse de
l'évêque, et aussitôt les enfants se mirent à crier^ suivant les instructions
du recteur : « Hé! voici l'évêque de Penarstanc! voici l'évêque de
Penarstanc ! Voyez donc quel triste attelage ! Des brides de chanvre !
Des rênes d'étoupe! et quels chevaux! un /;/7/aoiifr (chiffonnier; n'en vou-
drait pas! »
En entendant ces cris l'évêque mit la tête à la portière de son carrosse.
Mais aussitôt le recteur s'élança vers lui_, lui jeta son étole sur le cou,
et monta avec lui dans le carrosse. Alors les chevaux partirent au grand
galop vers Penarstanc, et arrivés là, ils se précipitèrent dans l'étang du
manoir, où ils s'engloutirent avec le carrosse. Le recteur seul surnagea
et s^en tira sans mal. Depuis, l'eau semble toujours bouillonner à l'endroit
où l'évêque avait disparu.
La Peste.
En breton Ar Vossenn. Elle est personnifiée sous la forme d'une dame
vêtue de blanc, et tenant à la main une baguette blanche. La tradition
suivante est très-populaire en Cornouaille. C'était le jour du pardon
d'Elliant. Un jeune homme qui allait au bourg, aperçut assise sur le
bord d'un ruisseau, qui sépare une paroisse, qu'on ne nomme pas, de la
paroisse d'Elliant^ une belle dame vêtue de blanc, qui tenait à la main
une baguette blanche. « Veux -tu me passer de l'autre côté du ruisseau,
dit-elle au jeune homme. » Celui-ci s'empressa de transporter la dame
sur l'autre rive, les uns disent dans ses bras, les autres sur son épaule.
La dame lui dit alors : « Tu ne sais pas, jeune homme, qui tu viens de
passer. Je suis la Peste; mais en raison du service que tu m'as rendu, tu
n'auras rien à craindre de moi. Mets-toi dans le coin du porche de
l'église;, à l'issue de la grand'messe, et sois attentif à ce que ferai. Toutes
les personnes que je toucherai de ma baguette, mourront dans la
semaine. )> C'est ce qui arriva en effet, ajoute la légende. Presque tous
les habitants de la paroisse moururent. En quittant la paroisse d'Elliant,
la Peste se dirigea vers celle d'Ergué-Gabéric, qui en est voisine. Mais
arrivée au bord du ruisseau qui sépare les deux paroisses, elle aperçut
Notre-Dame de Kerdévot, debout sur un rocher, dans une attitude me-
naçante. La sainte Vierge ordonna à la Peste de retourner sur ses pas,
29
428 Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne.
et lui défendit d'entrer dans la paroisse où elle avait sa chapelle. La
légende ne dit pas de quel côté se dirigea la Peste. On voit encore au
bord de ce ruisseau, près d'un pont appelé Pont ar Vossenn (Pont de la
Peste), entre les villages de Rubernard et de Niverrot, en Ergué-
Gabéric, le rocher sur lequel se tenait la sainte Vierge, et où elle a laissé
l'empreinte de son pied. On y voit aussi l'empreinte du pied de la Peste.
La chapelle de Notre-Dame de Kerdevot, qui est en grande vénération
dans le pays, est située à peu de distance de ce pont. De nombreux pèle-
rins assistent à son pardon, qui a lieu le deuxième dimanche de sep-
tembre '.
Peu de pays ont autant souffert que la Bretagne de la peste et des
autres maladies contagieuses. Depuis les temps les plus anciens jusqu'au
xv!!*" siècle, les documents constatent l'apparition fréquente de ce fléau
dans cette province. Aussi n'est-il pas surprenant que les légendes qui
en ont conservé le souvenir y soient si populaires. Ces légendes n'offrent
dans leurs détails que de légères différences, mais le théâtre des événe-
ments qu'elles rappellent varie suivant les localités. En Cornouaille, les
faits se passent à Elliant ; dans l'évêché de Léon, à Plouescat; dans le
pays de Tréguier, à Runan et à Guingamp. Voici celle qui a cours dans
l'évêché de Tréguier. Elle a été recueillie de la bduche d'une femme
âgée de quatre-vingt-deux ans, par M. F. M. Luzel, dont je repro-
duis textuellement la note :
u A une époque indéterminée, la peste fit de grands ravages dans
l'arrondissement de Lannion, et principalement sur les côtes. Nos
paysans, qui aiment à se représenter chaque chose, même les plus
I. La chapelle de Kerdevot possède un triptyque qui sert de rétable au grand autel,
et que l'on peut compter au nombre des plus beaux morceaux de sculpture sur bois
existant en Bretagne. Les panneaux manquent. Il n'existe que la partie centrale du
meuble, qui est divisée en six compartiments dans lesquels est représentée, en haut
relief, la vie de la Vierge. Quatre seulement de ces compartiments sont anciens; les
deux autres y ont été ajoutés à une époque assez moderne. On ignore la provenance de
ce chef-d'œuvre, qui date de la fm du xv" siècle, et qui est très-probablement un ex-
voto.
D'après la légende qui s'y rattache, ce triptyque aurait été apporté par les flots,_ sur
la côte de Bretagne, d'où deux bœufs de couleur blanche l'auraient transporté à la
chapelle de Notre-Dame de Kerdevot. A partir de ce moment, ces deux bœufs se trou-
vaient tous les matins à la porte de la chapelle, à la disposition des pauvres gens de la
paroisse qui pouvaient s'en servir pour labourer leur champ. Mais ils ne pouvaient les
prendre qu'après le lever du soleil, et ils devaient les ramener avant son coucher au lieu
où ils les avaient pris le matin. Un habitant de la paroisse ayant manqué à cette obliga-
tion, les bœufs disparurent et on ne les revit plus.
D'un autre côté, voici ce que me disait, il y a quelques années, le bedeau de la
chapelle : « Ce travail a été fait par un homme pauvre, mais plein de dévotion à Notre-
Dame, à qui il avait consacré sa vie. Comme il n'avait pas d'argent pour acheter du
bois, il se contentait des copeaux que les charpentiers lui donnaient par charité. Il a
travaillé bien des années avant d'en venir à bout, mais il n'y serait jamais parvenu si la
Sainte vierge elle-même ne l'avait aidé. »
Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne. 429
abstraites, sous une forme concrète et palpable, se figuraient le tléau
sous les traits d'une petite vieille femme pliée en deux et s'appuyant sur
une baguette blanche. Il paraît qu'elle craignait l'eau, car quand elle
rencontrait une rivière, elle s'arrêtait et s'asseyait auprès du gué, atten-
dant que quelqu'un voulût la passer sur son dos. La bonne femme de
quatre-vingt-deux ans, dont je vous ai parlé dans la lettre que vous me
rappelez, me dit comment la Peste traversa le Guindy, puis le Jaiidy, etc.,
avant d'arriver à Runan, oiî elle vida presque toutes les maisons. De
Runan, elle voulut aller directement à Guingamp, et ainsi tout le pays
entre Runan et Guingamp fut préservé. Comme à l'ordinaire, elle se
trouva arrêtée par un cours d'eau, je ne sais lequel. C'était un samedi,
jour du marché de Guingamp. Plusieurs personnes avaient déjà refusé
de la passer sur leur dos; enfin, un paysan qui conduisait une charrette
pleine de lin lui permit d'y monter jusqu'à la ville.
— « Que de monde il y a aujourd'hui à Guingamp, dit le paysan à la
vieille.
— '( Oui, répondit celle-ci, mais demain presque tout ce monde-là sera
mort, ou malade au lit.
<( Quand la nuit fut venue, la vieille, avec sa baguette blanche, marqua
presque toutes les portes d'une croix, et le lendemain tout le monde
était ou mort ou malade, et l'église de Guingamp était presque déserte
à la grand' messe ! «
Outre la légende en prose relative à la peste, il existe sur le même sujet
unguerz très-connu en Cornouaille, mais dont on ne retrouve plus que quel-
ques fragments dans les anciens évêchés de Léon et de Tréguier. Les poètes
populaires bretons n'ont pas pu, en effet, négliger un sujet qui rappelait
à chacun le souvenir de parents ou d'amis morts victimes de la conta-
gion. Leurs poésies devaient être accueillies partout avec une pieuse
reconnaissance ; car je ne pense pas qu'aucun peuple conserve plus
religieusement que les Bretons le souvenir des parents qu'ils ont perdus.
Que ceux qui en doutent prennent la peine de visiter, la veille du jour des
Morts, un cimetière de campagne '.
Une version du guerz dont je viens de parler, a été publiée par
I. Il existe à l'île d'Ouessant une coutume touchante appelée Broellou, ou Brouellou,
dont voici les détails : Quand un habitant meurt hors de l'île, soit de maladie, soit à la
suite d'un naufrage, ce qui n'est pas rare, puisque les Iliens sont tous marins, les
parents du défunt font une petite croix de bois qu'ils placent sur son lit ou sur la table
de famille. On l'entoure de cierges, et l'on invite les parents et les amis à passer la
nuit dans la maison pour y dire des prières, comme si le corps du défunt était présent.
Le lendemain, le parrain ou le père du mort porte la croix à l'église, suivi :îe tous les
assistants, et l'on célèbre le service des morts à l'intention du défunt. Autrefois, on
enterrait la croix à l'issue de la cérémonie; plus tard on la plaçait sur l'autel; aujour-
d'hui on la dépose dans une urne, près de la chapelle des Trépassés et, lorsqu'il s'y trouve
un certain nombre de croix, on les enterre toutes ensemble.
4^0 Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne.
M. Luzel dans son Recueil de chants populaires de la Bretagne '. En
voici une autre que j'ai recueillie en 1870 dans les environs de Quimper^.
Elle est plus complète que la première et offre quelques variantes qui ne
sont pas sans intérêt :
BOSSENN ELLIANT.
1.
Hanta- cant nozvcz cz oun bet
'N ur parkic bihan balance,
'N ur parkic bihan balance,
Clase laeres cleier an Drindel.
0 zri maint 0 son glaz ;
Ar goulou coar an allumaz, (sic)
An oll zent a zermoni :
« Olier coz croughet e vi! »
Mar e vin croughet ar btoaz man,
Na vin ket croughet barz unan.
Me meus er ghcr ur verch Vari,
A oar ober archant coulz ha me.
II.
Ar Vossenn venn zo tal ma zi;
Pa garo Doue teui en ti.
Pa teui en ti, me ialo 'r mez.
Meur da galon a gra dicz,
LA PESTE D'ELLIANT.
I.
J'ai passé cinquante nuits
Dans un petit champ de genêts,
Dans un petit champ de genêts,
Cherchant à voler les cloches de la Trinité.
Les trois cloches sonnent le glas;
Les cierges s'allument,
Tous les saints prêchent (disent) :
— « Vieux Olivier, tu seras pendu ! »
Si je suis pendu cette année.
Je ne le serai pas l'année prochaine.
J'ai à la maison une fille (nommée) Marie,
Qui sait taire (gagneri de l'argent aussi bien que moi.
H.
La Peste blanche est à la porte de ma maison ;
Q^uand il plaira à Dieu elle y entrera.
Quand elle entrera, je sortirai.
Elle afflige bien des cœurs,
1. Voir, dans les Gwerziou Breiz-lzel, chants populaires authentiques de la Basse-
Bretagne, \<t gwerz de la Peste d'Elliant, t. i, p. 497.
2. Elle m'a été chantée par une vieille femme, originaire de la commune de Briec
(Finistère), journalière chez M. a. de Blois.
Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne. 4^ i
Calon intanv hag intanvez,
Calon minor ha minorez;
Seiz mab t oa en un tiad;
Ho zdz int et en ur c'harrad;
Ho mam arog 0 charread ;
Ho zad varkc'h 0 c'houibanat,
Collet gant han lu skiant vad,
Gant ar glac'har euz he seiz vab.
(' — Autrou sant Ccrman, m'ho suppli
Da lojet ma seiz mab en ho ti. »
— « Leun eo ma zi beteg 'n treuziou,
Hag ar veret betcg 'r muriou. n
— (( Aiitrou sant German, m'ho suppli
Da benighct ur parc pe zaou,
'Vit lacat corjou ar re baour. »
Et eo ar Vossenn a El liant,
Mez ne ket et heb pourveant ;
Et eo gant hi dec mil a cant.
Ha pevar mil 'r re innocent.
IV.
Barz e Kemper var un doal venn
Ez oâscrivet guerz ar Vossenn;
Diou plac'hic iaouanc 0 scriva,
Teir femelen 0 discana.
Cœur de veuf et de veuve ,
Cœur d'orphelin et d'orpheline.
Il y avait sept fils dans une maison ,
Ils sont allés tous les sept en une charretée.
Leur mère, devant, les traînait ;
Leur père les suivait en sifflant ;
Il avait perdu la raison.
De la douleur fde la mort) de ses sept fils.
— « Monsieur saint Germain, je vous supplie
De loger mes sept fils dans votre maison (église). »
— « Ma maison est pleine jusqu'aux seuils,
Et le cimetière jusqu'aux murs. »
— « Monsieur saint Germain, je vous supplie
De bénir un champ ou deux.
Pour mettre les corps des pauvres. »
III.
La Peste est partie d'Elliant,
Mais elle n'est pas partie sans être pourvue,
Elle a emporté dix mille et cent,
Et quatre mille innocents (enfants).
IV.
A Quimper sur une nappe blanche
Fut écrit le guerz de la Peste ;
Deux jeunes filles écrivaient,
Trois femmes chantaient.
4^2 Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne .
Une troisième version, qui diffère en bien des points des deux pre-
mières, a été publiée il y a déjà longtemps dans le Barzaz-Breiz. L'auteur
parait s'être servi pour arranger cette version, des guerziou de la peste
d'Elliant et de la peste de Plouescat, qu'il a modifiés en partie, et aux-
quels il a ajouté des développements qui trahissent l'origine moderne de
cette composition '.
La peste est la seule maladie contagieuse que les Bretons aient per-
sonnifiée. Quant aux autres maladies épidémiques, telles que le choléra,
le typhus, etc., ils s'imaginent, comme on le croyait généralement au
moyen-àge, qu'elles sont causées par l'empoisonnement des fontaines, et
par des poudres délétères que l'on répand sur les lieux élevés, d'où elles
vont, portées par le vent, propager le fléau dans les campagnes. Ces
poisons sont préparés par de riches habitants des villes, qui ont puisé
une grande science dans les livres. Ils peuvent à leur gré arrêter la
contagion, mais ils n'y mettent fin, le plus souvent, que lorsque quelques-
uns de leurs parents ou de leurs amis en ont été victimes.
Il n'est pas prudent à des étrangers de s'aventurer en temps d'épidémie
dans certains cantons reculés de la Bretagne, dont les populations,
naturellement douces et hospitalières, peuvent devenir hostiles à des
inconnus, que dans leur ignorance elles supposent être les auteurs du
mal mystérieux qui les déciment. Le fait suivant, dont j'ai été témoin,
en donnera la preuve.
En 1855 ou 1854, le choléra faisait de nombreuses victimes dans la
presqu'île de Crozon (Finistère). Un voyageur, qui visitait à cette époque
ce pays, l'un des plus pittoresques et des moins connus de la Bretagne,
s'était arrêté près d'une fontaine pour se désaltérer. Des enfants l'ayant
I. Ainsi, dans l'admirable épisode de la mort des sept frères, il dit, en parlant de la
mère :
« Elle hurlait, elle appelait Dieu, elle était bouleversée corps et âme : — Enterrez
mes neuf fils et je vous promets un cordon de cire qui fera trois fois le tour de vos
murs, — Qui fera trois fois le tour de votre église et trois fois le tour de votre asile. —
J'avais neuf fils que j'avais mis au monde, et voilà que la mort est venue me les prendre,
— • Me les prendre sur le seuil de ma porte ; plus personne pour me donner une petite
goutte d'eau ! »
Rien de semblable ne se trouve dans les versions populaires. L'immense douleur de
cette mère qui traîne ses sept fils vers le cimetière doit être, en effet, une douleur
muette. Elle ne songe pas à se plaindre ; sa seule préoccupation est d'obtenir un coin de
terre bénite pour y déposer le corps de ses enfants. L'auteur de la version du Barzaz-
Breiz ne s'est pas souvenu que la douleur, chez les Bretons, est toujours silencieuse. Je
ferai en outre remarquer que cette femme fait un vœu bien téméraire en promettant au
patron de la paroisse d'Elliant un cordon de cire qui fera trois Ibis le tour de son église
it trois fois le tour de son asile. Il y a des asiles qui sont fort grands : l'asile ou Miiiichi
de Saint- Pol-de-Léon, par exemple, comprenait sept paroisses. Celui de Loc-Ronan a
_ deux lieues de tour. On se demande comment elle pourra payer une bougie de plus de
' vingt-quatre kilomètres de longueur, elle qui se plaint, quelques vers plus bas, de n'avoir
plus personne pour lui donner une goutte d'eau, ce qui signifie, si je ne me trompe,
qu'elle est réduite à la misère. Il est vrai que, dans la première édition du Barzaz-Breiz,
son cordon de cire m; devait faire que deux fois le four de l'église et quatre fois le tour
de la croix. Il n'y est pas question de l'asile du saint.
Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne. 4 H
aperçu, s'enfuirent en criant : « l'homme du choléra! l'homme du cho-
léra ! » Aussitôt les hommes et les femmes qui travaillaient dans les
champs voisins, s'armant de fourches, de pioches et de pierres, se mirent
à la poursuite de l'étranger en criant : « Tuez-le ! Tuez-le ! C'est
l'homme du choléra 1 » Les femmes surtout se montraient acharnées dans
cette poursuite. Le voyageur parvint cependant à leur échapper, grâce
à la vitesse de ses jambes. Mais quand après une course de plusieurs
kilomètres, il arriva en vue du port de Morgat dans la baie de Douar-
nenezj il tomba épuisé de fatigue sur le sable de la grève, où les furies
qui le poursuivaient l'auraient certainement lapidé, si le poste de la
douane de Morgat n'était venu à son secours.
Le Diable.
Je ne puis clore cette galerie d'esprits malins, sans dire un mot du
diable, leur chef naturel. Son nom breton est Diaoul ou Diawl ; mais on
l'appelle familièrement Po//c, diminutif probable de Diaboliis. Les bretons
le redoutent bien moins que les latins, et dans les histoire? qu'ils en
racontent, ils lui font presque toujours jouer un rôle de dupe, comme on
le verra par les légendes qui suivent.
Saint Guennolé qui, avant de devenir abbé de Landévennec, était
simple recteur de Locunolé, petite paroisse des environs de Quimperlé
(Finistère), étant un jour fort en peine de construire un pont sur la
rivière Elle, pour relier sa paroisse à celle de Guilligomarch, se lamentait
sur une des rives du fleuve, lorsqu'un beau monsieur parut tout à coup
sur l'autre rive et dit au saint : « — Je sais ce qui vous embarrasse.
Vous voudriez bâtir un pont sur la rivière, et vous ne pouvez y parvenir.
Eh bien! je me charge de vous le construire, mais à une condition. »
— « Laquelle ? dit saint Guennolé, qui avait aperçu le pied fourchu
du diable.
— C'est que vous me donnerez la première créature qui y passera.
— - Affaire conclue, dit le saint. Mettez-vous à l'œuvre. Je vais faire
un tour à mon presbytère, et je reviendrai dans un instant voir comment
vous travaillez.
Quand saint Guennolé revint, le pont était achevé, et le diable atten-
dait à l'autre e.xtrémité le payement de son marché. Alors saint Guennolé
ouvrit un sac qu'il avait apporté et d'où sortit un chat qui traversa le
pont en courant à toutes iam.bes. Le diable, obligé de se contenter de
cette maigre proie, s'en alla en blasphémant, poursuivi par les éclats de
rires et les huées du saint et de ses compagnons.
4?4 Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne.
Le pont auquel se rattache cette légende se trouve dans un des sites
les plus sauvages du vallon de l'Ellé, et porte encore aujourd'hui le nom
de Pont-an-Diaoïil (Pont du Diable). Un pont semblable fut construit
aux mêmes conditions, dans le Morbihan^ au profit de saint Cado, qui
dupa le diable de la même manière que saint Guennolé. Au reste, cette
légende n'est pas particulière à la Bretagne. On la retrouve un peu
partout.
Une autre fois, trois hommes, le sonneur de cloches, un aubergiste
et un autre habitant de la commune de Pluguffan (Finistère), voulant
faire fortune tout d'un coup, se rendirent dans un carrefour, peu éloigné
du bourg, après avoir publié qu'ils y allaient faire une vente. Arrivés au
lieu indiqué, ils tracèrent avec un crayon rouge un grand cercle dans
lequel ils entrèrent, et y allumèrent du feu. L'un des hommes était armé
d'un fouet pour éloigner les personnes qui s'approcheraient trop près du
cercle ; le second soufflait le feu, et le troisième tenait une poule blanche
qu'il paraissait se disposer à faire cuire. Quelques personnes s'appro-
chèrent pour prendre part à la vente, mais comme ce n'étaient pas celles
qu'attendaient les trois hommes, elles furent chassées à coups de fouet.
Après avoir attendu quelque temps, l'un des vendeurs s'écria : « Com-
ment! on fait une vente ici, et personne ne se présente pour acheter ! »
Trois hommes vêtus de noir parurent alors à quelque distance du
cercle. — (f Je veux bien acheter, dit l'un d'eux, mais qu'avez-vous à
vendre ?
— « Une des créatures qui se trouvent ici. Mais pour l'avoir, il faut
me jeter une bourse où l'argent ne manquera jamais. »
— '( Je n'ai pas de bourse de ce genre, dit l'acheteur, mais celui qui
va me suivre vous en donnera une. » Puis il disparut.
Le second fit la même réponse et disparut à son tour. Le troisième,
qui n'était autre que le diable^ se présenta alors et jeta aux vendeurs la
bourse qu'ils demandaient.
Il s'imaginait qu'il venait d'acheter un des hommes qui se trouvaient
dans le cercle. Mais en échange de sa bourse magique, il ne reçut que
la poule blanche, qu'il dévora de rage, et disparut en feu et en fumée.
Outre ces légendes qui font rire aux dépens du diable, il en est de
plus sérieuses qui renferment un enseignement moral. Telle est celle-ci
qui m'a été racontée sous le titre de la Tête de feu.
Jean était un homme qui ne possédait pas de qualités, mais qui avait
en revanche, beaucoup de défauts, entre autres celui de s'enivrer régu-
lièrement toutes les fois qu'il allait au bourg. Or, il ne manquait pas d'y
aller tous les jours de la semaine, et il ne s'en revenait que le soir très-
Traditions et Superstitions de la Basse-Bretagne. 435
tard_, en chantant des chansons bachiques, au grand désespoir de sa
femme et de ses enfants, dont il avait dissipé presque tout le bien. Un
soir que, selon son habitude, il revenait de Châteauneuf, il vit s'avancer
vers lui un globe de feu qui s'arrêta à ses pieds. Il put voir alors que ce
globe était une tête garnie de dents aiguës sur toutes ses faces, et de
laquelle jaillissait du feu. Il était si endurci dans le vice, qu'il ne fut pas
effrayé de cette vision. — <- Que me veut donc cette tête, avec ses
dents ? lui dit-il. » — « Jean, lui répondit la tête, change de chemin, ou
il t'arrivera malheur ! » — « Oh ! volontiers, dit-il ; il y a d'autres routes
que celle-ci pour me rendre chez moi. » Malgré cet avertissement, il
continua à mener la même vie déréglée. Seulement pour rentrer chez lui,
il avait soin de prendre une autre route que celle où il avait vu l'appa-
rition. Son aveuglement l'avait empêché de comprendre que le change-
ment de chemin qu'on lui demandait, était le changement de sa conduite.
Un matin on le trouva étranglé dans un chemin creux. La tête de feu
était le diable. C'est lui qui avait causé la perte de Jean; mais avant de
lui permettre d'en faire sa proie, Dieu l'avait contraint de donner à sa
victime un avertissement.
R. F. Le Men.
LA VÉRITABLE
HISTOIRE DE BRETAGNE
DE DOM LOBINEAU.
D'Argentré, dans son Histoire de Bretagne, nous a raconté par quels
moyens François l" réussit à obtenir des Etats de Bretagne l'union
définitive de cette province à la France. Les voies de persuasion ne
furent pas seules employées; la corruption fut leur auxiliaire efficace.
Toutefois, l'adhésion fut loin d'être unanime, et d'Argentré nous a
transmis l'Advis des opiniastres, c'est-à-dire, les objections des opposants,
devenus des irréconciliables. Ces objections, insérées dans l'édition de
1 582 (p. 1 179), et les passages sur Philippe-Auguste (p. 268); sur
saint Louis (p. 351); sur Charles V (pp. '^62 et 632); sur Charles VII
(p. 948), parurent à la cour de France autant d'attentats à son auto-
rité, et déterminèrent les poursuites du procureur général La Guesle
contre celui qu'il appelait le faciendaire du duc de Mercœur, insinuant
par là que d'Argentré, au lieu d'être un historien sincère et véridique,
n'avait composé qu'un pamphlet destiné à faire réussir les convoitises du
duc de Mercœur qui aspirait à se faire proclamer duc de Bretagne. La
Guesle n'osa pourtant pas aller jusqu'à revendiquer la suzeraineté de la
France depuis la première race. Il s'attacha uniquement à établir que la
Bretagne était un fief servant, de la nature de ceux qui se confondaient
avec le fief dominant lorsqu'ils venaient à se trouver réunis dans la
même main, ce qui serait résulté des deux mariages de la duchesse
Anne avec Charles VIII et Louis XII, et qui, dès lors, ne pouvaient
plus être séparés. Ces arguties, empruntées à l'arsenal de la jurispru-
dence féodale, furent favorablement accueillies par les magistrats fran-
çais qui condamnèrent le livre et ordonnèrent la suppression des
passages incriminés. Henri III ne se contenta pas de l'arrêt du Parle-
ment de Paris. Il chargea son médecin Vignier, dont il fit son historio-
La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau. 4^7
graphe, de réfuter l'audacieux écrivain qui avait osé affirmer
l'indépendance originaire, immémoriale, constante, absolue, de son pays.
Vignier remplit sa tâche dès 1 582, mais il mourut en 1 596 sans avoir
publié sa réfutation qui ne parut qu'un an après l'édition de l'histoire de
d'Argentré de 1618.
C'était se méprendre étrangement sur le caractère des Bretons que de
croire qu'ils ne tenteraient plus d'élever la voix quand il s'agirait de la
défense de leurs droits les plus chers. L'union avait conservé des
adversaires d'autant plus obstinés que la violation par la France des
clauses du traité passé avec François I" révélait l'intention bien arrêtée
de substituer une absorption complète à un contrat synallagmatique.
Aussi Dom Lobineau se fit-il l'organe du sentiment général de la pro-
vince en protestant, dans maints endroits de son histoire, contre les
prétentions des rois de France à une suzeraineté remontant à la première
race, suzeraineté qui aurait ainsi rendu implicitement inutile l'acte
d'union de 1532, voire même les deux annexions résultant du double
mariage d'Anne de Bretagne. Nous possédons un exemplaire de
VHistoire de Bretagne de Dom Lobineau, où le savant bénédictin soutient
la même thèse que d'Argentré. Le texte y diffère essentiellement, en
certains endroits, de celui des autres exemplaires que nous avons
rencontrés. Parfois même, les différences sont telles qu'elles présentent
des opinions tout à fait opposées. Pour qui connaît le caractère indé-
pendant de Dom Lobineau et son peu d'orthodoxie en matière religieuse,
ces variantes n'ont pas été volontaires. L'autorité civile d'une part,
l'autorité ecclésiastique de l'autre, lui imposèrent ces mutilations. Dans
l'intérêt de la vérité historique, nous avons cru utile de reproduire les
deux textes. Le lecteur jugera, par leur dissemblance et par la nature
des sujets auxquels ils s'appliquent, par lequel, du pouvoir royal ou du
pouvoir ecclésiastique, a été prescrite la substitution de cartons au
texte primitif. Nous placerons ce dernier à la gauche des pages qui
suivent, et celui des cartons à la droite.
Tome !'''. — Histoire.
Page 2. ligne 11... qui semble avoir Dont le nom ne s'éloigne pas fort
retenu leur nom. de celui des Samnites.
P. 7. Lignes 14-27.
La diversité des religions ne contri- Ces premiers Bretons furent accom-
bua pas peu à fomenter cette division; pagnez dans leur passage, d'Evesques,
les Bretons estoient Chrestiens, et les de Prestres et de Moines remplis de
peuples de l'Armorique (si l'on excepte zèle, qui travaillèrent utilement à déra-
ceux de Nantes et quelque peu de leurs ciner les vices et la superstition parmi
4îi
La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau.
voisins) adoroient encore les idoles. Les
Bretons firent part aux Armoricains de
la connaissance du vrai Dieu, par le
ministère de quantité de saints Eves-
ques et de Prédicateurs zelez qu'ils
leur envoïerent.Le nom breton de Rio-
thime, que l'on trouve à la teste des
Evesques de Rennes, est une preuve
du zèle des Bretons et de la docilité
des Armoricams. On ne sait quel
estoit ce S. Justin, que les anciens
Catalogues mettent avant Riothime.
On peut croire que c'estoit quelque
disciple de s. Clair premier Evesque
de Nantes, mais que ses prédications
avoient eu peu de fruit, et qu'il n'eut
point de successeur, jusqu'à Riothime,
3ui fut bien-tost suivi d'Athenius. Ceux
e Vannes suivirent l'exemple des
Rennois, la pluspart embrassèrent en
peu de tems la Religion Chrestienne,
mais ils voulurent avoir pour premier
Evesque un homme de leur nation,
comme on le verra bien-tost.
Page 7, ligne 28. — Nouveaux
apostres.
Ibid., ligne 29, — l'empire du dé-
mon.
les Armoricains, tant ceux qui demeu-
rèrent dans les pais occupez par ces
nouveaux hostes, que ceux des pais de
Nantes, de Rennes et de \'annes. Ce ne
seroit pas estimer autant que l'on doit
les travaux apostoliques de S. Clair,
d'Ennius et de plusieurs autres prélats
qui avoient establi la foi Crestienne
dans le pais, que de croire que le culte
des idoles s'y fust conservé jusqu'à ce
tems ; mais quoique les Armoricains
eussent apparemment tous receu la
vraie Religion, il est à croire que ces
nouveaux hostes trouvèrent encore
assez de vices et de pratiques supers-
tieuses à combattre pour estre regardez
comme de nouveaux apostres du pais ;
et leurs soins furent si bien reçus que
les habitans de Rennes souhaitèrent
d'avoir pour Evesque Riothime dont le
nom paroît Breton, n'aïant point eu
d'Evesque (du moins les Catalogues
n'en mettant point) depuis S. Justin
dont le nom se trouve à la teste des
Evesques de cette ville.
Hommes remplis de l'esprit de Dieu.
Les vices.
La différence des deux textes ci-dessus donna lieu, entre Dom
Lobineau et son confrère Dom Liron, à une polémique dont nous avons
ainsi exposé les détails à l'article Lobineau de notre Biographie bretonne
(t. II, p. 3 5 3^:
<c Ce passage 'La diversité de religions, etc.) communiqué à D. Liron,
pendant l'impression^ n'avait pas obtenu son approbation, et ses raisons
avaient été goûtées de son confrère qui, sans l'en prévenir, avait
substitué au feuillet primitif un carton où on lisait : « Ce ne seroit pas
estimer, etc. Cependant, D. Liron, qui n'avait pas été prévenu du pla-
cement du carton, et qui alors, était naturellement fondé à croire que
D. Lobineau avait persisté dans ses idées, s'était décidé à combattre son
erreur, ce qu'il fit victorieusement dans son Apologie pour les Armoricains
et pour les églises des Gaules, particulièrement de la province de Tours.
Paris, Charles Huguier, 1708^ in- 12. Les passages qu'il attaquait y
étaient cités textuellement.
Que fit alors D. Lobineau ? N'écoutant qu'un puéril et bien fâcheux
amour-propre, persuadé d'ailleurs qu'il avait si bien pris ses mesures
que sa ruse ne serait pas découverte, il se fit agresseur, et s'appuyant
La véritable Histoire de Bretagne de Dotn Lobineau. 459
sur le texte substitué, il accumula contre D. Liron les accusations de
calomnie, de falsification, dans sa Défense, insérée dans le Supplément du
Journal des Savants de 1708, et réimprimée plus tard sous le titre de :
Contr' Apologie, ou Réflexions sur l'Apologie des Armoricains. Nantes,
Jacques Mareschal, 1712, in-8 de 15 pp. On peut juger des aménités
dont est parsemée la Contf Apologie par l'épigraphe suivante qui en
décore le frontispice : Ne addas quicquam verbis illius, et arguaris, inve-
niarisque mendax. Prov. xxx, 6. Etourdi du coup, D. Liron avait beau
feuilleter VHistoire de Bretagne, lire, relire, se frotter les yeux, il ne
parvenait pas à y trouver ce qui en avait été ôté. Lobineau triomphait.
Mais on ne tarda pas à découvrir sa supercherie. On avait omis de
mettre le carton à plusieurs exemplaires qui, confrontés avec le livre de
D. Liron, démontrèreut la véracité de ses assertions.
P. 13. Ligne 37,.. estaient les
fondateurs, et qu'ils y avaient establis la
religion Chresticnne, ils ne, etc.
Page 25, lignes 38-43.
Quoique l'on ait sujet de ne pas
faire entièrement fonds sur des Auteurs
intéressez ('moines de S. Denis fondez
par Dagobertj dont le témoignage pa-
roist suspect, par la fiardiesse qu'ils
ont d'avancer des faits dont ceux qui
estoient présens à l'action n'ont pas
dit un mot, on veut bien croire que
Judicael, pour le bien de la paix, re-
connut en Dagobert et en ses succes-
seurs une supériorité de puissance, et
promit d'avoir pour eux un attache-
ment fidelle, et de ne préférer l'amitié ni
le service de personne au leur.
P. 28. Lignes 3-6.
Ce n'estoit pas sans doute, pour
paier le tribut, que les Bretons en-
troient si souvent sur les terres des
Rois de France, et y portoient de
tous costez le feu^ le fer et le carnage.
P. zS. Ligne 39. — Mais que ne
peut pas l'amour de la liberté sur un
peuple qui n'a jamais servi r
P. 43. Lignes 12 et suivantes, jus-
qu'à la 42' comprise.
(Si l'esprit inquiet d'Actard
eust pu en prendre après l'avoir pro-
curé aux autres).
(Actard Evesque de Nantes avoit
été eslevé à Tours. Il y avoit appris
Les mots soulignés sont supprimés
dans le carton.
(^oique leur témoignage ne soit pas
entièrement conforme à celui du Chan-
celier du Roiaume, qui estoit présent
à l'action ; cependant, comme il n'a
point fait l'histoire du Roi, mais seu-
lement d'un particulier, on sera plus
porté à croire qu'il aura obmis des cir-
constances qui n'estoient pas de son
sujet, qu'à se persuader que ces au-
teurs les aient mventées contre la vé-
rité.
Tous les autres historiens ne se sont
jamais avisé d'apporter d'autre raison des
démêlez qu'il y a eu entre les Rois de
France ei les princes Bretons, que les
courses des Bretons sur les terres du
Roïaume.
Cette ligne est supprimée dans le
carton. La ligne suivante commence
par le mot Mais, et pour le reste, les
deux paragraphes sont semblables.
... Si ses desseins ambitieux lui
eussent permis de jouir tranquillement
de celui qu'il venoit de se procurer.
Il avoit dessein de se faire couron-
ner Roi, se sentant assez puissant pour
440
La véritable Histoire de Bretagne de Doin Lobinean.
que l'Armorique, selon l'ancienne dis-
position des Gaules, estoit de la troi-
sième Lionnoise, et que Tours estant la
Métropole de cette province, les Bre-
tons établis dans l'Armorique dévoient
reconnoitre l'Evesque de Tours pour
leur métropolitain légitime et naturel.
Les Bretons raisonnoient sur d'autres
principes, comme on l'a déjà dit, se
faisoient ordonner les uns par les au-
tres, et n'assistoient point aux Conciles
de Tours ni aux autres que les Rois
de France convoquoient, quoique les
Evesques de Rennes, de Vannes et de
Nantes y assistassent régulièrement.
(Actard (car on ne peut attribuer à
d'autres qu'à lui d'avoir réveillé cette
affaire de la Métropole) estoit de ces
esprits remuans et pleins de feu, à qui
il faut sans cesse de l'occupation et des
affaires. Il n'eut pas plustôt terminé
celle de Lambert qu'il entreprit celle
de la Métropole. Sa qualité de média-
teur de la paix lui avoit donné beau-
coup d'entrée à la cour du Prince des
Bretons; il s'aboucha avec les Eves-
ques du pais, et les pressa si vivement
qu'à la réserve de celui d'Alet, il en-
traîna tous les autres dans son parti,
et les disposa à reconnoistre l'Arche-
vesque de Tours pour leur Métropoli-
tain).
(Nominoé n'apprit qu'avec chagrin
les intrigues d'Actard. Aussi, dans le
dessein qu'il avoit de se déclarer contre
la France, il ne pouvoit rien arriver qui
le chagrinast davantage que de voir
que ses Evesques se soumissent volon-
tairement à un prélat du Royaume.
Pour empescher cette union qu'il re-
gardoit comme l'écueil de la liberté de
sa patrie, il prit la résolution de
déposer les Evesques qui y avoient
donné les mains, de restablir celui de
Tréguer ruiné apparemment par les
Normans, d'en ériger un nouveau à
Saint-Brieuc ; et d'engager le Pape à
donner à l'filvesque de Dol la qualité
d'Archevesqueet de Métropolitain dans
ses Estats. Cela fait, il prétendoit se
faire couronner solennellement Roi par
tous les prélats bretons, afin de les
engager par une action d'un aussi
grand éclat à soustenir la dignité dont
ils lui auroient donné les marques,
soustenir l'éclat de ce nom ; mais il ne
le pouvoit faire sans le concours de
l'autorité Episcopale. De tous les
Evesques de la province, les uns dé-
voient estre naturellement dans les in-
térests de la France, parce qu'ils pou-
voient estre redevables au Roi de leur
élévation, et les autres aïant reçu leur
ordination de l'Evesque de Tours, le
prince Breton devoit supposer qu'ils
n'oseroient pas entreprendre une nou-
veauté de cette nature sans le consen-
tement de leur Métropolitain, qu'il ne
donneroit jamais. Cependant une céré-
monie de cette conséquence ne se pou-
voit faire que de concert avec tous les
Evesques. Il falloit donc, ou les gagner
tous, ou trouver un moïen de chasser
ceux que l'on ne pourroit séduire. La
première vo'ie estoit presque impossible,
pour les raisons que l'on vient de dire,
et pariTii ceux qu'il estoit le plus diffi-
cile de gagner, Actard, Evesque de
Nantes tenoit sans doute le premier
lieu. Ce Prélat, comme on en peut juger
par toute sa conduite, estoit de ces
esprits remuans et pleins de feu à qui
il faut sans cesse de l'occupation et des
affaires; il avoit esté élevé à Tours, et
il s'y estoit parfaitement instruit des
droits du Métropolitain ; à la moindre
ouverture qu'on lui eust faite des des-
seins de Nominoé, il auroit veu que
l'indépendance que ce Prince affectoit,
entraîneroit une révolte contre la Mé-
tropole, aussi bien que contre la Cou-
ronne ; il n'y auroit jamais donné les
mains, et se seroit servi du crédit que
ses talens et sa qualité de médiateur
lui avoient donnez tant à la cour du
Roi qu'à celle de Nominoé, pour em-
pescher que ce dernier ne vint à bout
de ses desseins. D'ailleurs il n'y avoit
pas sujet d'espérer que pendant que les
Evesques de Bretagne reconnoistroient
pour Métropolitain un Prélat du
Roiaunie, la nouvelle souveraineté
pcust subsister longtemps. Il falloit
donc rompre cette union avant toutes
choses, et mettre à la place des Eves-
ques qui avoient receu leur ordination
de celui de Tours, d'autres Evesques
qui ne fussent redevables de leur di-
gnité qu'au nouveau Roi qu'ils couron-
neroient, et faire un Archevesque dans
La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau.
44'
comme il s'engagerait en les recevant
d'eux à les maintenir dans l'indépen-
dance qu'il leur auroit procurée).
P. 8j. Ligne 19.
... très-jeune, et quand il tut en âge
de se marier, il le fit,
P. 147. Lignes 34-40.
... ; et la pluspart des autres articles
estoient ou taussement imputez, ou mal
entendus. Il y en avoit peu qui fussent
de lui et absolument condamnables,
encore estoient-ils peu importans, et
lui estoient échapez par inadvertence
et par précipitation. Du reste, quand
il seroit tombé en quelque erreur légère,
pouvoit-on douter de la soumission de
son esprit à l'autorité de l'Eglise; et
falloit-il, pour des bagatelles, s'achar-
ner sur un homme dont le savoir eust
esté si utile au public, si la malice de
ses ennemis ne lui eust envié cet avan-
tage.?
Page 212. Lignes 20-30.
... aussi bien, pour les moindres
bagatelles, que pour les sujets les plus
importants. La moindre révolte contre
leur autorité, la m.oindre infraction de
leurs privilèges, estoit suivie d'une
excommunication ; manière de procéder
d'autan^ plus injuste, qu'ils s'estoient
rendus les seuls juges de ce qui les
regardoit; en sorte qu'ils n'avoient
presque laissé aux tribunaux séculiers
d'autre puissance que de contraindre,
par le glaive temporel, à leur faire
satisfaction, ceux qu'ils avoient frappez
du glaive spirituel; sans leur donner la
liberté d'examiner si leur sentence
estoit juste, avant que de faire droit aux
parties.
Sans chercher ailleurs des exemples
de cette conduite des puissances ecclé-
siastiques, on se contentera de rappor-
ter ce qui s'est passé entre le clergé et
les ducs Pierre Mauclercet Jeanson fils.
Page 223. Lignes 12-26.
Ces ordres avoient quelque chose de
la Province, qui sembloit ne pouvoir
devenir Roïaume, à moins qu'elle n'eust
son Métropolitain particulier. Mais s'il
n'avoit pas paru aisé au Prince bre-
ton de gagner les anciens Evesques, le
dessein de les déposer n'estoit pas
moins difficile dans l'exécution. 11 fal-
loit donner quelque prétexte, de peur
qu'une violence ouverte ne rendist cette
entreprise trop odieuse et n'attirast sur
les auteurs les foudres de l'Eglise.
de Quimper, et cela ne l'empescha pas
de se marier.
... ; l'on voit que parmi les autres ar-
ticles il y en avoit qui estoient ou faus-
sement imputez ou mal entendus. On
ne prétend pas au reste prendre ici la
défense d'Abailard contre un grand
saint révéré de toute l'Eglise, et contre
un Concile dont le jugement a esté
confirmé par le Souverain Pontife ;
mais on ne peut refuser ce témoignage
à la vérité, qu'Abailard auroit paru
beaucoup moins coupable, s'il se fust
tait moins d'ennemis.
...; mais on ne doit pas porter le
mesme jugement sur le sujet de ce que
l'on vient de voir par rapport à l'An-
gleterre. Il estoit juste et nécessaire que
les Souverains Pontifes défendissent par
les armes spirituelles un Roïaume qui
s'estoit soumis à eux d'une manière
particulière ; et c'estoit un grand bien
pour toute l'Eglise, que la crainte des
excommunications pust empescher l'in-
vasion d'un estât si considérable. Les
ditferens de Pierre Mauclerc et de son
fils avec les Ecclésiastiques servent en-
core à justifier l'usage que ceux-cy
faisoient de leur autorité ; car si elle
passoit quelquefois ses justes bornes,
ceux qui la vouloient abatre usoient
souvent trop injustement de la leur.
Ces ordres estoient si rigoureux
La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau.
442
si outré, qu'il est à croire que les juges
déléguez du S. Siège ne voulurent pas
se charger de les exécuter dans toute
leur rigueur. 11 y avoit aussi de l'excez
dans les plaintes du Clergé, qui faisoit
passer le duc pour un autre Néron,
sous ombre qu'il avoit entrepris de
réduire dans de justes bornes l'excessive
autorité dont ce corps s'estoit emparé.
11 est vrai que le Duc estoit violent
dans ses manières, qu'il n'avoit peut-
estre pas assez de respect pour l'Eglise,
et qu'il s'emparoit sans aucune consi-
dération de ses biens, quand il en avoit
le moindre prétexte. Mais on auroit pu
le ménager un peu d'avantage, et se
servir de manières plus douces et plus
raisonnables.
Une preuve qu'il n'en vouloit qu'à
la trop grande autorité des Ecclésias-
tiques, et point du tout à l'Eglise
mesme, c'est que l'on a trouvé dans lui
la mesme facilité que dans ses prédé-
cesseurs, pour agréer les fondations,
où l'autorité souveraine, dont il estoit
extrêmement jaloux n'estoit point in-
téressée. Comme il paroistpar celle qui
se fit à Nantes, de son consentement,
dans le plus fort de ses démêlez avec
le cierge, cette année mesme.
P. 299. Lignes 28-33.
... il fut réglé que les deniers de
Bretagne peseroient dix-neuf sous six
deniers au marc de Paris, et les mailles
seize sous neuf deniers deux oboles;
et les deniers de Limoges dix-neuf sous
deux mailles pour l'aloi, les deniers de
Bretagne dévoient estre de seize grains
d'argent Roïal, et les mailles de trois
deniers; et les deniers de Limoges de
seize grains.
399. Ligne 37.
Rufflai le délia incontinent et le laissa
aller.
P. 442. Lignes 33 et 34.
... de Bretagne; comme le nom de
Bretagne et ceux de VErminc et de
l'Espy se donnoient ordinairement aux
poursuivans d'armes.
P. 475. Ligne 48-49.
Le Duc trouvant de l'insolence dans
la première de ces propositions et
Ibid. Ligne 55.
... estoit le Duc.
qu'il y a sujet de douter que les juges
déléguez du Saint-Siège se soient servis
de toute l'autorité qui leur estoit com-
mise. Il est vrai que le duc estoit vio-
lent dans ses manières, qu'il n'avoit pas
assez de respect pour l'Eglise, et qu'il
s'emparoit, sans aucune considération,
de ses biens, quand il en avoit le moin-
dre prétexte; mais toutes ses préten-
tions n'estoient pas égalen;ent injustes,
et quand on le regardoit comme un
autre Néron, c'estoit faire de lui un
portrait qui ne lui convenoit pas.
Pendant qu'il estoit le plus occupé
de ses démêlez avec les Ecclésiastiques,
les Religieux Dominicains s'establirent
à Nantes.
... on régla les deniers de Bretagne
à dix-neuf sous six deniers au marc de
Paris, et les mailles à seize sous neuf
deniers obole; et les deniers de Limoges
à dix-neuf sous au marc, et les mailles
à seize sous neuf deniers. Pour l'alloi,
les deniers de Bretagne dévoient estre
de trois deniers seize grains d'argent
le Roi, et les mailles de trois deniers,
et les deniers de Limoges de trois de-
niers seize grains.
Le païsan se trouva incontinent
délié, et Rufflai le laissa aller.
... et poursuivans d'armes de Bre-
tagne; aussi bien que ceux de Bre-
tagne et ceux de VErminc ei de VEspy.
Le duc irrité de la première de ces
propositions, et trouvant
il estoit.
La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau. 443
Tome II. — Preuves.
Colonne i. Ligne 16.
Les deux lettres C. M. signifient
apparemment commuai Moncta, ce qui
revient à ce qui est dit ensuite ex stipe
conlata, c'est à dire que tous les mar-
chands contribuèrent à l'érection de ce
Tribunal (La construction de Locis
est assez difficile à débrouiller; car il
ne paroist pas à ceux qui ont vu l'ori-
ginal, qu'il y ait eu rien d'éfacé que
Pon puisse sous-entendre). Il paroist
assez évident par la lecture de cette
inscription, qu'elle estoit destinée pour
un Tribunal et non pour un Autel; et
la dédicace que Florus et Secundus en
font aux Empereurs et au Dieu Volien,
ne prouve point absolument que ce fut
un autel.
Col. 3. Lignes 4-25.
Les deux lettres demi-effacées P. E.
marquent, ce semble, que l'on donnoit
à Victorin, l'un des trente Tirans, la
qualité de père des armées Pater Exer-
cituum, comme on appeloit Victorine,
sa mère, la mère des armées (Victorin
avoit esté associé à la souveraine puis-
sance par Posthume, et tous deux de
concert avoient opposé leurs armes à
Gallien qui estoit venu contr'eux avec
les meilleures troupes de l'Empire.
Posthume aïant esté tué depuis par
ses propres soldats à cause qu'il leur
avoit refusé le sac de Mayence, Lollien
prit sa place et fut tué par Victorin,
à qui son incontinence attira le mesme
sort: il fut massacré par les troupes à
Cologne, avec le petit Victorin son fils.
Victorine mère du Tiran donna ensuite
l'Empire des Gaules à Marius qui ne
le tint que trois jours, et puis au séna-
teur Tetricus, Président des Gaules et
son parent, lequel après la mort de
Victorine appella l'Empereur Aurélien
à son secours, et se démit volontaire-
ment de l'Empire entre ses mains, ce
qui n'empescha pas Aurélien d'orner
son triomphe de cet illustre captif.
Colonne 6. Lignes 3 1-54.
On peut ajouter ici que presque tous
les mots françois, tant anciens que
nouveaux, dont l'étimologie n'est pas
.... Les deux lettres C. M. sont
apparemment m:ses là pour commimibus.
Les mots : ex stite [sic] conlata, font
voir que les Marchands contribuèrent
à l'érection de ce Tribunal. Il paroist
assez évident par la lecture de cette
inscription, qu'elle estoit destinée pour
un Tribunal, et non pour un Autel; et
la dédicace que Florus et Secundus en
font aux Empereurs et au Dieu Volien,
ne prouve point absolument que ce fust
un autel.
Les deux lettres demi-effacées P. E,
marquent, ce semble^ que l'on don-
noit à Victorin, l'un des trente Tirans,
la qualité de père des armées Pater
excrcituum. Ce n'est pas ici le lieu de
faire le détail de ce qui regarde Vic-
torin, et l'on ne peut conjecturer à
quelle occasion l'on a dressé ce monu-
ment à sa mémoire. Il paroist qu'il
estoit destiné d'abord pour servir de
Milliare ce qui semble marqué par le
mot de Lève a.
On peut ajouter ici que presque tous
les mots françois, tant anciens que
nouveaux, dont l'étimologie n'est pas
30
444
La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau.
latine ou germanique, et que l'on doit
considérer comme des restes de l'an-
cienne Celtique; sont Bretons, comme:
Accabler, agraffe, apprenti, baratte,
barguigner, barril, baron, barre, bas,
hast, baston, bastard, bec, belette,
bourse, bateau, (Vilain), bière (vic-
tuaille), blutter, bottes, bouton, bouc,
bouclier, bran, bruit, broder, brouët,
croupion, cabane (camelot, chapeau,
corne du pied), chat, sangle (clairon),
cloche, cotton, cri, crieur, couppe,
dague, dard, danser, derechef (débo-
naire , écuyer) , (entamer , étoffe),
(faillir) ferme (pour terre à la campa-
gne), flacon, toi, forest, (forfait, geôle),
garant, gourmand, guimpe, guérir,
gonne (ancien mot pour robbe) hanap,
havre^, hacquenée, heaume, hérauld,
levain, livrée, lamproye, mamam, man-
teau, marque, marché, matelas, mo-
quer, mortoise, moustarde, pavois,
palefroi, picquer, pilier, pisser, planche,
piastre, propre (pour dire net) (le
nom qu'on donne aux femmes aban-
données), rigole, roder, rostir,roussin,
sain (graisse de porc), (simarre), sire,
tambour, tarrière, tetter, tocque,
trippes, truand, trompette, trousse
(pacquet), tonneau (yvre).
Col. 7. Lignes 23-25.
Eclaircissement sur l'establissement
de la Religion Chrestienne dans l'isle
de Bretagne, par Dom A. Le Gallois.
Col. 76-79.
Que la Bretagne n'a point esté don-
née aux Normans de Normandie.
latine ou germanique, et que l'on doit
considérer comme des restes de l'an-
cienne Celtique, sont bretons, comme .•
Accabler, agraffe, amarrer (pour dire
lier), ampois, andoùille, apprenti, balai,
baratte, barguigner, barril, baron,
barre, bas, bast, baston, bastard, bec,
belette, bourse, bateau, branler, vilain,
bière, blutter, bottes, bouton, bouc,
bouclier, bran, branler, braise, briffer,
bruit, broder, brouet, caille, croupion,
cabanne, chat, sangle, cloche, cotton,
cri, crieur, couppe, dague, dard, dan-
ser, derechef, écharpe, entamer, étoffe,
fange, farce, fardeau, ferme (pour terre
à la campagne), flacon, fol, forest, four-
nir, garant, gourmand, guimpe, guérir,
golfe, gonne (ancien mot pour robbe),
haleine, hanap, havre, hacquenée,
heaume, hérauld, jarret, levain, livrée,
lamproye, manteau, mareschal, marque,
moquer, mortoise, la moue, moustarde,
pavois, palefroi, picquer, pisser, plan-
che, piastre, propre (pour dire net)
rebec (pour dire violon), rigole, roder,
rostir, roussin, sain (graisse de porc),
sire, tambour, tarrière, tetter, tocque,
trippes, truand, trompette, trousse
(pacquet), tonneau.
Eclaircissement sur l'établissement
de la Religion Chrestienne dans l'isle
de Bretagne et sur ses premiers saints,
par Dom A. Le Gallois.
Que la Bretagne n'a point esté
donnée à RoUon.
La légère diflférence des titres de cette dissertation est la seule qui
existe entre les textes qui la composent dans les deux exemplaires. Aussi
nous n'en aurions peut-être pas parlé si cette dissertation n'avait elle-
même soulevé contre son auteur un violent et périlleux orage. Qu'il nous
soit encore permis de reproduire ici un passage de notre article Lobineau
retraçant les diverses phases du débat auquel elle servit de prétexte. Ce
n'est pas le moins curieux du long procès fait à la Bretagne, et dans
lequel, nous le verrons plus loin, fut impliqué un magistrat de la Cour
des Comptes de Nantes, non moins coupable que d'Argentré et Dom
Lobineau.
'■ Par un passage de son Histoire, p. 79, et par une Dissertation insérée
La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau. 445
dans ses Preuves, col. 76-79, Dom Lobineau avait contesté que la
Bretagne eût été soumise à la France sous la première dynastie^ et que
Charles-le-Simple eût concédé à la Normandie un droit de suzeraineté
sur notre province. Ceci — qu'on se rappelle la date de l'Histoire de
Bretagne (1707) — se passait sous Louis XIV, qui ne tolérait pas les
attaques contre son pouvoir, et ne laissait pas mettre en doute qu'à
toutes les époques de la monarchie l'autorité royale avait été centrale et
universelle. Les propositions de D. Lobineau résonnaient d'autant plus
mal sous les lambris de Versailles, que les Bretons, invoquant les privi-
lèges qui leur avaient été reconnus, lors de l'union de la. province à la
France, s'agitaient à la moindre atteinte dont ils les croyaient menacés.
La cour de France ne pouvait donc passer condamnation sur des asser-
tions qui, non réduites à néant, auraient eu pour conséquence d'atïaiblir
son principe d'autorité. Vertot se chargea de confondre le champion de
la Bretagne. Il préluda par une dissertation qu'il lut à l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, et qu'il développa ensuite lorsqu'il la
publia sous ce titre : Traité historique de la mouvance de Bretagne, dans
lequel on justifie que cette province, dès le commencement de la monarchie
française, a toujours relevé immédiatement, et en arrière-fief de la couronne
de France; contre ce qu'en a écrit le P. Lobineau, dans son histoire de
Bretagne. Paris, Cot, 1710,- in- 12. Toutes les arguties, toutes les
subtilités possibles sont groupées, habilement d'ailleurs, dans ce livre,
pour justifier une thèse condamnée par toutes les autorités, toutes les
traditions. L'abbé des Thuileries, comme Normand, se crut obligé de
porter à Vertot le secours de sa Dissertation sur la mouvance de la Bretagne
par rapport au droit que les Ducs de Normandie y prétendaient, etc. Paris,
François Fournier, 171 1, in-12. D. Lobineau riposta à ses deux
adversaires par sa Réponse au Traité de la mouvance, etc. Nantes,
Jacques Mareschal, 1712, in-8 de 293 pp. Ce chef-d'œuvre de logique
ne convertit pas l'abbé des Thuileries qui reproduisit ses arguments dans
sa Défense des Dissertations sur l'origine de la maison de France et sur la
mouvance de la Bretagne, etc. Paris, Michel Guignard, etc., 171 3, in-12.
Il ne voulut pas davantage s'avouer vaincu par la réponse que lui fit
D. Lobineau dans sa Lettre à M. de Brilhac, premier Président du Parle-
ment de Bretagne, etc. Nantes, Jacques Mareschal, 1712, in-8 de 29 p.,
car il revint à la charge, l'année suivante, dans sa Lettre à M. l'abbé
de Vertot, etc. Paris, 171 1, in-12.
Après ce dernier écrit de l'abbé des Thuileries, la lutte cessa, non
certes que Lobineau fut le moindrement disposé à mettre bas les armes.
Convaincu de son bon droit, et très-peu endurant de sa nature, il n'au-
446 La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau.
rait pas volontairement abandonné la partie, mais ses supérieurs, se
conformant à des ordres venus de haut, lui prescrivirent le silence. La
défense était si absolue, que D, Lobineau ne put ou n'osa s'en affran-
chir, lorsque, sept ans plus tard, l'abbé de Vertot tenta de raviver le
débat par la publication de son Histoire critique de l'établissement des
Bretons dans les Gaules, et de leur dépendance des rois de France et des
ducs de Normandie, Paris, Nyon, 1720, 2 vol. in-12. — Ibid. 1730,
2 vol. in-12.
Cette publication, œuvre d'une inqualifiable rancune (l'amour-propre
d'un auteur battu peut, il paraît, mener bien loin), cette publication,
disons-nous, était un acte odieux. Vertot, en effet_, avait choisi, pour
rééditer son livre, le moment même où la participation de la noblesse
bretonne à l'échauffourée de Cellamare avait fait tomber les têtes de
MM. de Pont-Kalleck, du Couédic, de Talhouët et de Mont-Louis. En
rendant D. Lobineau solidaire des faits accomplis, il voulait faire peser
sur lui la vindicte du pouvoir et le ressentiment des familles des condam-
nés. Et pour qu'on ne se méprît pas sur son but, il l'expliqua lui-même
dans son discours préliminaire (t. II), où il ne craignit pas de dire
u que les mouvements qui venaient d'arriver en Bretagne, et qui, par la
sagesse du gouvernement, avaient été heureusement arrêtés, lui avaient
fait naître la pensée que les mauvais desseins de quelques Bretons
étaient peut-être l'effet d'anciennes erreurs où ils avaient été élevés au
sujet des rois particuliers et des privilèges extraordinaires de cette pro-
vince. » — Puis il ajoutait : ^ Et comme les histoires même de cette
nation [lisez : l'histoire de D. Lobineau] ont été la source de ces préjugés,
j'ai cru que pour calmer les esprits, il était à propos de les désabuser de
ces préventions injustes, puisées dans leurs historîens. » Non content
de transformer D. Lobineau en crîminel d'État dans son livre, il le
dénonça comme tel au chancelier, qui eut le bon esprit de ne pas lui
donner la satisfaction d'enfermer D. Lobineau dans une étroite prison :
Ce dernier, on le conçoit du reste, était réduit à se taire.
Col. 396. Lignes 52-59.
(Collationné à une copie ancienne Tit. de Blein. Copie tirée du Cartu-
tirée du Chasteau de Blein et repré- laire d'Alençon, de la Chambre des
sentée par Pierre Tafoireau, sieur de Comptes de Paris, cette yyy. Hévin
La Tour, agent de Madame la du- avoit veu l'original, et en a tiré quel-
chesse de Rohan, ladite collation si- ques pièces. Voyez ce qu'il en dit, sur
gnée J. Le Jacobin, du Moulinet et les Arrestsde P>ain, p. 525-530. Nous
Bodier en 1673, le 15 d'aoust). L'ori- avons veu l'inventaire de ce cartulaire
ginai est à la Chambre des Comptes d'Alençon qui tait mention de l'acte
de Paris, cotté yyy. Voyez Hévin sur que l'on vient de rapporter,
les Arrests de Frain, T. I, p. 523-53 1.
La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau. 447
On avait forcé Dom Lobineau ou à dire le contraire de ce qu'il
pensait, ou à se taire. C'est ce dernier parti que l'on prit, sous le
Régent, envers le magistrat de la Cour des Comptes de Nantes, dont il
a été parlé précédemment. Ce magistrat était La Gibonais, dont nous ne
saurions trop regretter d'avoir omis de parler dans notre Biographie
bretonne. En comblant ici cette lacune, nous achèverons de faire con-
naître le système persistant de compression qui était employé à l'égard
des écrivains bretons indépendants.
La Gibonais i'Jean-Artur, sieur de), né à Saint-Malo, le 16 février
1649, ét^'t f'is de M. Julien Artur, sieur de Pontpacre, et neveu de
Jean Cheville, sieur de La Gibonais, chanoine de la cathédrale de Saint-
Malo, lequel fut son parrain, et lui laissa sa terre de la Gibonais, en
Trébivan, terre dont il prit le nom. Il fut d'abord destiné à l'état ecclé-
siastique. Après avoir terminé ses études, il prit le degré de bachelier en
théologie, se livra plus tard à l'étude du droit et s'y voua presque
exclusivement. Il était doyen des maîtres de la Chambre des Comptes de
Nantes, et se disposait à publier une réfutation de l'ouvrage de l'abbé
de Vertot sur la Mouvance de Bretagne, lorsqu'il mourut à Paris, au
mois de janvier 1728. C'était un magistrat éclairé, qui connaissait bien
le droit public de la province de Bretagne, et dont la vie fut une cons-
tante pratique de la morale chrétienne. René de la Bigotière de
Perchambault, président aux enquêtes du Parlement de Bretagne, ayant
énoncé dans ses divers ouvrages, à propos du prêt à intérêt, des
maximes que plusieurs jurisconsultes trouvèrent favorables à l'usure, la
Gibonais les réfuta dans un livre intitulé : De l'usure, interesî et profit
que l'on tire du prest, ou l'ancienne doctrine sur le prest usuraire, opposée
aux nouvelles opinions. Paris, 1710. in-12. Cet ouvrage eut beaucoup de
succès. Si l'auteur n'y répondit pas aux principes émis par la Bigotière
et ses partisans, ce fut parce qu'il le jugea superflu, la faculté de théo-
logie de Nantes les ayant déjà condamnées. On a encore de La
Gibonais : I. Maximes pour conserver l'union dans les Compagnies.
Nantes, 17 14, in-8. Il n'avait d'abord écrit que pour son instruction
particulière les réflexions solides que renferme cet ouvrage ; mais les
regardant ensuite comme étant d'une utilité générale, il se décida à les
publier ; on y trouve des portraits ou caractères tracés sans aucune vue
d'application personnelle ; la troisième partie traite des devoirs particu-
liers aux magistrats. II Recueil des édits, ordonnances et règlements con-
cernant les fonctions ordinaires de la Chambre des Comptes de Bretagne, tiré
des titres originaux estant au dépostde ladite Chambre, divisé en quatre parties
et mis en ordre suivant la nature des matières. Respice quoniam non mihi
soli laboravi, sed et omnibus exquirentibus disciplinam. Ecclesiastici,
448 La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau.
cap. yy. A Nantes, de P imprimerie de la veuve d'André Querro, imprimeur
ordinaire du Roy et de Nosseigneurs delà Cliambre des Comptes de Bretagne,
au Saint-Augustin, Grand'-rue, mdccxxiii, par privilège du Roy, suivi de :
Succession chronologique des ducs de Bretagne avec quelques observations et
faits principaux. A Nantes (ut supra) mdccxxx, in-f" et iii-8.
La publication du Recueil et de la Succession chronologique fut entravée
par le gouvernement du Régent, ardent à contenir ou à réprimer l'esprit
d'indépendance qui cherchait toutes les occasions de se produire en
Bretagne, et que MM. de Pont-Kalleck, de Mont-Louis, de Talhouët et
Du Couédic avaient payé de leur tête en 1720. Les deux ouvrages de La
Gibonais étaient une revendication des privilèges et des immunités dont
la Bretagne devait jouir en vertu de son contrat d'union à la France. La
Chambre des Comptes, qui partageait les idées et les principes de l'auteur,
l'avait encouragé et même approuvé dans son entreprise. Les faits qui
se passèrent à cette occasion exigent quelques développements qui
feront connaître de quels moyens usait le pouvoir central de l'époque
pour empêcher le contrôle de ses actes et de ses empiétements sur les
franchises de la province. Environ trente pièces déposées aux Archives
de la mairie de Nantes attestent l'importance que la Cour attachait à ce
que ces deux livres ne parussent pas, ou que du moins ils ne parussent
qu'après avoir subi des mutilations qui les auraient appropriés à ses
prétentions autoritaires. C'est de ces pièces que nous extrayons les
détails suivants.
Conformément aux ordres qui lui avaient été expédiés de Paris, le
14 septembre 1723, M. Paul Esprit de Feydeau de Brou, Intendant de
Bretagne, prescrivit, le 20 du même mois, à M. Mellier, maire de
Nantes, de faire saisir chez Querro « toutes ses presses et deux manus-
crits avec toutes feuilles imprimées concernant deux ouvrages qu'il
imprime sans permission, l'un contenant plusieurs lettres-patentes, édits,
déclarations et règlements concernant les finances en la Chambre des
Comptes de Nantes, avec des dissertations sur la même matière, et
l'autre une histoire de Bretagne par ordre chronologique. » Il était en
outre enjoint d'adresser les manuscrits à Rennes, eu, à défaut, les feuilles
imprimées, pour que le tout pût être transmis au Garde des Sceaux.
Docile exécuteur des ordres de l'Intendant, M. Mellier se transporta
de sa personne, le 22 septembre, à l'imprimerie de Querro, et se fit
accompagner d'un greffier, d'un huissier et deux recors. Après qu'il eut
fait prêter à Querro le serment de dire la vérité, ce dernier lui déclara
que sa mère, la veuve Querro, avait imprimé, il y avait trois ans, plu-
sieurs feuilles du Recueil des Edits ; que, depuis environ un an, il avait
lui-même continué cette impression jusqu'à concurrence de deux volumes
La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau. 449
in-folio, dont cent vingt exemplaires en feuilles étaient en dépôt dans un
magasin, au second étage de la maison de l'Empereur, rue de la Gaudine;
qu'il avait aussi imprimé deux éditions d'une Histoire de Bretagne, l'une
in-folio, pour être jointe au Recueil des Edits, l'autre in-8 pour Messieurs
de la Chambre des Comptes, et que ces deux éditions, tirées à onze cents
exemplaires étaient dans le magasin précédemment indiqué. Il ajouta
que M. de la Gibonais, doyen et maître de la Chambre des Comptes, s'était
prévalu auprès de lui de l'autorisation des officiers de cette Chambre, et
qu'il retenait les manuscrits après avoir fait ses corrections sur les
épreuves; qu'il n'avait connaissance d'aucun privilège du Roi autorisant
l'impression, mais qu'il savait que sa mère, absente de Nantes en ce
moment, avait souscrit, en 1720, un acte double, dans lequel Messieurs
de la Chambre s'étaient engagés à obtenir du Roi un privilège qu'ils lui
auraient transféré. La Gibonais écrivait très-incorrectement, et il avait
composé ses ouvrages sur des feuilles volantes, surchargées de transpo-
sitions et de ratures, ce qui avait empêché l'envoi du manuscrit à
l'examen de M. le Garde des Sceaux, et déterminé MM. de la Chambre
à le faire imprimer pour qu'il pût lui être adressé, et qu'il avait été
convenu que M"""- Querro serait garantie de toute perte, dommage ou
inconvénient. Enfin Querro déclara se souvenir qu'il avait été délivré
environ trente exemplaires du Recueil des Edits, mais un seulement de la
Succession chronologique, qui avait été envoyé au Conseil, à Paris, pour
en obtenir le privilège.
Après qu'on eut fait l'inventaire de l'imprimerie renfermant trois
presses, dix-huit casses dressées faisant trente-six hauts et bas, et les
ustensiles accessoires, M. Mellier la ferma, apposa son cachet sur la
serrure et remit la clef au greffier. S'étant ensuite transporté dans le
magasin qu'avait indiqué Querro, il y prit deux exemplaires de la
Succession chronologique, in-folio, et comme ils portaient sur le titre les
mots par privilège, il interpella à ce sujet Querro qui lui répondit les
avoir mis dans la persuasion que MM. de la Chambre obtiendraient le
privilège qui aurait été placé à la fin de l'ouvrage. Deux exemplaires
de l'édition in-8 et deux du Recueil des Edits furent en outre emportés
par M. Mellier qui apposa les scellés sur la porte.
On ne s'en tint pas là à l'égard de Querro. Il fut conduit en prison et
il y resta jusqu'au 8 octobre 1723. La veille, l'intendant avait écrit à
à M. Mellier que le Garde des Sceaux lui avait fait savoir « que s'il
usait de toute la rigueur de la loy, il ferait mettre au pilon l'édition
entière des deux ouvrages, et qu'il interdjroit pour toujours l'imprimeur
(M"'- Querro) de sa profession, mais que cependant le grand âge de cet
officier et ses services l'avaient engagé à traiter l'affaire avec plus de
450 La véritable Histoire de Bretagne de Dom Lobineau.
douceur. » C'est, en vertu de cette lettre que l'intendant avait ordonné
la mise en liberté de Querro, à la condition toutefois « qu'il paierait son
giste et geolage jusqu'au jour de sa sortie et autres frais de son empri-
sonnement. » Cet emprisonnement cessa le 8 octobre, et Querro eut à
payer une somme de 7 1. 10 s.
Aussitôt après la saisie des livres incriminés, M. Mellier les remit à
l'Intendant qui, lui, les transmit au Garde des Sceaux. Ce dernier en
confia l'examen à M. Rassicord, censeur royal et bâtonnier de l'ordre
des avocats à Paris. Le long travail auquel se livra ce censeur conclut
au remplacement par des cartons de toutes les feuilles qu'il avait corri-
gées dans les quatre parties de l'ouvrage de La Gibonais. En exécution
de l'ordre intimé par M. Mellier, le 10 novembre, on commença l'im-
pression et le placement des cartons. Les pages 242, 243, 249 et 25 1 de
la première partie furent remplacées. La seconde partie n'eut à subir
aucun changement. Querro annonça alors que La Gibonais ferait
rentrer tous les exemplaires délivrés pour qu'ils fussent également
corrigés. Le 15 décembre 1723, les cartons ayant été placés dans la
première partie, M. Mellier remit la troisième à Querro qui fit corriger
les pages 199, 294, 29$, 299 et supprimer les pages 300, 301 et 302.
Dans la quatrième partie, qui fut remise le 5 janvier 1724, des cartons
remplacèrent les pages 1 , 2 , 8, 9, 15, 18, 19, 23, 36, 37, 49, 62,83,
ICI, 113, 114, 119, 120, 127 et les pages 38 à 48 furent supprimées.
Ce travail terminé, M. Mellier transmet à Querro, le 16 août 1724,
l'ordre de M. de Brou de ne rien délivrer à La Gibonais avant que
l'Intendant fût revenu en Bretagne et se fût assuré par lui-même si les
corrections prescrites avaient été opérées. Toutes les feuilles retranchées
furent brûlées en présence de Messire Mathieu Gautron de la Bâte,
abbé de la Vieuville, prêtre, chanoine et grand vicaire de Nantes, que
le Garde des Sceaux avait nommé inspecteur de la librairie à Nantes.
L'abbé de la Vieuville prit ensuite, au hasard, un des exemplaires
corrigés et après s'être assuré qu'il l'était bien, il le remit à Guillaume
Cors, marchand libraire et syndic de sa communauté qu'il chargea
de vérifier si les autres exemplaires étaient conformes. Cors, après avoir
prêté entre les mains de M. Mellier le serment de s'acquitter conscien-
cieusement de sa charge, se mit à l'œuvre le lendemain, et ne termina son
opération que le 25 juillet suivant. Il avait examiné 116 exemplaires
Contenant 464 pages sur chacune desquelles il avait apposé, à la cire
rouge d'Espagne, son cachet représentant un cœur enflammé entouré de
onze flèches avec cette devise :^ Une seule me touche.
P. Levot.
MÉLANGES,
TEUTATES.
L'intime relation qui existe entre la langue latine et le gaulois me fait
croire qu'il peut n'être pas trop téméraire de proposer l'explication du
nom du Dieu gaulois Teutates par les règles qui ont présidé à la for-
mation des mots dans la langue latine.
Dans les vers de Lucain :
Et quibus immitis placatur sanguine diro
Teutates, horrensque feris altaribus Hesus (Aesus).
Teutates donne trois syllabes longues. Je suppose cependant que la
voyelle de la dernière syllabe est un / bref primitif.
M. Corssen {Aussprache^, t. ii, p. 227-230) a relevé plusieurs exem-
ples de l'emploi d'^ pour / dans la dernière syllabe de quelques thèmes
en i à l'époque classique de la langue latine: torques, fêles, valles, verres,
aedes, corbes, puppes, fides, apes, claves, rates, pour torquis, felis, vallis,
verris, aedis, corbis, puppis, fidis, apis, clavis, ratis.
La seconde syllabe de valles == vallis est longue dans V Enéide, Vivre xi,
V. 522 ; c'est une faute de quantité, mais cette faute s'explique par l'ana-
logie apparente de la désinence es de valles, avec la désinence étymolo-
giquement longue de clades = dad-as-s, sedes = sad-as-s, caedes =
caed-as-s, nubes = nub-as-s.
Il n'y a donc pas à s'étonner si Lucain a fait longue la seconde syl-
labe de Teutates = Teutatis.
M. Corssen, Kritische Nachtrsge, p. 248, a signalé l'existence du
suffixe â-ti, dans les formations prim-a-ti-s, optim-a-ti-s , et dans des noms
de peuples comme Arpin-a-ti-s, Capen-a-ti-s, Arde-a-ti-s. On peut y
ajouter Menâtes avec un / = e dans la dernière syllabe, Kritische Bei-
tr£ge, p. ^6^-^66.
La plupart des noms terminés par le suffixe â-ti ont perdu les deux
lettres // au nominatif singulier, mais nous sommes en droit de restituer
452 Mélanges.
ces deux lettres dans : siitnina[ti]s, infima[îi]s, pena[ti]s, nostra[ii]s, ves-
irci[ti]s, cuja[îi]s, anîia[îi]s, anxura[ti]s, casina[li]s, etc. (Corssen, Aus-
sprache, 2^ édition, t. 11, p. 598).
Des noms de peuples latins qui terminent cette liste, on peut rappro-
cher un certain nombre de noms gaulois.
On trouve réunis dans la Gr. C^, p. 796-797, plusieurs noms gau-
lois terminés par le suffixe ati-, ou par le surfixe aîo. M. Ebel n'a rien
changé au système suivi par Zeuss dans leur classement, et, à l'excep-
tion de deux, les a tous placés dans la liste des noms formés à l'aide de
suffixes brefs dont la lettre / fournit le principal élément.
Cependant 1'^ du suffixe était long dans une partie de ces noms, —
les lois de l'accentuation le prouvent. — Tels sont Cerate, aujourd'hui
Géré; Brivatis, aujourd'hui Brioude. A ces noms cités par conséquent
à tort comme exemples de suffixe bref dans la Gr. C 2, on peut ajouter,
toujours en s'appuyant sur les lois de l'accentuation : Carpentorate, Car-
pentras, Curcionaîis, Coussenas, Marciolatis, MarsoUat, Condaîe, Condal,
Condé, cités par Quicherat, de la formation française des noms de lieu, p.
42, et Vasates, Bazas.
Il y avait toutefois un suffixe gaulois ati par à bref puisque Condate
a donné à la géographie française des noms de lieu comme Condes et
Cosne (Quicherat, ibid., p. 45 ). Comparez le suffixe latin -es, -itis pour
â-ti-s si savamment étudié par M. Corssen (Aussprache 2, 11, 209-21 1).
Nous ne pouvons donc savoir avec certitude si nous devons rattacher
au suffixe ati par â long ou au suffixe ati par a bref, les nombreux noms
gaulois terminés en atis au nominatif singulier, en ates au nominatif plu-
riel, que MM. Becker et Pictet ont réunis et rapprochés de l'adjectif
namausatis {Beitr<£gc, t. m, p. 419-420, cf. 'Revue archéologique, nouvelle
série, t. xv, année 1867, p. ^87). Cependant, si l'on en juge par les
exemples que nous avons cités, un certain nombre doit s'expliquer par
le suffixe âti.
Le suffixe ati, en latin -iti, -it, doit son origine à la combinaison de Va
final de thèmes en a bref avec le suffixe // (cf. Schleicher, Compcndium,
2"-- éd., p. 450 et suivantes).
D'où vient Va long du suffixe ati dans les noms latins dont nous avons
parlé plus haut ?
Ces noms, dit M. Corssen, s'expliquent par des verbes nominatifs de
la conjugaison en<3,non pas que tous ces noms aient été précédés par des
verbes dénominatifs, mais, en ce sens, que les plus anciens sont issus
de verbes dénominatifs, et qu'une fois le suffixe ati formé, il s'est em-
ployé en des circonstances où aucun verbe dénominatif ne déterminait
Mélanges. 45?
l'adjonction de ce suffixe au thème primitif [Kritische Naclitmge, p. 248-
249.
TeutâtJs=i îeuiatis peut donc être dérivé du thème tcuto par l'interven-
tion réelle ou idéale d'un verbe dénominatif dont le thème était teiitâ.
M. Stokes dans sa savante étude sur le verbe irlandais a constaté l'exis-
tence de verbes ena dans le celtique primitif (Beiir.,t. vi, p. 365).
Primaîis de prlmare veut dire « celui qui prime, » celui qui a la qualité
d'être primus. Teuîates,teutatis,àénvé d'un verbe qui, s'il avait existé en
latin aurait fait îeutare, Mare à l'infinitif, signifierait : celui qui a la qualité
désignée par Padjectif ou le substantif Teuto-s. Le thème teuto de teiitos
existe en gaulois, dans les composés Teuto-maîus, nom d'un roi des
Nitiobriges (César de Bello Galllco, vu, ^1,46; Teuto-bodiaci, nom d'un
peuple de la Galatie (Pline, Hisî. Nat., v. 32), voir Gr. c^, p. 34.
Que veut dire leutos^
Teiitos est dérivé de la racine TU «croître » « grandir,» (Pott, W'urzel-
IVœrterbuch, n" 265, Etymologische Forsclmngen, i"" édit., t. iv, p. 793)
au moyen du guna et du suffixe -la- qui sert ordinairement à former des
participes passés passifs (Schleicher, Compendiiim^,p. 426), et quelque-
fois des substantifs ayant un sens analogue à celui du participe présent
actif (ibid., p. 436). Il semble donc que teuîos devrait signifier « celui qui
s'est accru, » « celui qui s'est agrandi, » « le fort, » « le grand, » « le
puissant. »
A côté du thème îeuto, il existe un autre thème gaulois qui lui res-
semble beaucoup, c'est le thème toiito, qui ne diffère du premier que
parce que la racine tu paraît être élevée à la vriddhi dans toiito, tandis
qu'elle est élevée seulement au guna dans teuto. M. Becker (Beitrdge, m,
192), a donné un recueil d'exemples du thème touto et de ses dérivés^,
d'après les inscriptions et les monnaies gauloises et gallo-romaines.
L'identité des deux thèmes paraît avec raison, ce semble, démontrée à
M. Stokes {Beitr£ge, 11, 107-108). Le grec a échappé à la confusion des
diphthongues eu et ou (Schleicher, Compendium ^, p. 68-69). Mais en
latin et en osque, Ve de la diphthongue eu s'assimilant à Vu suivant s'est
changé en 0 (Schleicher Compendium 2, p. 93, 1 1 1) et la diphthongue
ou s'est finalement transformée en u ou en 0. Le même phénomène paraît
s'être produit dans les langues celtiques (Gr. C.^, 34-35.
Touto ne serait donc qu'une forme secondaire de îeuto, et aurait la
même valeur étymologique; on rencontre la forme tuto et pourrait
trouver aussi toîo.
La forme féminine du thème teuto=touto- s'est conservée dans les lan-
gues néo-celtiques : tud, en breton-armoricain ; tus, en comique ; tuatli,
4^4 Mélanges.
en irlandais, sont des déformations d'un primitif ' tota ' tonta ' tenta, ils
veulent dire « gens, « <( peuple. » Teuta est identique au nom osque-
sabin et ombrien de la « cité : » tauta, touta, tuta, tota (Corssen, Aus-
prache^ t. i, p. 371) et au gothique thiuda, « peuple. »
Teuto- et touto- sont des formes masculines du celtique * tota, « peu-
ple, )) (( gens, » de l'italique tauta, touta, tuta, tota, « cité, » du germa-
nique thiuda « peuple '. » Le sens de « peuple, » « gens, » « cité « n'est
pas pour le nom féminin un sens primitif; le sens primitif est « celle qui
s'est accrue, » « qui s^est agrandie, « « qui est devenue et qui est puis-
sante. » Teuto- serait donc comme nous l'avons déjà dit « celui qui
s'est accru, « « qui s'est agrandi, » « le fort, » « le puissant, « et Teu-
taîes, teutatis dérivé de teuto aurait une signification analogue. Le sens de
primas, à'optimas, pour primatis optimatis, diffère peu de celui de primus,
à'optimus.
Mais au lieu de recourir à l'interventiondu thème masculin feufo=/ou/o,
pour nous rendre compte de la formation du nom divin Tentâtes, peut-
être devrions-nous faire dériver ce nom du thème féminin ' teuta = touta
= tota = tuath =■ tud.
Dans ce cas, on pourrait comparer le sens du suffixe gaulois -ati-s,
dans Tentâtes, avec celui du même suffixe en latin dans les adjectifs géo-
graphiques Arpin-a-ti-s d'Arpinum, Arde-a-ti-s à'Ardea. Tentâtes serait le
Dieu qui a rapport à la cité, au peuple, considéré comme groupe poli-
tique; Tentâtes aurait été un Dieu « national. »
Quoi qu'il en soit, on ne peut considérer Tentâtes, teutatis comme un
nom abstrait, le supposer formé au moyen du suffixe -tati-. Ce suffixe est
secondaire, ne se juxtapose pas immédiatement à la racine, ne se place
qu'à la suite d'un thème déjà formé et composé d'une racine et d'un
suffixe. Tels sont en latin duri-tas dnritatis, anxie-tas anxie-tatis, etc.
(Schleicher, Compendinm ^, p. 441). Ce serait violer une loi grammaticale
certaine que de comparer Tentâtes aux dieux abstraits des Romains
comme Libertas, Félicitas, Pietas, ^quitas (Preller, Les Dieux de l'ancienne
Rome, trad. de Dietz, 2" édit., p. 412, 41 3, 418, 420).
Un nom divin de Rome qui peut se mettre en regard de Tentâtes, est
celui des Pénates.
La racine est différente : tu, « croître, » « grandir, » dans Tentâtes,
PA, « protéger, « « nourrir, « dans Pénates. Elle est élevée au guna dans
Tentâtes, elle reste sans renforcement dans Pénates ; mais Pénates dérive
du thème peno-, qui pourrait être un participe passé passif, de la racine
I. U n'y a vraisemblablement pas de rapport entre ce thème et le latin totus, dont la
racine paraît être le pronom ta; cf. Fick, Zeitschrift de Kuhn, t. XXl, p. 10.
Mélanges. 455
verbale pa, comme teuto- un participe passé passif de la racine verbale
TU. Le suffixe -na-, -no-, qui sert à former des participes passés passifs
(Schleicher, Compendium ^, p. 429)^ est aussi employé comme le suffixe
-ta-, -îo- à former des noms qui ont un sens analogue à celui du parti-
cipe présent actif : penus = pe-no-s signifie donc en latin « nourriture, «
« provisions de bouche, « à proprement parler « nourrissant, » et de
penus est dérivé au moyen du suffixe ati-s, le nom des Pénates, qui sont
les dieux des provisions de bouche, (Preller, ibid., p. ^64; Corssen,
Ausspraclie *, 1. 1, p. 425), comme Tentâtes serait le dieu de la puissance
ou de la cité.
Je me reprocherais d'être aussi affirmatif sur le sens de Tentâtes que
je le suis sur le mode de formation de ce mot. Le sens du thème masculin
teuto, en gaulois, ne nous est pas connu d'une manière rigoureusement
précise. Tentâtes peut être dérivé de la forme féminine de ce thème aussi
bien que de sa forme masculine. Il doit encore rester, ce me semble,
quant à présent, une certaine incertitude sur la signification de ce nom
qui, si nous nous en rapportons à Lucain, aurait tenu dans la mythologie
gauloise une place si importante.
Je dis : si nous nous en rapportons à Lucain. En effet, nous sommes
réduits à un seul témoignage. Le texte de Lactance qu'on cite avec celui
de Lucain ne me semble avoir aucune valeur, il ne me paraît autre chose
que la rédaction en prose des vers de Lucain. Il est étrange que le nom
de Tentâtes ne se soit jusqu'à présent trouvé dans aucune des inscriptions
si nombreuses qui nous donnent des noms de dieux gaulois. Tentâtes
pourrait bien n'avoir été qu'un dieu topique, le dieu d'un peuple gaulois;
on ne voit nulle part la preuve qu'il ait été adoré dans toute la Gaule,
et qu'il y ait occupé le rang considérable que lui attribuent D. Martin,
Religion des Gaulois, t. 1, p. 201 et suivantes, et M. Amédée Thierry,
Histoire des Gaulois, livre iv, chap. i ('.5'-' édition, t. i, p. 479). L'identité
de Mercure et de Tentâtes n'est nullement démontrée, puisque, pour l'éta-
blir on s'appuie sur un passage interpolé de Tite-Live.
H. d'ARBOIS de JUBAINVILLE.
BIBLIOGRAPHIE.
Om Vildsviintypen paa galliske og indiske Mynter, af
C. A. Ildi.MiioK, (Sœrskilt altrykt af Vidensk-Selsk-P^orhandlinger tor 1868),
Christiania, i 1 p. in-8", avec 1 planche.
M. C. A. Holmboe, en étudiant le type du sanglier sur les monnaies de
la Gaule et de l'Inde, a cherché à établir des rapports entre la numisma-
tique de l'Inde orientale depuis le v^' siècle après Jésus-Christ, et la
numismatique gauloise des deuxième et troisième siècle avant notre ère.
Il rappelle que le sanglier fut, ainsi que l'a établi M. de La Saussaye,
l'emblème national gaulois; les monnaies en font foi, ainsi que les figu-
rines en bronze de cet animal qui ont été retrouvées sur plusieurs points
et qui ont probablement surmonté des enseignes.
Sur des monnaies, des sceaux et des poinçons royaux d'origine in-
doue on trouve également le sanglier, soit isolé, soit placé au sommet
d'un drapeau.
M. Holmboe pense que les Gaulois ont emprunté leur symbole natio-
nal plutôt à l'Inde d'où ils venaient qu'à la Grèce ou à l'Italie. Pour
expliquer l'énorme écart chronologique qui existe entre les monnaies
gauloises et les monuments indous similaires, l'auteur suppose que la
race des Chalukyas du v" siècle de notre ère se rattachait à une dynastie
qui régnait dans l'Ayodhyapura et sur d'autres contrées de l'Inde
septentrionale et de l'Indoustan deux siècles avant Jésus- Christ. Tout en
reconnaissant que ce n'est là qu'une hypothèse qui a besoin d'être étayée
de preuves solides, M. Holmboe a voulu établir qu'à la rigueur, on
peut supposer que le symbole du sanglier existait dans l'Inde dans des
temps contemporains de la nationalité gauloise. Nous ne pensons pas
que, dans l'état de la science, on puisse rien fonder sur une conjecture
aussi hardie, dans laquelle l'imagination et des rapprochements un peu
forcés tiennent plus de place que la véritable critique. ^
Bibliographie. 457
Glossaire gaulois, avec deux tableaux généraux de la langue gauloise, par
RuiiKT, baron de Beli.ogukt, 2° édition, Paris, Maisonneuve, 1872, in-8',
xxi-450 pages. — Prix : 9 fr.
Cet ouvrage est le premier volume de VEthnogénic gauloise qui, sous
un titre un peu bizarre, marque en France un progrès considérable dans
les travaux sur les origines de notre histoire. Cette publication de M.
de Belloguet, justement honorée du premier prix Gobert par l'Académie
des Inscriptions, porte partout l'empreinte d'un effort vigoureux pour
faire sortir les études celtiques des traditions fantaisistes oiî elles se
traînent littérairement et poétiquement chez nous depuis le commence-
ment de ce siècle en voilant pour ainsi dire d'un rideau de fleurs
l'abîme de notre ignorance. Si seulement nous n'avions pas eu d'autre
illusion ! Ainsi, M. Roget de Belloguet nous a donné un exemple auquel
nous voudrions de nombreux imitateurs. Nous ne disons pas des copistes
serviles, car son livre, avec une incontestable valeur, a, suivant nous,
aussi des défauts contre lesquels il faut se mettre en garde.
Il y a d'abord un ordre défectueux. M. de Belloguet s'est avec raison
attaché d'abord à recueillir dans les auteurs anciens les mots gaulois
qu'ils nous ont conservés en nous en apprenant le sens. Mais pourquoi
ne pas ranger ces mots par ordre alphabétique .? L'ordre alphabétique si
commode pour les recherches, rapproche les uns des autres les dérivés
de la même racine : il facilite ainsi la comparaison de ces dérivés entre
eux et la fixation de leur sens. M. de Belloguet aurait pu prendre pour
modèle à ce point de vue le Glossarium italiacum de M. Fabretti, qui peut
donner lieu à bien des critiques quand on l'examine au point de vue de
la linguistique, mais qui est si commode à consulter et qui, par consé-
quent, peut rendre tant de services à un homme pressé comme sont
tous les érudits.
Une autre critique plus grave ne porte pas sur la forme, elle porte
sur le fond. L'auteur n'a pas suffisamment tiré parti des lois phonétiques
qui font la base de la Grammatica Celtica de Zeuss, et dont la découverte
fait tant d'honneur à cet érudit : il suit de là qu'il a souvent rappro-
ché des mots gaulois de mots bretons ou irlandais qui n'ont
aucun rapport avec eux. Ainsi, p. 372, M. de Belloguet persiste, mal-
gré mes réclamations, à maintenir dans l'article consacré à Esiis le
breton armoricain euzuz. Il paraît ignorer que la désinence us du nomi-
natif singulier gaulois esus n'a été conservée dans aucun nom breton,
que le premier z à^euzuz a succédé à une dentale primitive comme le
prouvent la forme comique et galloise uth, la forme irlandaise uath, la
forme vannetaise ec'h du substantif armoricain (?uz d'où euzuz est dérivé:
458 Bibliographie.
il ne veut pas tenir compte du fait que la voyelle primitive initiale que
supposent les formes néo-celtiques euz, uth, ec^li, uach, est un ô long et
non Vê long par lequel commence le gaulois esus.
A la page 89, M. de Belloguet rapproche reno de l'armoricain
kroc'hen en vieil irlandais crocenn (Gr. C.^, p, 69, 103); il m'est impos-
sible d'apercevoir entre ces deux noms la moindre ressemblance.
Candetum est rapproché par lui probablement avec raison (p. 92) de
l'arm. kant, du corn, cans «cent. » Ce rapprochement s'appuie sur Isidore,
Origines, 1. XV, c. 14, § 6 : Galli candetum appellant in areis urbanis
spacium centuni pedum. On aurait dit en gaulois canton, « cent » en conser-
vant Vn primitif comme dans le grec b.aTsv, tandis que l'irlandais
archaïque cet suppose un primitif centan avec un e= a comme dans le
latin centum. Candetum ^ cantetum aurait déjà changé le ? en d entre n
et une voyelle, comme nous l'avons fait dans « marchand » de mercan-
tem ; quant au suffixe etum qui finit ce mot : il est bien connu. Mais,
pourquoi ne pas se borner là et nous citer l'armoricain kantvad (lisez
kant-ved) = ca«ï[o]-me/[o-5] {Gr. C, p. 324) où le suffixe est complè-
tement différent de celui de candetum!'
Il n'y a aucun rapport entre le mot asia (p. 96) et l'armoricain ed =
itu «blé» {Gr. C.^, p. 238); — entre le gaulois culcita et l'armoricain
gwelé = vali-on ou vali-a (?) « lit» {Gr. C, p. 81 5), etc.
M. Roget de Belloguet ne paraît pas non plus se rendre un compte
bien net de la théorie de la dérivation. Ainsi il fait un substantif du
suffixe -aco-s ' qui sert à former des adjectifs, des noms de personne et
des noms de lieu (p. 211, 364, cf. Gr. C.^, p. 806-807), ^t qui existe
en latin comme en gaulois (Corssen, Beitrxge, p. 322; Aussprache^,
t. II, p. 195, 590). Il ne veut pas admettre l'existence du suffixe gau-
lois -inco- en regard duquel on peut cependant placer le suffixe grec
-17^ -rcYoç. (Régnier, Formation des mots dans la langue grecque, p. 197),
et le suffixe latin -unca dans spelunca (Corssen, Aussprache ^ t. II,
p. 188). En général, la distinction entre les composés et les dérivés
n'existe pas à ses yeux.
Il a placé dans sa liste de mots gaulois deux mots francs : Yrias
(p. 2 1 j) expliqué par Grimm, Gescitichte der deutschen Sprache, 3'' édition,
p. 3 8 1 , et dadsidas (p. 2 1 6) sur lequel on peut consulter le même ouvrage
de Grimm (p. 381) et Schade, Wœrterbuch, p. 56.
L'inscription qu'il publie p. 336 a été commentée par M. Mowat en
I. Le français « accin » que M. Roger de Belloguet cite à ce propos était en bas-latin
ad-cinctum. Entre ce mot et le suffixe aco-s, il n'y a aucune relation.
Bibliographie. 459
1870 dans une dissertation dont nous avons rendu compte dans la
seconde livraison de la Revue Celtique et qu'il paraît ne pas connaître'.
Mais ceci n'est qu'un détail accessoire.
J'en ai assez dit pour montrer clairement quel est le principal défaut
d'un livre auquel je me plais à reconnaître une immense supériorité sur
tous les ouvrages analogues publiés en France jusqu'à ce jour. M. Roget
de Belloguet sent bien lui-même quel est ce défaut. Il se plaint dans sa
préface (p. 1 1 - des savants qui regardent son travail du haut des règles
du Laut-rerschiebung et il déclare que les lois posées par Bopp et par
Grimm ne sont pas applicables au Gaulois. Je ne songe en aucune façon
à introduire dans la grammaire celtique les règles de la Laut-verschiebung
puisque un des caractères qui distingue les langues néo-celtiques
est d'échapper à la Laut-verschiebung . Je n'invoque ni l'autorité de Bopp,
ni celle de Grimm, je me contente de l'autorité de Zeuss que M. Roget
de Belloguet cite si fréquemment, et je l'en félicite. Grâce à l'étude qu'il
a faite delà Granmatica celtica, des Keltische Namen de M. Gluck, des
mémoires que MM. Ebel, Becker et Stokes ont publiés dans les
Beitraege de M. Kuhn, il a considérablement amélioré son glossaire.
Mais je crains qu'il n'ait lu un peu superficiellement les travaux de ces
savants linguistes, disciples de Bopp et de Grimm, avant de créer et de
perfectionner avec tant de succès la grammaire comparée des langues
celtiques. M. Roget de Belloguet me cite plusieurs fois avec une poli-
tesse qui me tlatte d'autant plus que je suis un des critiques dont il se
plaint. J'ai peut-être eu dans la forme un peu de rigueur, ainsi qu'il sied
à un « néophyte, » comme disait de moi un critique éminent en parlant
précisément du mémoire dont il s'agit. Néophyte, disait-il. En effet,
indépendamment de la question de forme, il y a dans ce mémoire, bien
des passages qui trahissent la main d'un écolier. Mais dans mes critiques
il est un point sur lequel je n'ai point varié : je regrette que M. Roget
de Belloguet, qui est un si consciencieux travailleur, n'ait pas davantage
étudié les lois de la phonétique celtique, et j'ajouterai même d'une
manière générale, les lois fondamentales de la formation des mots dans
les langues indo-européennes : c'est le côté faible d'un livre dont l'au-
teur joint à un jugement droit une profonde érudition.
H. d'Arbois de Jubainville.
I. I citant cette inscription d'après le texte donné par la Revue Archéologique (mars
1868), M. de B. reproduit la mauvaise leçon RHED, au lieu de RIED, leçon réelle
rétablie par M. Mowat. On peut s'étonner que la Revue archéologique n'ait pas, aprèsle tra-
vail jle M. Mowat, rectifié ce texte erroné donné par elle. Faute de cette rectification,^ la
mauvaise lecture subsistera et ira se propageant, — nous en avons ici la preuve, — grâce
au patronage de cet estimable recueil. — H G.]
Jl
460 Bibliographie.
[Qu'il me soit permis d'ajouter, pro domo mea, que je n'ai jamais émis
l'étrange assertion que M. de B. me prête par méprise p. 80, n. — H. G.]
Di alcune Forme de' nomi locali deir Italia Superiore, disserta-
zione linguistica di Giovanni Fi.echi.s. (extrait des Manoric dtlla rcak Acadcmia
dclk Scienze di Torino, ser. II, tom. XXVIIi, Torino, Staniperia reale, 1.^71,
loi p. in-4°. — Prix: 6 lire.
Un professeur de Turin, déjà connu des Celtistes par une brochure
Di un' iscrizione Celtica trovata nel Novarese (Turin, 1864), Publie
aujourd'hui une importante dissertation sur les quatre suffixes les plus
remarquables que présente la nomenclature géographique de l'Italie du
Nord, les suffixes ago, asco, ate, engo. Il étudie chacun d'eux dans le
temps et dans l'espace, c'est-à-dire dans ses transformations phonétiques
et dans l'étendue de son aire géographique. — Le suffixe ago est le plus
nombreux de tous; il se rencontre dans environ 400 noms. La moitié
en appartient à la Lombardie et le huitième au Frioul; le reste est
dispersé dans les provinces vénitiennes, dans le Piémont, le long de la
rive droite du Pô, dans le Trentin, dans la Suisse italienne et en Ligurie.
L'origine celtique de ce suffixe (anciennement acus, aca, acum, iacus,
iaca, iacutn), se démontre principalement par ce fait qu'elle se rencontre
seulement dans des pays habités par des Celtes: M. Fl. établit qu'il
exprime la possession, et que les noms en ago, accompagnés à l'origine
de termes tels que viens, fiindus,pr<£diiim, rus, ager, colonia, villa, doinus,
casa, 'etc., dérivent tous plus ou moins vraisemblablement des noms de
personne, romains pour la plupart. M. Fl. analyse un grand nombre de
ces noms et donne en passant les formes correspondantes de la toponomas-
tique française. Dans ces rapprochements, il ne lui a pas toujours été pos-
sible de rechercher l'ancienne forme des noms français et il les identifie
d'après leur forme actuelle.Cette identification est presque toujours exacte;
mais il arrive quelquefois qu'un nom qui pourrait, philologiquement, avoir
l'origine supposée par M. Fl. se trouve, historiquement, en avoir une
autre. La critique de l'auteur est du reste si sûre que ses doutes ou ses scru-
pules sont souvent confirmés par des faits qu'il semble ignorer'. — Les
nomsena5fo se rencontrent au nombre d'environ 2 50 dans l'Italie du Nord:
I. Donnons quelques exemples: M. Fl. rapproche (p. 25) Chambly et quelques noms
analogues de Camh\ago= Cambelliucum, tout en admettant que dans les formes françaises
le b pourrait être adventice. Chambly est en effet CamiUacum. — A propos de Eogliaco
(p. ig) qu'il explique par Bovilidciim, il cite entre autres noms français, mais avec hési-
tation { forse, d\t-'û), Bouilly ; Bouilly est Baudiliacus. — Nos nombreux Châtenoy,
Châtenay, etc. viennent plus souvent de Castanetum que de Cnstiniacum ''p. 27). —
Brissac vient de Brctcaciacum 'p. 20''.
Bibliographie. 461
la moitié en appartient au Piémont et le reste se répartit entre la Ligurie,
Lombardie et la Suisse italienne. M. Fl. réfute l'opinion qui fait venir
ce suffixe du latin -aticus, mais, n'en pouvant découvrir l'origine, émet,
faute de mieux, l'hypothèse qu'il peut être un reste du séjour des Ligures
dans la Haute-Italie et avoir survécu à leur langue comme le suffixe -aco
a survécu à l'usage de la langue gauloise. L'examen des noms où entre
le suffixe -asco, montre que comme le suffixe -ago il servait originaire-
ment à former des adjectifs. — Les noms en -ate, au nombre de plus de
200, sont propres à la Lombardie. Les anciens noms gaulois en -ate,
comme Arclate, Condale, se présentent aussitôt à l'esprit; mais l'examen
des formes qui, dans les autres parties de la Haute-Italie, correspondent
aux formes lombardes en -ate, mène M. Fl. à l'opinion que cette coïnci-
dence avec l'ancien gaulois est accidentelle et que ces formes actuelles
en -aie se ramènent à un prototype -aîo (-aîunï), formant comme un
participe passif analogue à ceux des verbes en -are, et acquérant ensuite
la valeur d'un substantif. C'est donc une forme d'origine romane et de
signification participiale. — Le dernier suffixe, -engo qui se rencontre
non-seulement dans les noms de lieu de l'Italie supérieure au nombre
de plus de 200, mais aussi dans des noms de famille, est incontestable-
ment germanique et témoigne de l'influence de la conquête lombarde en
Italie. — C'est ainsi que ces recherches linguistiques éclairent l'ethno-
graphie de la Haute-Italie, en montrant les couches successives laissées
par les populations qui en ont occupé le sol. La critique rigoureuse et
l'érudition étendue qui se montrent dans cette dissertation font vivement
désirer que l'auteur publie prochainement le travail qu'il promet sur les
traces de l'élément celtique dans l'Italie du Nord.
H. G.
L'Art gaulois, ou les Gaulois d'après leurs médailles, par Eugène HuniiER,
T. I, 1868, in-4'', 65 pages et 101 planches. Prix: 30 fr. — T. II, 1" et 2*
livraison, 1872, in-4°, 16 pages. Prix: 1 fr. la feuille pour les souscripteurs
(le tome II aura 20 feuilles).
Cet ouvrage, fort justement couronné par l'Académie des Inscriptions
en 1869, paraît devoir former un traité complet de numismatique gau-
loise. Dans les planches les médailles sont représentées grossies au
microscope; elles sont, par conséquent, beaucoup plus faciles à étudier
que dans les publications anciennes et même que dans les planches si
soigneusement exécutées de la Revue de numismaticjue. Nous n'avons
qu'une critique à exprimer. L'auteur qui connaît la Grammatica celîica
ne s'en est pas suffisamment servi et s'est trop facilement laissé séduire
462 Bibliographie.
par son imagination dans les rares circonstances où il a cru devoir faire
des rapprochements étymologiques.
Voici un exemple de la témérité avec laquelle certains numismatistes
confondent des racines complètement différentes. Je dis certains numis-
matistes, au pluriel, car ici M. Hucher n'est pas seul coupable, il n'a
fait qu'adopter une idée du savant qui, dans notre siècle, a fait faire le
plus de progrès à la numismatique gauloise, de M. de Saulcy. Il y a en
France une rivière qu'on appelle aujourd'hui Durance. Mais cette forme
moderne du nom altère par une métathèse de l'r le nom primitif,
Druenîia. Driientia est le nom qu'ont écrit Tite Live, XXI, 3 1 ; Pline le
naturaliste, 111^ 4, $ ; Silius Italiens, 111,463. Cette forme est confirmée
par l'adjectif druenticus que deux inscriptions nous ont conservé, et par
la variante Aps'j;v-(a; qu'on trouve dans Strabon. Druenîia est dérivé de
la racine dru a courir, couler. » Cette racine a été étudiée par M. Pott,
Etymologische Forschungen, t. IV, p. 1063, n" 279, et ici même, pages
299-305, par M. Pictet. M. Hucher, s'appuyant sur l'autorité de M. de
Saulcy, rapproche du nom de la Durance le commencement du mot
durnacos inscnt sur certaines monnaies gauloises (t. I, p. 23). « La
syllabe dur, » dit-il, « évoque naturellement l'idée d'eau. » — C'est une
erreur : dour <( eau » en breton est une forme contractée du primitif
"dubron. Elle n'évoque pas plus l'idée d'eau en gaulois que la syllabe
française père (= pâtre) n'évoquerait en latin l'idée de paternité.
Si durnacos est un nom d'homme, son sens ne peut guère faire doute.
En gaélique d'Ecosse dornach signifie : <c belonging to fists, a boxer, a
pugilist » (Dictionnaire de Macleod). C'est un dérivé de l'irlandais
dura, dora « le poing, )> en gallois dwrn, en comique dorn. Le breton
armoricain a légèrement modifié la signification de ce nom, et, comme
il a perdu le substantif lam « main, » il a donné à dourn, dorn, le sens
de « main, « par conséquent en breton armoricain dournek, équivalent
de durnacos et de dornach veut dire « qui a de grandes mains, » mais ce
n'est pas le sens primitif; et le sens primitif a été conservé dans le dérivé
dourna « battre à coups de poing. )> Durnacos paraît donc signifier
« qui a un poing robuste. «
Durna-cos est dérivé du thème durno- qui apparaît dans un nom de
lieu gaulois Durno-magus. Je crois qu'ici le thème durno- a probablement
un sens plus général que dans le dérivé durnacos. Durno- qui semble dé-
rivé de la racine dhar u soutenir, porter, fortifier ; » serait originaire-
ment un participe ou un adjectifsignifiant en générale qui est fort, w comme
le latin fortis, firmus, frenum qui ont la même racine (Pott, Etym. Forsch.,
t.V,p. 333 et suivantes, n" 455)) " poii^g ^^ est avec valeur de substantif
Bibliographie. 46^
un sens spécial bien ancien puisqu'il est commun au breton et à l'irlan-
dais ; mais le sens général de « fort » s'était probablement maintenu
avec valeur d'adjectif dans Durno-magus dont le premier terme peut être
comparé quant au sens à un autre thème gaulois dont la racine n'est
pas clairement déterminée, je veux parler du xhème duro qui avait valeur
de substantif et signifiait « forteresse. ■»
Je conclus qu'entre le nom de la Durance et la légende monétaire
Diirnacos il n'y a aucun rapport et que M. Hucher dont la publication
est du reste excellente, fera bien à l'avenir ou de s'abstenir de spécula-
tions étymologiques ou d'étudier préalablement un peu plus à fond la
grammaire comparée des langues indo-européennes en général, la
Grammatica celtica en particulier.
H. d'Arbois de Jubainville.
Lettres à M. A. de Longperier sur la numismatique gauloise,
par F. DE Saulcv. (Extrait de la Revue nunnswatique, nouvelle série, t. 111,
1858.) Paris, in-8%
MM. Rollin et Feuardent publient une nouvelle édition de ce recueil.
Us reproduisent littéralement le texte et jusqu'à la date de la première
édition. Ces lettres sont plutôt un recueil de causeries qu'un livre pro-
prement dit. En effet, chez M. de Saulcy, à côté du savant il y a un
causeur charmant, plein d'esprit, d'imagination et de feu. La vue d'une
monnaie gauloise éveille chez lui tout un monde de vieux souvenirs et
d'idées neuves, et il se hâte de les exprimer avec une ardeur égale à la
vivacité de sa conviction, sauf à reconnaître le lendemain qu'il s'est
trompé. Quand il voit qu'il a commis une erreur, il s'empresse de le
proclamer avec autant de sincérité que de bonheur, car c'est pour lui le
point de départ d'une théorie nouvell^^n'il expose avec le même entrain,
le même esprit, la même science et la même bonne foi que la théorie de
la veille.
Cependant, chemin faisant, il rectifie nombre de lectures défectueuses
des légendes monétaires et par là fait faire aux études celtiques d'incon-
testables progrès. Il est inutile d'insister ici sur les découvertes que
nous devons au savant numismatiste. Elles sont bien connues de tous
ceux qui s'occupent de ces matières. Loin de nous la pensée de les
déprécier ! Mais ce qui, dans les érudites et ingénieuses recherches de
M. de Saulcy, prête à la critique, ce sont certains rapprochements
hasardés entre des légendes monétaires et soit des noms de chefs gaulois
mentionnés par César, soit des termes qui appartiennent aux langues
néo-celtiques.
464 Bibliographie.
En voici deux exemples :
Le nom du chef Cattos, inscrit sur des monnaies gauloises p.
114 et suivantes), parait identique à l'armoricain moderne mz = catt
« chat » et n^a aucun rapport avec le nom de Cotus, vergobret des
Eduens, dont parle César. M. de Saulcy a renouvelé dans V Annuaire
de la Société française de Numismatique pour 1867, p. 11^ le rapproche-
ment de cattos avec cotus; et ce rapprochement est inadmissible, puisque
les deux mots diffèrent, au double point de vue du vocalisme et du
consonantisme.
M. de Saulcy divise en deux parties la légende à'Arviragus (p. 38 et
suivantes). Ar, suivant lui, est l'article, viragus serait le nom d'un chef
breton! Le savant auteur traite de même Arcantodan, ce qui lui permet
de le rapprocher du Conetodunus des Commentaires de César. En effet,
l'article armoricain est aujourd'hui ar devant les consonnes autres que les
dentales et /. Mais Vr final de cet article est tout moderne et a pris la
place d'/2 il y a au plus trois siècles. A l'époque gauloise, cet article, s'il
existait, était probablement prononcé 'hindos ou 'Sindos. Si dans/ln'/rat;us
et Arcantodan ar doit être séparé du reste du mot, c'est une particule
augmentative et non un article.
L'autorité si légitime qui s'attache aux écrits de M. de Saulcy fait
aux critiques un devoir de relever les erreurs qu'ils y remarquent.
Quand un livre a la valeur des Lettres sur la numismatique, il attire à lui
les lecteurs et la confiance. Plus les lecteurs sont nombreux et la con-
fiance fondée, plus est grand le danger que présentent quelques doctrines
fausses éparses dans un travail où l'on trouve une science si vraie associée
à un si profond amour de la vérité.
H. d'ArBOIS de JUBAINVILLE.
Etudes d'Archéologie celtique, notes de voyage dans les pays Scandi-
naves, par Henri Martin, membre de l'Institut. iv-426p. in-8. Paris, Didier,
1872. — Pr. 7 fr. 50.
M. Henri Martin a pris place, par ses diverses publications en prose
et en vers ' , parmi les écrivains qui ont le plus contribué à répandre en
France l'étude de nos antiquités gauloises et le goût des choses cel-
tiques. Par la vivacité de son imagination, par l'éclat de son style, le
poète, qui chez M. M. se mêle à l'érudit, a réussi à donner l'illusion
de la vie aux héros de cette vieille histoire. Personne ne mérite donc
I. En prose, dans le premier volume de son Histoire de France et dans de nombreux
articles de revues et de journaux : en vers, dans son drame de Vercingétorix (Paris,
Furne, i86j.)
Bibliographie. 465
plus l'estime de la critique ; mais quel que soit notre respect pour le
talent et pour le caractère de M. M., qu'on nous permette de dire sans
détours notre façon de penser sur les théories qu'il soutient : arnicas
Plato, sed magis arnica veritas. Nous sommes, par nos propres études,
arrivé sur quelques points importants à des conclusions trop différentes
de celles de M. M., pour laisser passer les siennes sans protester.
Les lecteurs de la Revue, qui sont les véritables juges, iront au fond du
débat dont nous ne pouvons (faute d'espace) que poser les termes, et ils
décideront pour eux-mêmes.
Le dissentiment principal entre M. M. et nous, avant d'être dans les
faits, est déjà et surtout dans la façon de les envisager. M. M. est le plus
savant et le plus illustre représentant d'une école qu'en pourait appeler
l'école druidique; elle a en effet pour principe que les prêtres ou magi-
ciens des Gaulois, les « Druides » comme les appellent les anciens,
formaient entre eux une école de philosophie transcendante, étaient
dépositaires d'une sagesse ésotérique de la plus grande élévation, pour
ne pas dire d'origine divine, et que les anciens Celtes sont dans l'histoire
comme un second peuple de Dieu, un autre Israël. L'école critique, que
cette revue représente de son mieux, tient au contraire que les Celtes, si
anciens qu'on les suppose, n'avaient reçu aucun privilège entre les autres
nations de l'antiquité, et que leur histoire doit se faire, comme toute
autre, moins par la divination que par l'étude de leurs monuments, de
leurs traditions et de leur langue, entreprise sans parti pris et avec assez
de patience pour qu'une affirmation soit seulement la généralisation
d'une série de faits incontestables. C'est la méthode mise en honneur
par les deux hommes qui ont véritablement fondé l'ethnographie de
l'Europe centrale et occidentale, J. Grimm et Zeuss: J. Grimm pour les
peuples germaniques, Zeuss pour les peuples celtiques. Nous ne sommes
partisans d'aucune tradition : mais s'il en est une en dehors de laquelle
on pourrait dire avec quelque vraisemblance qu'il n'y a pas de salut,
c'est bien celle qui relève de ces deux grands génies.
Aussi, formés à une autre école que M. M., sommes-nous arrêtés à
tout instant dans son nouveau livre par des théories ou des assertions
qui nous étonnent. Ainsi dans sa première étude (Les races brunes et les
races blondes) où il revient, à tort selon nous, sur l'opinion qu'il avait
émise dans son Histoire de France et qui faisait des Gaulois un peuple à
cheveux blonds, M. M. parle encore de « Gaëls » et de « Cymrys « en
Gaule. Le lecteur français sait qu'à une époque où les études cehiques
n'existaient pas encore, en 1828, M. Amédée Thierry mit en avant,
dans son Histoire des Gaulois, un système ethnographique qui, de la
466 Bibliographie.
division actuelle des peuples Celtiques en deux branches, concluait à
l'existence de cette distinction chez les Gaulois du continent d'avant
César^ et qui profitait de la ressemblance fortuite du nom national des
Gallois (Cymrv) avec celui des Cimbres et celui des Cimmérienspour faire
de ces différents peuples une seule et même race. Ce système qui a mal-
heureusement fait fortune en France, n'a guère été adopté à l'étranger.
Grimm et Zeuss n'ont pas même daigné le discuter, et en France même
il a été enterré^ définitivement nous l'espérions, dans VEthnogénie Gau-
loise de M. de Belloguet.
Ailleurs nous rencontrons une autre opinion qui pour nous est égale-
ment une hérésie au premier chef. M. M. regarde les Cimbres comme
des Celtes et il cite, à l'appui de cette thèse, des passages de Cicéron et
de Salluste qui appelle les Cimbres Gaulois. Mais il passe sous silence les
textes si positifs de Pline, de Tacite et du testament d'Auguste qui en
font positivement des Germains. Il est facile de voir que de ces témoi-
gnages contradictoires les derniers ont le plus d'autorité justement parce
qu'ils sont les plus récents et que les premiers datent d'une époque à
laquelle les Romains confondaient dans le nom de Gaulois l'ensemble
des barbares du Nord, de même que les Grecs avaient longtemps fait
rentrer dans le terme de \i£kv.y:'q les régions septentrionales encore
inconnues et qu'habitaient les Germains, à côté et au-delà des Gaulois.
M, M. n'est pas philologue. Eminent historien comme il est, ce
défaut lui est bien pardonnable, mais au moins, quand il veut parler
philologie et quand il bâtit des théories historiques ou philosophiques sur
la pointe menue d'une étymologie, devrait-il se renseigner dans les
ouvrages, aujourd'hui nombreux, qui traitent avec compétence de philo-
logie celtique. Il est décourageant de voir des faits qu'on regarde^comme
établis, tout simplement ignorés de M. M. Ainsi il fait venir du nom d'un
prétendu dieu Bel le mot breton hclck «. prêtre «, quand ce mot a une
étymologie si claire et si chrétienne '. Ainsi il retrouve le nom du dieu
Gaulois Belenos dans les noms propres français modernes Belin, Blin,
etc.^ Ainsi il rapproche le nom des Cimbres du nom que les Gallois se
donnent à eux-mêmes, Cymry, quand ce nom est relativement moderne,
et n'a du reste très-probablement aucune parenté étymologique avec le
1. Bekk, anc. badec = Call. biiplog = Irl. bachlach vient du latin baculus et signifie
étymologiquement « l'iiomme au bâton. » C'est le «bâton pastoral » que les évêques ont
gardé.
2. Les noms propres comme BcUn, Min, etc. sont des formes aphérésées de noms
tels que Lembelin et Robelin. Voyez Mowat : Noms propres anciens et modernes, p. H-
Bien plus, et d'une façon plus générale, nous ne croyons pas qu'il existe en France, sauf
les noms empruHtés aux noms de lieu, de noms propres d'origine celtique (la Bretagne
naturellement mise à part) ; la formation des patronymiques est de date trop récente.
Ribliogrciphie. 46J
premier '. Une ressemblance de son est pour M. M. un argument phi-
lologique. A ce compte, on se demande pourquoi il n'identifie pas les
Gallas d'Afrique avec les Gaulois : car avec des procédés aussi peu
rigoureux il n'y a pas de limite à l'hypothèse. C'est ainsi qu'un écrivain
de l'école druidique dont un livre a été critiqué plus haut (p. 278)
M. Terrien, a retrouvé la Gaule dans le lac de Ga/-ilée et en a tiré la con-
clusion que Jésus-Christ était Celte!
Se faisant de l'ancienne sagesse des Celtes les idées les plus hautes, il
n'est pas étrange que M. M. ait voulu en voir un écho dans le « Mys-
tère des Bardes de l'Ile de Bretagne, » publié en 1794, par Edward
Williams (plus connu sous son pseudonyme littéraire lolo Morganwg 2)
et traduit en français par M. Pictet en 1856. L'essai que M. M. a con-
sacré à ce mystère occupe une grande partie du volume (p. 289-368);
l'auteur y donne des extraits des mss. d'Iolo, publiés en 1862 à Llan-
doveri, sous le titre de Barddas. Il semble tout naturel à M. M. que
l'esprit de l'ancienne Bretagne (à supposer qu'il eût été tel) se soit con-
servé jusqu'à nos jours malgré les révolutions qui se sont accomplies
dans l'histoire de l'Ile. Il oublie que l'Ile de Bretagne a été très-forte-
ment latinisée, que si les Saxons et les Angles fussent venus un siècle ou
deux plus tard, ils l'eussent trouvée toute latine, que la langue Bretonne
était tombée au rang de patois, ce qu'atteste le nombre considérable de
mots d'origine latine en Gallois (ce qu'accorde même l'auteur du Barddas,
p. 61) et que, si dans un semblable abaissement de la nationalité Bre-
tonne, les traditions qui sont l'àme même d'un peuple n'ont pas péri, il
n'en a pu être de même d'une doctrine (je suppose un instant qu'elle
aurait existé), d'une cabale qui eût été le fait particulier d'une école
théologique. Du reste, probatio est affirmantis ; c'est à M. M. à montrer,
s'il le peut, le lien historique qui rattache à l'antiquité le néo-druidisme
de quelques enthousiastes Gallois. Aussi bien, un théologien distingué de
Montauban, dont les travaux sur cette question mériteraient d'être tra-
duits dans une revue de Galles, M. Michel Nicolas, a montré dans deux
articles du Disciple de Jésus-Christ (n"" des 50 septembre et 1 5 octobre
1865) que les doctrines philosophiques et religieuses contenues dans les
1. Voyez Zeuss : Gr. C, i" éd., p. 226; 2= éd., p. 207.
2. Il ne faudrait pas s'imaginer par ce que M. M. dit d'Iolo Morganwg, que cet enthou-
siaste sans critique du commencement de notre siècle soit une autorité auprès des écri-
vains sérieux du pays de Galles Voici comment l'apprécie le savant et honnête M. Stephens,
à propos des Triades dites Historiques : « lolo Morganwg et ses disciples n'avaient aucune
notion d'histoire générale ; ils ne connaissaient point la littérature de l'Angleterre et des
autres pays au xV' siècle; et, en conséquence, ils étaient incapables d'apercevoir les rap-
ports qui existent entre les Triades et la littérature originale sur laquelle elles reposent »
y Beirniad, T. VI, p. 307 (1865).
468 Bibliographie.
Triades Galloises n'ont rien de commun avec l'antiquité, et qu'elles sont
empreintes d'un bout à l'autre d'un caractère essentiellement chrétien.
Dans un autre article publié dans la Revue de Théologie de Strasbourg de
1868 (5« sér., vol. VI, 4'-' livr.), il a essayé de montrer que ces doc-
trines ont leur source dans les doctrines d'Origène. Remontent-elles
vraiment aussi haut? Car l'intensité du mouvement religieux dont le pays
de Galles donne le spectacle depuis la Réforme montre un peuple dont
l'esprit se passionne facilement pour les subtilités théologiques. Quoi qu'il
en soit de la date encore inconnue de ces productions, le problème de
leur origine appartient à l'histoire du mouvement religieux en Galles
et se trouve par conséquent au -dessus de notre compétence en même
temps qu'en dehors de l'objet de nos études.
Ces réserves faites sur quelques-uns des points traités par M. M.,
nous devons dire qu'on lira avec intérêt, comme nous l'avons fait nous-
même, ses essais sur l'origine des monuments mégalithiques ', sur les
antiquités Bretonnes et surtout ses notes de voyage dans le pays de
Galles, en Irlande et dans le Nord Scandinave, où il raconte à grands
traits et d'une façon tout-à-fait attachante l'impression que lui ont laissée
la nature, les hommes et les monuments.
H. G.
Grammatica celtica e monumentis vetustis tam hibernicas linguœ quam
britannicarum dialectaruin, cambricae, cornic;«, aremorics, comparatis gallican
prises reliquiis. Construxit I. C. Zeuss. Editio altéra. Curavit H. I'Ibel.
Berlin, Weidmann, 1868-1871, iij-iii^ pages. — Prix: 10 th. (40 fr.i.
Nous sommes heureux d'annoncer l'achèvement de cette nouvelle
édition d'un ouvrage qui ne peut être trop répandu. Des améliorations
que M. Ebel y a introduites, il en est une surtout qui est appelée à
rendre en France de grands services. Nous avons, en efïet, la satisfac-
tion de constater l'heureux succès des efïorts qu'il a faits pour découvrir
la voyelle finale d'un grand nombre de thèmes néo-cehiques dont la
terminaison était restée indécise dans la première édition. Il donnera
|tar là le moyen d'établir l'identité d'un certain nombre de mots néo-
celtiques, dont le sens est connu, avec des noms gaulois dont nous ne
pouvons autrement fixer la signification. Nous regrettons toutefois que
M. Ebel n'ait pas davantage utilisé les publications françaises dont divers
monuments celtiques ont été l'objet depuis la première édition de la
I. Sur ce mémoire en particulier voir de Belloguet : Ethnogénic Gauloise, T. 111
p. (20 et suiv.
Bibliographie, 469
Grammatica Celtica. Il s'est beaucoup servi du Catlwlicon, de Jean Laga-
deuc, publié par M. Le Men, du Grand mystère de Jésus, édité et traduit
par M. de la Villemarqué. Il s'exprime avec beaucoup trop de bienveil-
lance sur les commentatiunculs, que M. Gaidoz et moi avons publiés sur
divers points de philologie celtique dans la Revue Critique, la Revue Ar-
chéologique, et la Revue Celtique : quibus osienderunt, dit-il^ en parlant de
nous, quid illius gentis Iwmines profecturi fuerint si tandem aliquando littera-
rum studiis Germanos aemulari mallent quam malis artibus impugnare et
aspergere sanie, imbuti invidia insana.
De telles appréciations insérées dans un livre de science internationale,
si je puis m'exprimer ainsi, ne sont pas de nature à calmer des esprits
irrités par des événements qui n'ont aucun rapport avec la philologie
celtique. Il est inutile, pour ne pas dire plus, de faire appel aux haines
nationales dans un monde littéraire qui devrait les dominer. M. Ebel,
qui date ces paroles de Schneidemùhl (Pila;, le 1 3 décembre 1870, re- 1
grette, sans doute, aujourd'hui de ne pas les avoir effacées de sa préface.
Plus calme aujourd'hui, il doit reconnaître qu'il aurait agi d'une ma-
nière plus conforme à la vraie tradition de la science, s'il s'était mis en
mesure de les remplacer par l'indication du cartulaire de Redon, publié
en 1865 par M. de Courson (cccxcv et 760 pages in-4"), et des nom-
breux travaux français sur la numismatique gauloise que le savant con-
tinuateur de Zeuss parait avoir ignorés.
De M. de Courson, Zeuss a connu V Histoire des peuples bretons, publiée
en 1846 (Gr. C, p. xlvi). C'est principalement d'après cet ouvrage
que Zeuss a cité le cartulaire de Redon, et M. Ebel s'est contenté comme
Zeuss de citer, d'après l'Wwfo/re des peuples bretons, les chartes du cartu-
laire de Redon, que cette histoire contient. Mais, par là, d'une part, il
s'est privé de ressources philologiques importantes, car l'édition du car-
tulaire de Redon, faite en 1865, a mis au jour un grand nombre de
chartes inédites ; d'autre part, en se servant de textes défectueux, quand
il avait un texte correct à sa disposition, il rendra nécessaire un errata
volumineux, dont nous avons le regret d'avoir à donner ici l'esquisse.
Dans la Gr. C.^, p. 87, nous lisons : vox nemet semper e /'/ syllaba
posteriore, i in priore exhibet in uno nomine viri comp. Vidnimet in chart.
Rhed. Mor. 330, sed alias ubique e. On trouve cependant Cat-nimct cinq
fois dans le Cartulaire de Redon, p. 4$, 62, 64, 84.
Dans la Gr. C.^, p. 93, on oppose aux noms propres armoricains
dont le second terme tsx-hocar, -hucar, -hegar, ceux dont le second terme
est -hocart ^ hegarat (cf. p. 1 52). Mais -iiocart est une faute dans l'His-
toire des peuples bretons. On lit hocur dans le Cart. de Redon, p. 81, 116.
470 Bibliographie.
Plus bas, G;-. C-, p. 106, au lieu de IVitenglocii, lisez Vaetcnglocii
par un e (Cart. de Redon, p. 81).
Dans la Gr. C, p. iio, sont réunis des exemples de l'adjectif l'/u
« vivus » second terme d'un certain nombre de composés. Un de ces ex-
emples est /le////e;i. Mais il faut lire Haelliffen avec un n final et non un a
(Cart. de Redon, p. 8;. C'est donc un mot à rayer. La même erreur est
reproduite plus bas, p. 157.
Dans la Gr. C-, p. 1 i 2-1 1 5 on étudie Vni destitutus. Cet m paraît figuré
graphiquement par mh en quelques textes armoricains. Mais un des
exemples cités ne prouve rien, c'est Guormlwwen, faute d'impression, pour
Guor-houuen (Cart. de Redon, ^. 10). On en rapproche Worwohen, si tamcn
recte est impressum; ce doute était parfaitement fondé : il faut lire Vuor-
houuen [Cart. de Redon, p. 59).
C'est donc à tort, que, Gr. C.^, p. 116^ Wor wohen est de nouveau
cité comme exemple d'm infectus == w. Il faut lire vuor-hoiiuen comme
plus haut, et dans ce mot un ou w = v {Gr. C ^, p. 82^, note).
Dans la Gr.C.^, p. \ ^ ^, auWeude Anogen, Usez Anaugen(^Cart. de Redon,
p. 10).
Dans la Gr. C-, p. 152, le second terme d'Anaii-bcchan semble être
identique à l'armoricain moderne biluin, petit, pour biccan. Mais il faut
lire Anau-Lechan avec un / au lieu d'un b au commencement du second
terme (Cart. de Redon, p. 95).
Berthwalart, donné (Gr. C-, p. 169) comme un exemple néo-celtique
de transposition des consonnes finales t r, est un nom franc : Bertuualt
{Berctlw-waldusjqnine s'est jamais terminé par trÇC art. de Redon, p. 10)
Parmi les exemples à'i final Gr. C.^, p. 81 5, se trouve Rami; lisez
Urmie pare final (Cart. de Redon, p. 23).
Ces noms en -i ont en général perdu un n qui suivait cet /. D'après
la Gr. C.^, p. 81 $-816, Davi fait exception et avait un d final; cepen-
dant on trouve dans le Cart. de Redon, p. 177, Daiiuiniis.
Dans la Cr. C.^,p. 816, Suloc est donné comme un exemple de la dési-
nence oe -^ ê. Mais au lieu de Sidoe, il faut lire Sidoc avec un c final
[Cart. de Redon, p. 38). Notons en passant à la même page de la Gr. C-,
Haeswalloe pour Hael-uualoe {Cart. de Redon, p. 3) et Grcnbidoe pour
Greu-bidoe =. Glen-iiidoe (Cart. de Redon, p. 2 1 1-2 i 0 '•
I . U me paraît bien difficile d'atlmettre que Vne de Portitoe, cité à la même page soit
l'équivalent d'un t' primitif. Le suffixe toe du participe de nécessité [Gr. C^ p. 192, H-)
paraît identique au suffixe sanscrit -tavjas et au suffixe grec xso; pour -rsl'to-ç- Donc,
dans le suffixe breton -toe, 0 ^ av ti e = ja. Des exemples armoricains d'o = av sont
réunis dans la Gr. C-, p. 852. Dans eguik le dernier e «= ja.
Bibliographie. 471
Dans la Gr. C.^, p. 824, Winon, Leison donnés comme exemples delà
désinence -on = awn ---= -an sont écrits par erreur pour Vuinou (Cart. de
Redon, p. 8 , Leisoii (Cart. de Redon, p. 21;, mots terminés en u et non
en n et dont le suffixe de dérivation contenait probablement à l'origine
un (' au lieu d'un n (Gr. €.-, p. 832). Au lieu de Jarun, exemple du suf-
fixe -un ^^ -ân[os\, (ibid., p. 824), il faut lire larnn avec deux n {Cart.
de Redon, p. 49). Galion, exemple unique du suffixe -ion en armoricain
{ibid.), doit être lu Galcon avec un c au lieu d'un / {Cart. de Redon, p.
20 et 7^1.
Ce qui est plus étrange, c'est un exemple du suffixe an : Virmanan
{nomen feminae conferendum nomini fluvii bavarici Wirmina? adj. cambr. hod.
g-^rm fusais?) (Gr.C.^, p. 825). Le meilleur dans ce passage ce sont les
points d'interrogation. Au lieu de Virmanan lisez Vinuanau (Cart. de Redon,
p. 26), qui n'est pas un exemple du suffixe -an et qui n'a aucun rapport
ni avec Wirmina ni avec gwnn.
Parmi les exemples du suffixe -ac, Gr. C.-,p. 848, se trouve Ranwinac,
lisez Ran-uuinae avec un e final {Cart. de Redon, p. 14^; parmi les exem-
ples du suffixe -iac, on rencontre Pirisiac, lisez Pirisac, sans / entre 1'^
et Va [Cart. de Redon, p. 39).
Si M. Ebel avait consulté les tables du Cart. de Redon, il n'aurait pas
pris pour un nom commun le substantif Imhoir, dans le curieux passage
armoricain reproduit in extenso, p. 663, et en extrait, p. 697 de la Gr.
C- [Cart. de Redon, p. 112). Il aurait vu que ce substantif était un nom
propre de rivière. Comparez les passages suivants du Cart. de Redon, où
il est question de la même localité : flumine quod vocatur Imuuor (p. 1 2),
super ripam Hemhoir fp. 1 1 c)'), flumine quod vocatur Himhoir (p. 1 1 c)),flumcn
quod vocatur Himboir fp. 120). La forme Himboir établit en outre que
imhoir ne peut être donné comme un exemple de nasalisation du p dans
le groupe mp, et qu'il n'y a aucun rapport entre imhoir et emporium quoi
qu'en dise M. Ebel, p. 113, dans une addition malheureuse au texte
primitif de Zeuss.
Les tables lui auraient fourni le mot crue, glose à'acervus {Cart. de Redon,
p. 1 98) à rapprocher du comique crue, du cambrien crug {Gr. C.^, p. 1 077).
De l'armoricain crue est dérivé cruguel qui se trouve dans le Catholicon.
Kreac'h cité dans le passage en question de la Gr. C.^, est un autre mot,
c'est une altération d'une forme plus ancienne knech, quenech 'Catholicon,
éd. Le Men, p.66eti8$; Dictionnaire de Rostrenen, au mot «montée»);
comparez le cambrien cwn « altitudo » « summitas,» (Gr. C», p. 92), et
peut-être le vieil irlandais cnocc « gibber » (Gr. C-, p. 67). .
Je passe aux publications françaises sur la numismatique. Je ne veux
472 Bibliographie.
pas dire que la plupart des Français qui s'occupent de numismatique cel-
tique n'auraient pas beaucoup à apprendre dans la Grammatica celtica. Je
crois que, sauf quelques exceptions, ils pourraient plus gagner par la
lecture de ce livre que M. Ebel à celle de leurs écrits. Mais je suis con-
vaincu, en même temps, que la nouvelle édition de la Gr. C.^, vaudrait
mieux si le savant philologue avait pris la peine de lire ces modestes
publications. Quand une monnaie nous donne un nom sous sa forme
nationale, il est déplorable de le voir reproduit dans la Gr. C-, sous la
forme exotique que lui ont imposée les écrivains romains.
Parmi les exemples du substantif -magus comme second terme de
composés (Gr. C.^, p. 4 note), je voudrais trouver Rata-macos avec son
c = g comme dans l'écriture romaine archaïque et son -os final. Au lieu
de Diviîiacus {Gr. C^, p. 20), on devrait lire Deioiiigiagos {Annuaire de
la Société française de numismatique, 1867, p. 17).
Du cambrien cath, de l'armoricain kaz, « chat » rapprocher le bas
latin cattus qui a été relevé par Ducange, quand on a le gaulois cattos
(Ann. de la Soc. de num. 1867, p. 11), cela me paraît peu à sa place
dans une grammaire celtique. Sans admettre comme bien fondées
toutes les hypothèses de M. de Saulcy, il faudrait savoir profiter de ce
qu'il y a de bon dans ses travaux si nombreux et si pleins de faits.
Au lieu de Vercingetorixs (Hucher, Révision des légendes des monnaies de
la Gaule dans l^ Annuaire de la Société de Numismatique de 1866, p. 2',
d^Orgetirix ou Orcetirix avec un c = g (Hucher, Art gaulois, pi. 72) de
LvxTiiPios = Lucterios (Longpérier, Rev. Num. Nouv. série, T. V,
p. 188), pourquoi écrire avec les manuscrits de César Vercingeto-rix sans
s final, Orgeto-rix avec un 0 au lieu d'un / à la fin du premier terme,
Lucterius avec la désinence -us au lieu de -os (Gr. C.^, p. 797, 68,
1 56, 779) .?
Brennus (Gr. C.^, p. 1070), aurait dû céder la place à sa forme gau-
loise Brenos (Longpérier, Rev. Num. Nouv. sér., T. VIII, p. 160).
Parmi les exemples du préfixe ate- le nom gaulois Atepilos (Longpérier,
Rev. Num. Nouv, sér., T. V, p. 180) aurait fait meilleure figure que
Centullus Ateponis cité d'après Muratori (Gr. C.^, p. 866).
La liste des noms gaulois terminés en -illus = illos que M. de L. a
réunis, p. 184-5 du mémoire que nous venons de citer, est beaucoup plus
complète que celle de la Gr. C.^, p. 767. M. Ebel ne paraît pas l'avoir
connue, pas plus que la correction proposée par le savant français au
nom du roi Adcantuannus (Rev. Num. Nouv. sér., T. IX, p. 542-4)-
Dans la- Gr. C.^, p. 814, on cherche à rassembler quelques rares
exemples de maintien en cambrien de Vu suffixe gaulois. Un des mots
Bibliographie. ^.y^
cités est Bodnc dont Vu est rapproché de celui du premier terme de Boduo-
gnaiiis .'habitué à faire acte de volonté, résolu, opiniâtre?) Mais dans
Boduc les deux dernières lettres représentent probablement sous une
forme moderne le suffixe gaulois -âcos (Gr. C.^, p. 849). Pour retrouver
Vu du premier terme de Boduo-gnahis, il faut remonter à une forme plus
ancienne que Boduc, il faut remonter à Boduoc (= Boduâcos), conservé
par une inscription de Margam dans le Giamorganshire (Longpérier,
Rev. Num. Nouv. sér., T. IX, p. 347, voir ici même p. 29V'. —
[Sur rinscr. de Margam, cf. Archsologia Cambrensis, V' sér., T. V,
p. 287-292.]
La Grammatica celtica de Zeuss est un chef-d'oeuvre que M. Ebel a
beaucoup amélioré et bien des érudits français devraient l'étudier plus
qu'ils ne le font: l'auteur de cet article, tout le premier, a sur ce point,
plus d'un reproche à s'adresser. Mais, il ne s'ensuit pas que tous les
travaux français sur les étymologies celtiques soient dépourvus de valeur.
Il est ditdanslaCr. C.2, p.797,que le nom gaulois de Chartres, Autri-
cum, est dérivé du nomi de la rivière d'Eure et on propose de restituer
la forme celtique du nom de la rivière : on suppose que ce nom devait
être Autara. Au lieu à'Autara, lisez Autura (charte de l'année 918, publiée
par Tardif, Monuments historiques n° 229, cf. Merlet, Dictionnaire topo-
graphique du département d'Eure-et-Loir, p, 66). Quand on peut consulter
des textes, les hypothèses sont aussi inutiles qu'aventureuses.
Après les savantes études de M. G. Paris sur Vaccentuation etàe M . Qui-
cherat sur la formation française des noms de lieux, on ne devrait plus
pouvoir écrire que l'ô de Cabillônum, « Châlon, » que Va de Cenonumi,
«■ Le Mans » sont des voyelles brèves iGr. C.^, p. 773, cf. 825;.
Les linguistes qui s'occupent de celtique pourraient même apprendre
quelque chose dans les écrits de savants français plus anciens.
On lit dans la Cr. C.^, p. 119, que la substitution de 1'/; à 1'^ dans les
dialectes bretons héritiers du gaulois est postérieure à l'époque romaine.
Cependant, au siècle dernier, d'Anville signalait dans Ptolémée les formes
()'jéc;c;ov£ç et Oùi'voivsv pour Suessones et Suindinum {Notice de la Gaule,
p. 620, 621, cf. l'extrait de Ptolémée, publié par M. L. Renier, /Innua/r^
de la Société des antiquaires de France, 1848, p. 274, 204). Et de plus
il remarquait le maintien de cette suppression de Vs dans le nom donné
à la ville de Soissons, au ix*" siècle, par Radbert, abbé de Corbie : ce
nom est Uesona, écrit Vesona par Mabillon, Acta s. Bened.., saec. iv,
part. Il, p. 250 '. Il est, par conséquent impossible de croire à une
I. Mabillon entre, a ce sujet, dans de longs développements que je n'ose reproduire ici
de crainte de paraître prolixe, mais qui méritent d'être lus.
474 Bibliographie.
fantaisie ou à une erreur de Ptolémée. Dès Pépoque de Ptolémée, il y
avait en gaulois une tendance vers la suppression de l'Sinitiale dans certains
mots. Cette tendance était contraire au génie de la langue latine qui
paraît en avoir triomphé partout où elle établit sa domination définitive.
Le fait observé par d'Anville est d'autant plus curieux que l'S initial
de Suessiones apparùent à la particule su qui, dans les dialectes bretons
comme en grec, a perdu son s ou l'a remplacé par une gutturale spiranie
plus ou moins sensible '.
Cette critique est bien longue, cependant j'ai encore à ajouter un mot.
M. Ebel n'a pas compris la glose dacr-lon « lacrymarum plenus » mise par
une plume cambrienne à côté du mot latin vidims qu'il tient à lire uvidiis
[Gr. C.', p. 94, 149, 1054)! Il ne paraît pas concevoir la différence
qu'il y a entre une glose et une traduction.
Je donnerai comme appendice une concordance entre le Cartulairc de
Redon et les extraits publiés dans VHistoire des peuples bretons.
H. d'ArBOIS de JUBAINVILLE.
Concordance entre les numéros des pièces du Cartulaire de Redon
publiées par M. de Courson dans son Histoire des peuples bretons, 1846,
et les numéros portés par les mêmes pièces dans l'édition du Cartulaire
de Redon, qu'a donnée le même savant en 1863.
Histoire des peuples bretons,
T. I, n" i
il
iii
iv
V
vi
vii
viii
ix
X
xi
• xii
xiii
I . Un des exemples les plus curieux de ce phénomène de substitution me semble être
l'armoricain dec'h, àeac'h, « hier » = /^Osc = 'yôte; = skt \g]hjas = lat. /;«-ternus
= }\er-\ = hes-\ = goth. gis-ixa. Le c'h final de dec'ti tient lieu d'uni ^ primitif; et, au
commencement de ce mot, la présence de la dentale = y, en grec, comme dans les dia-
lectes néo-celtiques (cf. voc. comique doy^ gall. doc) fournit une concordance digne
d'attention (cf. Max Millier, Lectures, 2" série, 2° édit. p. 214-215; Curtius, Cricch.
Etym., 2'' éd., p. iS^; Schleicher, Compcndium, 2° édit. p. 216K
Cartulaire a
k Redon.
1° i.
p. I
">
I
iii,
3
iv,
4
V,
5
vi,
6
vii,
7
viii,
8
ix.
9
xxi,
iB
xxvi.
21
xxvii,
22
xxxiii,
26
Bibliographie.
M S
Histoire des peuples bretons,
xiv
XV
xvi
xvii
xviii
xix
XX
xxi
xxii
xxiii,
xxiv
XXV
xxvi
xxvii
xxviii
xxix
XXX
xxxi
xxxii
xxxiii
xxxiv
XXXV
xxxvi
xxxvii
xxxviii
xxxix
xl
xli
xlii
xliii
xliv
xlv
xlvi
xlvii
xlviii
xlix
1
li
lii
C art ul aire ih
: Redon.
xxxiv,
27
xxxv,
28
xlv,
36
xlvi,
37
xlviii,
38
xlix,
39
Iviii,
46
Ixi,
49
Ixviii
53
Ixxxv,
64
Ixxxvi,
6$
xci,
69
xciii.
70
xcvi,
72
cv,
79
cvi,
80
cvii,
81
cviii.
82
cix.
82
cxiii.
86
cxiv,
87
cxxvi,
95
cxxxi,
99
cxxxvi,
103
cxxxix,
106
cxlvi,
1 12
cxlvii,
113
cxlviii
"3
clii,
116
clv,
119
dix.
122
clxii.
■25
clxxxvii
'44
cxcv,
'5'
ccii,
157
ccxxxvi
184
ccxli.
189
ccxliii
194
ccxlvii,
198
32
Bibliographie.
Histoire
des peuples bretons,
Ciirtuliiire de
Redon,
liii
cclvii,
207
liv
cclxi,
2 10
Iv
cclxxiv
222
T. 1
1, n" i
cclxxxvii,
254
ii
ccxciii,
242
iii
cccv,
257
iv
cclxxxiv
2] 1
V
cclxxxix.
237
vi
ccxc,
258
vii
ccclxvi
518
viii
cccxxvii,
278
ix
cccxxxiii;,
283
X I"
ccclx
3"
X 2°
ccclxx,
323
xi
ccclxxi,
324
xii
ccclxxiii,
326
xiii
X,
10
xiv
xi,
1 1
XV
xii
12
xvi
xiv
13
xvii
XV,
14
xviii
xvi.
'5
xix
xix,
«7
XX
XX,
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xxi
xxi,
18
xxii
xxiii
'9
xxiii
xxiv
20
xxiv
xxvii,
22
XXV
xxviii.
23
xxvi
xxix,
23
xxvii
xxxii.
25
xxviii
xxxiv.
27
xxix
xliii,
35
XXX
xliv,
36
xxxi
xlvii,
38
Il semble, à première vue, que le nombre des pièces du Cartulaire de
Redon, publiées en 1846 dans VHistoire des peuples bretons soit de 86,
mais il n'est que de 83, parce que les chartes données dans le tome i''''
Ribliograpltie. 477
sous les numéros x, xii, xiv, sont identiques aux chartes imprimées dans
le tome II dans les numéros xxi, xxiv, xxvni. Le volume intitulé Cartu-
laire de l'abbaye de Redon, 186^, contient 470 chartes, savoir lola repro-
duction intégrale du Cartulaire, :;9i pièces, 2° un appendice compre-
nant 79 actes, dont 45 inédits.
Reliquie Celtiche raccolte da Costantino Nigua. — I. — II manoscritto
irlandese di S. Galle. Turin, Lœscher, 1872, in-4°, 55 pageset 4 planches. —
Prix; 16 fr.
Dans la préface de la Gr. C, Zeuss a placé au premier rang parmi les
manuscrits irlandais qui ont servi de base à cet ouvrage, le ms. 904 de
Saint-Gall, qui est un Priscien, muni de nombreuses gloses et inscriptions
marginales en irlandais. Il a consacré sept pages (Gr. C. ' xiii-xx) à décrire
ce manuscrit et à en rechercher l'origine; et, dans le cours de son livre,
il en a donné une foule d'extraits qui sont distingués par le signe abréviatif
Sg. Le plus long de ces extraits se trouve à Vappendice, p. loio-iop.
M. C. Nigra, auquel nous devons une excellente édition des gloses
irlandaises de Turin (Paris, Franck, 1869), déjà publiées par M. Wh.
Stokes dans ses Goidiiica, et qui a inséré dans cette revue, p. 60 et suiv.,
des gloses irlandaises inédites du manuscrit C. 301 de la Bibliothèque
Ambrosienne de Milan, précédemment étudié par Zeuss (Gr. C.',p.xxix-
xxxi,io63-io7i), etpar M. VVh. Stokes(Go/tf., p. 17-35), ^- C- Nigra
a su trouver, au milieu d'occupations multipliées d'un autre ordre, le loisir
de se livrer à une révision du ms. 904 de Saint-Gall.
De son travail est résulté à la fois la rectification de plusieurs lectures
inexactes et un accroissement notable dans le nombre des matériaux
dont nous disposons pour l'étude de l'irlandais ancien.
Le savant auteur commence par la description du manuscrit. Il par-
vient à en fixer la date à l'aide, entre autres choses, d'une pièce de vers
latins, en l'honneur de Gontier, archevêque de Cologne dans la seconde
moitié du ix'= siècle. Cette pièce paraît avoir été écrite sur un des feuillets
du manuscrit, vers l'année 860. Le ms. existait déjà à cette époque : il
aura été écrit en Irlande vers le commencement du ix^ siècle, sera arrivé
d'Irlande aux environs de Cologne vers 850, et aura pris place dans la
bibliothèque de Saint-Gall vers la fin du ix'' siècle.
Ce qui, dans ce manuscrit, pique d'abord la curiosité de l'érudit, ce
sont des inscriptions oghamiques. Elles sont au nombre de huit. Zeuss
en avait publié six seulement {Gr. C, xiv). Il l'avait fait en caractères
latins et en laissant une faute se glisser dans la première; M. Nigra les
publie toutes : il corrige le lapsus de Zeuss; et, à côté de la reproduction
478 Bibliographie.
en caractères latins, il donne la reproduction en caractères oghamiques,
qui manque dans la Gr. C.
Des inscriptions oghamiques, M. N. passe aux inscriptions marginales.
Les plus importantes ont été publiées par Zeuss. M. N. donne une édi-
tion complète de ces inscriptions. Il signale, à cette occasion, trois fautes
de lectures de Zeuss : Gr. C-, p. 955, oaloch limi, lisez ôalotliUnd{ReU-
quie, p. 1 8^ Gr. C.^, p. 954)) '^^'"''' chluim, lisez, chail, chlaim {Rei, p. 2 5).
Viennent enfin les gloses. Ici M. Nigra donne, non plus une édition
complète, mais un choix, qui porte autant que possible sur les gloses
qui n'ont pas été insérées dans la Grammaîica celtica, ou sur celles qui s'y
trouvent inexactement reproduites.
M. Nigra a fait l'observation nouvelle que, dans le ms., le signe
abréviatif destiné à remplacer les nasales, est de deux formes : l'une,
tient lieu de l'n ; l'autre, de Vm. Cette distinction parait spéciale à la
paléographie irlandaise : elle est étrangère à la paléographie du conti-
nent. Il se suit de là, que Zeuss et M. Ebel se sont trompés, en attri-
buant à l'ancien irlandais les deux conjonctions dim (^igitiir), et dam
(eîiatn), qu'il faut lire din et dan {Gr. C. S 699, 700).
D'autres lectures défectueuses ont été sans doute le résultat d'inatten-
tions momentanées : ainsi, à la page 771 de la Gr. C. -, solam est donné
comme exemple du suffixe irlandais -am : il faut Wrt sohim, qui est un mot
latin ' .
1. Voici d'autres corrections proposées par M. Nigra :
Reliquie p. 31
p. 32
226,
711 atâ diserc,
lisez
atîa diseirc
1008,
hi condeilc,
—
hi condeulc
1008,
cruindd.
—
cruindae
I0I2,
ni aedparthi,
—
ni tedparthi
I0I2,
oai.
—
occi
1014,
daiidichtct,
.
dandichaet
lois,
dongn'itis,
—
dondgnîtis
lois,
sliiindidae,
sluinditae
IOI6,
isnaib tredaib,
isnaib tredib
61,
omalgg,
—
ommalgg
480,
ICI 8 niedustai,ni ekustai
—
m edastai
79',
muinae.
—
muince
984,
taidmide.
—
tuidmide
274,
airune,
—
airnne
3',
mancipium (latin),
—
mancipi
791
dalte.
—
dalta
271,
idultaigae,
—
idaltaigae
782.
■ pellis (latin),
—
pelvis
246,
7 1 4 ingraidi,
—
iiignaidi
23,
8(4 muirmôni.
—
mairmoru
794,
medtosrigachtigthcid,
—
medtosngachligtheid
>o,
neiin,
—
neimi
■434,
doardecbtini,
—
docrdechtim
72.
indaelchubi,
—
iiidtelchiibi
743,
is
— •
as
739,
breth-
—
brciih-
Bibliographie. 479
Parmi les mots de l'ancien irlandais qui n'étaient pas connus avant la
publication de M. Nigra, un des plus curieux est le nom qui signifie
«poisson.». On sait qu'un des caractères de l'irlandais, est de supprimer
dans certains mots le p initial. Un des exemples donnés par Zeuss, Gr.
C, p. 77, est le nom moderne qui signifie (f poisson », iasg; en vieux
cambrien, pisc. M. Wh. Stokes reproduit cet exemple, Ir. gloss., p. ^8;
seulement, pour donner à l'irlandais iasg un caractère plus archaïque, il
supprime la desîitutio de la finale, et il écrit iasc. M. Ebel, se défiant
probablement de ce mot moderne, l'a retranché dans sa rédaction nou-
velle, Cr. C.^, p. 67. M. Nigra nous apprend que la forme ancienne de
l'irlandais moderne iasg était aesc au nominatif singulier, éisc au génitif.
C'était par conséquent un thème en a, et non un thème en / comme le
latin piscis {Rel. p. 51; cf. Gl. Taur. p. xxiii et Diefenbach, Lexicon
comparativum, t. I, p. 38).
Les Reliquie Celtiche sont un ouvrage indispensable à tous ceux qui
s'occupent sérieusement de philologie celtique.
H, d'Arbois de Jubainville. •
M. Nigra communique à la Revue les additions suivantes aux « Correzioni »
qui terminent son livre :
P. 10, lin. 6, ergregius — si corregga : egregius
P. M, lin. 2i\, follega deve tradursi « dele, deline » 2 per. s. del fut. red. con
significazione imperativa, del verbo f os ligim (lino, delino)
P. 18, lin. 23, maris M. — Si corregga: maris aperti
P. 23, lin. 14, clarum poema metri gratiosi — Si corregga: cucuius clarus,
hilaris, pulcher
— — Ita me Dominus servet! — Si corregga : approbatio a meo Do-
mino veniat. dtbrath = dcrbad, t. n. in ^
P. 26, lin. 4, domenica di pasqua — Si corregga: pascha ^t%hv3.\ samchasc
significa la sexta domenica dopo Pentecoste
P. 37, lin. 23, ommia — Si corregga: omnia
P. 45, nota, 161b. amnntangar — l. arûmtangar'
The poems of Ossian in the original Gaelic, with a literal translation in to
English and a dissertation on the authenticity of the Poems, by the Rev. Ar-
chibald Ci.euk, minister of the Parish of Kilmalie. Together with the English
translation by Macpherson. In two volumes flxvj-503 et 584 p. grand in-8).
Edinburgh and London, W. Blackwood and Sons. — Prix : 3 1 sh. 6 d.
(40 fr. 50).
Handbuch der mittelgEelischen Sprache, hauptsaechlich Ossian's.
Gramniatik, Lesestûcke, Wœrterbuch, vonD' AugustEitRARD. xiv-305 p. in-8.
Wien, Braumùller, 1870. — Prix : 2 th. 20 sgr. (10 fr. 75).
Depuis plus d'un siècle que les <- poèmes d'Ossian » ont été publiés
en anglais par James Mac Pherson, l'authenticité et l'origine de ces
480 Bibliographie.
poèmes n'ont cessé de faire l'objet de discussions toujours renouvelées.
Pendant longtemps les préjugés nationaux ont eu plus de part dans ces
controverses que l'amour désintéressé de la vérité et la passion y a joué
un plus grand rôle que la critique. Le terrain de la discussion est aujour-
d'hui changé. Les adversaires de l'Ossian de M^ Ph. ne partent plus de
cette assertion établie en principe par les critiques anglais celtophobes
du siècle dernier, Johnson et Pinkerton, qu'il n'y a pas de littérature
gaélique (Johnson) et que les Celtes sont des sauvages incapables de
poésie (Pinkerton) ; — et ses défenseurs (à part peut-être quelques
Highlanders enthousiastes mais sans autorité en Ecosse même) ne pré-
tendent plus qu'on possède dans ces poèmes l'œuvre d'un barde du
me siècle de l'ère chrétienne. La longue querelle entre l'Irlande et
l'Ecosse prétendant chacune avoir le monopole des traditions ossianiques
perd aussi sa raison d'être devant ce fait indiscutable que, depuis le vi'=
siècle de notre ère, c'est le même peuple qui habite l'Irlande et l'Ecosse
occidentale, avec les mêmes usages, la même langue, la même tradition.
Ce nom même d'Erse, c'est-à-dire « Irlandais, » donné aux habitants
des Hautes-Terres par ceux des Basses-Terres, devrait rappeler le
souvenir de cette identité ethnographique aux Highlanders qui se croient
autochthones. La séparation en deux peuples distincts (Gaels d'Irlande et
Gaels d'Ecosse) ne s'est faite qu'au xvi^" et au xvii" siècle, sous l'in-
fluence de circonstances religieuses et politiques. Mais dans cette sépa-
ration aucun des deux peuples n'a abandonné l'héritage des vieilles
traditions des ancêtres : c'est le bien commun de tous les Gaels :
Chacun en a sa part, et tous l'ont tout entier.
La question se réduit donc à ceci : James Mac Pherson a-t-il
inventé ces poèmes tout d'une pièce, comme l'en accusaient Johnson
et d'autres ? S'il ne les a pas inventés, les a-t-il retouchés, ar-
rangés, fondus ? Au commencement de ce siècle, la Highland Society
of Scotland qui ouvrit une enquête à ce sujet et qui la mena avec
une intelligence et une honnêteté qu'on ne saurait trop louer '
arriva à une conclusion négative sur le premier point, affirmative sur le
second. M'^ Ph, n'est donc pas le faussaire que l'on a dit; mais d'autre
part on ne peut savoir dans quelle proportion exacte les ballades popu-
I . Les résultats en ont été publiés dans un rapport dont b rédaction avait été confiée à
H. Mackenzie et qui est encore l'œuvre la plus importante sur le sujet : Report ofthe
Committee 0/ thc Higland Society of Scotland appointcd to induire into thc nature and
aiithenticity ofthe poenis ol Ossian, drawn up... by Henry Mackenzie, Edinburgh, 1S05,
X-n 5-343 p. in-8.
Bibliographie. 481
laires recueillies par lui ou par ses amis dans les Highlands, ou trouvées
dans des manuscrits disparus depuis, entrent dans la composition des
morceaux épiques qu'il a publiés. Cette opinion à laquelle la Highland
Society est arrivée après une étude minutieuse et impartiale il y a plus
d'un demi siècle, ne semble pas devoir être modifiée aujourd'hui. C'est
encore celle que soutenait dans le quatrième volume, de ses Popular
Tilles of the West Highlands un des hommes les plus compétents sur la
question, M. J. F. Campbell, et qu'il a résumée ici même en quelques
lignes (p. 193). Voici pourtant deux nouveaux champions d'Ossian ou
plutôt de James Mac Pherson qui surgissent au même moment, l'un en
Ecosse, l'autre en Allemagne.
M. Archibald Clark, dans deux magnifiques volumes publiés aux frais
d'un généreux nobleman, le marquis de Bute, édite à nouveau le texte
gaélique des poèmes d'Ossian, c'est-à-dire, le texte manuscrit laissé par
M^ Ph. (et rédigé de sa main), et publié, onze ans après la mort de ce
dernier, en 1807, par \a Highland Society ofLondon, avec une orthographe
ramenée à celle employée dans la Bible en gaélique Ecossais '. Deux édi-
tions subséquentes ^ avaient apporté quelques modifications à ce texte;
mais M. Cl. a suivi le texte de 1807, se bornant, dit-il, à corriger des
centaines de fautes d'impression et à « bannir quelques modernisations
évidemment introduites par le D'' Ross » qui avait été chargé par la
Highland Society de l'édition de 1807.
En regard du gaélique il donne une traduction nouvelle et fort litté-
rale dont il est l'auteur; et au bas des pages il reproduit le texte anglais
de M^ Ph. qui est souvent plutôt une paraphrase un peu ampoulée du
gaélique qu'une traduction réelle. Quelque opinion qu'on se fasse sur
l'authenticité de ces poèmes, il est utile de trouver réunis de la sorte les
premiers matériaux nécessaires à l'étude de cette question et son livre
sera par conséquent le bienvenu même auprès des adversaires de la thèse
qu'il soutient. Cette thèse est développée dans une « dissertation sur
l'authenticité des poèmes d'Ossian, avec l'indication des différentes édi-
tions gaéliques, des éditions, etc., qui ont été publiées jusqu'ici, » qui
figure en tête du t. I ; l'auteur cherche à y établir non-seulement l'au-
thenticité intégrale, mais aussi l'ancienneté des textes publiés par M^ Ph.,
1. Il semble qu'après cette publication le ms. de Mac Ph. jugé désormais sans utilité
fut détruit : en tout cas il a disparu depuis. Le seul fragment que Mac Pli. avait publié
en gaélique de son vivant est le septième chant de Temora ; ce texte forme l'appendice
de l'édition de Temora publiée en 176?.
2. Dàna Oisdn mhic Fhinn... Dun-Eidin (Edimbourg) 1818, 8-344 P- ii'S- — Dàna
Uisein mhic Fhcin... Dun-Eidin, 1859. xvi-344 p. in-i8. Cette édition de 1859 est due
aux soins de M. Th. Mac Lauchlan.
482 Bibliographie.
Il n'a pas manqué de rencontrer outre-Manche des critiques sévères,
parmi lesquelles nous signalerons celle de M. Hennessy dans VAcademy
des i" et 1 5 août 1871. La philologie de M. Cl. est tout au moins
étrange. Ainsi il émet l'hypothèse que la langue de ces poèmes peut
remonter au x" siècle, sinon au-delà, ce qui ne peut se préciser, ajoute-
t-il, faute de documents écrits de ces époques. Les documents au
contraire abondent, bien que presque exclusivementen Irlande, et il faut
être aveuglé par les préjugés d'un patriotisme Ecossais mal entendu pour
ne pas reconnaître que le gaélique Ecossais n'existe, en tant que dialecte
indépendant, que depuis le xviie siècle et qu'avant cette date il n'était
pas sorti du gaélique commun à l'Irlande et à l'Ecosse et dont il reste
tant de monuments en Irlande. Il va même plus loin et pour expliquer
les formes usées de la langue d'Ossian, affirme qu'elle peut remonter à
une époque oij le langage ne connaissait pas encore les inflexions! Nous
regrettons d'autant plus de trouver un tel manque de îraining philolo-
gique chez M. Cl. qu'une grande lumière pourrait être jetée sur le
problème ossianique par l'étude minutieuse de la langue de ces poèmes,
comparée d'une part avec la langue des derniers siècles, et d'autre part
avec la langue parlée actuellement dans les Highlands et qui a subi peu
de changements depuis le dernier siècle. Cette tâche est délicate et diffi-
cile pour un étranger : un Gael d'Ecosse ne l'entreprendra-t-il pas ?
La gloire de l'Ecosse n'a rien à y perdre, car, quelle que soit définitivement
la date de ces poèmes, ils ont fait assez de bruit dans le monde et tien-
nent assez de place dans l'histoire de la littérature pour que l'éclat de
leur fortune jette un voile sur leur origine, celle-ci fût-elle humble et
récente.
L'enthousiasme que M. Ebrard nourrit pour « les poèmes d'Ossian »
rappelle la Sîiirm-Pcriode ossianique du dernier siècle, dont le Wertiicr
de Gœthe nous a transmis l'écho. M. Ebrard est professeur de théologie
à l'Université d'Erlangen : ses études sur l'histoire ecclésiastique des
Gaels fil a publié sur les Guidées un travail dans la Zeitschrift fiir histo-
rische Théologie de 1862) l'ont amené à en étudier la littérature et il
s'est pris de passion pour Ossian. Après avoir publié une traduction en
vers allemands de Fingal fLepzig, 1 868) il donne aujourd'hui une gram-
maire de la langue de l'Ossian de M^ Ph. et son but principal est, dit-il,
d'encourager la jeunesse allemande à la lecture de l'épopée ossianique
dans l'original et de la lui rendre facile. La grammaire est accompagnée
de morceaux choisis et d'un vocabulaire et forme en effet une utile
préparation à l'étude des « poèmes d'Ossian. ^> L'auteur n'a pas évité
de rapprocher le gaélique avec les autres langues de la famille indo-
Bibliographie. 483
celtique, sans doute pour en faciliter l'étude, mais s'il avait restreint le
nombre de ces rapprochements, inutiles pour le but qu'il se propose, il
se fût évité plus d'une erreur de détail. Quant à son titre ''Grammaire
du gaélique moyen, principalement d'Ossiani nous avouons ne pas le
trouver justifié; M. E. admet que la langue de l'Ossian de M^ Ph. forme
une époque distincte et datée dans l'histoire de la langue gaélique, mais
ne dit rien pour le prouver. L'Ossian de M'^ Ph. est le monde dans
lequel vit et se meut M. E., qui n'introduit dans cette étude aucun
terme de comparaison, pas même les ballades ossianiques d'Ecosse
(celles-là d'une authenticité incontestable) que nous a conservées un
ms. écrit dans les premières années du xvr' siècle et que MM. Th. Mac
Lauchlan et W. F. Skene ont publié en 1862, à Edimbourg, sous le
titre de The Dean of Lismore's BooK
H. G.
Traditions and Hearthside Stories of West Corn-wall, by
William Boïtuell (an old Celtj. Penzance (London, Trùbner), 1870, in- 12,
vj-292 p. — Prix : 6 sh. (7 fr. 50).
Ce volume peut être apprécié à deux points de vue différents. Com-
posé par un habitant du pays dont il s'occupe et destiné surtout aux
compatriotes de l'auteur, il a pour eux sans doute un charme qu'un
étranger apprécie difficilement. Les mœurs et les usages, les plaisan-
teries familières, le parler vulgaire de l'endroit s'y reflètent dans des
récits dont la scène variée offre à l'auteur l'occasion de décrire presque
tous les sites intéressants de la contrée. Nous ne doutons donc pas que
le livre de M. Bottrell n'ait du succès en Cornouailles ; mais nous
avouons, pour nous, que le titre nous avait fait concevoir des espé-
rances que la lecture n'a pas confirmées.
Le coin occidental de la presqu'île de Cornouailles (et spécialement
l'extrême pointe, ou district de West Pentrith),oij l'auteur a recueilli les
matériaux de son recueil, n'est en relations faciles et fréquentes avec le
reste de l'Angleterre que depuis un temps relativement très-récent. Bien
que l'anglais s'y parle depuis longtemps et s'y parle seul depuis plus
d'un siècle, il est naturel de croire que ces populations isolées du reste
du monde ont gardé un riche trésor de superstitions et de récits mytho-
logiques. Il ne semble pas, d'après le livre de M. Bottrell, qu'il en soit
tout à fait ainsi. De tous les pays européens, l'Angleterre est peut-être
celui où la civilisation moderne a le plus complètement étouffé l'an-
cienne tradition populaire, si tenace encore dans beaucoup de parties de
l'Allemagne ou de la France. Le goût tout celtique des longues histoires
484 . Bibliographie.
s'est conservé en Cornouailles', mais les conteurs de droits ont peu à peu
substitué aux anciens récits des anecdotes d'un caractère tout moderne,
généralement plaisantes, et où l'abondance des détails, la vivacité du
dialogue, l'originalité des caractères mis en scène ne suppléent que fort
imparfaitement au vide presque absolu du fond. Ce qui reste encore
dans ces récits de l'ancienne mythologie s'est effacé^ aplati, décoloré de
telle sorte que la lecture de ces histoires irrite souvent plus qu'elle ne
l'intéresse l'amateur de véritable folk-lore. Je ne connais rien de plus
désagréable, pour ma part, que les histoires, qui remplissent les trois-
quarts des livres de ce genre écrits en Angleterre, où des revenants et
des fantômes terribles se trouvent finalement n'être que les rêves d'un
ivrogne ou des mannequins manœuvres par un farceur. Cet evhcmérisme
sans portée est surtout choquant lorsque Fauteur du récit l'emploie dans
une intention morale, pour guérir le peuple (qui ne le lit pas) de ses
superstitions. M. Bottrell est tombé souvent dans ce défaut, mais bien
plus souvent encore dans celui que je signalais tout à l'heure: la majorité
de ses récits sont des anecdotes sans aucun intérêt, où un grain de sel
est délayé dans un seau d'eau.
Ce n'est pas qu'il n'y ait rien d'intéressant dans ce livre : quelque
affaiblie qu'elle soit, la mythologie celtique n'est pas tout à fait morte
en Cornouailles, et M. B. en a çà et là conservé quelque trace précieuse.
Si, au lieu de mettre ses histoires bout à bout, il avait classé les sujets
dans un ordre quelconque, si surtout il avait donné sur les points vrai-
ment importants des explications précises ^, son recueil aurait bien plus
de valeur. Il a rendu service en rassemblant des traditions qui sont à
peu près toutes, à ce qu'il dit lui-même, déjà éteintes; mais il est mal-
heureux que son travail n'ait pas été mieux dirigé. Disons à ce propos
qu'il existe des livres qui peuvent servir de modèles pour des travaux
de ce genre, et qu'on peut imiter sans avoir la science de leurs
auteurs. Je citerai surtout les Norddeiitsche Sagcn de Kuhn et Schwartz ;
là tous les faits intéressants sont recueillis avec discernement, sobrement
présentés, classés avec soin et méthode; quant aux remarques mytholo-
giques, le collecteur local en est dispensé; il lui suffit d'apporter à la
science le résultat sincère et bien trié de ses recherches. — Je vais
indiquer rapidement ce qui, dans le livre de M. Bottrell, mérite surtout
d'attirer l'attention des mythologues.
1. Encore M. B. dit-il que les droU-tellers sont de plus en plus remplacés par la lec-
ture des journaux.
2. Ainsi la plupart des croyances populaires que je signalais ci-dessus sont indiquées
dans ce livre par des allusions, en passant; mais on ne nous dit nulle part ce que le
peuple croit au juste des esprits, des sm^ill pcople, des piskcys, etc.
Bibliographie. 485
Les récits sur les géants, en tant que récits, n'ont pas de valeur ; mais
ils constatent très-abondamment la croyance populaire à l'existence
d'êtres gigantesques qui auraient autrefois habité tout le pays. Quelques-
uns de ces géants, là comme ailleurs, ont laissé des traces de leur
passage dans des vallées, des rochers, ^Xc, dont la configuration favo-
risait cette attribution. La légende du géant Bolster, qui poursuit sainte
Agnès (p. 47) nous montre une variante effacée d'un mythe extrême-
ment répandu. — Les fées n'apparaissent pas dans le livre; on y voit
d'autant plus souvent la mention du small people, qui vit sous terre,
travaille dans les mines (on sait que la Cornouailles est la terre de
l'étain) et entre avec les hommes dans des relations variées, tantôt bien-
faisantes, tantôt funestes. — Le piskey, qui égare les voyageurs ou lutte
la nuit avec eux, a son pendant dans les galipotes,garaches, bigournes, etc.,
de nos diverses provinces de France. — Le chasseur noir est également
connu en Cornouailles, où il paraît complètement assimilé au diable. —
La mermaid figure aussi dans une ou deux légendes, très-modernes
comme forme, mais qui conservent la croyance en des êtres surnaturels
habitants des flots. — La dévotion aux fontaines n'est pas encore
éteinte; on vient de très-loin baigner les enfants dans certains puits qu'on
croit doués de vertus divines; les filles y jettent des épingles ; autrefois
tous ces puits étaient ornés de croix vénérées, qui ont presque partout
disparu. — La sorcellerie, autant qu'on peut en juger par l'exposition
peu claire de l'auteur, est encore florissante ; mais il n'y a plus guère que
des white witches, ou pellars, qui, moyennant salaire, donnent des charmes
qui préservent des fantômes, des mauvais sorts, des maladies, etc. voy.
cependant p. 85). On vient annuellement, souvent de loin, chez le
conjurer en renom, faire renouveler sa protection (p. 115 . — Je ne
parle pas des anciens usages, des jeux, des danses, etc., mentionnés
dans ce volume ; ce n'est pas ce qu'il contient de moins intéressant,
mais il est difficile d'en donner une idée sommaire.
Pour la langue, je ne vois rien à relever, en dehors de quelques éty-
mologies hasardées de noms de lieux. L'auteur donne quelques détails,
qui n'ont d'ailleurs ni authenticité ni grand intérêt, sur DoUy Pentreath,
la fameuse vieille femme de Mousehole, morte en 1777, qui, dit~on,
parla la dernière le comique, et à laquelle le prince Lucien Bonaparte a
élevé un monument. Le langage actuel en Cornouailles est de l'anglais
relativement pur, mais qui, dit-on, est prononcé avec une mélopée toute
particulière. M. Bottrell annonce que si sa publication est accueillie avec
faveur, il publiera une seconde série. Nous l'y encourageons vivement,
mais en souhaitant qu'il apporte dans son nouveau recueil plus d'ordre
486 Bibliographie.
et d'esprit scientifique, qu'il entoure les points vraiment intéressants
d'explications plus claires, qu'il écarte tout ce qui n'est que du remplis-
sage, qu'il nous donne, en un mot, moins de paille et plus de grain.
Gaston Paris,
The Life of Saint Meriasek, Bishop and Confesser, a Cornish Drama
edited, with a translation and notes, by Whitley Stokes. xvj-279 pages,
in-8° avec un fac-similé. London, Trùbner, 1872. — Prix: i 5 sh. ( 18 fr. 75).
Patronymica Cornu-Britannica ; or, the etymology of Cornish Sur-
names, by H. S. Gharxggk, Ph. Dr., etc. xvj-160 p. in- 12. London,
Longmans, 1870. — Prix : 7 sh. 6 d. (9 fr. 35}.
L'état misérable où la nationalité bretonne fut réduite dans la pénin-
sule de la Cornouailles anglaise après les conquêtes saxonne et normande
ne permit pas à une véritable littérature de s'y développer ; car une
littérature ne peut naître que là où, par suite de circonstances politiques,
un peuple a la conscience de son existence et de son activité nationales.
Aussi le comique, éteint, comme on sait, à la fm du dernier siècle,
n'a-t-il laissé d'autres monuments que quelques mystères compilés ou
traduits à différentes époques des xW et xv siècles pour le divertisse-
ment du peuple de Cornouailles. Ces représentations se sont continuées
jusqu'au commencement du xviT siècle, époque à partir de laquelle le
comique tomba définitivement au rang de patois et décrut rapidement
devant les progrès de l'anglais. Les mystères comiques jusqu'ici connus
avaient été publiés par M. Edwin Norris ÇThe ancient Cornish Drama,
2 vol. Oxford, 1859) st par M. Wh. Stokes (The Passion of oiir Lord,
Londres, 1862; The Création of the World, Londres, 1864). Un heureux
hasard fit découvrir il y a trois ans dans la riche collection d'Hengwrt
(aujourd'hui propriété de M. Wynne, à Peniarth) un nouveau mystère
comique. M. Wh. St. vient de le publier avec une traduction anglaise et
des notes philologiques.
Le sujet de ce mystère, qui est la vie de saint Meriadec, atteste une
fois de plus la parenté étroite qui unissait les Bretons d'Armorique et
ceux de la Cornouailles insulaire ; cette parenté se retrouve aussi bien
dans la communauté de traditions littéraires et religieuses que dans les
caractères philologiques des deux dialectes. Saint Meriadec (en comique
Meriasek) est un saint breton, et la scène de l'action est le plus souvent
en Bretagne (les noms de localités bretonnes mentionnées dans la pièce
ont été identifiées pour M. St. par M. de la Villemarqué). Le mystère,
qui, comme les œuvres de ce genre, brille plus par la naïveté des senti-
ments que par l'habileté de la composition, repose sur trois légendes
I
Bibliographie. 487
cousues sans art par l'auteur : ij. L'histoire de saint Meriadec, que l'on
connaît d'autre part par les BoUandistes (7 juin), Albert le Grand et
Dom Lobineau; 2) l'histoire du pape saint Sil,vestre et de l'empereur
Constantin, thème souvent traité par la littérature du moyen-âge et dont
M. St. signale en passant la trace dans la littérature irlandaise (p. VIII,
n.); 5) la curieuse histoire d'une femme dont le fils unique a été enlevé
par des brigands et qui ayant trouvé la sainte Vierge sourde à ses prières
enlève l'enfant Jésus des bras de la statue de la Vierge et le garde en
gage jusqu'à ce que son propre fils lui soit rendu par l'intervention de la
Vierge. M. St. n'a pu retrouver ailleurs la trace de cette dernière
histoire; mais le savant M. Reinhold Kœhler nous fournit à cet égard
les renseignements suivants : « L'auteur du drame comique a sans doute
tiré cette histoire de la Legenda Aurea de Jacques de Voragine où elle se
rencontre au § 4 du chap. CXXXI intitulé: de nativitate beatae Mariae
virginis (Ed. Grassse, Dresde, 1846, p. 591). — Elle se trouve en
outre dans Li Miracoli délia M adonna, testo di lingua citato a penna
recato a buona lezione. Urbino, 1855. Chapitre XLII : Come un figliuolo
diuna donna vedova fu messo in prigione, per li meriti di Nostra Donna
fu liberato, cioè scampato da Lei. Ce récit ne s'écarte pas de celui de
la Legenda Aurea, il semble en être une traduction libre. Sur les diffé-
rentes éditions des Miracoli délia Madonna, voir Fr. Zambrini : Le opère
volgari a slampe dei secoli xiii et xiv. Bologna, 1866, p. 289 et suiv. —
L'auteur anonyme du Passional a aussi introduit cette légende dans son
poème. Elle a été plus d'une fois publiée; Voyez 1) Das alte Passional
Hgg. von K. A. Hahn, Francfort-sur-le-Main, 1845, p. 145. 2)
Drei mittelhochdeutsche Gedichte, Hgg. von K. Schasdel, Hanovre, 1845,
p. 9 et suiv.; j) Marieniegenden [Hgg. von Fr. Pfeiffer] Stuttgard, 1846,
n'5 v; 4) Gesammtabenleuer. Hundert altdeusche Erzaehlungen, Hgg. von
Fr. H.vonder Hagen, vol.HI, Stuttgart et Tubingue, 1850, n" LXXV;
5; Gœdeke : Deuîsche Dichtang ini Mittelalter, Hanovre^ 1854, p. 137
et suiv. D'après les recherches de Joseph Haupt ^Silzungsberichte der
phil. histor. Classe der kais. Akademie der Wissenschaften, vol. LXIX, p.
11 5 et suiv.; le poète du Passional n'a très-probablement eu que la
Legenda Aurea comme source de son œuvre ". »
I. M. R. Kœhler nous écrit encore à ce sujet : « Après avoir lu le drame de Meriasek
dans la traduction je veux vous faire remarquer que l'auteur, en ce qui concerne l'empereur
Constantin et le pape Sylvestre, a évidemment mis à contribution le ch. XII de la Legenda
Aurea qui traite de saint Sylvestre. La phrase qui vient après le vers iS?s : « Cum in
aquam descendisset baptismatis mirabilis enituit splendor lucis Sic inde mundus exivit et
Christum se vidisse asseruit » se trouve dans la Leg. /!., à cela prés qu'il y a ibi emicuit
splendor et sicquc (l'éd. de Graesse donne au dernier mot aperuit, mais par erreur: deux
488 Bibliographie.
Le ms. est daté de 1 504 et renferme le nom du scribe, mais il ne
fournit aucun renseignement sur la date de composition de l'œuvre ; le
langage, qui appartient au comique moyen, est un peu plus moderne
que celui des drames publiés par M. Norris; mais il donne encore les
formes grammaticales dans leur régularité. M. St. a accompagné le texte
d'une traduction serrée et précise, et a, dans des notes, relevé et expli-
qué les formes les plus intéressantes philologiquement. Il est inutile
d'ajouter qu'on y trouve l'érudition et la critique ordinaires au savant et
laborieux éditeur.
Nous aurions voulu retrouver cette rigueur philologique dans une
autre œuvre consacrée à la CornouailleS;, les Paîronymica Cornu-Britannica
de M. Charnock. Si cette rigueur est nécessaire quelque part, c'est bien
dans l'étymologie des noms propres, recherche fatalement conjecturale,
car les documents font le plus souvent défaut; il n'y a nul critérium
extrinsèque; et, par conséquent, la limite est malaisée à établir entre
l'hypothèse et la fantaisie. Pour quelques noms qui ont gardé une forme
transparente où l'on entrevoit leur sens primitif, combien se transmettent
altérés, et, ce qui est pis encore, défigurés à dessein, quand le son pri-
mitif est oublié, pour retrouver une apparence de sens ! L'ouvrage de
M. Ch., qui contient de 1,200 à 1,400 noms, repose comme matériaux,
sur les almanachs d'adresses de Cornouailles et sur des listes de noms que
lui ont communiquées des personnes qu'il nomme. Les noms d'origine
celtique forment du reste actuellement une très-faible minorité en
Cornouailles; M. Ch. donne la proportion de i à 10. Après une intéres-
sante préface et une liste d'ouvrages consultés, (parmi lesquels on est
étonné de ne pas rencontrer le Cornish Drama de M. Edw. Norris et
surtout les Notes on the names oj Places de M. E. Hoblyn Pedler qui sont
dans l'appendice du tome II de M. Norris), l'auteur donne par ordre
alphabétique les noms qu'il a recueillis en les accompagnant des étymo-
logies qu'il présente ou qu'il suggère. Il nous eut semblé plus rationnel
anciennes éditions que j'ai sous les yeux, de Deventer, 1479, et de Bâie, 1490, donnent,
comme le drame comique, asscruit). — Aux vers 1627-31, comp. Leg. A. « dignitas
romani imperii ipopuli, Grasse] de fonte nascitur pietatis, quîe liane etiam legem dédit,
ut capital! sententias subderetur quicunque in belle aliquem occidisset infantem. » — Aux
vers 4046 et suiv., et 4080 et suiv., comp. Leg. A. « eum taliter alloquaris : Dominus
noster Jésus Christus de Virgine natus, crucifixus et sepultus, qui resurrexit et sedet ad
dextram patris, hic venturus est judicare vivos et mortuos. » Aux vers 4168-73, comp.
Leg. A. « sicque populus Romanorum a morte duplici liberatus est, scilicet a cultura
dcemonis et veneno draconis. » — Le Soracte, qui, soit dit en passant, doit s'être appelé
jusqu'à une époque récente Monte san Silvestre, s'appelle dans la Leg. A. du nom de
Siraptim, dans le drame comique et dans les poésies de Conrad de Wurzbourg, au vers
1283, ^eraptin. Cette dernière leçon se trouvait sans doute dans certains mss. de la
Legenda Aurea. »
Bibliographie. 489
de répartir ces noms par séries, de grouper séparément les noms de
lieu devenus noms d'hommes, les noms de baptême transmis héréditaire-
ment, les noms de dignités ou de profession, les noms de bonnes ou de
mauvaises qualités physiques ou morales, etc. ', d'autant plus que le
rapprochement de noms analogues aurait porté avec soi une lumière
claire et vive qu'on cherche vainement dans le livre de M. Charnock. En
outre et surtout, il eut fallu, soit par des exemples empruntés à la
langue comique même, soit par l'histoire de noms de lieu en Cornouailles,
établir les règles de la composition des mots et légitimer leurs transfor-
mations phonétiques. Faute de méthode philologique, et malgré la jus-
tesse de l'explication de quelques noms, nous ne pouvons voir dans ce
livre qu'une oeuvre d'étymologie conjecturale poussée à outrance. Au
reste l'auteur semble avoir écrit moins pour les savants que pour le grand
public.
H. G.
Die keltischen Bestandtheile in der englischen Sprache. Eine
Skizze von Otto v. KNOitiiLsnoRFF. Berlin, Weber, 1870, 73 p. in- 12. Prix :
10 sgr. (I fr. 35).
L'auteur de cette brochure trouvant que M. Ed. Mùller dans son
excellent Etymologisches Wœrlerhnch des englischen Sprache (Cœthen,
1865) a fait la part trop petite à l'élément celtique, a dépouillé les
ouvrages de Diefenbach, de Pott, de Diez, etc., et, partout où il a vu
un mot anglais rapproché d'un mot celtique, l'a inséré dans son vocabu-
laire des (( Eléments celtiques de la langue anglaise. » Mais la bonne
volonté ne supplée pas à la méthode et son livre ne peut guère être
considéré que comme un index des ouvrages qu'il a consultés. M. de Kn.
mêle au hasard de l'ordre alphabétique les mots qui ont une origine
commune dans l'unité européenne et dont il eût été inutile de grossir
son glossaire (ex. scven, young, etc. ; ce sont les plus nombreux de sa
liste); ceux qui, quoique d'origine primitivement celtique, viennent à
l'anglais directement du français (ex. : ambassador, arpent, embassy,e\.c.),
ceux qui viennent à l'anglais et aux langues celtiques d'une source étran-
gère commune (ex. : Street, sugar, etc.) : il ne distingue pas les mots
entrés tout récemment dans la langue (ex. : glen, brogue), met en ligne
des mots qui restent celtiques en anglais (ex. : Brehon dans Brehon
I. C'est, par exemple, le procédé suivi par M. P. Potier de Courcy dans son intéres-
sante Dissertation sur l'origine et la formation des noms de famille en Bretagne, publiée
d'abord en iSji dans le Bulletin Archéologic]ue de l'Association Bretonne (t. 111, 2' part.,
p. 115-159) et réimprimée par l'auteur dans le t. III (p. 1-30) de son Nobiliaire et
Armoriai de Bretagne (2" éd. 1862, in-4).
490 Bibliographie.
Laws), et enregistre jusqu'à des mots comme Mac « fils » du gaélique
mac ! Il est vrai que s'il n'eût enrôlé de force tous les mots qu'il rencon-
trait sur son chemin, il n'eût pu former, comme il l'a fait, tout un
bataillon de mots anglais d'origine celtique ; mais il eût mieux fait
d'accorder une étude particulière aux quelques mots anglais auxquels
on a, faute de mieux, attribué une origine celtique, et qu'il se borne à
enregistrer comme les autres dans son index. M. de Kn. qui semble pour
sa préface fort enthousiaste des choses celtiques s'apercevra lui-même
de tous ces défauts en poussant plus loin ses recherches.
H. G.
Hanes Cymry America; a'u sefydliadau, eu heglwysi, a'u gweinidogion,
eu cerddorion, eu beirdd, a'u llenorion ; yn nghyda thiroedd rhad y llywo-
draeth a'r reilffyrdd ; gyda phob cyfarwyddiadau rheidiol i yinfydwyr i siclirau
cartrefi rhad a dedwyddol. Gan y Parch. R. D. Thomas (lortliryn GwyncdJ).
Cyfroll. Utica, N. Y. (T. J. Griffitlis, Argraffydd, Exchange Buildings.) 1872,
vj-179-171-177 p. in-i2 (avec 5 p. de musique et 16 p. d'annonces), —
Prix: 2 dollars (relié: 2 1/2 et 5 doll.)
Cette Histoire des Gallois d'Amérique qu'un patriote plein de zèle,
M. R. D. Thomas, vient de publier dans la petite ville d'Utica (État de
New-York) comble une grave lacune dans l'histoire de l'émigration
celtique au Nouveau-Monde. Les émigrants gallois ne se comptent pas
par millions comme les émigrants irlandais ' ; mais si peu nombreux
qu'ils soient, ils manifestent un grand attachement à leur nationalité
première, et il se publie en Amérique et en Australie des journaux, des
revues et des livres en langue galloise, tandis que la langue irlandaise,
déjà dédaignée et traitée de patois en Irlande même, l'est encore plus en
Amérique 2. L'ouvrage de M. Thomas, fruit de longues années de travail,
raconte dans le plus grand détail l'histoire des établissements des Gallois
aux États-Unis, depuis le temps du célèbre quaker W. Penn? jusqu'à
1. Sur l'émigration irlandaise aux États-Unis, voir l'ouvrage d'un membre du Parle-
ment britannique, M. Maguire, The Irish in America (London, Longmans, 1868). Mais
M. Maguire ne donne ni l'histoire, ni la statistique de l'émigration irlandaise et se borne
à décrire l'état social et moral des irlandais aux États-Unis et dans l'Amérique anglaise.
M. d'Arcy Mac Gee a écrit un livre intitulé : A iiistory 0/ tiie Irish scttkrs in North
America from the earliest Period to the Censiis of 1850 (Boston, 1855); mais je ne
connais cet ouvrage que par son titre et je ne l'ai jamais eu entre les mains.
2. Les journaux irlandais d'Amérique, — je veux dire les journaux de langue anglaise
qui défendent les intérêts de la nationalité irlandaise aux États-Unis, — publient quel-
quefois des mélanges poétiques en gaélique; mais c'est, à ma connaissance, tout ce qui
se publie de gaélique irlandais en Amérique. Les Gaels d'Ecosse sont plus attachés à leur
langue : il y a des publications en gaélique écossais au Canada, dans la Nouvelle-
Ecosse et en Tasmanie.
5. William Penn était Gallois et c'est contre son gré qu'on a donné son nom au pays
où il s'est établi fPennsylvania); il voulait l'appeler Nouvelle-Galles, New-Wales.
Bibliographie. 491
nos jours et aussi de chaque groupe gallois existant à l'heure actuelle aux
États-Unis. Mais les descendants des colons gallois des xvii"' et xviii'-'
siècles sont aujourd'hui tout à fait américanisés et les émigrants de ce
siècle sont les seuls qui aient conservé leur nationalité et leur langue.
M. Th. constate avec regret que les Gallois des États-Unis sont trop
peu nombreux et surtout trop dispersés au milieu de la population de
langue anglaise pour pouvoir garder leur nationalité, et la langue qui en
est le symbole, au-delà de la seconde ou de la troisième génération. Le
nombre de Gallois aux États-Unis est évalué à -^00,000, grosso modo, mais
plus strictement, et en s'en tenant au nombre des Gallois qui forment les
congrégations des églises de différentes confessions où le service divin se
célèbre en Gallois, M. Th. arrive au chiffre de 1 1 5,716. Voici comment
ce total se divise entre les différents États de l'Union :
I Pennsylvania
52,974
1 5 Indiana
200
2 New-York
21,840
14 Illinois
2,035
3 Ohio
24,810
1 5 Michigan
400
4 Vermont
i,Mo
16 Wisconsin
18,260
5 New-Jersey
942
17 Minnesota
'.745
6 Maryland
800
18 lowa
2,265
7 Columbia District
$0
19 Missouri
2,195
8 Virginia
100
20 Kansas
>,75o
9 West-Virginia
;oo
21 Nebraska
200
0 Tennessee
200
22 California
2,000
I Massachussets
500
?oo
25 Oregon, etc.
Total,
500
2 Maine
115,716
Ceci est le chiffre des Gallois gallisants (s'il m'est permis de donner
un pendant à l'expression de « Breton bretonnant ») mais c'est évidem-
ment un minimum, puisqu'il y a des Gallois allant de préférence à des
églises de langue anglaise. Si religieux que soient d'ordinaire les Gallois,
il en est peut-être aussi qui ne fréquentent aucune église.
A ces chiffres il nous parait intéressant d'ajouter la liste de publications
périodiques en langue galloise qui paraissent actuellement aux États-Unis
on trouvera dans le livre de M. Th. l'indication d'autres qui ont cessé
de paraître) :
1 . Y Drych (Le Miroir) : journal politique hebdomadaire, fondé en
185 1 ; paraît à Utica, comté d'Oneida, État de New-York. C'est le plus
important organe de la presse galloise aux États-Unis; il tire'à plus de
cinq mille exemplaires.
2. Baner America (le drapeau d'Amérique), journal politique hebdo-
^c)2 Bibliographie.
madaire, fondé en 1868, paraît à Scranton, comté de Luzerne, État de
Pennsylvania.
j. Y Cyfaill O'r hcn IVlad ;Tami de l'ancien pays). Revue mensuelle
fondée en 18^8; organe des Méthodistes Calvinistes, paraît à Rome, comté
d'Oneida, état de New-York.
4. Y Cenhadwr AmericanaidA (le missionnaire américain), revue men-
suelle fondée en 1840; organe des Indépendants, paraît à Steuben,
comté d'Oneida, État de New-York.
5. Y Seren Odlewinol (l'Étoile de l'Ouest), revue mensuelle fondée en
1842; organe des Baptistes; paraît à Pottsville, comté de Schuylkill,
État de Pennsylvania.
6. Yr Ysgol (l'école), revue mensuelle destinée à la jeunesse; a cessé
de paraître par suite de la mort de son éditeur; mais va renaître sous le
titre de Blodau yr Oes a'r Ysgol (fleurs de l'âge et de l'école) chez l'édi-
teur même du volume de M. Th., à Utica.
7. Yr Ynnvelydd (le visiteur), petite revue mensuelle publiée à Hyde-
Park, Pennsylvania.
8. Yr Negesydd (le messager), journal hebdomadaire publié à Pitts-
burgh, Pennsylvania.
Nous avons donné cette statistique des Gallois et de leurs journaux
aux États-Unis pour indiquer l'intensité du sentiment national gallois en
Amérique et pour faire pressentir l'intérêt que présente le livre de
M. Th. aux celtophiles. M. Th. parle seulement des États-Unis et n'a
que quelques mots pour les Gallois de Patagonie' et ceux du Canada-;
il mentionne en passant les Mormons, mais sans parler de l'élément gal-
lois de la communauté du Lac Salé, élément que l'on dit assez impor-
tant. Ce volume qui est intitulé « tome I » est partagé en trois parties,
avec pagination distincte. La première est consacrée à l'histoire générale
de l'émigration galloise des deux derniers siècles, principalement en
Pennsylvania, et à la description des établissements gallois dans les États
de l'est et du sud; la seconde traite des établissements gallois dans les
États de l'ouest; dans la troisième, M. Th. donne la statistique générale
des Gallois, celle des églises des différentes confessions, des notices sur
1. On trouvera des renseignements détaillés sur la petite colonie galloise du Rio
Chupat dans une correspondance officielle publiée l'an dernier, à Londres, sous ce titre:
Correspondence respecting thc Wclsh Colony on the River Chupat, in Patagonia. Presented
to tlie House of Gommons by Command of Her Majesty... London, printed by Harrison
and Sons. 24 p. in-folio.
2. H n'a aucun renseignement sur la force de l'élément gallois au Canada et se borne
à ces paroles : « Diau fod llaweroCymry yn wasgaredig ynddi, ac mewn yndeb crefydd-
ol â'r Saeson;ond nid wyfyn gwybod am un eglwys na chapel Cymreig yn un man
ynddi » 2" partie, p. i6q.
Bibliographie. 493
les Gallois éminents d'Amérique, des détails sur la littérature galloise
aux États-Unis et enfin des renseignements destinés aux émigrants. Si ce
volume est* accueilli favorablement - et nous ne doutons pas que le
public de Galles lui fasse bon accueil, — M. T. publiera un second
volume consacré à l'histoire de la littérature galloise aux États-Unis et à
la biographie des membres les plus distingués de l'émigration.
H. G.
Nous avons en outre reçu les ouvrages suivants :
Lectures on the hislory of Ireland {second séries) from A. D. \ <,]/^ to the date of
the Plantation of Ulster, by A. G. Richey, Esq., v-447 p. in- 12. London, Long-
mans, 1870. Prix : 8 sh. Ce sont des lectures faites à l'Université de Dublin
(Trinity Collège) en 1870. Cet ouvrage, dont l'esprit critique a été loué par la
presse d'outre-Manche, sort par sa nature du cadre de cette Revue: il s'agit en
effet de l'histoire politique de l'Irlande conquise. Nous nous bornerons donc à
signaler le chapitre II (p. 39-79) qui traite de l'Église d'Irlande avant la Réforme
et qui est fort instructif.
Legcnd Lays oj Ireland, by Lageniensis (Dublin, Mullany, xxviij-i^ô p. in-12,
prix : I sh. 6 d.). Recueil d'agréables poésies dont les sujets sont empruntés aux
traditions et à l'histoire de l'Irlande. Les notes qui accompagnent ces poésies
renferment d'intéressants détails sur les légendes populaires de l'Irlande (sur un
autre ouvrage du même auteur, voir plus haut, p. 276).
An essay on the Drulds , the ancient Chnrches and the Round Towers of Ireland ,
by the Rev. R. Smiddy (Dublin, Kelly, vij-242 p. in-12; prix : 4 sh.) où l'on
trouve plus de patriotisme celtique que de critique. On y lit que ^irlandais est le
premier langage parlé par l'homme, que les Celtes sont une colonie scythique,
etc.
Bue: ann Duc a Vourdell , Herri V [par M. l'abbé Henry], viij-222 p. gr. in-
16. Quimperlé, Clairet, 1872.
Laez ann den paour, great gand P. E. P. Herpin, belek, 14 p. in-12, Rennes,
Hauvespre, poème breton dédié à Mgr. A. David, évêque de St.-Brieuc.
Hinmou fia Canticou, hervez kelenadure: ar Scrilur Santel [par M. J. Jenkins],
68 p. pet. in-i6. Brest. Gadreau, 1872.
CHRONIQJJE
M. Wocel et M. de Belloguet. — L'inscription d'HoeyIaert. — Articles de
Revues. — Lectures de MM. Mac Lauchlan, Luzel et d'Arbois de Jubain-
ville. — Publications annoncées. — Création d'une chaire de philologie cel-
tique à l'Université de Berlin.
Il nous faut encore commencer cette chronique par la nécrologie. Nos études
ont^ depuis l'apparition du précédent numéro, perdu : M. J. E. Wocel, profes-
seur à l'Université de Prague, mort dans cette ville le 1 8 septembre 1871, à
l'âge de 68 ans. Dans ses études sur les antiquités nationales de la Bohême, il
s'était occupé avec zèle et talent de la période celtique de cette histoire (voir plus
haut, p. 147) et il mérite à ce titre que son souvenir soit signalé ici ; — et
M. Roget de Belloguet, décédé à Nice, le 3 août 1872, à l'âge de 76 ans.
Depuis plusieurs années déjà sa santé était chancelante, et ce n'est que par un
grand effort de courage qu'il a pu terminer son Ethnogénie Gauloise. On trouvera
plus haut un compte-rendu du premier volume de cet ouvrage, et nous même
avons annoncé le troisième ailleurs (Rmic Ciiticjuc du 10 avril 1869). Si dans
les questions de pure philologie M. de Belloguet n'apportait pas toute la
rigueur de méthode qu'on demande aujourd'hui aux études de ce genre (voir
plus haut l'article de M. d'Arbois), il taisait preuve dans les questions d'histoire
d'une grande érudition et d'une critique ferme et sagace. Son Ethnoginic fait
époque dans l'histoire des études gauloises en France.
Une inscription inédite se rapportant au culte des Déesses Mères a été décou-
verte en 1870 en Belgique, à Hoeylaert (province de Brabant). La voici (nous
étendons, faute de caractères spéciaux, les ligatures du lapicide) :
MATRONIS II CANTRVSTE1||H1ABVS. C. AP || PIANIVSPAC || ATVS.
PROSEETIiSVIS. L. M. {Matronis Canstrustahiabus, Caiiis Appumius Pacatus,
pro se et suis votum solvit Libens Merito).
Elle a fait l'objet d'un mémoire d'un savant épigraphiste de la Belgique,
M. Schuermans, dans le Bulletin des Commissions royales d'Art et d'Archéologie,
et cette étude a amené la rectification du texte de deux inscriptions déjà connues
depuis longtemps, où l'on avait lu jusqu'ici Matronis Andrustehiabus. C'est l'ins-
cription 406 du recueil de Brambach (De Wal, Mœd., n° 125) et l'inscription
Chronique. 495
de Godesberg {Jahrb. des Ver. von Alterthumsfreunden m Rhanlande, t. XLIV-
XLV, p. 81), toutes deux conservées au Musée de Cologne. Un nouvel examen
de ces deux inscriptions par MM. Diintzer et Freudenberg .a fait retrouver,
comme le soupçonnait M. Schuermans, un C à demi-effacé : on doit donc lire
dans ces deux inscriptions Matroms Candrustehiabiis... Cette correction vérifiée
fait honneur à la sagacité de l'épigraphiste de Liège.
La dernière livraison des Archives des missions scienlifiqius cl littéraires ' nous
apporte quatre rapports adressés par M. Luzel à M. le Ministre de l'Instruction
publique. M. Luzel avait été chargé, il y a quelques années, de recueillir en
Basse-Bretagne les manuscrits encore existants de mystères bretons, et il avait
été assez heureux pour réunir une riche collection de manuscrits aujourd'hui
déposée à la Bibliothèque Nationale de Paris. Plus récemment il eut mission de
recueillir dans le même pays les traditions orales pouvant servir à l'étude com-
parée de l'histoire de la philologie et de la mythologie des populations d'origine
celtique. M. Luzel donne dans ces rapports (qui seront continués) les prin-
cipaux résultats de ses recherches : il classe les récits qu'il a recueillis en
1° contes mythologiques, 2° contes légendaires chrétiens, 3» récits facétieux
et plaisants, et donne, tantôt en breton, tantôt en français, le texte de quelques
contes de ces différentes classes. Ces rapports sont de précieux documents et
se recommandent d'eux-mêmes aux savants qui s'occupent de mythologie com-
parée et qui s'intéressent aux traditions populaires. L'humble et laborieux travail
du collecteur est le point 'de départ nécessaire de travaux plus étendus et plus
complets ; M. Luzel est au premier rang parmi ces chercheurs infatigables et, à
ce propos, nous rappellerons ce qu'un maître de la critique disait de sa collection
de Chants populaires de la Basse-Bretagne (Paris, Franck) : « Pour fonder chez
nous les études celtiques, deux conditions sont indispensables : au fond des pays
où vivent encore les langues celtiques, de zélés et consciencieux chercheurs
apportant modestement leur pierre à l'édifice futur ; à Paris, un enseignement
élevé où la théorie philologique et historique soit dressée, avec l'aide que fournit
la comparaison des branches de la science plus avancée, et d'après les méthodes
qui ont fait faire aux autres parties de la philologie et de la critique de si admi-
rables progrès. M. Luzel remplit parfaitement le premier de ces devoirs'. »
Nous sommes forcé, faute d'espace, de nous borner à signaler des articles et
des travaux qui mériteraient chacun une analyse.
Revue des Questions Historihues, avril 1872, pp. 360-390, article de
1. Deuxième série, t. Vil, i"^ livraison, pp. 101-205.
2. M. E. Renan, dans \e Journal des Débats du i\ septembre 1868.
496 Chronique.
M. An. de Barthélémy, Les likrtcs gauloises soas la dominatton rowainc, de l'an
50 à l'an 27 avant J.-C, résumant, principalement à l'aide des renseignements
fournis par la numismatique gauloise « ce que l'on peut savoir sur la période de
transition comprise entre l'an ^0 avant J.-C. (704 de Rome), date de la sou-
mission delà Gaule, et l'an 27 (727 de Rome), époque à laquelle Rome comprit
notre pays dans l'uniformité administrative qui régissait les autres provinces. »
M. A. de B. avait déjà publié dans la même revue deux articles que nous
recommandons au lecteur : Alesia, son véritable emplacement, t. III, pp. 5-60,
et Les Assemblées nationales dans les Gaules avant et après la conquête romaine,
t. V, pp. s-48.
Revue Archéologique, 1872; janvier, pp. 44-^5, et février, pp. 95-104,
La cité des Osismii et des Vencti {lit Lyonnaise), par M. Le Men, avec une carte;
travail important et encore inachevé sur la géographie de l'ancienne Armorique
(M. Le Men montre en passant que l'île appelée 5^/;^ parles écrivains anciens ne
peut être l'île de Sein actuelle). Les conclusions de ce mémoire ont été adoptées
par la Commission de la Topographie des Gaules. — Mars, pp. 153-1 56, sur un
fond de "poculum de la fabrique de Capoue (avec une gravure), par M. Fr. Lenormant.
M. Lenormant reconnaît dans le médaillon en relief qui forme le fond de ce
poculum un guerrier gaulois dans le temple de Delphes. — Avril, pp. 234-244,
Mai, pp. 320-333, suite des Fouilles de Bibracte, par M. Bulliot, qui fournissent
des détails nombreux et précis sur l'émaillerie gauloise. — Avril, pp. 259-266,
Monnaies émises pendant la seconde campagne de César (57 av. J.-C.) dans les
Gaules, par un chef de l'armée confédérée des Belges, par M. F. de Saulcy. —
Juillet-Aoïjt, pp. 39-51, Les Cimbres et les Kymri, par M. d'Arbois de Jubain-
ville qui, à l'occasion du dernier livre de M. H. Martin, développe l'opinion
indiquée par nous plus haut (p. 464), à savoir que les Gallois n'ont rien de
commun avec les Cimbres, pas même leur nom, et que les Cimbres étaient une
population germanique. Mais nous avons vu avec étonnement M. d'A. de J. y
parler (p. 39) des Triades galloises comme de « textes versifiés, n On sait que les
Triades sont en prose.
Journal of the Roy.\l ïïistorical and Arch.eological A.ssociation of
Ireland; (cette publication étant fort peu connue sur le continent, nous
remontons jusqu'en janvier 1870 pour signaler les articles qui peuvent inté-
resser les lecteurs de la Revue) 1870, janvier, pp. 94-1 12, Ancient lake legends
of Ireland. — A^° /. The destruction of Eochaid, son of Mairid, texte tiré du
Lebor na h-uidre et publié avec une traduction par M. J. O'Beirne Crowe. —
1871, janvier, pp. 352-359, Irish Art in Bavaria, par Mlle Stokes; traduction
de l'article de M. Wattenbach que nous avons donné plus haut et analyse d'un
article de M. Fr, Bock sur la coupe de Tassilo, publié dans les Mitth. des k.k.
Central-Commission zur Erforschung und Erhaltung der Baudenkmale (Vienne); —
pp. 371-448, Siabur -Char pat Con Cnlaind {the demoniac Chariot of Cu ChulainJ),
texte curieux du Lebor na h-uidre et publié avec traduction et notes par M. J.
O'Beirne Crowe. — Juillet, pp. 509-534, The prccious metals and ancient mining
in Ireland, par M. R. R. Brash. — 1872, Janvier, pp. 26 49, Ancient lake
Chronique. 497
legends of Irtland. — A^" //. The vision of Cathair mor, texte tiré du ms. de Lecan et
du ms. de Leinster et publié avec traduction et notes par M. J. O'Beirne Crowe.
Collections, historical and AncH.KOLOriicAi,, uelating to Montgome-
RYSHiHE (Vol. IV, ij, p. 345-3^8, Octobre 1871); M. D. Silvan Evans y donne
sous le titre : The rivers of Montgomeryshire la liste (environ 200 noms) des
rivières et ruisseaux dont le cours est en totalité ou en partie compris dans les
limites de ce comté; il donne seulement les noms actuels sans en rechercher
les anciennes formes.
M. Silvan Evans est depuis l'an dernier chargé par l'Association Archéolo-
gique Cambrienne de diriger la publication de VArchcCologia Cambrensis, et nous
voyons avec plaisir que, sous sa direction, ce savant recueil qui, dans ces der-
nières années, faisait — au gré des savants étrangers — la part trop grande à
l'archéologie locale, s'occupe davantage de philologie et d'histoire littéraire.
C'est une façon de rendre ce recueil plus européen sans qu'il soit pour cela
moins cambrien. Les trésors, en partie inédits, de la littérature galloise du
moyen-âge intéressent les savants du continent autant que personne en
Galles.
Le dernier numéro de I'Arch.eologia Cambrensis (juillet 1872) nous
apporte justement, pp. 181-210, un remarquable article de M. Thomas Ste-
phens, An cssay on the Bardic Alphabet callcd « Coelbren y Beirdd « que nous
recommandons particulièrement aux écrivains qui croient à la présence dans
la littérature galloise de traditions remontant aux druides et aux bardes de
l'antiquité celtique.
C'est une prochaine livraison de VArch. Can:br. que paraîtra (si nous en
croyons une note du numéro d'avril, p. 166) le travail de M. Wh. Stokes sur
les Gloses galloises récemment découvertes à Cambridge, dans un ms. de Mar-
tianus Capella, travail que M. St. a fait imprimer à quelques exemplaires dans
l'Inde, et auquel il avait consacré les loisirs de la traversée « Between Aden
and Bombay. » Un autre fruit de son voyage en Europe est, après le mystère
de St Meriasek, une seconde édition des Goidelica. — Le même érudit a
aussi pendant son séjour à Dublin fait imprimer un choix de mélodies populaires
irlandaises tirées de la collection inédite du D' Pétrie. On ne saurait trop admi-
rer sa merveilleuse activité.
Les recueils en langue galloise nous présentent aussi des articles qui méri-
ritent d'être signalés, bien que la langue dans laquelle ils sont écrits soit acces-
sible à bien peu de savants du continent : nous les trouvons dans les deux
meilleures revues trimestrielles du pays de Galles, le Beirniad, publié à Llanelli,
et le Truethodydd, publié à Treffynon (en anglais Holywell).
Y Beikniad ; série d'articles de M. John Peter sous le titre Y Cynfcirdd
(juillet 1870, pp. 75-92; octobre 1870, 128-147 ; et juillet 1871, pp, 48-60),
consacrés à l'histoire de l'ancienne littérature galloise et à ses plus anciens
poètes, et bien propres à faire pénétrer dans le grand public gallois les résultats
de la critique moderne sur ce sujet.
498 Chronique.
Y ÏR\ETHODVi)n ; avril 1871, pp. 225-24^, article du même auteur sur la
nouvelle édition de la Grammatica Ccltica de Zeuss ; — janvier 1872, pp. 90-
107, article intitulé Hm Lyfrau y Cymry et qui donne maint détail nouveau
sur la bibliographie galloise. M. D. Silvan Evans lui a fait quelques emprunts
dans l'article qu'on avu plus haut ici mêmefpp. 376etsuiv). Nousdevons remer-
cier l'auteur anonyme de cet article pour la façon bienveillante dont il parle de
nous et de la Revue Celtique. — Juillet 1872, pp. 368-380, Hcnafiaetk a
phwysigrwydd ieithyddol Llenyddiaeth y Cymry, par M. John Rhys : résumé de
l'histoire de la langue galloise. C'est avec étonnement que nous avons vu
M. Rhys, un des savants dont le talent honore le pays de Galles à l'étranger,
attaqué comme mauvais patriote dans quelques journaux gallois, pour avoir,
dans un discours prononcé à un Eistcddfod de Liverpool (Noël 1871), reconnu
que la littérature irlandaise remonte plus haut que la littérature galloise, et
pour avoir, tout en recommandant la culture du gallois, exprimé la crainte
qu'il disparaisse un jour devant les progrès de l'anglais. Sans doute il est
honorable aux Gallois d'avoir une foi ferme 'au, dicton : « Oes y byd i'r iaith
Gymraeg! «, et de toutes les langues celtiques le gallois est certainement celle
dont la vitalité est la plus forte et l'avenir le plus durable, mais l'histoire
montre malheureusement que les groupes nationaux qui n'ont pas d'existence
politique indépendante et sont trop faibles pour avoir en eux-mêmes leur centre
de gravité, sont insensiblement absorbés par le milieu où ils vivent. Le discours
de M. Rhys, dont le thème était l'importance philologique des langues cel-
tiques, a été publié dans le Carnarvon and Dcnbigh Herald du 30 décembre
187..
Nous devons en outre signaler deux importantes lectures faites, l'une à
Edimbourg par M. Th. Mac Lauchlan, l'autre à St-Brieuc par M. Luzel.
M. Th. Mac Lauchlan, un des savants écossais les plus versés dans la con-
naissance de la langue et de la littérature gaélique, fait au collège de l'Eglise
Presbytérienne libre d'Ecosse un cours de gaélique destiné principalement aux
jeunes gens qui doivent exercer le ministère ecclésiastique dans les Highlands,
et voilà vingt' un ans qu'il se consacre à cette œuvre, toute de dévouement.
L'an dernier il a ouvert son cours (le 21 novembre 1871J par un discours où
il a tracé à grands traits les principaux caractères de la toponomastique de
l'Ecosse gaélique et où il a mis ses auditeurs en garde contre les étymologies
fantaisistes, en leur indiquant la méthode à suivre dans ces recherches délicates
et intéressantes. Ce discours a été publié dans la Daily Rcviav d'Edimbourg du
23 novembre 1871 .
La lecture de M. Luzel se rapporte à un inipurtant problème d'histoire litté-
raire et elle a eu lieu dans une des séances de la 38'' session du Congrès
scientifique de P>ance, qui s'est tenue à Saint Brieuc pendant les premiers
)ours de juillet 1872. M. Luzel a lu un travail sur l'authenticité des poésies
prétendues populaires publiées par M. de la Villcmarqué sous le nom de
Chronique. 499
Barza: Brciz, sujet déjà traité ou touché par M. Le Men, dans ['Athcnaum
anglais du 11 avril 1868, p. 527; par M. d'Arbois de Jubainville, dans la
Biblioth'iquc de l'Ecole des Chartes, ]" série, t. III, p. 265 et suiv., et t. V,
p. 621 et suiv.; dans la Revue Archéologiijue, t. XVII, p. 227 et suiv.; et dans
la Rei'ue Critique des 16 février et 25 novembre 1867, et du 3 octobre 1868;
par M. F. Liebrecht dans les Goettingische gelehrte Anzeigen du 7 avril 1869;
par M. Luzel même dans la Reyue Archéologique, t. XX, p. 120 et suiv., par
M. Halléguen au Congrès celtique de St-Brieuc de 1867 (voyez le volume
intitulé : Congres celtique international, Saint-Brieuc, 1868, in-8, p. 291 et suiv.).
Le nouveau travail de M. Luzel paraîtra prochainement en brochure à la librai-
rie Franck.
Dans une des dernières séances de l'Académie des Inscriptions, M. de
Longpérier a donné lecture d'une note de M. d'Arbois de Jubainville sur une
inscription de Poitiers, aujourd'hui conservée au Musée de Saint-Germain et
qu'on s'est jusqu'à présent accordé pour considérer comme en partie celtique.
Suivant M. d'Arbois, cette inscription serait en latin avec mélange de quelques
mots grecs. Voici comment il la lit :
BIS GONTAVRION ANALABIS, BIS GONTAVRION CE ANALABIS.
GONTAVRIOS CATALAGES VIM, S[cilicet] ANIMA[m], VIM S[cilicet]
P.^TERNAM. ASTA, MAGI ARS, SECVTA TE, IVSTINA, QVEM PEPE-
RIT SARRA.
Les mots grecs seraient : GONTAVRION = xcVTa'Jpôtov, nom de la cen-
taurée; CE = •/-«£, conjonction ; GONTAVRIOS =r- -/sv-aûpsiov au nominatif;
CATALAGES = xaTctr/ayr,; ; et de plus ANALABIS, que M. d'Arbois
croyait être latin, et qui, suivant l'observation de plusieurs académiciens, est
vraisemblablement le grec àvaXaê^i:. (luem = quam est fréquent dans le latin
de la décadence. L'inscription de Poitiers devrait donc se traduire comme il
suit : " Deux fois tu prendras de la centaurée ; et deux fois tu prendras de la
Il centaurée. Que la centaurée te donne la force, c'est-à dire la vie, la force,
M c'est-à-dire [la force] paternelle. Viens-moi en aide, art magique, en suivant
» Justine qu'a enfantée Sarra! »
■ Deux importantes publications sont annoncées dans le pays de Galles, mais
elles ne se feront que si elles rencontrent un nombre suffisant de souscripteurs;
et le continent leur doit sa part de concours. C'est d'abord un recueil des
inscriptions britanno-romaines du pays de Galles publié sous les auspices de
l'Association Archéologique Cambrienne et sur le plan des inscriptions irlan-
daises de Mlle Stokes : il formera trois livraisons, à 10 sh. chaque. L'ouvrage
sera donné à l'impression dès qu'il y aura un nombre suffisant de souscripteurs.
Les souscriptions doivent être adressées à M. E. Barnwell, secrétaire général
de l'Association Cambrienne, à Meiksham, Wiltshire. — M. Robert Williams
500 Chronique.
annonce en outre un recueil de textes gallois du moyen-âge (St-Graal *, Gestes
de Charlemagne, Beuve d'Hampton, Purgatoire de St Patrice, Evangile de
Nicodème, etc.), qui paraîtra par demi-volumes, à lo sh. 6 d. chaque, s'il se
rencontre un nombre suffisant de souscripteurs. Les souscriptions sont reçues
par M. Robert Williams à Rhydycroesau, Oswestry. — Les souscripteurs du
continent peuvent employer l'intermédiaire d'un libraire.
Nous recommandons en outre la seconde série de VArt Gaulois par M. Hucher,
annoncée plus haut, et qui paraît par souscription, au prix d'un franc la feuille:
on peut avoir des prospectus de l'auteur, rue d'Hauteville, 25, au Mans
(Sarthe). C'est un ouvrage indispensable pour l'étude de l'antiquité gauloise.
Le manque d'espace nous force de remettre au prochain n° l'analyse d'un article
de M. Leemans sur un autel de Nehalennia trouvé récemment à Dombourg (Zé-
lande) et la traduction d'une dissertation de M. Kern sur la déesse même Neha-
lennia , travaux publiés le premier dans les Verslagcn en Mcdcdcclingcn de l'Aca-
démie néerlandaise, et le second dans le Taal- en Lcttcrbodc, recueil philologique
de Haarlem.
Il nous arrive au dernier moment une importante nouvelle. M. Ebel, jusqu'ici
professeur au collège {giamw.ar-school) de la petite ville de Schneidemiihl, vient
d'être appelé à occuper une chaire de langues et de littératures celtiques à l'Uni-
versité de Berlin. Voilà donc la philologie celtique recevant droit de cité dans le
haut enseignement : comme on devait s'y attendre, c'est l'Allemagne qui prend
l'initiative et donne l'exemple à cet égard.
H. Gaidoz.
P. S. Nous comptons, dès le second volume, analyser d'une façon régulière les
principaux articles des revues d'érudition consacrées aux mêmes études que la
nôtre. Quand il paraîtra dans d'autres recueils, où ils pourraient nous échapper,
des articles se rapportant aux langues ou aux littératures celtiques, nous prions
les auteurs de vouloir bien nous les adresser. Même prière pour les lectures ou
conférences publiées dans les journaux.
I. En 1865, M. R. Williams .ivait publié quelques fragments de la version galloise
du ^amx-Gxà3.\ [ArcheologiaCamhrensis, 3"' série, t. IX, pp. 160-178).
1
CORRIGENDA ET ADDENDA.
24, p. 5,1. 6, et p. 5, I. 10, au lieu de: Prémeaux lire : Pernand
M, au lieu de: Kronweissenburg lire: Wissembourg
12, and, p. 41, I. 54, for: Gaeidhel read : Gaeidhil
1 read : Lis-Badhbha
19, for : Slaibh read: Siiabh
14, for: hight read : night
34, for : cloud read : clouds
33, for: Daiiautat read : Danautal
I , for : gcrgara read : fergara
50, for: strenght read: strength
for : dolliud read : dolliiid
for: Valkynan read : Valkyria
au lieu de: niirad inse lire: niiradinse
— trigiiim — trigiun
— séc. — sec.
dern. I. — duaccradat — diiacradal
22, lire: nuradinse (quae loquebar), prés. sec.
14, au lieu de: salvabantur lire : salvabuntur
7, — th. masc. en u, lire: th. masc. en t
5, et av. dern., au lieu de français, lire : français
16 et 19. au lieu de : ^5 bo lire : as po
V. dern.
'8,
20,
22,
30,
. 20,
4>
S,
vant dern.
1. —
au lieu de
gistr
—
jistr
a-c'han
-
a-c'hann
sclu-inl
—
setu int
dû Koadalan
—
da Goadalan
kcr du
—
kcn du
gromzas
—
gomzas
strumm
—
sUimm
ma oa oa d.
—
maoa d.
a roue
—
ar roue
gule après Pcrag
nemet-hon
lire:
nemet-on
kolzgoudé
—
koulzgoudc
n'enrcl
—
verwel
ouspcm
—
ouspcnn
invc
—
nvc
b,ic
—
bijè
502
Corrigendd et Addenda.
p. 120,
1. 1,
—
rochcll — rochdl
—
1. 6 et 8,
~
a t'ai: — at eu:
—
1. 17. p.'
122, 1.
12 et p. 124, 1. 22, au lieu de: gant
lire: gant
—
1. 19, au '
lieu de;
: hc, lire: hc.
P. 122,
I. 11,
—
ijcm as chacra — ijcnn as c'hacra
—
1. 16,
—
aun — ann
—
1. 31,
—
cm — eu:
P. .24,
1. Il,
—
c ger — cr ger
—
■• S-,
—
gne..hc — g''f... ht
P. 126,
1. 1,
—
0 :ri — ho :ri
—
1- 5,
—
iuu:c — neuzc
—
1. 12,
—
père a ha — père ach a
—
1.25,
—
ec'h han — ce h an
—
1. 26,
—
pa wo — pa vo
P. 128,
1. 21,
—
vagcre: — vageres
p. 130,
1. 14,
—
gawd — gwad
—
1. 15,
—
c-krci: — en kreiz
—
1. 19,
—
wr ar baern — war ar bern
p- >S7,
1- 34,
—
ruccaitgthc — ruccaigthc
P- '59,
1. 26,
—
persuasis — peruasis
—
1-37,
—
perrerantes — pererrantes
P. 162,
n. 1, 1. 1
, —
Le lecteur — Les lecteurs
P- '97,
1. 26,
—
Varon — Varron
P. 267,
1. 19,
_
Plouniventer — Plounéventer
P. 278,
1. 1,
—
Libérien hag Avielen lire : Liherieu
hag Avîeleu
P. 289,
1. 18,
—
Ha da lire : Ha d'ar
P. 261, Man ocTiPARTiTE. M. R. Kœhler nous fait remarquer que sur
cette légende il a écrit un article (Adain's Erschaffung aus
acht Theilen dans la Germania de Pfeiffer, t. vu (1862',
p. 550-5 54), où il a fait entrer le texte irlandais publié par
M. Stokes dans Thr. Ir. Gl. Il nous apprend en même temps
que cette légende a été étudiée depuis par W. Scherer
(Denkmdcr deulschcr Poésie and Prosa aus dcn viii-xii
Jahrhundcrten hgg. von K. Mùllenhofï und W. Scherer.
Berlin, Weidmann, 1864, p. 542 et suiv.), et il renvoie
en outre à la Revue critique (1866, t. 1'"'', p. 222) et au
Corrcspondenzblatt des Gesainrntvereines dcr dcutschen Geschicht-
iind Altcrthumsvcrcine (Altenberg, Pierer; année 1871, p. 5).
Corrigenda et Addenda. ^05
THE LUXEMBOURG FOLIO.
P. 5)4, 1. 58. The Welsh glosses lately discovered in a ms. of Martianus
Capella, which hâve just corne to hand, make me hesi-
tate as to the relative âge of m and 0.
P. 560, 1. 54. The words niî guorgnau molim map meir are Stokes' and
Bradshaw's reading.
P. :;65, 1. II, criheî is to be struck out : crihot is probably the correct
form, belonging, as it seems, tothe â-conjugation: the
first person is crcham and the whole singular would
probably be :
1 . creham = *crihâmi.
2. *creha = *cnhasL
5. crilwt = crihât [/].
The / in the third person having been dropped at a
very early date, crihlti became crihot; where as the
/ having probably been retained longer in crihami
prevented the preceding â becoming 0, just as it
frequently does in words borrowed from Latin, e. g.
brakh from brâchium, maer from major, pabell from
pâpilio, etc.
P. ;6s, !. 21, trcorgain = tre « through » and org-am, with which
compare orgiat (gl. caesar; i. e. qui caedit) Gr. C-,
p. 859. So treorgam = « I eut or break my way)
through. »
P. 566, 1. 1 2, e/îar/mj stands probably for e«<2/rrma, the second ibeing
an obscure or irrational vowel not written in
airmaou.
P. 366, 1. 54, s. V. millnon : compare the late Latin mellitura in Diefen-
bach : torta « libus vel mellitura. »
P. ^y6-j, 1. 2], instead of tnvm = 'trom read : trwm= 'tram.
P. 569, 1. 8, s. V. cepriov : another scrutiny of the ms. must décide
between cepriou and cipriou : the former is favoured
by the modem ceibr, while the latter has the analogy
of such words as guiltiatou in its favour. The word is
to be compared with the French chevron derived from
a late Latin form caprio.
P. 374, 1. 37, s. v. holeu. I am nowinclined tothinkthat/io/eu i'^=/2v/e/)
can hardly be the correct reading on account of the
^04 Corrigenda et Addenda.
infection of the m : so I wish to suggest that what now
looks like an ii is merely the first part ofan/H, thc
rest having disappeared when the ms. was damaged
in this part : thus we should hâve liolem {= liylcj).
The mistakes I hâve made in my attempts to explain thèse glosses,
m\\ be readily excused by Celtic scholars, who, 1 hope, will kindly
suggest to me further corrections as well as explanations of what still
remains obscure in them.
John Rhys.
June 1 1, 1872; Rhyl, North Wales.
Nous profitons des pages blanches qui nous restent pour donner une note de
M. Nigra sur la dernière publication de M. Wh. Stokes , en regrettant que cet
article ait dû se proportionner à d'aussi étroites limites.
Goidelica. Old and early-middle-lrish glosses, prose and verse. Edited by
Whitley Stokes. Second édition. 184 p. in-8". London, Trùbner. 1872. —
Prix : 18 sh. (22 fr. $0).
Dans le <( proœmium » à la 2'' édition de la Gr. 'C, M. Ebel, parlant
de l'éditeur des Goidelica, dont nous annonçons ici la seconde édition,
s'exprime ainsi : (( Post ipsum conditorem ac parentem grammaticae cel-
)) ticae [Zeuss], haud facile quisquam invenitur, qui melius meritus sit
» de omnibus huius doctrinae partibus quam Whitleius Stokes '. »
Cet éloge n'est que mérité, et M. Stokes le justifie chaque jour davan-
tage par ses publications multipliées de textes et d'observations ayant
trait aux deux branches des langues celtiques. Ses études sur le verbe
irlandais, publiées dans les Beitmge de M. Kuhn en 1870-71 (vol. VI,
459, VII, i), ont fait connaître plusieurs formes verbales, qui étaient
restées inconnues à Zeuss et à Ebel, et elles forment le complément in-
dispensable de la Grammatica Celtica. Le recueil, dont il vient maintenant
de publier une seconde édition améliorée et augmentée, est non moins
important par la quantité de textes de l'ancienne langue irlandaise qu'il
contient et par les traductions et les remarques comparatives dont l'édi-
teur les accompagne souvent. L'espace réservé à cette annonce ne nous
1. Zeuss. Gr. C' XXXIX.
Bibliographie. 505
permet pas d'entrer dans un examen détaillé des Goidelica. Nous devons
nous borner à signaler cette nouvelle publication de M. Stokes à l'atten-
tion de tous les celtistes. Nous le faisons avec un vif sentiment de grati-
tude pour le nouveau et réel service que le savant linguiste irlandais
vient d'ajouter à ceux qu'il a rendus à la philologie celtique par ses nom-
breuses publications antérieures.
Les Goidelica contiennent : I. Les gloses irlandaises du ms. de Turin,
que M. St. publie, en tenant compte, avec des expressions dont je le
remercie sincèrement, de l'édition que j'ai faite de ces mêmes gloses, en
1869. H. Des extraits des gloses du ms. de Milan. IIL Id. des mss. de
Vienne. IV. Les gloses du ms. de Nancy, découvertes par M. d'Arbois
de Jubainville, dont les lecteurs de la « Revue » ont pu apprécier les
travaux extrêmement remarquables, et publiées avec une traduction
exacte et un excellent commentaire par M. H. Gaidoz dans les actes de
l'Académie royale irlandaise, X, 70-71. V. Une glose des Évangiles de
Mac-Durnan. VL Les gloses du ms. de Berne que je me réserve d'exa-
miner dans une étude spéciale. VIL Les gloses du ms. de Leyde.
VIII. Les gloses du Psautier de Southampton. IX. Les gloses irlan-
daises du « Liber Hymnorum » du Trinity Collège. X. Le Dùil Laithnc.
XI. Les notes irlandaises du « Book of Armagh. » XII. Les préfaces
irlandaises aux hymnes latins du « Liber Hymnorum « du Trin. Coll.
XIII. La partie gaélique du « Book of Deir. » XIV. Les hymnes irlan-
dais du <( Liber Hymnorum » du Trin. Coll. XV. Les poésies irlandaises
du ms. du couvent de Saint-Paul, en Carinthie. XVI. Les vers irlandais
du <( Codex Boernerianus. » — Le recueil est terminé par deux pages
de <c corrigenda et addenda, » auxquelles je me permets d'ajouter ici
quelques corrections, concernant les gloses de Milan.
P. 25 llthai Leg. Ml. i:^\d lithtai (g\. îesim)
» gl. rugatus » » 1 32cgl.corrugatus.ms.conro-
)) todaernam » » 135a todâernam
24 cruciatum « » « cruciatuum
)) trisnaceimmen » » 133/^ trisnacemmen
)) huad fadisin » » 133c huadi fadisin
» aitherrech » » 133^ aithirrech
25 ascada « » 134c ascadu
iG arùnntangar » » 135a arûnutangar
» cianudchanar » » « cian-
» remsedaigthe » » » remsetaigthe
» ndae » » i^'^c ndae
5o6 Bibliographie.
P. 26 inmeccun Leg. Ml. i^c inmeccunn
» Nota 47r immindairc, est le verbe imm-air-ic avec le pronom in-
fixe. La glose est « licet Salomonis personae... incinatur; )i
c'est-à-dire : « licet conveniat ei, directus sit ei, psalmus. »
Leg. Ml.
27
innun
»
forsnadrammaib
»
slain
»
modulus
).
nonnodiummusdigtis
))
ronsoirni
28
tindnacul
))
cach dib
29
cosochenelaigidir
))
doibsium
»
gl. delicta
))
huât ingnu
30
is due
»
huammuintir
»
gl. tinctum
?1
immaircidetaid
»
conterisedar
35
cena nidfris
»
cernetur
36
nequat
38
consennam
))
opprimât
43
dimisit sum
46
quamvis sit gravis ista
47
dilei
48
conroemi
5'
effecta
■3K
inniun
forsnaib druminaib
M6a
sLîin
136/'
modulum
»
-diummuss-
136c
nonsoirni
137^
tindnaccul
157c
cach diib
138c
-aigdir
«
doibsum
139c
gl. delicata
140^
uat ingnu
140c
is daé
143a
huanimuntir
142c
gl. distinctum.
144^
iminaircedetaid
145c
conterissedar
27/^
cenanid fris
30a
cernitur
31C
nequeat
35c
consernam
36a
devoret
53^
dimisit eum
6ib
quaevis sit ejus gravitas
68a
dileir
76a
conroemi
lOIC
effectu
C. N.
Nogent-le-Rotrou, imprimerie de A. Gouverneur.
Les numéros de la Revue Celtique ne se vendent pas séparément; on
s formant
;, 20 fr.;
;: Pour la
'. Vieweg,
,9 aris; pour
nir ymhob man aral, am hynny cyphre
dinaijl y gelyir nhyy ohlegid nad oes
un le nodedig ydynt, mijy noi gilid.
Mo. Beth a ijnaeth ichyi neyidio hen
y au rhai o'r cysseiniaid, mal eg yn ge,
ec, yn ce; ed, yn de, ag fely rhai erail he
fyd. Gr. Am fod yn hays gyybod yrth
yr lienyau yma, pa rai 0 honynt syd fu
diaid a pha rai syd hanner seiniaid :
canys yrth galyn yr henyau yma idynt
pobun syd ag e, yn nechrau i heny, a gy
frifir yn hannersain , a'r cysseiniaid
erail syd yn fudiaid. Ond pe cedyid yr
henyau hên, ni yasnaethai mor rheo-
ledig£th yma dim, a hays a fyd rhoi
rheoledigaethau byr'ion erail, onid
galy nhyy fal hyn. Mo. Beth a yna-
eth K, yn ych erbyn chyi, pan daflech
yhî alan 0 fysc y lythrennau cymraeg,
a hyd y bu hi vn 0 honynt? Gr. Am
G ij fod.
• le titre le
ist double,
'ent être
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s.
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oer annum
the Edi-
Franck,
Trùbner
is which are
5o6 Bibliographie.
P. 26 inmeccun Leg. Ml. 155c inmeccunn
27
« /oii, c, V" 4^digon yn i le lii. Ag nid ia-
" un oed .adel al an. c; syd ijedussach i
liiii yn gymhuyssacli i le, yn haus i'scri-
28
fennii, ag yn gymoradijy ymhob iaith
20 yma^r elfydion ladin yn arferedig yn-
» d/, a'r K, nid yu ond aldudes ymhob
» vn, o4ieithr y saesn£g ag ieithoed Ger-
^* mania, le cafaud y sa£sn£g i dechre-
' iiad. Mo. A uasn.utha, c. ymhob gair
le y guasnaetha K, fal y galer i galu
î, vn alu a là? Gr. Ymhob gair cymra-
»• eg maent ildijed m alu yn difade.
5 5 Ond meun geiriau ladin a chuenny-
cher i laferu yn ladinaid, c; 0 flaen. e,
ne. i. a fyd vn alu ag. s. ganmyyaf. Ond
da oed yn y mannoed hynny roi'r nod
yma tan i throed lu, mal y mae'r phra
46 ncod yn guneuîhur, Cyprianus, syd
47 ' .' raid i doedyd Svprianns cito pan dar
pho giineuthur gair ladin yn gymreu-
i'aul,
36
38
»
43
5'
Les numéros de la Revue Celtique ne se vendent pas séparément; on
s formant
;, 20 fr.;
;: Pour la
'. Vieweg,
aris; pour
21
gayl, a rhoi ido megis i fraït yn y gym
raeg, e geidu y lythyren hon yr vn ga-
in 0 flaen pob bogail, mal cddo, cela, ca-
no, cann, cenais, cecini. yr vn peth syd
oi jarnn ynghylch g; megis y doedais
am c ; canys hiîhaii yn y ladin a neui-
dia i galu oflaen. e. ag i. Mo. A gy-
frifir. h. ymysc y lythyrenau? Gr. Nid
yu hi lythyrc .dim, ond aryyd chuthiad
ne anadl cryf ar y fogail ne'r dyph-
dong ai' canlhyno; mal hael, haus : uei-
thie hi a bar grychu, ag anadlu y gys-
sain a fo oi blaen; mal, ymhlith, rhai,
yn nhy duu. Mo. Pessaul lythyren syd
yn y gymraeg urth hynny ? Gr. Nid
oes ond pedair arhugain angenrhei-
diaul i'scrifennu pob gair cymraeg :
canys e darfu difedu. h. o frainî lythy-
ren. Tu ag at am y tair erail diuaetha
fo doettyyd or blaê nad rhaid yrthynt
ond
' le titre le
;st double.
'ent être
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5o6 Bibliographie.
P. 26 inmeccun Leg. Ml. 155c inmeccunn
27
?o
51 '
o/2<i mew« geiriau groeg ne ladin. Mo.
Gen darjod doedyd digon ynghylch
in o'r pum peth oed oi iraethu yrth
dosparth y lythyrennau; madus belach
yu son am y daxi erail.
Guahaniad rhyng y lythyrennau. Cap. 4.
Ma'r gualian syd rhyngthynt, canys hyn
jj ny yu'r pedueryd peth? Gr. Yn gyn-
ji taf ei rhennir nhuy yn fogeiliaid, ag
»• yn gysseiniaid. Mo. Pa heth y y bogail
3 5 ne gyssain? Gr. Bogail yy lythyren, a
" ' yna ar i phen ihun lafar perphaith. A
„ chyssain y y pob vn, ni yna lafar per-
jj phaith yn y byd heb gymorîh bogail
A-i y gydseinay a hi. Mo. Pessayl bogail
46 syd yn y gymraeg? Saith. a. e. i. 0. u. y.
47 y. ond e yna rhai yyth, 0 heryyd bod
daa lafar i y, vn toyyl mal y mae, idi
yn V
Les numéros de la Revue Celtique ne se vendent pas séparément ; on
s formant
20 fr.;
Pour la
', Vieweg,
aris; pour
yn y geiriau liyn, phyd . crefyd, yf, a
phob amser y bo yn y silaf diuaethaf i
air : canys yna nid oes eglur rhagor
rhyngthi ag. u. ond pan fo hi meyn si-
laf au erail, o flaê y diudthaf, ef a fyd
eglurach i lais a'r rhagor rhyngthi ag
u. mal yma^ phydlon, crefydol, yfed. Am
hynny y geluir hi yn y cyfleoed yma, y
eglursain, ne y agored; yn y leoed erail
o,r blaen, ef ai henuir, y, doyyl, ne y ga-
uedig. Mo. Mi a yn yrîh a doedas-
soch o'r blaen paru y geluir hi eglur,
ne doyyl : Ond ni doedassoch etto pain
yr henuir hi y. agored, ne. y. gauedig.
Gr. Pan fo hi a sain doyyl idi, rhaid
eau myy ar y guefussau urth i doedyd
hi : eithr pan fo hi yn eglursain, rhaid
agori'r gyefussau yn led, ag ynol hyn
ny y cafod amrafael henuay.
• le titre le
ist double,
fent être
Vieweg,
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Franck,
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is which are
5o6 Bibliographie.
P. 26 '(tneccun Leg. Ml. \]<^c inmeccunn
27
24
Dospartli ar y dyphdongiaid. Cap. 5.
»
28 Mo. A elir cyssyldu diiy fogail i uneu-
» thur vn silaf? Gr. Gelir, ag yeiîhiaii
29 dair, a'r rhelni a cluir dyphdongiaid.
Mo. Beth yit dyphdong^ Gr. Duy fo
gail ne dair ynghyd, yn gyneuthur vn
,Q , silaf a sain cyfansodedig. Mo. Pa
» fo4 y parthir y dyphdongiaid y ma?
^> Gr. Ei rhennir nhijy yn dyphdongiaid
^' rhoyiaijg, ag yn dyphdongiaid afroui
aijg. Mo. Pain y geluir nhuy dyphdo-
„ niaid rhoijiog? Gr. Yrhain syd dyph-
î6 dôgiaid rhouiog, a fydant uedi y cys-
38' syltu 0 duy fogail yn vnig, a'r flaenor
* yn cael i chijbl lais, a'r dylynaul hefyd
heb goli moi lafar hiîhau chuaith .
mal, ai, ci. Mo. Beth yy bogail flae-
45
4É
47
A^ nor, a bogail dylynaul ? Gr. Y gyntaf
y or duy fogail mcun dyphdong a eluir
' laenor,
Les numéros de la Revue Celtique ne se vendent pas séparément ; on
'-"S formant
i, 20 fr.;
:: Pour la
'. Vieweg,
2j aris; pour
hlaenor, vr ail a henuir dylynaul. Mo.
Pessaul dyphdong rouiog y syd? Gr.
Pedair ardeg. vi y mae. u. yn dylynaul
yndynt, a thair y mae. i. yn diuaeîhaf,
dijy y mae. e a dijy y mae, y ; yn can-
Ihyn ag. y. syd dylynaul meun vn yn
vnig; a; ag. o. nibydant dylynaul bith
meun dyphdong rouiog. Mo. Mi a
uelaf nad oes ond pum bogail a eil fod
yn dylynaul meun dyphdong rouiog, s,
u; i; e; u\ y; doeduch pessaul blaenor a
fyd i bobû, Gr. Fal dyma 'r mod i ueled.
• le titre le
;st double,
'ent être
Vieweg,
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'[lu 5 blaenor e mal, rhei
6 blaenor
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yu a aeth
e.
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euthum i flaenor u mal uy
y. ' D. '
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To the Edi-
A. Franck,
-
irsTRÙBNEK
is which are
not asKcu îorr
-q5 Bibliographie.
P. 26 -.tmeccun Leg. Ml. 135c inmeccmn
27
26
) itfo. 0;?/^ V(i/w e, ynfldenor i y, hefyd mal
» yn y gair y ma teyrnas? Gr. nid dyph-
' dongydyy ey yno, eithr duy silaf yaha-
*' nedig etto er hynny yrth fesuro ce-
rd ni byd fynychaf ond ymraint vn
^j silaf, megis hoeu, gloey. Mo. Mi ach
,) clouais chyi amser aral yn doedyd,
» mae vn silaf oed hoey a gloey. Gr.
30 Fely y doyad y prydydion i minnau.
'* Ond yn hyn 0 beth gyel gennyf gan-
Ihyn y ladinyyr, a farnât yn amrafael
silaf au, le ho amryy accennau, megis
, , y mae yn y geiriau y ma, vn ar hoe, a
» honno yn lem, ne yn dyrchafidul, vn
36 aral or y, a honno syd hyl, ne dyscynni
3^ ayl, yr vnphunyd y mae barnu am y
'* gair gloey, mal y cair gyeled rhaglay
^ pan elom i 4osparth yr accennau. Mo.
Urth ofyn, hyn, mi ach dugum chyi
a] ' odiyrth y peth oed oi draeihu. s. blae-
i nor
Les numéros de la Revue Celtique ne se vendent pas séparément; on
sons formant
aris, 20 fr.;
■crit: Pour la
l.F.Vieweg,
27 à Paris; pour
norion y. Beth am a, yn y gâir y ma ba-
ych, ne yn hun baytio. Cr. Nid fely y
dylyd i'scrifennu nhyy, eithr, baich
baetio, mal y gyelir rhaglau.
lo. Mi ach douais yn ion am dyphdon-
giaid ialgrynnion, gyib ledfau, a die-
ithr, beth yu pob vn o'rhêini. Cr. Nid
y ma mae dosparth y'rheini, eithr yn y
rhan diyaethaf, a elyir tonydi£th, ca-
nys at y cynghanedion y perthynant
yn gynt nog at iaunscr. A digon yu son
yma am bynciau anhepcor i yr, achyê
nychai dyscu scrifennu yn goyir, etto, i
dorri ych blys chyi rhaid y y doedyd pa
rai ydynt. Talgron y gelyir, au, a phob
dyphdong royiog y bo, u, dylynayl yndi
a hefyd ymbel dyphdôg afroyiog, mal,
gyas, gyin, gyych, Pob dyphdong royi
og aral, a elyir ledfau. Mo. Beth yu
dyphdong afroyiog, ne dieithr, Canys
D ij mae'r
. sur le titre le
ires est double,
doivent être
F. ViEWEG,
^aris.
X auteurs les
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Df subscribers.
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To the Edi-
A. Franck,
not asKtu for.
irsTRÙBNER
is which are
5o6 Bibliographie.
p 26 .mt"-'-"'' '•^^- ^^- '^^^ inmeccunn
27 28
»
„ mder dau henij hunnu idi ni. Gr. Poh
), dyphdong y ho, u. ne, i. yn flaenoriô, heb
» gael nai sain, nai haccè ond yn eguan
20 douil, a^r dylynaijl yn myned a phob
" vn or dau ganmyyaf igyd, mal gi/an,
29
gyaith, guyd, chuyn, chuith, iar, iaith,
„ chui a yelych fod, u. ag. i, yedi todi i
» haccen ai lafar. Ag am i bod yn diei-
3c thro 0 diurth naiur dyphdong royiog,
* a ryd ran o^r accen a'r lafar i'r flae-,
nor yn gystal ag, i^r dylynayl, ei gelyir,
dieithr, ne a froyiog. Mo. Pessaul
,f peth syd yn gyahan y nail odiyrth y
» lai. Gr. layer ond tri yn anuedig; yn
36 gyntaf, ni byd meyn vn royiog fyth
5" ond dyy fogail; yn yr afroyiog yeithi-
aa e gair, tair, mal, iaith heblay hynny
y royiog a ryd i rhan o'r lafar a'r ac-
4
A' cen i-r flaenor ag ir dylynayl yn gystal
4' bob un ai gilid, yr afroyiog a ryd y rhan
5 fyyaf
Les numéros de la Revue Celtique ne se vendent pas séparément; on
sons formant
aris, 20 fr.;
.crit: Pour la
1. F. Vieweg,
29 * à Paris; pour
ftjyaj ir fogail, ne i'r dyphdong dyly-
naijl. Hefyd urth ganu, ni chydodla'r
rouiog ond a hi i kunan, yr ajroinog a
gydodla ueithiaii a bogail sengl ne a
dyphdong rouiog. Mo. Pessaul blae-
nor a eil fod i dyphdong af rouiog? Gr.
dyy, i, ne u. Ni chair u fyth heb nail ai
ch, ynîau. g, oi blaen mal chuith, guan.
Mo. Pessaul dylynaul syd i^r dijy flae-
• nor yma? Gr. Pob dyph4ong rouiog,
gan muyaf a phob bogail sengl, megis
y mae oi gyeled yn y dafulan yma.
; sur le titre le
ires est double,
doivent être
F. ViEU-EG,
^aris.
X auteurs les
3 amount of
n a Post Of-
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01 subscribers.
'ds per annum.
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by:
To the Edi-
A. Franck,
not asKcu tor.
jrs Trubner
is which are
,o6 Bibliographie.
P 26 •./m^'—" ^'^^- ^^- '^^^ inineccunn
27
»
30
au
guaud
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K
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0 flaetï
au
mal,
gyau
dyphdong
ei
gueini
eu
gyeuyd
ou
gyoydyd
îc a iar
i e leruerth
»
0 flaen 0 mat, ior
j^. bogail y iyrch
5 5 y iyrchod
»
5?-
ai
iaith
ae
iaeth
/
au
iau
0 flaen
au
mal,
iayn
dyphdong
ei
ieiîhyd
oy
ioynach
Vei-
Les numéros de la Revue Celtique ne se vendent pas séparément; on
sons formant
aris, 20 fr.;
.crit: Pour la
I.F.Vieweg,
3* à Paris; pour
^eithiau e gymnr. i. o flaen y bogeiliàid
ner dyphdongiaid hyn a'r i phen ihun
ag yna nid dyphdong eithr duy silaf
fydant mal yma, priod, dial a da oed
yn y cyphelib koed, roi dau ditl uuch i
pennau fal hyn prïod , dïal. Mo. Pa
ham y rhoessochyi yy ymysc y dyphd.
rhojjiog : a chuedi hynny chui ai burias
soch ymlhith y rhai afroyiog. Gr. Am
fod ganthi dau sain : canys nid va
al y yy hi yn y geiriau yma gyyn, cyyn,
gyyd, gyyd, celyyd, aryyd Mo. Oes
fod, î'dnabod pa bryd y byd hi yn rho-
uiog, a pha bryd yn afroyiog"^ Gr. Os
afroyiog a fyd hi, ni sai hi ond yn ni-
yed gair a phan ystynner y gair, nés i
bod yn aildiyaeiha hi a dry yn. y. mal
gyynnn gynnach ; gyinyyd, guinuden
celyyd, celydog : etto pan fo'n dyphd.
royiog hi a drig ymhom mam cystal ai
gilid
i sur le titre le
ires est double,
doivent être
F. VlEWEG,
^aris.
X auteurs les
2 amount of
n a Post Of-
of subscribers.
ids per annum.
by:
To the Edi-
A. Franck,
not asKcu for.
5rs Trùbnf-r
is which are
,q6 Bibliographie.
P. 26 ,m<"-'-"" Les. Ml. lUC inmeccunn
27 J2
g;7/^ ma/, c/yvn, ^Vy^au, gyyd^ gvy4<^^
jj flrwj'd aryydhau. Mo. Mi auelaf )n
,) iounda beth yu bogail , a phessaiil un
28 ij^ 0 honynt, a pha fod i gijnair dypli-
'^ dongiaid oi cyssult nhyy. Moessych
^5 belach dosparth ar y cysseiniaid : ag 0
flaen pob peth doedych beth yu cyssain.
,j Gr. lythyren ne elfen ni yna fyth lajc-
3c ryd perphaith ar / phcn i hiin, heb gy-
» moflh bogail. Mo. Pcssayl vn syd 0
'* honynt Gr. Dyy ar bymtheg, chyech
' ■ a elir i galy hanner lajerayg ne han-
ner bogeiliaid : /. / . m. n. r. s. a'r m ardeg
35
„ crail a gyfrifir yn fudiaid : ag o'rhain
36 mae tri theulu iniid anghenrhaid /'
3^" gyybod. Mo. Ai rhaid dosparthu yn
'* fanylach na hyn y cysseiniaid yma ?
Gr. Rhaid yn yir, os myn dyn yybod y
., lyybr syd i'scrifcnnn ne i doedyd cym
4; racg yn dilediaith : Am hynny y byd da
j dyscu
Les numéros de la Revue Celtique ne se vendent pas séparément; on
sons formant
'aris, 20 fr.;
xrit: Pour la
1. F. Vieweg,
à Paris; pour
??
dyscu vn fyfyr u guhà a'r henuau sy4
idynt, yrtli yrhain y gelir rhoi rheole-
digaethau byrrion i d'anges pa fod y
neyidir y nail lythyren a'r lai iirth gys
trauennu'r geiriau ynghyd. Ag o eis
siau gyybod y pethau hyn, y mac cyma
int 0 floescni a lediaith ar y sae^ô ur
th doedyd cymraeg. Canys ni neuidiât
huy mo'r (ythyren gyntaf i'r gair, ond
i chadu ymhob man, a hynny syd yn er-
byn îegucli a phriodoldeb yn hiaith ni,
a diflas ynghlust cymro : megis pe doe-
dai vn, pen, fy pen i, dy pcn di, a pen y
bryn. Os yn gymreigaiij i doedid, rhaid
oed neyidio, p. fal hyn, pen, fymlien, dy
ben, a pheb y bryn. Ar un peth syd ra-
id i yneuthur meyn geiriau a deckre-
uanî a lythyrennau erail, megis y dâ-
gossaf rhag lay. Mo. I bessayl rhan y
gyahenir y cysseiniaid yn gyntaf, yrtli
E hyni'
ne.
t sur le titre le
ires est double,
doivent être
F. VlEV^-EG,
Paris.
X auteurs les
2 amount of
n a Post Of-
of subscribers.
j(^5perannuin.
by
To the Edi-
A. Franck,
not asked for.
srs Trùbnek
is which are
jo6 Hihlio graphie.
P. 26 Amfrrun Leg. Ml. i^^c inmeccunn
27
28
M
/!}'/î.'' Gr. _yrt duy ran : canys mue pob
cyssain nail ai yn lefn, yntau yn grech
Crychion y geluir pob vn a fo a gryin
h. yndi; ysef yu, yn anadlog yrth i lafe-
ru, megis, ch. ph. d. rh. Ih. l. a^r cy-
» phelib, y lail igyd a elyir lyfnion. Mo.
» Pessaijl bath syd ar lythrennau cry-
» chyion? Gr. Rhai 0 honynî syd 0 na-
î^ turiizth yn grychion, ag ai geluir cry-
chion anianavl : mal. ch. ph. th. erail 0
j 1 naturixth syd lyfnion , ond 0 damyain
» nhuy a gant anadl cryf yeithiau : mal.
3J Ih. rh. megis yma, fymhlaid, fymhren.
" Heblau rUiain mae rhai ag anadl ys-
' ,^ cafnach' yndynt nog syd gen y cryckiô
anianavl nid 0 damyain, ond 0 natii-
fi£th, ag ai gelyir yscafngrychiô, mal,
d. /. eithr, fh. ag, Ih. a elir i galy crychiô
4' damyeiniaul. A hefyd da oed nodi
4 hynnyma, nad oes vn gair cymraegaul
5 ai '
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s'abonne pour un volume qui paraît en plusieurs livraisons formant
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AVIS AU RELIEUR.
Les feuilles in-3 2 qui accompagnent chaque numéro de cette revue
ne doivent pas être reliées avec elle ; elles doivent être mises de côté
jusqu'à ce que cette réimpression fac-similé ait été achevée dans les
prochains numéros de la Revue.
DIRECTION TO THE BINDER.
The 32mo sheets which accompany each number of this magazine
must not be bound with it ; they are to be kept aside until this fac-
similé reprint has been completed with the next numbers of the
,, Revue. "
Vient de paraître à la librairie Franck, 67, rue Richelieu, à Paris.
De l'authenticité des chants du Barzaz-Breiz de M. de la Villemarqué, par
F. M. LuzEL, lauréat de l'Institut. Brochure gr. in-8^ i fr.
Nogent-le-Rotrou, imprimerie de A. Gouverneur.
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